Pour y parvenir, la méditation, conçue comme une « alchimie interne » joue un rôle essentiel.
Alexis Lavis
...Mais avant de voir comment se déploie l’horizon méditatif propre au taoïsme, concentrons-nous sur le sens même de ce terme, dào ou tao. On le traduit communément par « Voie ». Si cette traduction n’est pas fausse, elle ne rend pas pleinement compte de toute la richesse du sinogramme. Il est en effet composé de deux parties.
L’élément de droite désigne l’idée de mouvement, l’allant, de quelque chose qui entraîne et nous entraîne. L’élément de gauche signifie à la fois la rectitude et l’ordre ou l’ordonnancement. Si l’on associe ces deux sens, nous obtenons celui de « régulation ». Le dào, bien plus qu’une voie ou qu’un chemin statique est tel un courant (au sens océanique) qui anime autant qu’il régule. Il ne s’agit donc pas tant pour le pratiquant d’emprunter un chemin que de se laisser entraîner par une lame de fond à même de transformer toute son existence en la replaçant dans une régularité plus originaire, plus vitale que les règlements nés des conventions, des circonstances et des caprices de la volonté. Ainsi le dit Liezi : « Le pratiquant rentre dans le grand métier à tisser du dào, le va-et-vient de la navette, la série des transformations qui recommence inlassablement. »
MÉDITER DANS L’HORIZON DU DÀO?
« Méditation » se dit ordinairement chân en chinois. Ce terme est la translitération phonétique du sanskrit dhyâna, qui est un des noms de la méditation dans le bouddhisme. Malgré son origine étrangère, les taoïstes recourent aussi à ce mot pour désigner leurs pratiques méditatives; principalement celles qui ont pour fin l’apaisement, l’approfondissement du silence et du repos (jing). L’influence du bouddhisme ne se réduit d’ailleurs pas au seul emprunt nominal. Les différentes écoles du taoïsme ont en grande majorité repris les techniques méditatives bouddhiques d’attention à la respiration, au corps et aux pensées en vue de cultiver un sens très fondamental de paix. Ainsi le terme « chân » désigne-t-il pour elles un ensemble de pratiques dédiées à la quiétude du corps comme de l’esprit.
Mais il existe un autre mot, celui-ci proprement taoïste, pour signifier l’ensemble des pratiques dites méditatives, et qui nomme fort bien la visée originale de la méditation dans l’horizon du dào : xiü liàn.
Le premier terme (xiü) est habituellement traduit par « pratique », mais il faut l’entendre à partir des idées de réparation, de fixation puis de décoration ou d’ornementation. Il s’agit ainsi d’une activité d’amélioration opérée à partir d’une consolidation et d’un embellissement.
Le second terme (liàn) est des plus intéressants. Il signifie littéralement « sélectionner par le feu » - chez nous « passer à l’épreuve du feu ». On le retrouve dans des expressions relatives à l’art de forger le métal, de raffiner l’huile ou d'extraire ainsi la méditation taoïste comme une pratique de transformation, de transmutation, où l’esprit devient corps et le corps esprit, tous deux réunis dès lors dans une vitalité renouvelée.
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