LORSQU’ON PRATIQUE ZAZEN, LE CORPS PREND LA FORME DU CALME !
CALME !
Une manière
d'être qui fait d'un homme un être humain.
Manière d'être
aujourd'hui refoulée au profit de réactions affectives et mentales telles que l'agressivité,
l'emportement, l'irascibilité, la provocation, l'insulte ou pire encore le coup
de poing.
A l'occasion
d'un question-réponse, je cite la réponse donnée par un maître Zen à qui on demandait
en quoi consistait sa méthode. Il répond : « ma méthode est le calme et la
sagesse
! Là où est le
calme est la sagesse ; là où est la sagesse est le calme ».
Ce sage chinois (7ème siècle) évoque le —grand calme— qui est le symptôme de notre état de santé fondamental. Il s'agit de l'ataraxie qu’Epictète, au premier siècle de notre ère, considère comme étant le plus grand bien auquel l'homme puisse accéder au cours de son existence. Le grand calme n'est pas à confondre avec un calme relatif que chacun peut reconnaître de temps à autre ; cette impression d'accalmie éprouvée après un effort ou à l'occasion d'une situation satisfaisante sur le plan de l'ego.
Il m'arrive
d'entendre des personnes qui redoutent dans cette quête du calme une fuite du réel
ou un refus de s'engager dans le combat social incontournable à notre époque.
Au huitième
siècle, au Japon, dans le milieu des samouraïs on soulignait l'importance de l'intériorité
dans l'entraînement aux arts martiaux. Atteindre le calme intérieur et le maintenir
en toutes circonstances, permettait une plus grande efficacité au cours d'un combat.
Au treizième siècle, l'arrivée des armes à feu a changé la donne. Dès lors, et
jusqu'à aujourd'hui, la pratique des arts martiaux n'a plus pour but de vaincre
un ennemi extérieur mais de faire l'expérience du calme intérieur, de la
sérénité, de la confiance en soi.
La
signification du kanji ZEN, transcription phonétique du mot sanscrit jhän
signifie : recueillement calme ; contemplation calme.
La Voie du Zen,
proposée par Graf Dürckheim à l'homme occidental dès son retour du Japon (1947)
est : la culture du calme parfois formulée comme étant la culture du silence.
Ce qui
distingue et caractérise Graf Dürckheim, parmi les occidentaux -peu nombreux-
qui se sont intéressés au Zen à la fin du dix-neuvième siècle, est l'importance
et l'implication du CORPS, du corps que nous sommes, sur ce chemin d'expérience
et d'exercice. Il écrit que :
"Par sa
manière d'être en tant que corps, chacun témoigne s'il est plutôt calme ou
agité, confiant ou méfiant, serein ou affairé, paisible ou inquiet ...".
Afin
d'atteindre ce plus grand bien, le calme intérieur, l'homme doit s'exercer
ajoutait Épictète.
Le Maître Zen
Hirano Katsufumi Rôshi, que nous avons reçu au Centre ces dix dernières années,
attirait régulièrement notre attention sur le fait que :
— "Lorsqu'on
pratique zazen, le corps prend la forme du calme" —
J'aimerais
comprendre ! Désir compréhensible. Mais le sens de cette indication reste caché
à la curiosité purement théorique. Le sens de cette indication ne s'ouvre qu'à
celui, celle, qui l'approche en chercheur.
La pratique de
zazen, de même que la pratique d'un art martial, est un voyage introspectif qui
ne passe pas par la pensée, par l’analyse mais par l'action, la sensation et le
ressenti.
Au cours d'un
séjour au Japon, un maître d'Aïkido me disait que "il est difficile
d'enseigner l'Aïkido aux occidentaux, particulièrement aux ... Français".
Pourquoi ? "Parce qu'ils cherchent à comprendre ce qu'est l'Aïkido, ils
cherchent à comprendre comment faire telle ou telle technique. Mon collègue les
invite à ne plus utiliser le verbe comprendre et à le remplacer par le verbe
avaler ! Ajoutant que ce qu'on avale est ensuite digéré ; et que c'est ce qu'on
digère qui nous transforme".
L'exercice
pratiqué au Centre Dürckheim est ZAZEN.
L'amalgame que
certains font entre méditation de pleine conscience et zazen est une contrevérité.
Même si on utilise la même position pour pratiquer zazen ou pour méditer, la manière
de pratiquer est très différente si on médite ou si on pratique zazen. "Il
y a mille et une manières de méditer mais il n'y a qu'une seule façon de
pratiquer zazen" (Hirano Roshi)