dimanche 13 septembre 2020

Une belle journée !

 Vous vous souvenez peut-être de ce matin-là : il fait frais, juste comme il faut, avec une petite brise qui s’élève de la vallée. Vous avez encore quelques courbatures de la veille qui vont très vite disparaître, rien de grave. Marcher, quelle joie ! Dans les Alpes, dans les Carpates ou sur le chemin de Compostelle, votre sac à dos bien calé, vos pieds bien à l’aise dans vos chaussures, la journée s’étend devant vous pleine de promesses de liberté et de merveilleux paysages. Vous échangez des regards joyeux avec vos collègues marcheurs. Allons-y, ne perdons pas de temps, le soleil réchauffe déjà la forêt, un doux parfum monte de la terre... Comme vous avez bien fait de venir !


L'ÉPREUVE DE LA MARCHE

En marche ! Premiers pas, c’est un matin de rêve, entouré de personnes merveilleuses, dans le plus bel endroit du monde.

Et on marche, et on marche, et on marche... Bien sûr, tout est grandiose, mais justement voilà, comment dire, un peu grand. On dirait que le col, ou le croisement des chemins, ou la sortie de la forêt, se font un peu attendre. C’est drôle, le sac n’était pas si lourd ce matin. C’est un sac tout à fait spécialisé, acheté dans un magasin spécialisé et pourtant les bretelles vous scient les épaules, vous allez avoir d’énormes bleus ce soir. Mais ce n’est rien comparé à vos pieds. Le talon droit est une mini-fournaise, et la chaussure gauche rétrécit d’instant en instant.

Et on marche... depuis combien d’heures ? Vous regardez autour : rien que de l’espace et des cailloux, absolument rien à l’horizon. Ah si, des nuages, de gros nuages noirs qui semblent foncer sur vous. Il ne va pas, en plus... ? Mais si ! Les premières gouttes s’écrasent sur votre front, puis c’est le déluge, grosses gouttes de pluie dures comme de la grêle, vous êtes trempé, pourtant vous aviez tout le matériel spécialisé dans votre sac. On marche...Vous en avez assez, il est temps que cesse cette plaisanterie. Vous voulez vous asseoir juste là et qu’on vous apporte une boisson chaude. Malheureusement vous êtes très exactement au milieu de nulle part, et il faut marcher. Vous grimacez chaque fois que vous posez un pied par terre, votre dos n’en peut plus. Enfin ! Au loin, l’ombre d’un abri, une promesse de repos. Vous vous traînez jusqu’à l’entrée, tant pis s’il n’y a pas de douche, tant pis si vous devez partager la chambre, ce que vous voulez, c’est vous arrêter.

UN ESPACE DE PAIX EN SOI-MÊME

Et puis... sac posé, chaussures enlevées, quelques litres de thé avalé, vous sentez monter en vous une chaleur, un sentiment, comment dire, de satisfaction, presque de fierté. Vous l’avez fait, vous êtes allé au bout, et même un peu plus loin, et voilà : vous êtes détendu, vous avez l’impression de refaire connaissance avec vous-même, d’avoir trouvé cet espace de paix à l’intérieur qui vous avait toujours échappé.

Souriant intérieurement a ces souvenirs, je les regarde, ces compagnons chercheurs, pèlerins de l’absolu qui m’entourent dans la salle de méditation : s’engager sur un chemin spirituel demande de partir avec joie et énergie, mais le chemin est ardu, le découragement nous guette parfois, on a envie de s’arrêter, de faire demi-tour. Tout semble aride, loin de nos consolations habituelles. Mais lorsqu’on continue, quelle joie ! Arriver dans cet endroit plus grand que nous-même, être libre et léger, sourire à ceux qui nous ont accompagné : la confiance nous emplit. Demain, on reviendra méditer sur son coussin, on s’ouvrira à nouveau au silence ; demain on continuera sur le chemin, demain la journée sera belle, ensemble.... 

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