Voici mes impressions après la lecture du nouveau livre "Vers une conscience vivante" de Jean Bousquet, éditions ACCARIAS L’ORIGINEL, 2023, 187 pages.
« Apprendre à vivre sans refuge conceptuel est garant de la plus haute sécurité. » (p. 41)
Ce livre de Jean Bousquet, conférencier et écrivain, se compose de 43 chapitres thématiques, du « temps d’une vie » à la « libération spirituelle », de longueur variable et de contenus divers, du texte élaboré à la succession d’aphorismes. Il nous invite avant tout à demeurer au cœur de nos questions, de leur exigence vitale, en oubliant les réponses, qui toutes ne pourront que nous conduire à une fausse sécurité. Il passe en revue les grands domaines de l’existence superficielle qui est la nôtre – de la société mercantile, néo-libérale, sur-consommatrice, qui dégrade et saccage les ressources planétaires, à l’intelligence artificielle – et propulse dans notre esprit un grand souffle libérateur.
La syntaxe et le vocabulaire utilisés en témoignent : il ne s’agit pas ici de nous proposer une nouvelle sagesse ou une nouvelle méthode spirituelle, mais au contraire de balayer et de dissoudre… Aussi les phrases sont-elles volontiers marquées par la négation. On y relève des adjectifs puissants comme « radical », « vertical », « crucial », « sauvage », « invincible », « inconditionnelle », « incommensurable », des déterminants absolus tels que « tout », « aucun », des adverbes tranchants comme « rien », de vigoureux substantifs comme « soif », « cataclysme », « brasier », des formules décisives, à l’image de « cri vers la Lumière », « Révélation fulgurante », « immensité inembrassable », « indispensable arrachement aux habitudes délétères, mortifères » loin du « marécage de l’accoutumance à un monde, à une vie sans perspective, à une vie coupée de l’Esprit, sans joie réelle, sans amour, sans renouveau ». L’auteur utilise également le mode impératif, ainsi que des figures de style particulières, par exemple cette métaphore filée, en s’adressant directement à nous pour rendre l’impact de ses mots encore plus intense et frappant : « Imaginez que vous entrez dans un appartement situé en étage […]. Il arrive un moment crucial, critique, où tout ce bric-à-brac psycho-mental vous pèse, oui, vous devient insupportable »… Ailleurs, il emploie l’antithèse, seulement marquée par le point-virgule : « Toutes les formes meurent un jour ; la Vie demeure éternellement. » Ou bien ce néologisme qui dit bien ce qu’il veut dire : « mots-cages ». Ou encore l’énumération de synonymes et de sonorités, la répétition de mots ou l’anaphore, qui assènent leurs coups de marteau : « fermée, fixe, figée, finie, définitive, donc morte » ; « Plus rien à gagner ; plus rien à perdre non plus. »
On l’aura compris, cet ouvrage de Jean Bousquet nous invite perpétuellement à la « révolution » intérieure. Il met en garde contre tous les pièges spirituels, y compris ceux de la méditation. Il martèle, tranche dans le vif, nettoie et rafraîchit. Un livre qui ne fait pas semblant et qui décape, inattendu et salvateur !
Voici un bouquet de citations qui m’ont particulièrement frappée :
● « Lorsque des traditions spirituelles affirment que le monde est illusion, ce n’est pas tant de la matière qu’il est question mais de l’inévitable biais cognitif-perceptif de notre conscience inconsciente d’elle-même. »
● « C’est indescriptible et pourtant très simple : c’est comme c’est ; une évidence indiscutable à laquelle on se rend enfin. Il n’y a rien à en dire, rien à en penser ; on ne peut ni l’aimer ni la détester, tant elle emplit tout ; ce serait encore s’en éloigner, l’envelopper de chimères, la cacher de nouveau. La réalité, c’est ce qu’il reste quand il n’y a plus rien. »
● « La vraie pensée est au-delà des mots. La vraie pensée est silencieuse. »
● « Comme pour tout, il y a un prix à payer pour pouvoir se tenir sereinement et durablement debout sur le terrain solide de la vérité. »
● « La conscience vivante n’est pas un mécanisme de la pensée. La conscience vivante est un voyage sans destination ; nous « n’arrivons » jamais, nous restons simplement vivants, alertes, en éveil. »
● « Seule la Vie crée ; l’être humain ne sait que reproduire, imiter, multiplier ; et bien souvent, seulement se reproduire, s’imiter, se multiplier. »
● « Ceux qui se dépouillent de tout mouvement interne se connectent au simple. »
● « Personne n’est droit. Personne n’est vertical. Personne n’est l’intermédiaire parfait entre ciel et terre, le « paratonnerre » idéal. Tous penchent d’un côté ou de l’autre, suivant des inclinations irrépressibles, ataviques, viscérales, structurelles, cellulaires, innées. »
● « La chute cesse lorsque plus rien en moi ne résiste à la chute. »
● « L’acte authentique, libre de tout devenir ou intention spatiotemporels, dénoue les liens, tranche les nœuds, enseigne sans paroles : il délivre le présent. »
● « Consulter la mémoire est une activité bruyante autant qu’inutile, pleine d’espoir fébrile et d’anxiété, finalement frustrante. Rien de neuf ne peut en sortir. Or le silence absolu est toujours neuf, toujours vierge, toujours surprenant, toujours émerveillant. »
● « Ne vous enfuyez pas, ne résistez pas, ne dissimulez pas, mais voyez ! C’est cela, être vide ; c’est cela, le vide libérateur ! »
● « Donner presque tout, jeter presque tout dans le feu de la vérité, est insuffisant, inutile. Un engagement total – non pas dans une organisation, non pas dans une foi quelconque en une quelconque divinité – est le minimum exigible. »
● « Le septième sens n’est pas un ajout, une nouvelle excroissance ou propriété de la personne humaine issue de l’évolution. Il est le résultat d’un retournement, d’une révolution interne spontanée, d’une rupture radicale avec tout le fonctionnement ordinaire (ou extraordinaire ) de la personne (pensée, sentiment, désir, émotion, activité) - d’un adieu conscient à toute la confusion reconnue telle qu’elle est. »
● « Le vide est la seule réalité permanente ; tout ce qui vient l’emplir ou le traverser n’est que passager, transitoire. »
● « Il n’existe pas de mauvais choix ; seulement des choix conscients et des choix inconscients. »
● « Le feu de l’attention est un feu de joie libératrice. En consumant ce qui est mort en nous, il redonne la vie. »
● « La peur de l’ego n’a pas d’autre fondement que l’existence même de celui-ci ; l’ego est la peur, l’ego est la mort. […] La mort de cette mort est Vie véritable. »
● « La libération spirituelle passe immanquablement par des actes posés en toute conscience, des engagements mesurés et conséquents. Chaque pas prépare l’envol, mais les pas, aussi nombreux soient-ils, ne peuvent suffire à eux seuls. Un élément mystérieux, très individuel et intime, doit être ajouté ; un levain seul capable de faire monter la pâte soigneusement pétrie. Ce levain est la soif spirituelle, réelle, authentique, puissante, inextinguible, qu’aucun enseignement, aucune pratique, aucune appartenance ne saurait faire naître ni étancher. »
Par Sabine Dewulf
--------------