dimanche 30 avril 2023

Comment… entrer dans la contemplation


Partout, dans les Évangiles, Jésus est d’abord un contemplatif : « Il le regarda et il l’aima » (Marc 10, 21). Cet état nous met dans les bonnes dispositions pour recevoir ce qui nous émerveille. Avec de l’entraînement, c’est possible au quotidien, dixit celle qui a passé plus de 180 jours dans un lit d’hôpital, à 37 ans !


1. Traquer la beauté…

…dans une tasse de café, un rayon de lumière. Une fois, lors d’un voyage en famille en voiture, nous passions sur un pont. L’eau offrait un tel reflet turquoise que j’ai fait arrêter tout le monde, juste pour le saisir. Ça a renâclé, mais pas trop. Ils savent que je suis plus disponible quand je me permets ce genre de chose ! Plus je m’abreuve de ce qui me transporte, plus je vis pleinement.

2. Consacrer du temps

Trente minutes gratuites, devant quelque chose de beau. Ne rien faire. Juste écouter, détailler les couleurs sans chercher un résultat, une analyse. Les effets, à ce stade, peuvent déjà être très bénéfiques. Un jour de grande colère, cette étape-là m’avait déjà permis de sortir de ma rage, avant même de peindre.

3. Regarder avec attention

J’observe cet arbre en hiver. Évidemment, il doit être gris. Pourtant n’y vois-je pas des nuances de mauve ? Laisser faire son impression, sans enfiler ses propres lunettes, ouvre des perspectives étonnantes. Pourquoi ne pas prendre de quoi dessiner ? Écrire ? Tenter de garder cette émotion sous une forme concrète permet de la choisir. Or, on devient ce qu’on choisit. La beauté transforme.

4. Ne pas chercher à bien faire

Petite fille, j’aimais reproduire des tableaux. Une fois, j’achoppais sur un visage. Je n’arrivais pas à faire la bouche. Je cherchais trop à « bien » faire. Mon père me glisse alors ce conseil : « Mets du violet sur la lèvre supérieure et du rose dessous. » Deux couleurs pour une même bouche ? Il avait raison. Ça m’a débloquée et ouvert un monde de possibilités.


Elo de la Ruë du Can



*******************



Pour en savoir plus : 
Élo de la Rüe du Can : La foi par l'art et la matière

Première artiste à exposer sur les grilles des Invalides à Paris, cette dessinatrice designer est une combattante. Après une chute qui, depuis 2018, la cloue dans un fauteuil roulant, cette mère de cinq filles raconte l’épreuve et sa constante recherche de Dieu.

Par Emmanuelle Ollivry

Je me réveille à moitié morte, en ce jour de mars 2018. L’échelle a glissé et je viens de me briser la colonne vertébrale. Briser un monde aussi. Je suis artiste et designer textile. J’ai travaillé pour Dior et consorts, dessinatrice des fashion-weeks européennes… Dans ce milieu, une fille, c’est d’abord une démarche. Et là, je viens de changer d’univers en quelques fractions de seconde.

Je suis comme passée au cœur d’un réacteur d’avion. Impossible de situer le sol ni le plafond. Mes muscles s’évaporent, mais je me sens aussi comme absorbée par le plancher et plus rien ne fonctionne en dessous de ma taille. Entre rage et découragement, en constatant l’étendue de ce qui grippe la mécanique, je mesure en même temps l’extraordinaire complexité du corps humain. Commencent alors de longs mois d’hospitalisation et de questions.

Cette machine si complète peut-elle être conçue par autre chose qu’une intelligence divine ? Remarcherai-je un jour ? Quand retrouverai-je mon mari, Romain ? On se voit déjà si peu, du fait de son métier, auréolé de mystère. Après les Forces spéciales, le renseignement. Ça veut tout dire et rien dire à la fois. Je ne sais jamais où il part, ni combien de temps. Comment gérer nos cinq filles, dont la dernière n’a pas 18 mois ? Une seule réponse campe dans mon esprit : Dieu ne peut vouloir ma souffrance abyssale. Ce serait intenable.


Un catéchisme pétri de règles et de grands principes

Pourtant, on m’a enseigné tout autre chose. Mon enfance est un improbable pari, mixant catéchèse janséniste de ma grand-mère et quotidien joyeusement foutraque, quasi exempt de règle. D’une part, je navigue dans une atmosphère bohème : profusion de pastels à disposition, fragrances de cire de fonderie, super-platine vinyle dont les notes jazzy font souvent oublier les tartes dans le four.

Avec mes quatre frères et sœurs, je partage un grand loft à Trappes, où se trouvent également les ateliers de mes parents (père sculpteur, athée, et mère catholique, peintre prolifique). D’autre part, toute la fratrie suit un catéchisme rigoureux, dans sa version presque juridique. Il faut connaître la cartographie des péchés (véniels ou mortels) hisser la souffrance au rang de vertu, connaître les prières susceptibles de nous obtenir des indulgences.

Moi, je ne crois pas en un Dieu comptable. J’ai l’intuition qu’il passe par la matière, les sens, l’odeur de l’encens, les couleurs, les attitudes, le cœur. Par exemple, quand à 10 ans, je fais une randonnée à la montagne, je suis saisie par la beauté époustouflante d’une clairière. Ça me remplit tellement de l’intérieur que j’y vois une manifestation concrète de Dieu dans ma vie. Un peu à la manière d’un saint François d’Assise qui accepte de devenir pauvre, voire antisocial, pour rencontrer son Seigneur dans la création. En écoutant, observant, touchant.

À 25 ans, je suis également bouleversée par une messe de Pâques ukrainienne. De véritables armoires à glace testostéronées y embrassent le sol avec vigueur pour manifester leur petitesse devant le Seigneur. Dans le geste de ces hommes, consentant à s’abaisser, je perçois encore une manifestation de ce Dieu qui nous dépasse.

Avec le catéchisme de mon enfance, pétri de règles et de grands principes, j’avais pensé que croire consistait en une marche à suivre technique, aux étapes préétablies. Ces moments de grâce me poussent plutôt à chercher des réponses dans la contemplation, la matière, voire le travail de mes mains, comme l’artiste que je deviens. Cela explique mon ­attirance pour la vie de mon oncle Joseph, moine portier à l’abbaye de Wisques (Pas-de-Calais) où se fabriquent quantité de cartes de première communion artisanales, joliment ouvragées.


Il m’emmène, dès mon plus jeune âge, dans l’atelier de gravure, me fait plonger dans ce quotidien équilibrant, entre prière et travail. Cette vie créative au service du spirituel, ça a du sens. C’est ainsi que je rencontre vraiment Dieu. J’en reçois d’ailleurs une confirmation très forte, à 21 ans.

Témoignage de foi par l'art et conversion

J’entre alors à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris où je côtoie une étudiante, Clarisse, au destin singulier. Dans tout son travail, elle brandit sa foi. Un peu à la manière du Greco, ce théologien qui se sert de la peinture comme d’une chaire. Ainsi, lorsqu’elle crée une splendide robe en feuilles d’or, elle la conçoit délibérément pour la Vierge et en témoigne. Or, cette jeune fille meurt dans un accident de voiture, au beau milieu de son cursus dans l’enseignement supérieur, le jour de Pâques. Toute la promotion est chavirée et assiste à l’enterrement, dont le livret est orné d’un magnifique pommier en fleurs.

En regardant son parcours, je ressens une forme de plénitude qui m’appelle à, moi aussi, ajuster vie intérieure et travail, pour traquer le beau, et pas seulement représenter ce qui s’offre à mes yeux. Son témoignage de foi par l’art rejoint mon aspiration à contempler l’Invisible dans la création. J’expérimente que Dieu passe par la matière pour nous toucher. À cette période, je lis la Bible et je médite 30 minutes à une heure chaque jour. Pendant ce temps, je ne fais « rien ». Je me laisse transformer, je vais à l’adoration, je cherche la porosité entre visible et invisible.

Crise majeure et avancée dans la foi

Puis, à peu près au moment où je mets au monde ma première fille, je traverse une crise majeure. Dieu ne fait quasiment plus partie de ma vie, et le catholicisme m’apparaît comme un rituel froid, déshumanisé. Pourquoi là, à cette période ? Je n’en ai aucune idée. Je fais quand même baptiser mes trois aînées. Un vrai choix personnel, puisque Romain n’est pas croyant. Cette tourmente (de laquelle je ne me sens pas pleinement sortie) je m’en extrais, petit à petit, cette fois encore grâce à la matière.

Les questions qui me taraudent sont aussi métaphysiques, géographiques que physiques. Par exemple, je n’arrive pas à m’approprier le mystère de la résurrection du Christ, mais je reste fascinée par le linceul de Turin. Comment une lumière peut-elle projeter l’image de Jésus sur le tissu ? Est-il possible qu’une puissante émission de neutrons et de protons forme vraiment une empreinte, grâce à l’oxydation des fibres de cellulose ?

J’ai besoin d’une clef d’entrée scientifique. Et je la reçois, il y a cinq ans, alors que je lis le récit du Dr Hida. Ce médecin japonais, témoin de l’explosion à Hiroshima, raconte une lumière immense, d’une intensité inconnue, capable d’imprimer sur un mur l’ombre d’un homme en mouvement. Le lien avec le linceul m’apparaît comme une évidence. Ce phénomène existe donc selon des lois physiques ! Le savoir m’est essentiel pour avancer dans ma foi.

« Un état contemplatif de paix profonde »

Je trouve aussi des échos à mes questions dans les écrits de la mystique Maria Valtorta, certes controversés, mais qui fourmillent de détails topographiques, alors que l’auteure n’a vraisemblablement pas mis les pieds sur les lieux : « Jésus est seul. Il médite, assis sous un chêne vert gigantesque qui a poussé sur une pente du mont Garizim qui domine Sichem. La ville, d’un blanc rosé sous le premier soleil, est située tout en bas, et s’étend sur les premières pentes du mont. Vue d’en haut, elle ressemble à une poignée de gros cubes blancs renversés par quelque grand enfant sur un pré vert incliné. »

Ces descriptions me donnent le désir de peindre, en renouant avec cet état contemplatif de paix profonde. L’accident arrive à ce moment de ma vie où je suis convaincue de l’existence de Dieu, mais toujours en quête de le connaître vraiment.

J’arrive à l’Institut national des Invalides pour six mois à temps complet, puis deux années en hospitalisation de jour. Tous mes repères volent en éclats tandis que je regarde mon corps inerte dans ce lit. Mes yeux s’évadent par la fenêtre d’où j’aperçois le dôme rutilant. Jour après jour, la beauté de l’architecture me tracte vers le ciel. Il y a une sorte de bénédiction dans ce lieu. Une grandeur qui relève. Est-ce cela que voulait Louis XIV ? Donner un toit aux vétérans oubliés, prouver sa reconnaissance sous la forme d’un bâtiment majestueux ?

Je songe que si les châteaux sont pour les gens importants, alors nous tous, nous le sommes. Je saisis mon iPad et mes doigts ébauchent sur l’écran le contour d’un entablement ou d’un visage voisin. Je cherche des nuances non acquises (un bleu sur une joue, un rouge sur la pierre) et j’apprends à reconquérir ma dignité.

Je repense alors à cette scène du Nouveau Testament que j’aime tant : quand Jésus est interpellé par les scribes et les pharisiens pour savoir s’il approuve la lapidation de la femme adultère. Quelle est sa toute première réponse ? Se taire et, avec son doigt, dessiner sur le sol.

Elo de la Ruë du Can


source : La Vie


Les étapes de sa vie 

1981 Naissance dans les Hauts-de-Seine. 

2001 Entrée à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris.

2007 Rencontre avec Romain, son mari.

2009 à 2016 Naissances de ses cinq filles.

2018 Chute d'une échelle.

2022 Première exposition d’envergure à Paris, avant une tournée encore en cours.

----------------

vendredi 28 avril 2023

Être espace

 


La méditation va d'instant en instant.

Les yeux voient, les oreilles entendent.

Les organes fonctionnent.

Il n'y a ni intériorisation, ni concentration, ni introversion, ni retrait des sens.

Ne cédez pas à ces vieilles habitudes de retrait.

Entrez dans une expansion non orientée, dans l'espace sans espace.

C'est sahaja, le non-état naturel où toute activité est au sein de l'être.

transmettre la lumière/jean klein/le relié poche

illustration de Gérard Beaulet

-------------


jeudi 27 avril 2023

A tendre vers ?


Attendre est un état d'esprit. En résumé, vous voulez le futur, mais non le présent. Vous ne voulez pas de ce que vous avez et désirez ce que vous n'avez pas. Avec l'attente, peu importe sa forme, vous suscitez inconsciemment un conflit intérieur entre votre ici-maintenant, où vous ne voulez pas être, et le futur projeté que vous convoitez. Cela réduit grandement la qualité de votre vie en vous faisant perdre le présent. Il n'y a rien de mal à essayer d'améliorer vos conditions de vie, et vous pouvez le faire. Par contre, vous ne pouvez améliorer votre vie. La vie passe avant tout.

La vie est votre Être intérieur le plus profond. Elle est déjà entière, complète, parfaite. Ce sont les circonstances et vos expériences qui constituent vos conditions de vie. Il n'y a rien de mal à aspirer à aspirer à certains buts et à vous efforcer de les atteindre. L'erreur, c'est de substituer cette aspiration au sentiment de vivre, à l'Être. Le seul point d'accès à l'Être, c'est le présent. Vous êtes donc comme l'architecte qui ne prête aucune attention aux fondations d'un édifice, mais passe beaucoup de temps sur la superstructure.

Par exemple, bien des gens attendent que la prospérité vienne. Mais celle-ci ne peut arriver dans le futur. Lorsque vous honorez, reconnaissez et acceptez pleinement votre réalité présente et ce que vous avez – c'est-à-dire le lieu où vous êtes, ce que vous êtes et ce que vous faites dans le moment –, vous éprouvez de la reconnaissance pour ce que vous avez, pour ce qui est, pour le fait d'Être. La gratitude envers le moment présent et la plénitude de la vie présente, voilà ce qu'est la vraie prospérité. Celle-ci ne peut survenir dans le futur. Alors, avec le temps, cette prospérité se manifeste pour vous de diverses façons. Si vous êtes insatisfait de ce que vous avez, ou même frustré ou en colère face à un manque actuel, cela peut vous motiver à devenir riche. Mais même avec des millions, vous continuerez à éprouver intérieurement un manque et, en profondeur, l'insatisfaction sera toujours là. Vous avez peut-être vécu de nombreuses expériences passionnantes qui peuvent s'acheter, mais elles sont éphémères et vous laissent toujours un sentiment de vide et le besoin d'une plus grande gratification physique ou psychologique. Vous ne vivez donc pas dans l'Être et, par conséquent, ne sentez pas la plénitude de la vie maintenant, qui est la seule véritable prospérité.

Alors, cessez d'attendre, n'en faites plus un état d'esprit. Lorsque vous vous surprenez à glisser vers cet état d'esprit, secouez-vous. Revenez au moment présent. Contentez-vous d'être et dégustez ce fait d'être. Si vous êtes présent, vous n'avez jamais besoin d'attendre quoi que ce soit.

Ainsi donc, la prochaine fois que quelqu'un vous dira : « Désolé de vous faire attendre », vous pourrez répondre : « Ça va. Je n'attendais pas. J'étais tout simplement là, à m'amuser ! »

Le pouvoir du moment présent par Eckhart Tolle

-------------


mercredi 26 avril 2023

Etre entendu

 ETRE ENTENDU(E) - extrait du "carnet"


Dialogue archétypal :
-Je demande à être entendu (e)
Tu ne seras jamais « entendu(e) » par ceux dont tu voudrais l’être, à savoir tes parents ou même tes petits camarades. L’issue n’est pas là. Demande toi qui veut être entendue, par qui et pour quoi ?
-Je ne demande pas à être entendu(e) par mes parents ou mes petits camarades .
-Par qui alors ?
-Par ma femme, mon mari, ma belle mère, ma belle soeur, mon chef , mon voisin…
-Se pourrait il que ta souffrance vienne de ce que tu demandes - exiges- d’être entendu(e) par des personnes qui, au jour d’ aujourd’hui en tout cas, ne sont pas en capacité de t’entendre ?
-Alors je veux être entendu (e) par Dieu.
-Dieu n’est pas un psy payé pour t’écouter. Il ou elle a autre chose à faire.
-Même lui (elle ?) ne m’entend pas alors ?
-Tant qu’en toi (en moi) ça refuse ce qui a été, ce qui est et l’idée que tu te fais de ce qui sera, ce n’est même pas que Dieu ne t’entend pas , c’est qu’en pratique il n’existe pas. En tout cas il n’est pas là.
Il se présente dès qu’en toi ça cesse de justifier le refus et donc de refuser, de réclamer, de revendiquer. Alors il ne te donne pas nécessairement ce que tu exiges ; il te replace en un espace où tu n’en as plus besoin.

Gilles Farcet

--------------

mardi 25 avril 2023

lundi 24 avril 2023

Esperance bienveillante

 Matthieu Ricard aborde la crise climatique sous l'angle de la bienveillance, un pas de côté qui pourrait permettre à tous d'agir pour le bien commun...



*********


dimanche 23 avril 2023

L'esprit de la Paix

 Nous pouvons crier : « Que la paix soit ! " mais cela n'apportera pas vraiment la paix. La paix n'apparaîtra dans le monde qui nous entoure que lorsque chaque individu apprendra à apprivoiser les perturbations qui surgissent dans son propre esprit. Alors, la paix viendra automatiquement.

~ Chokyi Denima Rinpoché

We may shout, “Let there be peace!” but this won’t really bring peace. Peace will appear in the world around us only when each individual learns to tame the disturbances arising within his or her own mind. Then, peace will come automatically.


----------------


samedi 22 avril 2023

Un peu de Yi Jing

 "Tu trouveras, ci-dessous, la vidéo « Les 100 formules du Yi Jing » qui reprend les 100 formules les plus importantes du Livre des Changements, à partir de la traduction de Cyrille Javary (1).

Lance la vidéo et, quand tu te sens prêt.e, appuie sur pause et découvre un conseil ou une indication sur la qualité du moment ...


Explications de certaines formules :

Apaisement présage ouverture : présage d’ouverture si on parvient à ramener le calme en soi et/ou dans la relation.

Chaque jour, contrôler les chariots et les gardes : prendre toutes les précautions nécessaires.

Distinction contenue présage de possibilités : présage d’ouverture si on évite de fanfaronner.

D’un peuplier desséché naît des surgeons : le renouveau vient de ce que l’on pensait appartenir au passé.

Gains ou manques, pas de craintes à avoir : qu’on gagne ou qu’on perde, tout ira bien.

Grandeur sans entraînement : place à la spontanéité !

La poutre maîtresse ploie : une limite (intérieure ou extérieure) est (ou est sur le point d’être) dépassée.

Le mandat change : une révolution est en marche.

Les madriers verrouillant les portes réalisent le clan : s’isoler de l’extérieur pour permettre des réalisations à l’intérieur.

Mesure amère présage impossibilité : éviter de s’imposer une discipline pénible.

Ne pas employer l’armée : ne pas employer la force.

Nuages épais, pas de pluie en nos domaines de l’Ouest : on est parti pour attendre.

Pas profitable d’accepter l’hospitalité : pas profitable d’offrir son aide ou d’accepter l’aide d’autrui.

Présage pour l’épouse d’ouverture, pour le mari de fermeture : privilégier le yin au yang, l’action douce à l’action ferme.

Profitable/pas profitable d’avoir ou aller : profitable/pas profitable d’avoir un objectif clairement défini et de s’y tenir.

Profitable au Sud-Ouest, pas profitable au Nord-Est : profitable de rester en terrain connu, pas profitable d’avancer en terre inconnue.

Profitable d’employer les procédures judiciaires : utiliser les moyens nécessaires pour rétablir l’ordre et la justice, même ceux de dernier recours.

Profitable d’instituer des vassaux : hiérarchiser les priorités et déléguer ce qui peut l’être.

Profitable d’opérer la mise en route de l’armée : profitable de prendre des mesures fortes.

Réexaminer à l’aide des tiges d’achillée : effectuer un tirage du Yi Jing.

Résolument se manifester à la cour du roi : même si ça n’est pas facile, il faut faire entendre sa voix.

Retarder le mariage l’assure au moment opportun : le retard est bénéfique.

Rien qui ne soit profitable : formule la plus bénéfique du Yi Jing !

Sacrifier du gros bétail, ouverture : c’est le moment de miser gros.

Sept jours et obtenir : attendre un cycle complet court puis obtenir.

Sortir et rentrer sans fébrilité : y aller par petits pas.

Stabiliser les os maxillaires. Les paroles sont ordonnées.

Tout regret disparaît : faire preuve de maîtrise dans son attitude et dans ses paroles et aller de l’avant.

Voici la pluie, voici le repos : voici ce que l’on attendait.

-------------------


vendredi 21 avril 2023

Exigence en rappel

 Gurdjieff parlant à un membre du Groupe Français, fin des années 40 :


"Pour chaque homme travaillant pour sa libération, chaque minute vécue maintenant doit servir à réparer ce qui n'allait pas hier et à préparer ce qui sera demain.  Je dois éprouver du remord pour ce qui n'allait pas hier et rester là, face à ce matériau.  C’est là que je trouverai la force nécessaire pour agir différemment, force qui me permettra peu à peu de changer mon être.  Et cela doit être une tâche à chaque instant… Je ne peux que partir de ce matériau, des choses vécues, ressenties, qui sont pour moi une certitude.  Je dois aller assez profondément en moi pour trouver cette certitude, dans un endroit où je ne suis plus happé par l'extérieur, un endroit où tout est calme.  Je dois rester là et faire des efforts désespérés pour rester en moi, afin de moins m'identifier aux choses et aux gens.  Je dois choisir - décider intérieurement - de comprendre ce qui a une valeur réelle pour moi et de vivre conformément à ce que j'ai compris, pour servir ce que j'ai reconnu comme ayant une réelle valeur pour moi.  Et cette décision doit être constamment renouvelée;  il est nécessaire de s'en convaincre encore et encore."

" For every man working for his liberation, every minute lived now must serve to repair what was wrong yesturday and to prepare what will be tomorrow. I must experience remorse for what was wrong yesturday and stay there, in front of this material. Only there will I find the strength necessary to act differently, the strength which will allow me, little by little to change my being. And this must be a task for every instant.... I can only start from this material, from things experienced, felt, which are for me a certainty. I must go enough into myself to find this certainty, to a place where I am no longer swallowed up by the outside, a place where everything is quiet. I must remain there and make desperate efforts in order to stay inside myself, in order to identifie less with things and people. I must choose - decide inwardly - come to understand what has real value for me, and live accordly to what I have understood, to serve what I have recognized as having real value for me. And this decision has to be constantly renewed ; it is necessary to convince oneself of it again and again."

Gurdjieff Reconsidered page 204-205

------------

jeudi 20 avril 2023

L'intelligence du corps et le refus...

 Ce qui fait souffrir, c'est le refus de ce qui est...

Daniel Morin nous conseille de laisser monter et de voir les pensées qui viennent sans les filtrer, sans s'y opposer...


*******


mercredi 19 avril 2023

mardi 18 avril 2023

4 qualités à méditer

 A la méditation chez nous à Saint Maxire, nous avons essayé de prendre conscience des tendances de notre esprit.


Par devers nous et suite à notre histoire, nous avons développé des tendances mentales qui entrainent un fonctionnement mental habituel. Ce fonctionnement est basé sur l'attachement et sur l'aversion. Nous sommes bien sûr attachés à nos possession, mais plus encore à notre santé, nos concepts, nos idées et notre vie. Cet ensemble constitue un moi que nous saisissons et auquel nous attribuons une réalité fixe.

Ce moi, notre individualité physique et mentale, est quelque chose d'extrêmement précieux car il nous permet de nous manifester dans le monde, mais sa réalité est changeante et irréelle comme un nuage dans le ciel. Ce que j'étais il y a une seconde est mort pour faire place à ce que je suis maintenant et que je ne connais pas encore et sans que j'aie le temps de le saisir, je suis déjà devenu ce que je suis à la seconde suivante. Ce moi est un flux insaisissable, toujours changeant.

Pouvons-nous juste nous en réjouir ? Ce serait terrible de rester fixé dans quelque chose qui ne changerait plus jamais.

Notre tendance est de défendre cette idée que nous avons de ce petit moi car nous sommes attachés à quelque chose qui n'a aucune existence fixe, aucune existence en soi.

Cette tendance nous fait adopter des positions centrées sur nous-mêmes, c'est-à-dire égoïstes qui ne nous mènent pas au bonheur car elles sont illusoires et entrainent de la souffrance autant pour nous que pour les autres.

L'intention de la méditation est de cultiver des tendances basées sur 4 qualités qui sont inhérentes à nous, càd que nous n'avons pas à acquérir, seulement à dévoiler : il s'agit de l'amour altruiste, de la compassion, de la joie et de l'équanimité.

C'est l'actualisation et le développement sans limite de ces qualités qui vont éclairer notre chemin vers le bonheur.

Philippe Fabri

-------------

dimanche 16 avril 2023

Entrer en humanitaire

 Comment s’engager dans l’humanitaire. Les Conseils de Paul Grossrieder.



1. Entrer dans le monde de l’autre : 
Comme tous les humanitaires, ma première mission est celle qui m’a le plus marqué. Vous quittez un monde pour entrer dans un autre. En 1984, moins d’un an après ma sortie des ordres, j’ai plongé dans la guerre Iran-Irak, avec les Pendus de Bagdad, de Gérard de Villiers, comme (excellente) documentation. Dans les camps de prisonniers iraniens à Mossoul, j’ai rendu visite aux bassidjis, les volontaires du régime islamique : des gamins de 12, 13 ans… J’ai découvert l’hostilité viscérale entre Arabes et Perses. La motivation de départ se heurte à la réalité de la situation. Vous vous retrouvez face à l’autre, et vous n’avez pas le choix. Je me suis occupé de ces captifs avec un œil critique, sans naïveté.

2. Passion et professionnalisme
Aux jeunes délégués du CICR, je conseillais : « Passion and profession. » La valeur de l’humanitaire, c’est un mélange de motivation et de réalisme. Il ne faut pas confondre les discours : le délégué ne peut se brouiller avec les autorités d’un pays, sinon il ne peut plus rien faire. J’étais très contre le droit d’ingérence, théorisé par Bernard Kouchner, qui justifiait des interventions militaires au nom de l’humanitaire. À l’usage, l’histoire m’a donné raison. Si vous êtes trop pris par l’émotion, ça diminue votre lucidité et vous travaillez moins bien.

3. Ne pas devenir cynique
Le cynisme est le plus grand risque pour un humanitaire, mais il n’avance à rien. Il faut se battre. Je répétais aux délégués : « Si vous n’arrivez à sauver qu’une vie, à ne protéger qu’un seul prisonnier, vous avez gagné. » L’homme n’est pas qu’un loup pour l’homme, je l’ai vu avec Maree Worthington, infirmière australienne de 20 ans, prise en otage au Soudan en 1996, qui a tenu bon sans haine pour ses geôliers. Je l’ai vu avec Nelson Mandela : j’étais convaincu que les leaders noirs feraient couler le sang à la chute de l’apartheid. Il n’en fut rien. Il faut garder les yeux ouverts sur les perles d’humanité, et capitaliser là-dessus.


Source : la Vie

-----------









samedi 15 avril 2023

Un rien de qualité

 Lors d'une interview de Christian Bobin, le journaliste cite une phrase écrite par le poète, que voici :


"Je n'ai rien fait de ma vie, rien, juste bâti un nid d'hirondelle sous la poutre du langage."
- Qu'est ce que c'est que n'être rien ? demande le journaliste au poète.
- On vous apprend dans cette vie, quand vous vous êtes petit et un peu plus tard aussi à
chercher des choses solides.
Les choses solides vous sont données parfois par la morale, par un travail, par des récompenses,
par de l'argent, par des soucis, ainsi de suite... Or, peu à peu, on s'aperçoit que les choses dites solides, ne le sont pas en vérité :
L'argent, les affaires, les soucis, les savoir, les certitudes, ça ne tient pas vraiment le coup, ça ne tient pas le choc, ni de la grâce, ni de l'épreuve....
Qu'est ce qui reste ?
Il reste ce qu'on peut appeler "rien". Mais ce "rien", il est de la plus haute qualité. C'est la fleur même de la vie.

Christian Bobin (via Monique Vendel)
-
---

vendredi 14 avril 2023

De la plume au hara


D’autre part, il y a moyen, même pour un débutant, de ressentir une accumulation d’énergie. Or, ce qui est souvent douloureux pour tel ou telle d’entre vous, c’est de vous sentir si faible et démuni que vous n’existez plus, comme une plume sur laquelle la vie n’a qu’à souffler pour la balayer.

Vous pouvez assez vite sentir cette force en vous. Il suffit de respirer normalement et, à l’expiration, de tourner toute l’attention vers le bas-ventre en vous représentant qu’une énergie qui a pénétré en vous à l’inspiration, se répand maintenant dans l’organisme et se concentre dans le ventre. Ce n’est pas l’énergie la plus raffinée avec laquelle nous puissions fonctionner et il y a des énergies plus subtiles, mais cette pratique est quand même la base de l’édifice.

Je possède une photo de Swâmi Prajnanpad où l’on ne voit, si j’ose dire, que son ventre. On dirait une sculpture gothique. Il est droit, debout, toute l’attention de celui qui regarde la photo est captée par son ventre. Même pour ceux qui n’insistent pas sur le hara comme le font les Japonais et les yogis tibétains, l’ascèse développe celui-ci.

Si vous vous exercez plus avant, vous pouvez quelque peu pousser sur la paroi abdominale basse, comme lorsqu’on s’est accroupi dans les champs pour se soulager surtout si l’on est constipé. Personne n’a jamais « poussé » à l’inspiration. Essayez de pousser pour éliminer les excréments en inspirant, c’est impossible. Vous ne pouvez pousser qu’en expirant. Vous poussez donc, mais plutôt vers l’avant, ce qui amène une légère proéminence du bas-ventre et un durcissement de la paroi abdominale. Il existe donc un point à trouver en vous, qui se situe à peu près à mi-chemin entre le haut du pubis et le nombril. Si vous trouvez ce centre (c’est assez aisé, il n’y a pas à tâtonner pendant des jours et des jours), en expirant vous concentrez l’énergie dans le ventre, c’est la première étape ; au bout de quelque temps, lorsque vous y arrivez facilement, vous poussez un peu à l’expiration. Et ce centre de gravité avec lequel vous serez familiarisés, dont vous aurez aisément la sensation, deviendra votre meilleur ami, un point d’appui qui ne vous trahira pas.

Dans ce centre vital, il n’y a pas de pensées inutiles, il n’y a pas ce fatras de l’intellect et du mental coupés de la vie ; il n’y a pas non plus ces émotions infantiles par lesquelles vous vous laissez si vite emporter. Vous y trouverez au contraire une puissance stable qui vous dépasse tout en étant vôtre et qui se révèle facilement canalisable pour ne pas cristalliser l’ego sur lui-même. Elle ne vous conduira pas dans l’impasse d’une force de caractère et d’une résistance aux chocs qui soient en même temps une prison. L’avenir reste disponible.

Approches de la Méditation de Arnaud Desjardins
-------------


jeudi 13 avril 2023

Le corps et son langage

 

Réconcilier la partie consciente et inconsciente du conditionnement émotionnel

« La constante du milieu intérieur est la condition d’une vie libre. » Claude Bernard



L’équilibre de notre milieu intérieur (glycémie, température, taux de sel dans le sang, etc.) en dépit des conditions de vie extérieures (chaleur, froid, etc.) est une condition essentielle à la survie de l’individu. On appelle cet équilibre dynamique l’homéostasie.

Ce sont les réflexes de survie commandés par le système nerveux sympathique qui permettent de maintenir cet équilibre. Dans cet équilibre dynamique, il va y avoir compétition entre deux actions opposées, par exemple celle de manger beaucoup ou de manger peu. Un des pôles d’action est sélectionné s’il représente un avantage pour la survie de l’individu.

Marie et Lisa

Lisa est en couple depuis un an. Elle a 33 ans. Elle veut perdre du poids mais n’y arrive pas. Dès qu’elle perd un kilo, elle en reprend davantage. Au cours de la consultation, elle dit avoir encore pris du poids. En disant cela, elle affiche un large sourire sans s’en rendre compte. Le langage de son corps et l’émotion qu’elle exprime sont en contradiction avec son souhait de maigrir. Le fait de prendre du poids soulage manifestement un stress chez elle.

On se souvient qu’elle est née prématurément et a été placée en couveuse. Le fait d’être arraché à sa mère est dramatique pour un nouveau-né car il est privé des besoins primordiaux de nourriture et de protection. Un faible poids peut devenir un inconvénient majeur. Il semble logique de penser qu’en réaction à un faible poids, on aura une prise de poids. Plus Lisa prend du poids, plus elle s’éloigne du stress de sa naissance et donc plus elle est récompensée. Elle a toutes les difficultés du monde à perdre du poids car cela la replonge dans le stress initial.

Chez Lisa, le conditionnement émotionnel pourrait s’énoncer : « manger c’est bon pour ma survie ». Si le conditionnement émotionnel est maintenu, le comportement se maintient aussi. La récompense qu’elle recherche en permanence est de manger à sa faim. Elle est bloquée tant qu’elle ne reconnaît pas que le surpoids vient solutionner quelque chose. C’est seulement si elle reconnaît cela qu’elle pourra changer, en remplaçant l’excès de nourriture par autre chose qui lui procurera un plaisir plus grand comme la pratique d’un sport par exemple.

La compréhension du sens du conditionnement permet de pouvoir agir dessus. On peut alors choisir la modalité de la réponse et la mettre en action.

Guérir, c’est sortir du rail de la réponse automatique du conditionnement et choisir en toute liberté une nouvelle réponse.

Si on est en surpoids, le premier pas vers la guérison est de rechercher pourquoi l’organisme a mis en place cette adaptation-là et pas une autre.

C’est en acceptant le surpoids et en comprenant son sens qu’il est possible d’adopter un nouveau comportement qui présente des bénéfices encore plus grands que celui procuré par la nourriture.



Pourquoi éprouve-t-on des difficultés à changer ?

Changer signifie modifier l’équilibre de notre milieu interne. C’est le plus difficile, du point de vue biologique, car cet équilibre est contrôlé de manière involontaire et inconsciente par le système nerveux sympathique.

Changer, c’est donc se mettre en danger, dans l'inconnu d'un nouveau fonctionnement qui n’a pas encore fait ses preuves.

Si on reprend l’exemple du chien de Pavlov, comment pourrait-on le reconditionner ? Déprogrammer n’aurait aucun sens. On ne peut pas désapprendre quelque chose qui a eu un sens à un moment donné. Cependant, on peut apprendre quelque chose de nouveau. On pourrait, par exemple, reconditionner le chien a un stimulus plus agréable que le fait de lui présenter de la nourriture. Par exemple, chaque fois que la cloche sonne, aller le promener. Après reconditionnement, au lieu de saliver, il ira chercher sa laisse ou remuera la queue par exemple…

Source : L'impact des émotions sur l'ADN (2014) de Nathalie Zammatteo 


mercredi 12 avril 2023

Effacement et affirmation de soi



Le Chemin comprend deux aspects, un aspect d’effacement de soi et un autre aspect d’affirmation de soi. Tant que vous n’aurez pas tiré cette apparente contradiction au clair, vous serez mené par le mental et vous ne pourrez pas vraiment progresser.
Le Chemin demande une affirmation de soi que vous ne pouvez même pas imaginer, même pas soupçonner. Et, en même temps, le Chemin demande un effacement de tout ce qui rapetisse, corrompt, dégrade, amenuise le Soi.
Swamiji s’adressait à un homme dont l’ego était plus ou moins mal en point et qui n’avait pas pu grandir et s’affirmer parfaitement. Une affirmation de soi est nécessaire, juste et normale et il ne faut pas la considérer comme un péché, un vice ou une marque d’égoïsme.
Si un enfant n’a pas été assez aimé, reconnu, aidé, apprécié, s’il a été critiqué, blessé par des paroles désobligeantes, des comparaisons, s’il s’est senti seul, incompris, il doute de lui. Il vit sans avoir vraiment confiance en sa vie et je dirais même sans oser vivre vraiment, comme s’il n’était pas convaincu qu’il a le droit d’exister, que son existence est très importante et qu’il a sa place au soleil.
Se nier soi-même, douter de soi, c’est nier le Soi, c’est douter du Soi, c’est donc une attitude blasphématoire et sacrilège.
Arnaud Desjardins
Un grain de sagesse, chapitre "Je suis"
------------.


mardi 11 avril 2023

Les six étapes du travail sur soi, selon Denise Desjardins


1e étape

Trouvez la cause de notre difficulté majeure [grâce à un travail sur l’inconscient].

2e étape

Acceptez ce qu'il en est, même si la situation intérieure se révèle cruelle. C'est ce que nous sommes en grande partie : une mécanique soumise à certains conditionnements dont l'origine se situe pour la plupart dans l'enfance (quelquefois plus avant). En exprimer la souffrance ou la révolte sans se juger ni se sentir coupable.

3e étape

Se désidentifier des traumatismes de l'enfance. Lesquels laissent des marques d'autant plus tenaces qu’ils se sont profondément gravés sur la cire encore neuve du psychisme d’un petit enfant, d’un bébé, parfois même du fœtus.

4e étape

Faire une sorte de bilan en établissant un tableau où sont mis en regard les causes et les résultats c'est-à-dire le passé et le présent.  Un tableau qui ne prend pas plus d’une demi page, à la rigueur une page, afin de pouvoir s'y reporter dans la vie quotidienne au cas où l'on ait oublié d'où viennent nos réactions émotionnelles les plus fortes : il est indéniable que les habitudes mentales reprennent vite le dessus.

5e étape

Aussi importante que longue : faire, chaque fois que les vieux automatismes reviennent avec leur cortège d'émotions, un travail de connexion, de remémoration de l'origine de ces comportements que l'on a retrouvés, vus, compris, mais que l'on a tendance à laisser de côté. Du coup, on se laisse reprendre par ses anciennes habitudes de penser, de réagir, de se comporter, vieilles de nombreuses années où l'on a cru naturel d'être ainsi, de vivre ainsi. 

6e étape

Elle s’insère au jour le jour dans la banalité des habitudes, à chaque conflit d’ego à ego au cours de sa vie professionnelle ou relationnelle. Plutôt que de se perdre dans ces conflits, il s'agira de les transformer en une multitude d'occasions de s'exercer : chaque fois une provocation ou un piège qui peut nous faire tomber - ou bien que l'on peut déjouer. Voyons-les comme un jeu avec la vie en guise de partenaire, qui nous envoie ces coups bas, ces piques et ses possibilités de s’en sortir.  On rate une balle, l’autre va se présenter rapidement, peut-être dans l’instant qui suit. Il est permis de trébucher, et… de se relever aussi sec. 

Cette vaste zone de chocs inattendus qu’est notre journée va provoquer à son gré ce que Swâmi Prajnânpad nommait "exciting causes" : les déclencheurs, les faits journaliers qui excitent nos points faibles, et nous font réagir à grande vitesse. 

S’en servir deviendra le but de cette étape : s’en servir comme d'une occasion d'entrer en relation avec nos émotions, donc d'en prendre une connaissance plus intime, plus directe.  Allez d'un mécanisme compulsif à la lucidité de l'acte, ou comment transformer la réaction en action. 

Denis Desjardins - Le Lying, 2001 (extraits)

----------------------------

lundi 10 avril 2023

L'anecdote et le principe

« Swamiji a eu un passé ; Swamiji n’a plus de passé »  Swami Prajnanpad

(Extrait du carnet)


Une élève parle de sa « projection » de longue date sur Y, témoigne de manière convaincante des progrès accomplis par rapport à la dite projection. 

Cependant, elle explique ne pas encore bien discerner le refus  à la source de l’émotion. Du coup, elle le cherche du côté des méandres de sa psychologie, en se demandant : « au fond qu’est ce que je refuse ? » 

Bien sûr, cette projection sur Y procède de son histoire, de sa relation à ta mère, etc . X veut  que Y , figure maternelle, l’apprécie, l’aime. Si Y ne lui sourit pas, X lui en veut de ne pas  lui manifester de l’attention et de la reconnaissance, se sent à la fois déçue dans son attente, en colère contre Y, en colère contre elle même d’attendre … Et au final ce que X refuse,  c'est tout simplement ce qui est : ici et maintenant Y ne parait pas me prêter une attention particulière, elle ne me sourit pas, ne me regarde pas. 

X demande alors si elle doit "transformer ce refus en acceptation ? "

Cela peut être dit comme ça, et c’est un peu un non sens. 

On ne transforme pas le bruit en silence. On arrête de faire du bruit et le silence se révèle. Il ne s’agit pas de « transformer le refus en acceptation » mais plutôt de cesser d’entretenir et de justifier le refus, de revenir à ce qui est, sans interprétation ni élaboration. 

Allons un peu plus loin : 

Pendant longtemps, des années, nous sommes fascinés par l’anecdote (ma mère, Y sur laquelle je projette ma mère, mes attentes déçues, mes demandes, ma colère etc..) donc par notre histoire. Et nous tentons de « résoudre » la souffrance, autrement dit l’émotion, par la connaissance et la compréhension de cette histoire, voire par une expression émotionnelle (je suis très en colère contre ma mère, etc..). 

Il n’est pas faux de considérer cet aspect du travail que l’on peut qualifier de « thérapeutique » comme utile. Cela fait partie d’une certaine connaissance de la machine que nous sommes à un certain niveau, de savoir et sentir que nous en voulons à notre mère du fait d’attentes déçues, etc… et projetons cette figure sur X, Y … Ce n’est pas en soi vain et peut même participer d’un certain « progrès ». Prenant conscience de cela, je vais veiller à moins « projeter » sur X, Y … D’accord. 

La limite - considérable- de cette approche si à un moment donné on ne va pas plus loin c’est que nous ne nous intéressons qu’à l’anecdote et pas au principe. 

Or, la clé de la liberté se trouve dans l’action intérieure sur le principe - à savoir le refus de ce qui est - et pas sur l’anecdote, étant entendu que la « projection » risque fort de se déplacer ailleurs, sur un autre objet, une autre forme… 

 Ou est le refus ? Mais voyons bon sang mais c’est bien sûr, le refus est toujours le refus de ce qui est, donc de ce qui est sous notre nez, évident ! Ou est donc ce qui est, ou vais je trouver ce qui est ? Absurde ! Ce qui est est et donc est là, comme les lunettes que Nasrudin cherche partout alors qu’elles sont sur son nez. 

Il me vient une image que je trouve parlante ; comme beaucoup de guitaristes de rock-blues, pendant des années, je me suis exercé à jouer par « reproduction » : j’apprenais des morceaux et les jouais, sans en comprendre les principes, ou juste le minimum (quels accords, par exemple, mais sans même savoir comment un accord est construit harmoniquement). Je procédais donc par anecdotes successives - chaque morceau étant une anecdote. Cela m’a bien fait progresser, notamment au début, le début pouvant durer des années, mais jusqu’à un certain point. Le moment est venu où je me suis dit : « comment puis je progresser encore ? », sentant que ce n’était pas en apprenant un nouveau morceau, puis un autre, que j’allais  réellement avancer . 

C’est là que j’ai commencé à entrevoir l’intérêt de la théorie musicale appliquée : commencer à m’intéresser non plus à l’anecdote (tel morceau, tel riff, tel « plan »,  ou même telle gamme que j’utilise sans en capter la construction) mais aux principes : oui, je peux jouer une gamme apprise par cœur mais qu’est ce qu’une gamme ?

 C’est à partir de cette étude de la théorie appliquée que je commence à pouvoir non plus seulement jouer par reproduction, mais à improviser dans toutes les tonalités et sur tout le manche. Parce que je comprends les principes et les applique pour faire de la musique. 

Il me semble que vient un moment dans la pratique de la voie, où on ne va plus avancer l’œil rivé sur notre histoire mais en nous axant sur le principe : le refus crée la souffrance et le refus ne peut pas être le refus d’ autre chose que de ce qui est ici et maintenant. 


Si j’ai l’impression qu’il y a refus du passé, il s’agit en vérité non pas « du passé » qui n’a de fait aucune existence puisqu’il est mort, fini, passé comme son nom l’indique,  mais d’une pensée présente au sujet d’un « passé » -  un passé dont je peux bien sûr encore éprouver les conséquences dans le présent qui en est en partie le résultat - en partie seulement parce que le présent est ouvert, d’une certaine manière toujours vierge, neuf. 

Le présent seul est réel et il prépare l’avenir qui n’est pas encore mais sera aussi pour une part la conséquence de ce que je vais poser dans le présent. 

A ce sujet la formule de Swamiji (Swami Prajnanpad)  est lumineuse : « Swamiji a eu un passé, Swamiji n’a plus de passé ».

 Swamiji n’est pas amnésique : son histoire « personnelle » est à sa disposition et de fait il cite souvent des anecdotes de son enfance, de sa jeunesse pour illustrer un point. 

Donc, comme toute forme, Swamiji  a bien une histoire, laquelle se poursuit jusqu’à sa mort. 

Mais il n’a plus de « passé »  « passé » au sens de dynamique émotionnelle interférant avec le présent.

 Pourquoi ? Parce chez lui il n’y a plus de refus de ce qui est . 

Or, et c’est là la révélation à un million de dollars, c’est le refus du présent qui "crée" le passé en tant qu’interférence émotionnelle.  Et non l’inverse comme on le croit souvent, même si c’est en pratique complexe : oui, les blessures ressenties le long de mon histoire et qui ont cristallisé interfèrent , émettent des « signaux » dans le présent, oui. 

Et la clef ultime pour désamorcer ces signaux n’est pas de « retourner dans le passé » pour les désamorcer un à un, auquel cas si on y réfléchit un instant, aucune liberté n’est possible (peut on vider la mer à la petite cuillère ? ) mais de cesser de refuser ce qui est, ici maintenant. Le présent est d’une certaine façon comme un tout étanche. Mais le refus vient y introduire une brèche par laquelle s’engouffre en rafale « le passé ». Plus de refus maintenant, plus de passé, juste une histoire. 

Mais diront les malins, et le refus d’où vient il ? Pourquoi refuse-t-on, sinon du fait du « passé » ? 

On refuse du fait du fonctionnement de l’ego (et de son allié le mental qui est là pour justifier le refus), lequel ego, en effet, d’un certain point de vue, est "né", très tôt dans mon histoire, inévitablement. Mais au final c’est égal, car cet ego (qui cristallise chez tous et toutes, sauf exception extraordinaire et encore …) cet ego donc ne peut être déraciné, mis en cause, lâché, que dans le présent qui seul existe.

Gilles Farcet

--------

dimanche 9 avril 2023

Flux délivré

 


La délivrance de l'ego s'effectue non pas en recherchant son anéantissement par la pratique d'austérité, de renoncements et de sacrifices, mais au contraire en s'efforçant de suivre son mouvement naturel de prise de possession du monde, et en lui faisant faire l'expérience de sa plus grande expansion possible de façon à lui faire prendre conscience de l'inanité de son projet. 

C'est alors que vient la réalisation que l'ego n'existe pas en réalité, car il est impossible d'être séparé :

Je suis un flux.

Swâmi Prajñânpad,  un Maître contemporain. 

Les Lois de la Vie.

------------

vendredi 7 avril 2023

Des milliards de mondes


Je me souviens d’un après-midi où j’étais assis sur les marches de notre monastère au Népal. Les orages de la mousson avaient transformé la cour en une étendue d’eau boueuse, et nous avions tracé un chemin de briques pour servir de marchepieds. Une de mes amies s’est approchée du bord de l’eau, a observé la scène d’un air dégoûté et s’est plainte de chaque brique en traversant. Quand elle est arrivée à moi, elle a roulé des yeux et a dit : « Beurk ! Et si j’étais tombée dans cette boue dégoûtante ? Tout est si sale dans ce pays ! » Comme je la connaissais bien, j’ai prudemment hoché la tête, espérant lui apporter un peu de réconfort par ma sympathie silencieuse. 

Quelques minutes plus tard, Raphaëlle, une autre amie « Hup, hup, hup ! » chantait-elle en sautillant, atteignant la terre ferme avec le cri « Quel plaisir ! ». Les yeux pétillants de joie, elle ajouta : « Ce qui est génial avec la mousson, c’est qu’il n’y a pas de poussière » Deux personnes, deux façons de voir les choses ; six milliards d’êtres humains, six milliards de mondes. 

Un jour, lors d’une réunion publique, un jeune homme s’est levé pour me poser la question : « Pouvez-vous me donner une seule raison de continuer à vivre ? » Avoir perdu toute raison de vivre, c’est ouvrir un abîme de souffrance. Le bonheur est avant tout un amour de la vie. Aussi influentes que puissent être les conditions extérieures, la souffrance, comme le bienêtre, est essentiellement un état intérieur. Comprendre cela est la condition préalable essentielle à une vie digne d’être vécue. Quelles sont les conditions mentales qui sapent notre joie de vivre, et celles qui la nourrissent ? Changer notre façon de voir le monde n’implique pas un optimisme naïf ou une euphorie artificielle destinée à contrebalancer l’adversité. Tant que nous serons esclaves de l’insatisfaction et de la frustration qui naissent de la confusion qui régit notre esprit, il sera tout aussi vain de nous répéter sans cesse « Je suis heureux ! » que de repeindre un mur en ruine. 

La recherche du bonheur ne consiste pas à regarder la vie à travers des lunettes roses ou à s’aveugler sur la douleur et les imperfections du monde. Le bonheur n’est pas non plus un état d’exaltation à perpétuer à tout prix ; il s’agit de se purger des toxines mentales telles que la haine et l’obsession qui empoisonnent littéralement l’esprit. Il s’agit aussi d’apprendre à relativiser les choses et à réduire l’écart entre les apparences et la réalité. Pour cela, nous devons acquérir une meilleure connaissance du fonctionnement de l’esprit et une vision plus juste de la nature des choses, car dans son sens le plus profond, la souffrance est intimement liée à une mauvaise appréhension de la nature de la réalité. 

Matthieu Ricard

source : Sagesses bouddhistes

----------------


jeudi 6 avril 2023

Lecture nature

 "Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie."

Erri de Luca- Trois chevaux


peinture: Maxime Maufra 1861-1918 Les Arbres fantastiques, le Pouldu  1893


**********

mercredi 5 avril 2023

Le chaos de l'orgueil

 


On ne prend pas vraiment la mesure de l’orgueil. Certes, on parle beaucoup d’ego dans les cercles spirituels mais on ne le voit pas clairement à l’œuvre, même dans les discussions à son sujet. Parce que l’orgueil est facilement justifié, nos échelles de valeurs ont perdu pas mal d’échelons. 

Aujourd’hui, on trouve valable de donner son avis sur tout et partout, par exemple, comme je le fais à l’instant. Et notre avis est toujours de bonne qualité, n’est-ce pas ? Les réseaux dits sociaux sont saturés d’opinions divergentes qui s’entrechoquent dans le chaos et la violence la plus totale. Personne pour mettre un genou à terre, on est si loin de toute conception d’humilité. C’est parfois douloureux à lire. 

Le simple fait de se qualifier soi-même d’enseignant sur les affaires de la vie est une posture orgueilleuse, indépendamment de notre intelligence ou de la pertinence pratique de nos propos. On peut le justifier ainsi. J’ai un avis à donner sur l’orgueil et j’estime qu’il est pertinent et peut-être utile de le partager. Mais ce qui pose vite problème, c’est le fait que je suis ma propre référence ultime en faisant cela. Cet avis qui naît des pensées risque de ne puiser nulle part ailleurs que dans des certitudes, traumatismes, frustrations et connaissances limitées. Pas grand-chose au bout du compte. 

Nous parlerions du même sujet avec un peu moins d’orgueil, autre chose interviendrait : la conscience que nous ne savons pas grand-chose et que nous sommes en réalité soumis, sans recul la plupart du temps, à une Intelligence du vivant dont le cours et la finalité nous échappe. Mais cette soumission alimente l’orgueil, qui affirme : « non, je veux faire seul, à ma manière, puisque j’en ai envie ». Et gare à celui qui voudrait critiquer cette attitude ! Il n’y a plus de vérité, tout est forcément relatif, les valeurs déchirées et l’instinct primitif érigé en gouvernail authentique. 

Quelqu’un m’a reproché récemment, à la lecture de mes textes, d’avoir fait intervenir Dieu dans mon propos. Quelqu’un d’autre a même commenté en substance : « je n’ai pas besoin de ça ». Comme s’il ne devait plus exister de « plus grand que soi » ? Comme si la vertu de s’en remettre (plutôt que de se soumettre) n’existait plus ? Surtout, comme si la blessure collective vis-à-vis de la religion avait provoqué un repli individualiste (et donc orgueilleux) qui balayait un peu vite et trop radicalement le divin dans nos existences. Et son socle indispensable. 

Nous serions donc tous seuls, livrés à nous-mêmes, sans « supervision », sans recours et construisant ainsi, et dans la souffrance méconnue, une identité refermée sur elle-même, crispée sur quelques points de repères fragiles pour se donner l’impression de ne pas être solitaires sur un radeau perdu dans un océan mystérieux. Quel accomplissement ! cela reste tolérable dans les périodes les plus clémentes de nos vies, bien qu’aride, mais devient vite difficile quand le vent tourne. Et ce vent n’est pas, comme on le dit parfois, une mauvaise excuse pour le retour au Divin, mais le souffle qui nous rappelle à lui. Il ne faut pas confondre !

Petit individu que je suis sur cette terre, je ne peux plus négliger ni résister à cette expérience d’humilité, faute de quoi, je suis au moins pétri et parfois broyé par les aléas de ma posture orgueilleuse. Le chas de l’aiguille demande au moins ça. 

Mais pour que tout cela ait un sens, peut-être est-il nécessaire d’être un temps si sûr de soi et de ses repères qu‘on ne peut qu’en réaliser dramatiquement et soudainement, un jour, la quasi vacuité. 

Que celui qui verra dans ces mots des symptômes de l’orgueil, n’hésite pas à me le renvoyer. Il aura raison ! Solo Dios, basta !

Thierry Vissac

-------------