LE BONHEUR ? (extrait d'un livre à paraître le 21 mars
Il se vivait tel ce personnage de l’histoire zen qui, tombé de la falaise , s’est rattrapé à une branche qu’il sent craquer sous son poids tandis que de son autre main il cueille des fraises sauvages poussées dans le creux de la roche et s’émerveille de leur goût.
Il était au courant.
Tout ne tenait qu’à un fil.
Le corps que la vie lui avait prêté fonctionnait pour le moment sans accroc, comme un avion dans un ciel pur, à la merci d’une météo soudain impraticable, d’un missile égaré, d’une défaillance imprévisible du réacteur, d’un gros oiseau , d’un contrôleur aérien cinglé ou d’un pirate déterminé.
Chaque instant était un miracle, chaque respiration un don inouï, chaque petit plaisir une bénédiction.
Rien n’était dû, jamais.
Tout était accordé par une sidérante grâce.
Il était heureux et il n’en revenait pas.
Il n’avait aucune intention d’en revenir.
Il s’éveillait chaque nuit et titubait vers les toilettes bluffé d’être encore en vie, de ne pas être malade, d’être là où il était et d’être qui il était et aussi avec qui il était. Avec le Tout et avec l’amour dans le train duquel il était monté à son passage en ville.
Gilles Farcet
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