Quand nous sommes « absorbés » par nos pensées nous ne pouvons que difficilement ressentir notre corps. En plein débat philosophique demandez à celui qui parle de vous décrire la position de ses pieds. Il lui faudra plusieurs secondes pour pouvoir y répondre et ce sera au prix d’un petit effort de concentration.
La balance entre la pensée et le ressenti fonctionne comme une véritable balance, les deux plateaux ne peuvent être en haut en même temps, ni en bas d’ailleurs. Si la pensée travaille, son plateau est en haut et, automatiquement, le ressenti est au plus bas.
C’est de là que provient probablement la « distraction » légendaire des grands esprits, comme le professeur Tournesol, emportés dans leurs pensées, ils en oublient le réel.
On ne peut pas être dans la pensée et dans le réel en même temps.
Car les mondes de la pensée sont des mondes virtuels, non réels.
Si vous êtes centré sur votre corps, vos sensations physiques, votre rythme respiratoire alors vous êtes dans le présent.
Votre corps est dans le présent, il ne se soucie pas d’avenir ou de passé, il est le présent. Il est votre ancre, vos racines, ce qui vous maintient stable dans le réel.
A force de vouloir « comprendre », de saisir au travers de concepts la réalité, nous vivons dans un monde parallèle, virtuel, une contrefaçon du monde. Une reproduction à la misérable échelle de notre cerveau.
Les connaissances de l’esprit n’ont pas de réelle existence et, contrairement à ce que nous imaginons, n’ont rien à voir avec la réalité. Ce sont tout au plus des analogies, des évocations, des allégories.
Même au travers du langage mathématique, pourtant réputé si précis, il ne s’agit que de représentations mathématiques du réel, pas du réel. Il s’agit d’un medium, d’un moyen intermédiaire et analogique, Il ne faut pas confondre la représentation d’une réalité avec la réalité elle-même.
Mais le monde est vaste, la conscience est infinie, contrairement à notre capacité à conceptualiser.
Je peux décrire ce que je ressens lorsque je plonge dans la mer, lorsque je ressens cette légère brise de printemps sur mon visage, lorsque je me laisse bercer par le bruit d’une cascade, lorsque la musique du Requiem de Mozart emporte mon cœur dans cette cathédrale ou bien encore lorsque je réalise à quel point je suis amoureux, mais nous savons tous le gouffre qui sépare ces descriptions, du vécu réel de la chose décrite.
On ne comprend bien qu’avec le corps, le ressenti, la perception fine des énergies qui circulent en nous et tout autour de nous. On aborde la conscience avec la conscience, pas avec des concepts.
Alors bien sûr la pensée peut être utile dans la vie de tous les jours, c’est un bel outil qui permet de résoudre bien des problèmes concrets, qui nous permet de communiquer ici par exemple, mais cet usage ne devrait pas prendre le dessus sur tout comme dans nos sociétés modernes et particulièrement dans tous les métiers qui n’engagent à aucun moment le corps.
Il s’agit de replacer les choses dans l’ordre où elles ont prévalu en 200 000 ans d’existence de l’homo sapiens.
Ressentir doit être le maître et penser l’outil, jamais le contraire.
Je vous souhaite de ressentir, d’éprouver ou, pour le dire plus simplement, de vivre afin d’aborder le monde par le vrai et dans toute sa dimension.
Cela vous permettra d’éviter le piège de se laisser enfermer dans la cage du mental qui réduit l’immensité à sa pâle représentation dans la petite boîte de notre cerveau.
La vie dans son immensité plutôt que la médiocre contrefaçon qu’en font les représentations intellectuelles et les imitations du langage.
Je vous souhaite d’habiter votre corps inextricablement, de ne jamais perdre ce lien.
Jean Antoine Arnau
****************