Voici un livre dont la simplicité
du titre correspond parfaitement à celle du contenu. Une légèreté profonde. Ce récit
écrit à la première personne du singulier se conjugue pour l’essentiel au
présent de l’indicatif. Le seul temps qui puisse épouser le jaillissement de
l’éternel Instant.
Trois grandes parties composent
ce bref et dense ouvrage :
-
Le déclic ;
-
La vision
nouvelle ;
-
La danse de la
vie.
Depuis le « déclic » qui pousse l’auteure à comprendre un jour que
son expérience d’éveil, treize ans auparavant, n’était en fait qu’une
expérience spirituelle spectaculaire, mais certainement pas la Libération…
...jusqu’à l’installation, peu à
peu, d’une « vision nouvelle » de son être profond ; une compréhension
plus fine, profonde et juste de ce qu’est le véritable Eveil, avec
ses difficultés, ses étapes et la joie de goûter enfin la liberté d’être
soi-même : « Je sais maintenant ce
qui devait mourir, être dissous. Non pas le personnage-moi, puisqu’il n’existe
pas. Mais la croyance en l’existence de ce personnage. […] Tous mes
systèmes de croyance s écroulent comme un château de cartes, et je sens
que ce n’est qu’un début. »
Quelle vertigineuse aventure
intérieure… Et pourtant, cette plongée dans la matière, ce saut dans le
vide, cette immense glissade « dans
les bras de l’Etreté », tout cela se vit au plus près du simple
quotidien, « comme si on ouvrait une
fenêtre au petit matin ». Thème après thème – « le jeu », « le personnage », « l’amour », « la
foi », « la mort », « les émotions », « le
libre-arbitre », « la pratique », etc. -, la « vision nouvelle » de Sunyin
Lamour se déroule, de plus en plus vive et assurée, dans la pure joie d’être au
monde.
Alors peut se déployer la « danse de la vie » :
danse du je
libéré avec le mouvement naturel d’une vie qui ne lui appartient pas mais qui
l’emmène vers le meilleur de ce qui est à vivre. Une danse émouvante, lorsque Suyin nous entraîne avec elle
dans les bois où elle se promène, parmi ses « amis
de sève et de pierre », les buissons et les rochers, toute baignée de
larmes d’amour, qui lui lavent le corps et le cœur. Une danse sensuelle et poétique
à la fois, lorsque l’auteure se décrit, immobile, « écoutant le vent, sentant l’énergie de la nuit, la vibration de
Ce qui est ». Une danse désirante aussi, animale, même, lorsque la
narratrice évoque avec gourmandise son « ardente
et rugissante envie ». Une danse ludiquement divine, lorsqu’elle
coïncide avec le jeu d’un Dieu qui s’amuse comme un enfant à se refléter à
travers ses propres formes. Une danse lumineuse et amoureuse comme une « force tranquille qui accueille
tout ce qui se vit en nous et nous porte même quand tout s’effondre »… Une
danse voyageuse et miraculeuse : « Tout
pétille de conscience » ; « Seul m’intéresse ce qui est dans
l’instant, ce dont je fais l’expérience. »
L’une des originalités de ce
livre réside dans sa sincérité et sa vivante proximité avec le lecteur. Les mots traduisent
le tâtonnement de la recherche. Le
lecteur accompagne tout naturellement, sans effort, l’auteure dans sa quête,
dans ses croyances peu à peu démasquées, dans l’affinement progressif de sa
vision des choses et d’elle-même. Ce qu’on appelle communément "éveil" est
volontiers recouvert de notions mal comprises, comme la mort de l’ego. Le texte
de Suyin Lamour demeure au plus près de l’expérience vécue ; son langage
est clair, dépouillé, sans détours. Le bonheur de vivre est décrit dans l’immersion
du quotidien, parfois semé de déceptions utiles, qui font faner les croyances
illusoires et refleurir la justesse de l’expérience vécue. Jusqu’à la
découverte d’une délivrance réelle, dans la Joie qui demeure.
Sabine Dewulf