Lorsque, vivant dans la Forêt Noire, nous croisions Graf Dürckheim sur le chemin qui traverse le village, il s’arrêtait et, avec un sourire malicieux, il nous disait : « Rien ne presse... ».
Rien ne presse !
Lorsqu’il est arrivé au Japon, ce qui a fasciné Graf Dürckheim, au point de l’écrire dans une des premières lettres adressées à sa famille, est le fait que les maîtres zen qu’il rencontrait lui donnaient l’impression « d’avoir toujours infiniment de temps intérieurement ».
La maturité de l’être humain – qu’il soit japonais ou français – se révèle dans le calme intérieur avec lequel l’homme accomplit une action ; une manière d’être qui, où qu’il aille et quoi qu’il fasse, ne laisse pas place à la précipitation. L’immaturité du corps qu’on est (IchLeib ; Je suis corps) se manifeste dans un état d’être tendu et dans le besoin obsessionnel d’aller vite et de tout faire vite. Cette addiction à la vitesse témoigne que l’être humain est identifié au niveau d’être qu’est son ego et qu’il n’est plus en contact avec sa vraie nature, sa propre essence.
La tyrannie de la vitesse conduit à une manière d’être qui apparaît à certains comme étant inéluctable et ... normale. Quelqu’un me disait dernièrement : « Mais, Monsieur, tout le monde court aujourd’hui ; c’est l’époque à laquelle nous vivons qui veut ça ! ». Ah oui ? Etre en chemin ce n’est pas se contenter ou se sentir obligé de faire comme ... tout le monde ; ce n’est pas rester conditionné à l’esprit du temps et se bourrer de médicaments afin de continuer à vivre d’une manière sotte sans plus ressentir les symptômes de cette manière absurde de vivre.
La méditation de pleine attention est la culture du calme intérieur, la culture du silence intérieur. Ce qui conduit, dans la vie de tous les jours, quelle que soit notre activité existentielle, a avoir infiniment de temps intérieurement.
Rien ni personne ne peut m’empêcher de marcher tranquillement de la salle de bain à la cuisine. Que ce soit sur la rue ou sur votre lieu de travail, rien ni personne ne peut vous empêcher de vous déplacer sans être soumis au diktat de la vitesse. Lorsqu’elle ne s’impose pas pour sauver sa peau ou sauver une personne en danger, la vitesse est une fuite en avant. Aller vite ! Faire vite ! C’est donner plus d’importance au monde extérieur qu’à notre vie intérieure.
Allez où il vous faut aller ! Faites ce que vous avez à faire ! Mais, vraiment ... « Rien ne presse ! »
Jacques Castermane
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