Entends-tu ce qui
Vient de l'heure, ce qui
Vient du cœur, à l'heure
De l'abandon, à l'heure
Du crève-cœur,
Ce battement depuis
La naissance, déchirant
Les entrailles maternelles,
Déchirant l'écorce
Terrestre, ce battement
Qui cherche à se dire,
Qui cherche à se faire
Entendre, entends-tu
Âme sœur,
Ce cri d'avant-vie, plein
D'une étrange nostalgie,
De ce qui avait été
Rêvé, et comme à jamais
Vécu, matin de brume
D'un fleuve, nuage
Se découvrant feuillage
Midi de feu d'un pré, pierre
Se dévoilant pivoine; toute
La terre embrasée, tout
Le ciel étoilé,
En une seule promesse,
En une seule invite:
Ne rate pas le divin,
Ne rate pas le destin!
Entends-tu ce qui
Vient de la flamme
Du corps, de la flamme
Du cœur, à l'heure
Du crève-cœur, ce cri
Surgit un jour, à ton
Insu, en ton plus profond,
Le transparent, le transportant
Le transfigurant, seul cri
Répondant à l'âme en attente,
Âme sœur
François Cheng, "La vraie gloire est ici", nrf, Poésie Gallimard