mercredi 21 octobre 2015

Matthieu Ricard... en images et en livre

Face à la "banalité du mal" théorisée par Hannah Arendt, ce docteur en génétique cellulaire reconverti dans le bouddhisme veut rappeler la banalité du bien, "occultée par cette violence qu'on surexpose, alors que les 7 milliards d'humains qui peuplent la planète se comportent le plus souvent de manière décente". Matthieu Ricard le prouve en donnant les droits de ce livre, comme ceux de tous ses autres ouvrages, à l'association Karuna-Shéchèn, qui soigne chaque année 120000 malades et accueille 25000 enfants dans ses écoles.
Olivier Le Naire



Extraits :

"En 1966, alors que j'avais 20 ans, deux amis chers, Frédérick Leboyer et Arnaud Desjardins, me montrèrent des portraits de grands maîtres spirituels tibétains qu'ils venaient de rencontrer en Inde sur les versants de l'Himalaya, à Darjeeling, à Kalimpong et au Sikkim. Ces portraits, ainsi que les films rapportés par Arnaud, ont véritablement changé ma vie. C'était un peu comme si on m'avait montré des portraits de Socrate ou de saint François d'Assise. Je ne me lassais pas de les contempler, et c'est leur force d'inspiration qui me décida à entreprendre mon premier voyage en Inde pour aller à leur rencontre.





De fil en aiguille, après avoir fait sept allers et retours entre l'Institut Pasteur et Darjeeling, alors que je faisais ma thèse en génétique cellulaire, en 1972, je décidai de quitter la France pour vivre auprès de celui de ces maîtres qui m'avait le plus profondément inspiré, Kanguiour Rinpotché. 

C'est ainsi que des portraits ont été à l'origine de presque un demi-siècle de vie dans l'Himalaya, passé à étudier et à pratiquer auprès de ces maîtres, à m'imprégner de la qualité de leur présence, de leur sagesse et de leur bonté aimante.




Puis ce fut mon tour de faire des portraits d'eux. [...] 


Durant toutes ces années, j'ai aussi photographié des gens simples, des moines et des nonnes, de rudes montagnards du Bhoutan ou du Tibet, des femmes du Kham au Tibet oriental, coiffées de turquoises, de coraux et d'ambre, d'enfants étudiant avec joie et enthousiasme dans les écoles que nous avons construites au Népal et au Tibet au travers de Karuna-Shéchèn, l'association humanitaire que j'ai fondée avec quelques amis et bienfaiteurs.




Bien des tragédies peuvent être illustrées de manière poignante par la photographie, mais, personnellement, j'ai pris le parti de célébrer la beauté intérieure de la nature humaine afin de redonner confiance et espoir à ceux qui douteraient du potentiel d'altruisme et de compassion de l'humanité. J'ai donc plus souvent photographié les sourires que la tristesse, la bienveillance que la méchanceté, la candeur que l'affectation. Il ne s'agit certes pas de minimiser les drames issus de la violence, de la persécution et de la cruauté, mais de mettre en exergue la banalité du bien, qui est plus souvent présente en nos vies que celle du mal."