Quid du nouvel outil « vocal » beaucoup utilisé par la jeune génération ?
Le fait de parler à l’autre oralement supposait jusqu’à présent au moins un « maintenant », un présent en commun (pas forcément un « ici » depuis que le téléphone existe). La conversation nécessitait une forme de synchronisation. Or le vocal est un mode de communication orale sans synchronisation, c’est la première fois que cela apparaît dans l’histoire de l’humanité.
C’est un changement anthropologique ?
Bien sûr. Aujourd’hui, le message est antérieur à l’acte de communication. Quelqu’un est seul ; il détient une information ; il la délivre ; la seule chose importante, c’est de s’assurer que l’autre l’a bien reçue. À l’inverse, dans les dialogues de Platon, on crée des vérités par l’échange et le dialogue. Il n’y a pas de message préexistant. Socrate dit : je sais que je ne sais pas. Le questionnement, l’échange nous conduisent quelque part. On vit un voyage à deux vers le message.
Dans notre paradigme actuel, le message est antérieur à la rencontre. C’est quand même moins intéressant ! La rencontre ne va pas me faire changer ni m’amener à penser, créer, ressentir des sentiments nouveaux. On ne se laisse plus bousculer par la rencontre : je veux juste que les autres entendent ce que j’ai à dire et qu’ils l’acceptent. Dans l’acte de communication, il y a désormais une forme d’autoritarisme.
Alexandre Lacroix, directeur de la revue Philosophie magazine
source : La Vie magazine
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