samedi 29 août 2015

Danis Bois et "La vie entre les mains" (1)



...Un autre événement rapporté également dans La vie entre les mains allait m'interpeller. J'y raconte un épisode qui m'était arrivé en 1973, alors que j'étais jeune kinésithérapeute : «j'eus à m'occuper d'un malade en état de coma profond nouvellement arrivé en service de réanimation. J'allais lui apporter des soins, et m'aperçus en entrant, que je le connaissais : ‘si vous me reconnaissez, serrez-moi trois fois la main', lui dis-je. Il le fit, des larmes coulaient sur son visage. Cette rencontre fut bouleversante : et si le coma profond laissait intact une certaine forme de perception ? S'il existait une autre perception ?... »

Je découvrais étourdi, l'existence d'une conscience qui se cache dans l'ombre et je soupçonnais la présence d'une perception qu'il fallait redécouvrir en plongeant dans soi. En vue de pénétrer ce mystère, je commençais à me familiariser avec une pratique d'intériorisation. Chaque jour, je m'offrais un moment de silence où je fermais les yeux et vivais à l'intérieur de mon corps, ce qui était jusqu'alors inaccessible à ma conscience. C'est ainsi qu'à l'âge de vingt-sept ans j'écrivais dans mon journal : « Un vent nouveau m'amène plus loin : l'exploration du silence interne. Sans technique orientée, sans influence d'aucune sorte. Je m'installe dans une chambre isolée, dans une position de mon choix, et je ferme les yeux. Il y a dans ces rendez-vous un goût d'insolite. Chaque moment, est source de nouvelles découvertes, ne ressemblant jamais à aucune attente. Ces sensations éphémères continuent de résonner dans mon corps » (journal intime, 1976). 

Ce que je rencontrais était plus étrange que ce que mon entendement était capable de concevoir, c'est pourquoi j'écrivais à l'époque : « J'ai décidé de soigner ma surdité à l'inaudible, non pas en ouvrant grand mes oreilles, mais en débridant la partie trop rationnelle de moi-même. (...) Je me sens au bord de quelque chose de nouveau. mais un mur invisible m'en sépare encore.» (Journal intime, 1976). 

Jusqu'alors, je faisais l'expérience de l’intimité du corps en me sondant moi-même dans mes faces à face quotidiens avec le silence. La pratique de la kinésithérapie ne répondait plus à ma quête de profondeur, c'est pourquoi j'entrepris dans les années 1975, des études d'ostéopathie, discipline qui me paraissait plus en adéquation avec ma quête existentielle. Avec cette pratique, je rencontrais la vie subjective mais cette fois-ci à travers le corps d'autrui et non plus seulement à travers mon propre corps...


"Rien n'est plus proche de l'absolu que le silence. 
Il n'y a rien de plus proche de l´être que le silence habité de la présence en soi"