"Dire du mal est devenu normal, banal, une obligation compulsive, sinon, exister est impossible. En politique comme en littérature, dans la vie quotidienne, dans tous nos déplacements. Symptôme d'une grande peur chronique ? Course à l'audience, effet de concurrence sauvage ? Les médias s'amusent cruellement, intouchables et irresponsables. Ils donnent à longueur de jours l'exemple consternant d'une accumulation d'humeurs racoleuses où tout se vaut. Des deux côtés du miroir de la vie publique, j'ai vu se développer de façon irrésistible cette habitude de railler tout, de critiquer, de détruire. Comme si chacun d'entre nous ne se rendait plus compte qu'en disant du mal des autres on dit du mal de soi."
Il y a tant de bruits énormes qui assourdissent les jours. Ils semblent irrésistibles, forteresses d’images et de paroles qui s’abattent sur des peuples désormais tous reliés au point qu’il n’est pas inutile de redouter un asservissement unique.
Cette perspective n’est pas réjouissante alors j'écris aussi pour que nous puissions inventer des rythmes de vie qui s’égarent, des lignes de pensées enrichies d’affluents étrangers, que nous mélangions nos cultures, que demain, beaucoup plus tard, ils (nos descendants) puissent se moquer de nos peurs d'aujourd’hui, de cette manie que nous avions, diraient-ils alors, de dire du mal de tout, tout le temps.
Il faut sans attendre cultiver la discrète vertu de savoir se taire. Oh pas question de retraite entre quatre murs, d’abstention ou d'indifférence. L’éloge du muet serait pervers et débarrasserait les petits dictateurs qui sommeillent ici ou la-bas, à la tête d’un État, d’une grande société multinationale, de toute inquiétude...
En revanche, le pressentiment de la nécessité du silence, de la réserve, de l’attention ralentie, pesée, à la nature humaine, le choix des mots qui frappent sans blesser, des signes qui marquent sans mépriser, seraient utiles. La tentation de réduire au silence ce qui dérange est constante chez l’homme puissant. Il a deux armes : celle de la censure et celle du brouhaha.
Fermer les voies des voix populaires ou laisser toutes celles-ci s’annihiler. Interdire est impossible désormais. L’eau s’échappe des mains. Le monde numérique est une vague inarrêtable. C’est l’homme qui a créé ce dérèglement technologique, ouvert des vannes immenses où nous sommes désormais engagés sans capacité de revenir en arrière. Jadis on appelait ça le progrès. Certes. Et tant mieux. Il reste donc le grand bruit général, facteur de libertés et de tyrannies. Dire du mal est un signe de vitalité qui transporte en lui, virus constant, le gène de la défaite. Il reste le défi de bâtir une harmonie. Par l’éducation aux médias, par le rappel constant à la vérification des faits, à la rigueur intellectuelle, par le respect des idées des autres, par la tolérance vigilante, cette aptitude à écouter ce qui n’est pas soi, à ne pas prendre pour attaque personnelle telle ou telle critique, par le désir d’avancer sinon c’est triste.
Et moi j’aime éclater de rire.
Claude Sérillon
Dire du MAL
Il y a tant de bruits énormes qui assourdissent les jours. Ils semblent irrésistibles, forteresses d’images et de paroles qui s’abattent sur des peuples désormais tous reliés au point qu’il n’est pas inutile de redouter un asservissement unique.
Cette perspective n’est pas réjouissante alors j'écris aussi pour que nous puissions inventer des rythmes de vie qui s’égarent, des lignes de pensées enrichies d’affluents étrangers, que nous mélangions nos cultures, que demain, beaucoup plus tard, ils (nos descendants) puissent se moquer de nos peurs d'aujourd’hui, de cette manie que nous avions, diraient-ils alors, de dire du mal de tout, tout le temps.
Il faut sans attendre cultiver la discrète vertu de savoir se taire. Oh pas question de retraite entre quatre murs, d’abstention ou d'indifférence. L’éloge du muet serait pervers et débarrasserait les petits dictateurs qui sommeillent ici ou la-bas, à la tête d’un État, d’une grande société multinationale, de toute inquiétude...
En revanche, le pressentiment de la nécessité du silence, de la réserve, de l’attention ralentie, pesée, à la nature humaine, le choix des mots qui frappent sans blesser, des signes qui marquent sans mépriser, seraient utiles. La tentation de réduire au silence ce qui dérange est constante chez l’homme puissant. Il a deux armes : celle de la censure et celle du brouhaha.
Fermer les voies des voix populaires ou laisser toutes celles-ci s’annihiler. Interdire est impossible désormais. L’eau s’échappe des mains. Le monde numérique est une vague inarrêtable. C’est l’homme qui a créé ce dérèglement technologique, ouvert des vannes immenses où nous sommes désormais engagés sans capacité de revenir en arrière. Jadis on appelait ça le progrès. Certes. Et tant mieux. Il reste donc le grand bruit général, facteur de libertés et de tyrannies. Dire du mal est un signe de vitalité qui transporte en lui, virus constant, le gène de la défaite. Il reste le défi de bâtir une harmonie. Par l’éducation aux médias, par le rappel constant à la vérification des faits, à la rigueur intellectuelle, par le respect des idées des autres, par la tolérance vigilante, cette aptitude à écouter ce qui n’est pas soi, à ne pas prendre pour attaque personnelle telle ou telle critique, par le désir d’avancer sinon c’est triste.
Et moi j’aime éclater de rire.
Claude Sérillon
Dire du MAL