Tout l'été, nous les avons accueillis... Ils et elles s'appellent Léopold, Noémi, Mélissa ou Jean-Marc... Ils sont enseignants ou à la retraite ; elles sont médecins ou femmes au foyer... Ils ont fini leurs études depuis plus longtemps qu'ils n'ont envie de compter, ou bien attendent avec impatience leur première année de fac ; elles s'engagent tout juste dans la vie dite « active » ou bien s'émerveillent devant leur premier petit-fils... Ils et elles viennent par curiosité, par hasard ou par conviction mais, pour tous, passer quelques jours avec nous, partager notre quotidien tant dans son silence que dans ses activités n'est pas toujours chose facile.
Dès l'entrée, un petit panneau demande d'éteindre les téléphones portables : une retraite, c'est un moment de coupure. Il s'agit d'entrer dans un autre temps, non plus celui du loisir ou du travail, mais celui de la contemplation et de la présence. Il faut pour cela accepter de mettre un peu d'écart, même avec les plus proches, pour se retrouver seul en soi-même - difficile à croire au début, mais c'est exactement là où, au final, nous retrouverons tous les autres.
Pour tous, d'abord, c'est la solitude de l'arrivée dans un endroit nouveau, solitude d'être entouré de personnes inconnues, souvent vite jugées à première vue : « Elle a l'air sympa ; ils ont l'air pas drôles... » On ressent la nostalgie alors des êtres aimés, du chez-soi. Et viennent les premières difficultés : il faut se lever à 5 heures pour la méditation, il faut partager sa chambre avec d'autres personnes, il faut répondre à la cloche des repas...
On ne s'y reconnaît plus. De tous ces changements naît la peur d'un dépouillement tant psychologique que matériel : tant de choses nous entourent d'habitude, amortissant, si l'on peut dire, la vie brute, directe. Ce sont, bien sûr, les objets, de plus en plus, mangeurs de temps, amis du bavardage et du temps passé trop vite, tout ce que nous devons mettre de côté maintenant. Mais surtout : tout comme les murs de notre maison nous protègent du chaud et du froid, nous avons érigé des barrières mentales pour nous protéger de nos peurs, de nos souvenirs, des autres ; elles ne sont en fait, et nous le savons, que protections illusoires, tant de fois démolies, tant de fois reconstruites... Comme des maisons sans fenêtres, elles empêchent l'air, le soleil, la vie même de nous caresser, de nous réchauffer, de nous atteindre. Mais nous avons si peur de les perdre ! Pourtant, lorsqu'au fil des heures, ces murs intérieurs s'érodent, laissant entrer en nous chaleur et joie, lorsque, de n'être plus enfermé, notre espace intérieur devient de plus en plus vaste, la respiration de tout notre être s'amplifie, nous ouvrant au mystère de la profondeur de l'être. Seul en soi-même : c'est d'une autre solitude dont il s'agit ici, non pas de la solitude imposée par les circonstances de notre vie, voile de tristesse qui obscurcit les jours et les nuits, ni de celle qui est choisie librement, espace nécessaire d'attention à soi. Seul en soi-même, et pourtant empli de tous les autres à travers l'amour : solitude pleine, plénitude - au bout du chemin.
JOSHIN LUCE BACHOUX est une nonne bouddhiste. Elle anime la Demeure sans limites.
Source : La Vie
Pour tous, d'abord, c'est la solitude de l'arrivée dans un endroit nouveau, solitude d'être entouré de personnes inconnues, souvent vite jugées à première vue : « Elle a l'air sympa ; ils ont l'air pas drôles... » On ressent la nostalgie alors des êtres aimés, du chez-soi. Et viennent les premières difficultés : il faut se lever à 5 heures pour la méditation, il faut partager sa chambre avec d'autres personnes, il faut répondre à la cloche des repas...
On ne s'y reconnaît plus. De tous ces changements naît la peur d'un dépouillement tant psychologique que matériel : tant de choses nous entourent d'habitude, amortissant, si l'on peut dire, la vie brute, directe. Ce sont, bien sûr, les objets, de plus en plus, mangeurs de temps, amis du bavardage et du temps passé trop vite, tout ce que nous devons mettre de côté maintenant. Mais surtout : tout comme les murs de notre maison nous protègent du chaud et du froid, nous avons érigé des barrières mentales pour nous protéger de nos peurs, de nos souvenirs, des autres ; elles ne sont en fait, et nous le savons, que protections illusoires, tant de fois démolies, tant de fois reconstruites... Comme des maisons sans fenêtres, elles empêchent l'air, le soleil, la vie même de nous caresser, de nous réchauffer, de nous atteindre. Mais nous avons si peur de les perdre ! Pourtant, lorsqu'au fil des heures, ces murs intérieurs s'érodent, laissant entrer en nous chaleur et joie, lorsque, de n'être plus enfermé, notre espace intérieur devient de plus en plus vaste, la respiration de tout notre être s'amplifie, nous ouvrant au mystère de la profondeur de l'être. Seul en soi-même : c'est d'une autre solitude dont il s'agit ici, non pas de la solitude imposée par les circonstances de notre vie, voile de tristesse qui obscurcit les jours et les nuits, ni de celle qui est choisie librement, espace nécessaire d'attention à soi. Seul en soi-même, et pourtant empli de tous les autres à travers l'amour : solitude pleine, plénitude - au bout du chemin.
JOSHIN LUCE BACHOUX est une nonne bouddhiste. Elle anime la Demeure sans limites.
Source : La Vie