mercredi 30 septembre 2015

Reconnaissance du ventre (2)


Découvrons l'écosystème le plus dense de la planète. 
 Qui est moi ?
mon microbiote ?






mardi 29 septembre 2015

Reconnaissance du ventre (1)


De la très belle émission sur notre deuxième cerveau, je vous ai sélectionné les meilleurs fragments en trois volets : 





lundi 28 septembre 2015

Survivre pour témoigner avec Pierre Rolinet

Déporté en 1943, ce résistant franc-comtois protestant en est sorti marqué par l'expérience de la mort mais aussi de la solidarité et de la foi vécues dans le camp. Il sera aux Etats généraux du christianisme, à Strasbourg, le 3 octobre.

En arrivant devant la grande porte du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, en Alsace, l'odeur du four crématoire qui crachait sa fumée de cadavres m'a pris à la gorge. Dans cette atmosphère lourde, j'ai vu des hommes qui marchaient. J'en ai reconnu certains, résistants comme moi, croisés à la prison de Besançon. Leur visage avait changé, leur corps semblait brisé, ils ne ressemblaient déjà plus à des hommes. Une question m'a assailli : comment transforme-t-on des êtres humains ainsi en si peu de temps ? À 93 ans, ce souvenir de ma déportation est toujours inscrit en moi.

J'étais jeune quand je me suis engagé dans la résistance. À 20 ans, en 1942, après avoir grandi dans une famille protestante d'Allenjoie, en Franche-Comté, j'ai découvert la résistance lors d'un camp d'été de l'Union chrétienne des jeunes gens (UCJG). C'est le pasteur qui nous en a parlé et cela a fait écho à ma vision de la foi : une espérance active. Je ne suis pas du genre à me mettre à genou dans le recueillement et à demander à Dieu de résoudre mes problèmes. La prière, à mes yeux, doit s'accompagner d'une mise en pratique, sinon elle est vide.

Dessinateur industriel à l'usine de Peugeot, j'étais bon pour le service du travail obligatoire (STO). Grâce au responsable de la résistance de Montbéliard, un pasteur lui aussi, j'ai changé de nom et suis devenu surveillant dans un établissement scolaire protestant à Glay, à 18 km de chez moi. Avec un professeur et quelques jeunes de l'internat, nous avons organisé un groupe. Mais la Wehrmacht nous a contrôlés alors que nous transportions des armes.

« La loi allemande est claire : vous serez fusillés. » Le verdict est tombé le 24 décembre 1943. Cette condamnation ne m'a pas surpris ni même attristé : j'ai accepté la possibilité de cette mort-là quand j'ai choisi de résister. En attendant le jour fatidique dans notre cellule, je sortais parfois ma petite Bible tolérée par la sentinelle, et nous fredonnions des cantiques avec mes camarades, persuadés de la fin de notre combat.

Je n'ai jamais pensé que c'était une autre sorte de « mort » qui m'attendait. Et pourtant... nous n'avons finalement pas fait face au fusil, ensemble, en chantant la Marseillaise, comme nous le pensions. Nous avons été envoyés en camp de concentration. « Vous rentrez par la porte, vous sortirez par la cheminée », ont dit les SS à notre arrivée. Deux N ont été peints en rouge sur les vêtements qu'on nous a donnés à l'entrée du camp de Natzweiler-Struthof : nous sommes devenus « Nacht und Nebel », destinés à mourir dans la « nuit et le brouillard ». Tout nous a été enlevé. Jusqu'à notre nom. Nous étions engloutis dans les 12 heures de travail par jour, sous les morsures de la faim : celle-ci brise les hommes. L'objectif des SS était de se débarrasser de nous.

C'est un effort énorme que de résister à cela : chaque geste doit être pensé pour éviter la réprimande. Le danger est partout, garder une santé psychologique est un combat constant. J'ai prié... jusqu'à ce que j'en oublie les mots. On vivait avec les morts : un matin, je me suis réveillé, et mon voisin était décédé. On mourait de faiblesse, d'avoir été battu... Puis, je suis tombé malade, atteint de la diphtérie à peine deux mois après être arrivé. Nous avons été 15 à entrer dans le Revier, une baraque où la plupart des malades agonisaient. Je suis un des rares à en être sorti vivant.

Je n'ai jamais cessé de croire en Dieu, je n'ai jamais perdu espoir. Et quand je me suis cru mort, c'est l'acte de solidarité de mes camarades qui m'a sauvé et m'a transformé à jamais. Car en sortant de ma maladie, avec 25 kg en moins, je ne tenais pas debout seul. Face à la déshumanisation du camp, nous avions quand même réussi à mettre en place un système d'entraide. Chaque prisonnier prélevait sur sa ration de pain une petite partie, de la taille d'un ongle, pour aider ceux qui traversaient une « mauvaise période ». Avant d'être malade, j'en avais récolté pour les autres. Mais recevoir cette solidarité, tenir dans mes mains trois fois ma ration normale de pain... peu de mots peuvent traduire ce sentiment. Si je suis encore sur terre, c'est parce que les copains se sont privés pour moi.

La force que cette période m'a donnée ne m'a plus quitté. Dans les camps, il n'y avait plus de classes sociales : nous avons vécu une fraternité qui dépasse toutes les frontières que l'on retrouve dans la société. Parfois, avec quelques protestants, nous nous cachions pour une petite prière, ultime défiance à l'interdiction de se regrouper.

Au Revier, j'ai été auprès d'un général mourant pendant une semaine. Il était catholique et ne connaissait pas le protestantisme ! Nous avons discuté des différences entre nos religions et de leurs points communs jusqu'à son dernier souffle. C'est à Dachau, en 1944, que j'ai ressenti ce lien indestructible entre des hommes qui vivaient l'expérience de la résistance jusque dans leur chair. Avec 18 autres personnes de mon baraquement, le jour de notre libération, en mai 1945, nous nous sommes promis de nous revoir. Chaque année, nous nous retrouvons chez l'un ou chez l'autre. J'ai fait le tour de la France comme ça !

Cette amitié a été d'autant plus importante que rentrer n'a pas été facile. Pendant 20 ans, je n'ai pas parlé de ma déportation. J'ai pu l'exprimer à Jacqueline - qui est devenue mon épouse en 1946 -, car elle savait que j'en avais besoin pour me « désintoxiquer » des camps, pour me libérer. Mais l'émotion m'assaillait quand les collègues de chez Peugeot, où j'ai fait toute ma carrière jusqu'à devenir cadre, me posaient des questions. Depuis que je suis à la retraite, je rencontre régulièrement des élèves dans les écoles. Dans les camps, on disait souvent qu'il fallait survivre pour raconter. J'essaie de transmettre aux enfants la foi que la déportation n'a pas brisée en moi.

Les étapes de sa vie
1922 Naissance à Allenjoie (Doubs).
Été 1942 S'engage dans la résistance avec l'Organisation civile et militaire (OCM).
Mars 1943 Devient Pierre Georges.
Novembre 1943 Arrêté et emprisonné à Montbéliard puis à Besançon.
24 décembre 1943 Condamné à mort.
13 avril 1944 Déporté à Natzweiler-Struthof, en Alsace.
Septembre 1944 Transféré à Dachau, en Allemagne.
27 mai 1945 Rentre à Allenjoie, chez ses parents.
3 août 1946 Épouse Jacqueline, avec qui il aura trois enfants.
Depuis 2007 Président de l'Amicale nationale de Natzweiler-Struthof.
2015 Élevé au grade de commandeur dans l'Ordre de la Légion d'honneur.


dimanche 27 septembre 2015

Nelson Mandela, en marche vers le soleil...



Le nouveau monde ne sera pas construit par ceux qui restent à l'écart les bras croisés, mais par ceux qui sont dans l'arène, les vêtements réduits en haillons par la tempête et le corps mutilé par les événements. L'honneur appartient à ceux qui jamais ne s'éloignent de la vérité, même dans l'obscurité et la difficulté, ceux qui essayent toujours et qui ne se laissent pas décourager par les insultes, l'humiliation ou même la défaite.



Je suis fondamentalement optimiste. Je ne saurais dire si c'est dans ma nature ou si je l'ai cultivé. Une partie de ce qui fait un optimiste, c'est de garder la tête tournée vers le soleil en mettant un pied devant l'autre.




samedi 26 septembre 2015

Ici le problème... avec Eric Baret



"Si quelque chose me dérange, c'est que j'ai inversé les choses, le problème n'est pas là bas, le problème est ici. 

Personne ne peut me déranger, il n'y a que moi qui puisse me déranger. Je suis l'auteur de mon propre dérangement. Quand quelque chose semble se présenter comme extérieur, c'est une pensée. Comment aurait-on une sensation extérieure ? Ce qui est profond c'est le ressenti. Le ressenti est non duel. La pensée est toujours duelle.

Vous n'attendez plus rien de ce qui se passe, parce que vous avez compris profondément que ce que vous cherchez n'est pas dans ce qui se passe. Ce que vous cherchez est ce que vous êtes. Vous ne pouvez pas le trouver avec une voiture, un mari, un enfant, un corps, une religion, donc vous n'utilisez plus la beauté de la vie pour vous trouver.

Tant qu'il y a la moindre attente, vous êtes toujours déçu, amer. Lorsque vous ne voulez rien, cette douleur-là n'est plus possible.
Je suis avec ce qui arrive dans l'instant. La douleur, le deuil, la naissance, l'argent, la pauvreté - je veux ce qui est là, maintenant.
Tant qu'il y a une attente, il y a une peur. Tant qu'il y a une peur, on ne peut pas fonctionner.
Dans les prétendues voies spirituelles, il y a une espèce de fantasme de perfectionnement, le fantasme de s'épurer, de comprendre, de s'améliorer, de se changer.. il n'y a rien à atteindre dans la vie.
Ce qui arrive est ici, jamais là bas. Tant que l'on croit le problème hors de soi, on est en train de se raconter une histoire, on ne peut pas écouter. Je ne peux pas sentir et penser à la fois.
Cela se fait tout seul. Tôt ou tard, on se rend compte que l'environnement est parfait, que c'est nous qui avons un problème.

Tant que j'ai la fantaisie de prétendre que le monde existe et qu'il me fait souffrir, aucune maturation n'est possible. Je ne connais que ma projection du monde et je ne peux rien connaître d'autre. Je dois avoir l'humilité de reconnaître que c'est ma propre souffrance qui m'est révélée par la situation."

Eric Baret




vendredi 25 septembre 2015

Christophe André : "La joie est contagieuse"

Christophe André, médecin-psychiatre, a longtemps considéré la joie comme une forme d'imprudence...avant de changer d'avis. Voici son témoignage...

« Je suis un introverti tranquille : la joie m’est étrangère. Je ne sais que la recevoir, pas la créer en moi. Je ne sais cultiver que le bonheur, une joie plus calme, plus discrète, plus intériorisée.

 Longtemps, je me suis méfié de la joie, qui me semblait une forme d’imprudence : imprudence dans la vision (la joie est associée à la confiance envers le futur, si incertain), imprudence dans le comportement (la joie est associée à l’enthousiasme, cette envie de se lancer dans l’action et la vie). 

C’est une de mes filles qui a changé mon regard sur la joie. Elle incarne, bien souvent, la joie de vivre spontanée : dès le matin, elle est heureuse de se trouver dans cette journée, sur cette Terre. Même si ce qui l’attend n’est pas forcément réjouissant, même s’il pleut, même si elle va affronter des cours, des examens difficiles, elle se dope à l’enthousiasme, plaisante, cherche les occasions de sourire ou de rire. Autrefois, je la trouvais naïve et fragile, j’avais peur qu’elle ne soit déçue, puis blessée, à cause de cette joie délibérée. Je la trouve aujourd’hui sage, et plus solide que je ne le craignais, grâce à cette force d’agir et de se consoler que nous offre la joie. Grâce à elle, la joie m’inspire donc davantage de respect. Par rapport au bonheur, j’en vois mieux les avantages : elle est plus contagieuse, plus susceptible de nous pousser vers l’action.

J’en perçois toujours les inconvénients : elle est plus dérangeante, offensante parfois pour ceux qui souffrent et sont dans la douleur ; car elle n’est pas discrète et secrète comme le bonheur, elle est une énergie qui déborde et bouscule. Mais n’est-ce pas exactement ce dont nous avons besoin pour vivre ? »


(source : La Vie)


mercredi 23 septembre 2015

mardi 22 septembre 2015

dimanche 20 septembre 2015

Mes conseils pour vivre dans la joie par Damien Ricour

1. Imprégnez-vous de la joie parfaite de François d'Assise

Le secret de la joie parfaite nous est dévoilé dans une parabole par François d'Assise. Le Poverello y explique qu'elle se manifeste lorsque nous sommes dépourvus de tout. Elle ne tient pas aux circonstances ni aux contingences. Si vous trouvez cette joie, même si vous êtes la cible d'accusations ou que vous avez des difficultés quotidiennes, que peut-on vous retirer ? Plus rien ne peut vous atteindre. Celui qui est esclave des plaisirs humains, éphémères, est ligoté par la peur que ces satisfactions lui échappent un jour. Dieu, lui, nous rattrape par la joie.

2. Demandez la joie profonde

Certaines joies sont naturelles, comme ce qu'on ressent lors d'une naissance ou d'un voyage. Dans les difficultés, demandez à Dieu de vous donner la joie profonde, non pas malgré la souffrance mais dans la souffrance ; la joie surnaturelle, de la Passion, du Christ qui se donne pour nous sauver. Elle ne se lit pas forcément sur le visage mais irradie le coeur. Vous découvrirez qu'elle est là, présente, quoi que vous traversiez.

3. Trouvez des compagnons de joie

Je parle à Mère Teresa comme à une amie. Elle qui a connu les ténèbres m'inspire dans les moments de doute. Ses écrits me donnent une force extraordinaire. Lorsque j'ai été hospitalisé, je la sentais là, à côté de moi. Les vies de grands saints nous révèlent des itinéraires imprégnés de l'amour du Christ sauveur.

4. Autour de vous, rendez les gens heureux

Aider les gens, poser un acte de charité, aussi anodin qu'il soit, m'a toujours rendu joyeux. Je l'expérimente dans les petites choses de la vie, comme lorsque je prends le temps de faire un jeu de société qui m'ennuie avec mon enfant : son sourire me transporte. Je me souviens aussi de ce jour où je me suis inquiété pour une voisine. L'appeler ? La laisser tranquille ? Je lui ai téléphoné. Cela l'a submergée de joie, m'a-t-elle dit. Joie réciproque.



samedi 19 septembre 2015

Au coeur du silence...




Le silence est quelque chose qui vient de votre cœur, pas de l'extérieur. 


Silence ne signifie pas ne pas parler et de ne pas faire les choses; cela signifie que vous n'êtes pas dérangé à l'intérieur. 


Si vous êtes vraiment silencieux, alors peu importe dans quelle situation vous vous trouvez, vous pouvez apprécier le silence.




Thich Nhat Hanh



vendredi 18 septembre 2015

Fabrice Midal : "On ne peut séparer le corps et la psyché"

Selon le philosophe et fondateur de l'École occidentale de la méditation, l'hypnose et la méditation nous font percevoir l'unité de notre être.

Quel rapport y a-t-il entre hypnose et méditation ? La première est une voie thérapeutique occidentale, la seconde est une discipline spirituelle venue d'Orient. Pourtant, malgré leurs histoires très différentes, elles présentent bien des points communs.

Premier point de rencontre : la guérison n'est pas le fruit d'un effort de la volonté, mais vient lorsqu'on cesse de tout vouloir organiser, gérer et dominer. C'est pour la plupart d'entre nous une affirmation surprenante, voire irritante. Si nous ne contrôlons pas les choses, nous avons l'impression d'être passifs. Or il n'en est rien. Ne rien faire de manière vraiment « active » nous pose de façon plus juste dans notre existence. Autrement dit, il ne s'agit pas de ne « rien faire » mais de cesser d'empêcher le mouvement de la vie de se déployer. Deuxième idée forte : réfléchir à nos problèmes nous égare bien souvent. Lorsque nous avons une difficulté, nous avons le sentiment que c'est en y réfléchissant encore et encore qu'une solution va apparaître. L'hypnose comme la méditation nous apprennent à nous poser dans la simplicité de notre être et à faire confiance. Quelque chose en nous sait quoi faire et ce n'est pas notre esprit habituel et étroit. Pour lui donner droit, il faut accepter que nous ne sommes pas d'abord des êtres intellectuels, mais des vivants. Chercher à entrer en soi pour se comprendre, loin d'éclairer, ne fait qu'égarer. Et c'est la troisième idée clé : l'hypnose comme la méditation visent à mettre un terme à la quête narcissique. Dans les deux cas, l'invitation est d'entrer de manière radicale, sans parachute, en rapport avec ce qui est, exactement tel qu'il est.

Enfin, la méditation et l'hypnose sont tout à fait étrangères à l'idée de psychologie, aujourd'hui dominante et même écrasante. François Roustang, référence en matière d'hypnose, dénonce dans ses ouvrages et en particulier dans Savoir attendre (Odile Jacob) l'impasse de la psychologie. Celle-ci prétend qu'il existe quelque chose comme une psyché séparée du corps - qu'il serait possible de connaître. Une telle croyance ne fait que déchirer l'unité de notre être et participer à la cause de notre malaise. L'hypnose comme la méditation sont tout autant une expérience « corporelle » qu'une expérience de l'esprit. Elles nous montrent combien notre manière de séparer ces deux champs nous prive de l'unité de notre être. Le mieux-être s'obtient en redevenant enfin un être vivant, pleinement incarné, posé dans son être.

> À lire
Simplement être là, le cœur grand ouvert, de Fabrice Midal, Grand Est, avec un DVD inclus offert.


jeudi 17 septembre 2015

Extrait d'une interview de Guy Béart

Actualité Juive l'avait rencontré en novembre 2010... extraits :

«Pessimiste gai» : cet oxymore vous correspond-il ?


G.B. : J’ai quatre-vingts ans et aujourd’hui, je suis plutôt plein d’espérance et toujours gai. Il faut relire l’Ecclésiaste, l’un de mes livres de chevet. C’est un livre poétique qui nous montre que tout recommence interminablement. La Bible m’a appris l’amour et la foi. Mieux vaut garder l’espérance. Que recommandent les dernières pages de l’Ecclésiaste si ce n’est d’aimer la vie ?

Vous êtes né au Caire. On dit que votre nom d’origine est Béhar...

G.B. : C’est ce qui est indiqué sur Internet mais je n’en sais rien. Ma mère m’a enseigné les rituels juifs que je connais très bien. Moïse, pour moi, représente le devoir. Dans ma Bible est marqué que D’ieu dit plusieurs fois à Adam et Eve : «Croissez et multipliez». Pourquoi, me suis-je demandé, avoir utilisé deux verbes pour dire la même chose alors que la Bible cultive un style très concis ? La vraie phrase est en fait «Croissez en nombre et multipliez en sagesse», ce que m’a confirmé mon ami Raphaël Draï. Or, depuis la Mésopotamie, on a augmenté le nombre, mais on n’a pas augmenté la sagesse. Moi, j’ai peur des foules. Il y a d’ailleurs quelque part dans l’Exode : «Ne suivez pas le nombre». D’où ma chanson «Le premier qui dit la vérité...». Elle parle de «La foule sans tête», manipulée.

Quelle part de judéité avez-vous transmise à vos enfants dont la plus célèbre, Emmanuelle ?

G.B. : C'est dans mes chansons, où je pèse chaque mot, que j'exprime au mieux ma vérité. Dans «Messies, Mais si !» en 1973, je dis que l’'islam pense qu'il n'y aura pas de Messie. Le christianisme, qu'il est déjà venu, mais doit revenir. Le judaïsme, qu'il doit venir. Je pense que c'est une incitation à ce que chaque être humain se comporte en messie afin de sauver les autres. À mes enfants, j’ai parlé des rites qui, selon moi, sont ce qu’il y a de plus important. Connaissez-vous l’histoire du rabbin qui arrive dans une communauté ? Il rencontre un Juif et lui demande s’il croit en D’ieu. L’autre lui dit qu’il lui répondra une autre fois. Le lendemain, le rabbin lui pose à nouveau la question et l’homme ré- pond par la négative. «Pourquoi ne m’as-tu pas répondu hier ?» demande le rabbin. «Parce que c’était Shabbat !». J’aimerais terminer sur un Proverbe que j’aime particulièrement : «Ecoute, mon fils, les règles de ton père mais n’oublie pas la Thora de ta mère».


mercredi 16 septembre 2015

Témoignage d'Armelle Six




Savoir qu'on est rien, c'est la sagesse.
Savoir qu'on est tout, c'est l'amour.
Et entre les deux, la vie suit son cours...



mardi 15 septembre 2015

Exercice de présence à répéter...




« Nous avons oublié ce que les pierres, les plantes et les animaux savent toujours. 
Nous avons oublié comment être ; être calme, être nous-mêmes, être où la vie se trouve : 
ici et maintenant. »



lundi 14 septembre 2015

Arnaud Desjardins: "Etre situé du côté du ciel."


Quand je reçois des personnes, j'insiste souvent sur le fait de regarder les pensées qui créent des distorsions par rapport à la réalité de l'instant du corps... 
Arnaud Desjardins écrit à ce sujet. Qu'en pensez-vous ?

« Et si j'essaie de ne plus penser ? Juste d'être, mais d'une conscience absolument pure, pure, qui ne contienne rien d'étranger, absolument libre. Inévitablement la pensée vient faire son commentaire et m'accompagne : "Et voici qu'un grand silence s'établit à l'intérieur de moi..." Je me passerais bien de ce commentaire-là. "Et voici qu'un calme nouveau apparaît dans mon cœur..." Je me passerais bien de cette pensée-là. "Et voici que je suis un peu fatigué, cela gêne ma méditation." Encore un autre type de pensée !

Considérez la pensée comme une certaine manière de prendre conscience des phénomènes. La libération (état de conscience suprême), en fait, n'est pas incompatible avec les phénomènes. Vous pourriez être parfaitement, totalement libres même s'il y a encore des sensations de malaise, même s'il y a encore une pensée qui passe, même s'il y a encore tout ce qui vous fait dire que vous n'êtes pas libérés. C'est encore une pensée de constater: "Ah, ça y est, ce n'est pas pour aujourd'hui ; ça y est, je ne me sens pas bien - donc c'est contraire à la libération ! Ces pensées-là ne devraient pas venir si j'étais dans l'état suprême." C'est cela qui vous empêche d'être libérés : de penser que ces pensées ne devraient pas venir, de penser que ces sensations ne devraient pas venir, de penser que ces émotions ne devraient pas venir, de penser quoi que ce soit au sujet de la libération. Si vous pouviez vous abstenir du moindre commentaire, si vous pouviez ne plus faire de différence entre libération et non-libération, vous seriez à l'instant même libérés. Et si cette différence ne revenait jamais plus, eh bien cette libération ne serait plus jamais voilée ou recouverte.

Considérez la libération comme un état - ou plutôt une absence d'état, ou un état au-delà de tous les états - qui est ou n'est pas recouvert. C'est tout. Comme le ciel bleu. Aujourd'hui nous ne voyons pas le ciel bleu, les ombres ne sont pas marquées, le soleil est entièrement caché par les nuages, pourtant nous savons bien que, derrière les nuages, le ciel bleu est là. Les nuages s'écartent un instant, nous voyons le ciel ; les nuages reviennent, nous ne le voyons plus. Mais le ciel bleu est toujours là. Ce qu'on appelle communément un "état de conscience supérieur" ou même un des différents états de "samadhi" reconnus et classés par l'Inde, c'est un moment où les nuages se sont un peu dissipés et où nous avons découvert un peu de ciel bleu - et puis les nuages reviennent et le ciel bleu disparaît. Ou bien les nuages reviennent mais le ciel bleu ne disparaît plus, parce que nous sommes situés à dix mille mètres d'altitude, c'est-à-dire que les nuages sont en dessous de nous, et non plus entre nous et le ciel bleu. Voilà la libération : être situé du côté du ciel et regarder passer les nuages qui ne vous voilent plus ni le ciel, ni la lumière du soleil. Et ces nuages, ce sont uniquement des pensées. Les souffrances sont des pensées, c'est-à-dire des formes de votre conscience. Revenez toujours à ceci. Ces nuages, ce sont uniquement des pensées.

Vous n'êtes prisonniers de rien d'autre que de vos pensées. Vous n'avez à vous libérer de rien d'autre que de vos pensées. Voilà la vérité. Et vous n'avez pas d'autre problème que celui de vos pensées. Vous n'avez aucun problème, ni avec votre santé, ni avec votre métier, ni avec votre patron, ni avec vos enfants, ni avec votre femme, ni avec votre voisin, ni avec votre propriétaire, ni avec le maire de votre commune.
Vous n'avez qu'un seul problème : un problème entre vous et vos pensées... »

Arnaud Desjardins



dimanche 13 septembre 2015

Vijaya Gascon : "une énergie supérieure habite mon temple intérieur"


Rencontre avec une hindoue qui puise dans les textes sacrés (la Bhagavad-Gita) une hygiène spirituelle au quotidien. 


... Je crois en l'existence d'une énergie supérieure, sans pouvoir lui donner de visage. Il m'arrive souvent de sentir une force en moi, notamment dans les épreuves. Cette force, je l'ai trouvée lors de la mort de mon père alors que j'étais âgée de 12 ans. Ce douloureux événement m'a inculqué la certitude qu'il n'était ni vain ni dû au hasard : si cette mort advenait, c'est que quelqu'un, quelque part, était convaincu que j'aurais la force de l'affronter. C'était à moi de trouver cette source, cette énergie. Une telle attitude m'a considérablement aidée pour le restant de mon existence. Je trouve beau de penser que la mort charnelle n'est pas une fin. Tout n'est que continuité grâce à la réincarnation. Cette croyance me permet de rester positive ; de ne pas tomber dans une dépression liée à la perte de l'être cher mais de le laisser partir avec sérénité car il a joué ce qu'il avait à jouer sur cette Terre. Je ne suis pas maître de sa vie future. De même, peu importe ce en quoi je me réincarnerai puisque je ne détiens pas la vérité. Ce mystère ne m'effraie nullement, au contraire. Depuis 20 ans que je côtoie la France, je me sens encore loin de cette mentalité fataliste et cartésienne, cherchant une réponse rationnelle à toute chose. L'hindouisme nous incite à mener une vie correcte et à sans cesse nous interroger sur le rôle que nous avons à remplir. Tout l'enjeu est de donner le meilleur de soi-même chaque jour, sans attendre de résultat, sur lequel nous n'avons aucun pouvoir. Et de ne pas trop s'attacher aux choses passagères.

Si quelqu'un m'avait déroulé ma vie à l'avance, les joies, les doutes, les douleurs n'auraient sans doute pas eu la même saveur. Ce n'est pas le but qui est intéressant, mais le chemin parcouru. Aujourd'hui encore, je ne considère pas les situations douloureuses comme des échecs. Pour savourer les victoires, je pense qu'il faut toucher le fond.

Cet itinéraire affranchi des normes et guidé par ce désir de suivre ma voie, je l'ai arpenté en veillant à ne jamais blesser personne. Mes filles sont désormais indépendantes, et je sais qu'elles sont capables de mener une vie sans moi, heureuses. J'ai l'impression d'avoir accompli mes tâches : être en paix avec moi-même, ne rien regretter et sentir que ma famille et moi-même sommes respectées en Inde. Si je quitte la Terre demain, cela sera dans la sérénité intérieure.

source : La Vie

samedi 12 septembre 2015

Porte instantanée...



"A la mort de chaque instant, tu peux entrer dans l'Eternité.

Chaque instant - voire l’instant de l’instant - est une porte ouverte vers l'éternité.

Il n'y a pas d'instant sacré, mais chaque instant est sacré."


Dialogue avec l'Ange


jeudi 10 septembre 2015

Accueil du présent...



When Love itself comes to kiss you, 
don't hold back!! 

 Rumi
  ❤ 

(Quand l'amour lui-même vient de t'embrasser, ne te retiens pas !! )


mercredi 9 septembre 2015

Voyage vers l’unité intérieure avec Jean Vanier


Si quelqu’un commence le voyage vers l’unité intérieure, le pèlerinage vers la terre promise, c’est qu’il y a eu un moment où son être profond a été touché. Il a fait une expérience fondamentale, comme si la pierre de son égoïsme avait été frappée par le bâton de Moïse et que l’eau avait jailli, ou comme si la pierre qui fermait le tombeau avait été enlevée et que l’être profond avait pu sortir. 

C’est une expérience - peut-être encore bien faible - de renaissance, de libération, de pardon, d’émerveillement; un temps de fiançailles avec l’univers, avec la lumière, avec les autres et avec Dieu. 

C’est une expérience de vie où l’on se perçoit fondamentalement un avec l’univers et avec Dieu, tout en étant totalement soi-même dans ce qu’on a de plus vivant, de plus lumineux, de plus profond. 

C’est la découverte qu’on est une source jaillissant en vie éternelle. 

 Jean Vanier, 
Communauté lieu du pardon et de la fête



mardi 8 septembre 2015

Vérité avec Douglas Harding


"Je vous suggère de ne pas vous inquiétez des pensées, mais de regarder la vérité . La vérité c'est que ce visage dans le miroir est pour les autres. Ici, vous êtes cet immense espace pour accueillir tout ce qui est. 

Les pensées concernent le monde ; les pensées sont là dehors avec votre tête, et les sentiments aussi ; il y en a partout là-dehors. Mais ce qu'il faut voir c'est ce qui est ici et qui reçoit tout cela." 

Douglas Harding


"La véritable expérience c'est de voir que nous ne sommes pas face à face, mais face à espace. J'accueille le visage de l'autre à partir du vide ici. Si ce vide n'est pas perçu, la relation est basée sur une illusion."




lundi 7 septembre 2015

Conseils d'Eric-Emmanuel Schmitt



Pratiquez l'empathie

Quand une personne vous agresse, elle parle d'elle, pas de vous. Répondre par l'empathie est une manière de se débarrasser de la violence, mais aussi d'intervenir sur cette dernière en la faisant diminuer. Immédiatement, dépassez donc la situation en vous positionnant en tant que soignant et non en tant qu'agressé. Mettez-vous à la place de l'autre et demandez-vous ce qui a pu le conduire à cet état. Questionnez-le, écoutez-le, et dites-lui bien que vous comprenez. Lorsqu'un enfant pleure ou crie, on lui demande spontanément ce qu'il a. L'adulte, qui est censé être fait, fini, complet, se trouve souvent dans une grande solitude émotionnelle, car il ne sent en face ni compassion ni intérêt.

Acceptez la souffrance

Je crois que la clé du bonheur tient dans l'acceptation de nos malheurs et tristesses. Intégrez-les dans la trame de votre existence, en y consentant lorsqu'ils surgissent. C'est grâce à Mozart que j'ai compris cette leçon de sagesse. Écouter un adagio ou un andante, c'est réaliser que l'on n'est pas seul à souffrir, mais aussi qu'il nous faut aimer cette tristesse. Lorsque je perds un être cher, je n'essaie plus de nier ma douleur, de la recouvrir pour garder la face. Je me donne entièrement à cette souffrance : d'abord parce qu'elle est une dernière façon d'aimer, et ensuite parce c'est une manière de dire oui à la vie, à ma condition d'homme.

Cultivez la joie et l'étonnement

Ne stagnons pas dans la tristesse ! Comme tout, elle passe. Cultivez la joie par un décentrement. Le moi est haïssable ; éloignez-vous de vous-même et laissez-vous émerveiller. Cette joie et cet émerveillement sont les couleurs de ma foi. Mozart a mis toute une vie à retrouver un esprit d'enfance - que nous retrouvons dans la Flûte enchantée, composée alors qu'il est au bord de la mort -, dans un cheminement de simplification et de perfection. Cet esprit d'enfance n'est en rien régressif. Il est faculté d'étonnement, première vertu philosophique chez Platon. Il a l'humilité de savoir qu'il ne sait pas... et de questionner.
(source : La Vie)

dimanche 6 septembre 2015

Au sommet du Hoggar avec Eric-Emmanuel Schmitt

À l’âge de 28 ans, cet auteur à la renommée internationale a vécu une conversion fulgurante. Passé sa Nuit de feu, titre de son nouvel ouvrage (Albin Michel), sa philosophie de l’absurde s’est métamorphosée en une confiance dans le mystère, comme promesse de sens.

Je suis perdu au milieu du désert, sans eau ni vivres. Dans une exaltation joyeuse, je viens de dévaler le mont Tahat, plus haut sommet du Hoggar, perdant au passage tout mon groupe. La nuit tombe et avec elle le froid. Le vent se lève et avec lui la peur d’avoir peur. Je me creuse un lit dans le sable, ensevelissant mon corps désormais figé dans la torpeur. Combien de temps tiendrai-je ?

Au bout de quelques minutes, je sens mon corps se diviser en deux. L’un reste à terre, l’autre s’élève dans les airs. À la sensation de démembrement, s’ajoute celle d’un allongement infini. Je suis aussi grand que le désert, ne fais qu’un avec l’univers. Je m’approche d’une Force fondamentale et me fonds en elle. Totalité. Plus de temps, plus d’espace. Béatitude. Paix. Lumière. Tout a un sens. Tout est justifié. J’entre dans un Feu. L’éternité dure toute la nuit. De retour dans mon enveloppe charnelle, je tente de trouver des mots. Cette Force n’a pas décliné son identité. Tout allait au-delà du langage, du concept. Dieu ? Oui, Dieu, puisque c’est ainsi que l’appellent les hommes. Quoi qu’il se passe désormais, je suis habité par la confiance et la joie. Que je meure ou vive, cela sera en tant que croyant.

Ce périple saharien, je l’avais entamé dans un état confus. Maître de conférences en philosophie de 28 ans, j’étais au carrefour de ma vie. Était-ce bien la mienne, cette vie toute tracée ? Au fil des kilomètres le long de dunes brûlantes, j’observais notre guide touareg. Son attitude, sa sagesse, ses prières m’agaçaient, me fascinaient. À le voir plongé dans un recueillement et habité par une joie constante, j’étais déstabilisé. En sa présence, j’ai redécouvert l’émerveillement. Ce musulman a été comme un guide, un médiateur. J’ai eu besoin de lui pour changer de regard sur la religion et comprendre que ce mode de vie répondait à une nécessité intérieure. À l’époque, je me moquais du christianisme. Les formes de religiosité, je les avais condamnées, alors pourquoi les interroger ?

Je suis devenu philosophe pour lutter contre mon hypersensibilité. Un jour, j’ai compris que la seule façon de ne pas succomber à mes émotions excessives était de me solidifier intérieurement. La philosophie fut une réponse. Celle de l’absurde, mon parti pris. J’étais amoureux de mon courage, de la bravoure avec laquelle je combattais le désespoir. Mais cette fierté farouche ne laissait pas mon esprit en repos, assiégé par l’insupportable idée de la mort. Elle était un cancer pourrissant mon existence, contaminant le réel sous la forme du « à quoi bon ? ».

Depuis ma rencontre avec le Feu, elle ne vient plus m’attaquer, ni la nuit, ni le jour. Quelque chose de plus fort qu’elle la surpasse : la confiance dans le mystère, comme promesse de sens. Oui, je crois que tout a un sens. S’il nous échappe, cela vient des limites de notre esprit et non de celles du monde. J’habite l’inconnu d’une autre façon en faisant crédit à l’univers, à la vie, même lorsque je suis choqué, scandalisé ou dans le doute. Contrairement au philosophe athée, j’ai cette chance insolente d’aller puiser dans ma nuit mon émerveillement et ma joie. Mais aux questions qui m’importent le plus, je ne trouve pas de réponses certaines. Lorsque je dis « Oui, Jésus est le fils de Dieu », ce n’est pas l’affirmation d’une certitude objective mais d’une adhésion.

D’agnostique athée, je suis devenu agnostique croyant. Toutes les réponses qu’un philosophe peut apporter sont sur le mode du « peut-être ». La raison, qui ne peut prouver ni l’existence de Dieu ni sa non-existence, a pour seule réponse rationnelle : je ne sais pas. Si l’on me posait la question, je répondrais : « Je ne sais pas…, mais je crois que oui. » La foi n’est pas un savoir. Je dirais même qu’elle est un rapport à l’ignorance. Contrairement à de nombreux penseurs, je la sépare de la raison. La foi, siégeant dans le cœur, relève de l’expérience, du témoignage subjectif. La raison, elle, de ce que l’on sait, de l’argumentable et donc du transmissible. Dans la mesure où je ne peux transmettre cette évidence, je ne peux la confondre avec un savoir. Témoigner, c’est offrir un éventuel partage, sans être sûr d’être contagieux. Stipuler que l’on détient le savoir est une imposture et est à la racine de tout intégrisme athée ou religieux. Avant ma conversion, le témoignage d’une expérience mystique m’avait laissé circonspect : « Pourquoi lui et pas moi ? Et puis il faudrait que je le croie pour y croire. » Je considérais son récit aristocratique et non démocratique. Il valait pour lui et non pour chacun. Or, le philosophe aspire à l’universel. Aujourd’hui, je pense que l’on ne peut se contenter d’un point de vue rationnel sur les choses, puisque d’autres instances existent en nous telles que le cœur, le corps, l’imagination.

À mon retour d’Algérie, j’ai été très silencieux : moi, un croyant ?! Il a fallu que j’accepte ce nouveau moi et que le petit filet d’eau dans le désert devienne fleuve. Que cette foi grandisse. J’ai mis des années à le dire, presque gêné de m’exprimer sur un sujet pareil. Juste témoigner, humblement et simplement. Puis la culpabilité d’avoir reçu la grâce s’est transformée en étonnement. Je me suis mis à lire les poètes mystiques, de préférence éloignés du christianisme, par une sorte de snobisme. Je me sentais frère de ces guides de contrebande, affranchis de la voix du dogme et de l’institution. Au fil du temps, inspiré par des figures comme saint Jean de la Croix ou sainte Thérèse, je suis arrivé au christianisme. La méfiance est peu à peu tombée.

Puis il y eut cette autre nuit, des années après, où je lus les Évangiles d’une traite. Je fus bouleversé. Fasciné aussi : les événements n’étant pas relatés de la même manière selon les évangélistes, j’avais la preuve de ne pas avoir affaire à une bande de faussaires. Je découvrais là ce que je n’avais pas expérimenté durant ma nuit au désert : l’Amour. J’ai ressenti un appel à dépasser l’état de satisfaction, de béatitude, voire de confort de foi dans lequel je pouvais être. À partir de là, je me suis passionné pour le christianisme, pour me sentir au bout de quelque temps chrétien.

Avant ma conversion, mon écriture ne me satisfaisait pas. Trop analytique ou trop poétique, elle n’avait aucune cohérence. Ma nuit au désert a comme harmonisé mon âme et mon esprit, pour une écriture juste pour la raison, juste pour le cœur. Ce n’est pas seulement le philosophe qui écrit, c’est aussi l’homme. Mes ouvrages ne cessent de questionner, puisque l’humanisme me paraît forcément interrogatif : nous sommes tous frères en ignorance. J’explore les ténèbres en cherchant la lumière. Et même dans la situation la plus tragique, je la vois toujours.

C’est ainsi que j’ai pu écrire sur la mort d’un enfant, dans Oscar et la dame rose, ou sur le mal dans la Part de l’autre. Dans l’Évangile selon Pilate, ce dernier se pensait face à une énigme. Il réalise qu’il se trouvait face à un mystère, sans solution. Sa pure raison était insuffisante. Pilate, c’était moi jusqu’à ma nuit au pied du mont Tahat.



Les étapes de sa vie
1960 Naissance à Sainte-Foy-lès-Lyon (69).
1987 Doctorat en philosophie.
1989 Expérience mystique.
1993 Le Visiteur, pièce récompensée par trois molières.
2000 L’Évangile selon Pilate.
2001 Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran.
2010 Prix Goncourt de la nouvelle pour Concerto à la mémoire d’un ange.
2012 Élu à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.
Septembre 2015 La Nuit de feu (Albin Michel).


samedi 5 septembre 2015

Matthieu Ricard et les réfugiés: "Je n’avais pas autant pleuré depuis longtemps"


L’auteur du "Plaidoyer pour l’altruisme" commente la crise des réfugiés: "Il y a 10'000 ans, il n'y avait pas de frontières. C’est tellement artificiel d'empêcher les gens d’échapper au danger !"


source : RTS


vendredi 4 septembre 2015

Quelle est la richesse du moment présent ? avec Jacques Castermane


Il nous faut avouer que nous semblons préférer penser notre vie ou rêver notre vie plutôt que de vivre notre vie d’instant en instant. Se laisser emporter - en pensée - dans le passé qui n’est plus ou dans le futur qui est à venir (peut-être) est la cause première d’une vie intérieure agitée. Lorsque le mental (mind) devient cette puissance autonome qui fabrique sans cesse des idées d’espace et des idées de temps, il devient le domaine du souci, de l’agitation, du stress, de l’inquiétude et de cette angoisse souterraine qui conduit à une consommation abusive d’anxiolytiques.

L’intuition qu’il est possible de guérir, de cette maladie qui est propre à l’être humain, engage aujourd’hui bon nombre de personnes à la pratique de la méditation. Cependant, le sens de la demi-heure quotidienne consacrée à l’exercice de la pleine attention devrait nous inciter à exercer la pratique méditative dans le quotidien.

Il s’agit, comme pour l’exercice appelé zazen, d’une rupture avec notre manière d’être habituelle dans tout ce qu’on fait. Le quotidien comme exercice, c’est apprendre à voir et à vivre la coïncidence de trois évènements. Quelle que soit mon action, elle est réalisée dans l’espace-vécu et le temps-vécu. « Ici et maintenant » je fais le pas qui participe à mon déplacement d’un bureau à l’autre, de mon domicile au parking. « Ici et maintenant » je prépare le café, je beurre la tranche le pain, je lève le bol en direction de mes lèvres.

Ici et maintenant - Hic et Nunc - ! Invitation à, non pas s’ancrer mais à se couler dans la réalité présente. Il n’est rien de statique dans cet adverbe d’espace associé à cet adverbe de temps qui s’adjoint à tout verbe d’action.


Que ce soit au cours de la méditation de pleine attention ou dans la pratique méditative dans le quotidien il faut éviter, à tout prix, de vouloir « fixer » l’attention. L’attention, fonction du corps vivant (Leib) coule ... coule ... comme la respiration coule. Ce qu’on appelle le moment présent, coule... coule ... comme l’eau du ruisseau coule. C’est le mental, la conscience « de », qui fixe ce qui ne peut être fixé. Méditer, c’est demeurer dans le non situé. Voilà encore une rupture avec notre manière d’être habituelle, notre manière de faire habituelle et notre manière de voir habituelle.

Comme quiconque, longtemps j’ai pensé que ma vie commencerait véritablement lorsque la vaisselle sera terminée ... lorsque j’aurai répondu au courrier... lorsque j’aurai fini de tondre la pelouse. Jusqu’au jour où m’a été posée cette question : « Quelle est la richesse du moment présent ? ». Il m’a fallu me poser cette question souvent, très souvent, pour que, tout à coup la réponse fuse du plus profond de moi-même : « La richesse du moment présent ? C’est celle que je lui donne ! ».

Jacques Castermane

mercredi 2 septembre 2015

Vivre le temps présence...





Emotions à métaboliser et non pas à diaboliser... avec Thierry Janssen


Il y a quelques semaines, une dame me dit qu’elle est à la recherche d’un spécialiste de la médecine des émotions. Deux jours plus tard, j’entends un psychiatre parler de la nécessité de bien gérer les émotions. Et, ce matin, je lis un article sur les nouvelles thérapies des émotions. Mais d’où vient cette idée qu’il faut soigner les émotions ? Éprouver des émotions serait-il le signe d’une pathologie ? « Gérer », « traiter », « guérir » sont-ils des mots appropriés pour parler de la bonne attitude à adopter face à nos émotions ? Je pense que non.

Le concept d’une « médecine des émotions » me paraît révéler une profonde méconnaissance à propos de ce qu’elles sont et, surtout, de ce que nous pouvons en faire. Il faut dire que nous sommes les héritiers d’une culture qui a longtemps diabolisé les phénomènes émotionnels, considérant que ceux-ci perturbaient la sacro-sainte rationalité. Des générations avant nous ont tenté de les maîtriser, de les refouler, voire de les nier. Puis des chercheurs comme Antonio Damasio ont montré que, sans elles, il ne pouvait pas y avoir de véritable rationalité. Car nos émotions sont de l’information; elles nous renseignent sur la qualité de nos expériences. Elles sont agréables (joie, enthousiasme) quand ce que nous percevons ou ce que nous pensons est bon pour nous. Elles sont désagréables (peur, colère, tristesse) dans le cas contraire. Chacune de nos perceptions génère une émotion qui devient un sentiment qui alimente nos pensées. Et, en retour, chacune de nos pensées génère une émotion qui se manifeste dans notre corps et donne lieu à une perception. Nos émotions sont le pivot central de notre expérience. Elles contiennent l’énergie qui fait le lien entre le corps et l’esprit; elles permettent de transformer une pensée en acte, et un acte en idée. Energeia en grec : la « potentialité d’une action ». Nos émotions nous font bouger dans la tête et dans le corps ; elles sont ce qui nous rend vivants. Emovere en latin : « mettre en mouvement ».

Nous devrions faire attention aux mots que nous utilisons. Car parler de médecine, de soins, de traitements ou de guérison en ce qui concerne les émotions risque de perpétuer les représentations négatives héritées de nos ancêtres. Au lieu de combattre nos émotions, nous devrions les considérer comme des phénomènes incontournables et indispensables. Cela nous permettrait d’apprendre à les métaboliser pour utiliser l’énergie et l’information qu’elles contiennent. Le métabolisme est l’ensemble des réactions chimiques qui permettent de récupérer l’énergie contenue dans les aliments grâce à l’apport d’oxygène. Métaboliser une émotion demande donc de l’accueillir comme une nourriture et de respirer profondément. Dès que nous nous comportons de la sorte, la manifestation corporelle de notre émotion s’estompe, son information génère des idées nouvelles dans notre pensée et son énergie devient disponible pour une réponse adaptée à la situation.

Un petit conseil, donc. La prochaine fois que vous éprouverez de la colère ou de la tristesse, ne contractez pas vos muscles pour réduire la sensation désagréable qui accompagne ces émotions. Ne bloquez pas le mouvement de la vie en vous. Au contraire, inspirez amplement, détendez-vous, restez présent à vous-même, prenez pleinement conscience de votre émotion, écoutez votre sentiment et goûtez le plaisir de vous sentir intensément vivant. C’est si bon et tellement rassurant.

Thierry Janssen
(source Psychologies)