vendredi 18 décembre 2015

Les quatre conseils de Patrice Gourrier pour méditer avec les Pères du désert (2)


2. « Assieds-toi »
L’assise, élément déterminant dans la méditation, car comme le disaient ces sages : « Un arbre fréquemment transplanté ne prend jamais racine. » Un méditant ne peut succomber à la dictature ambiante, qui veut que l’on n’existe qu’en s’agitant… Cette assise est digne, elle exprime de manière visible ma dignité intérieure. Elle est stable et, l’espace d’un instant, je deviens montagne. Elle est confortable. Cette stabilité extérieure, même si cela ne s’opère pas immédiatement, favorise une stabilité intérieure. Prenons le temps de plonger en nous-mêmes : est-ce que j’arrive à me poser régulièrement ? Ai-je vraiment le désir de m’asseoir ? Quelles sont mes résistances ?


3. « Tais-toi »

Cela peut surprendre, mais les Pères du désert insistaient sur la nécessité de mettre une « garde à ses lèvres ». Être un méditant, c’est ne parler qu’avec bienveillance, éviter les propos critiques, les jugements. Être un méditant, c’est prendre garde à ne pas râler continuellement sur le temps qu’il fait, les autres, la société… Être un méditant, c’est aussi faire un travail sur soi afin de faire taire les passions qui nous divisent, nous coupent de nous-mêmes, des autres, de Dieu, et constituent autant d’empêchements à notre progression intérieure. Comment être un méditant si je succombe à l’avidité, jamais rassasié de ce que j’ai ? Comment être un méditant si je succombe à l’orgueil, avec un ego gonflé de suffisance, de prétention ? Comment être un méditant si je suis rongé par la haine, par la rancune, par la jalousie, qui m’empêchent de m’ouvrir et m’enferment sur moi-même ? Les Pères du désert l’avaient bien compris et leur démarche passait par cette connaissance de soi et par une guérison intérieure. Il ne s’agit en rien de morale, mais du désir de changer pour devenir meilleur.


4. « Apaise tes pensées »
Nous entrons dans le vif du sujet, et cela nous concerne tous, que nous ayons une quête spirituelle ou non. Nous pouvons être assis dans un lieu, être présents physiquement, et avoir l’esprit ailleurs. La science moderne nous apprend que nous pensons sans cesse, car nous sommes conçus pour cela, et c’est merveilleux. Le grand drame, c’est que parfois nos pensées nous empêchent d’être « là » et de vivre pleinement l’instant. Toutes les grandes traditions mentionnent les distractions, encore appelées vagabondage mental. Notre corps est bien présent, mais pas notre esprit, et cela fait obstacle à l’unité de notre être. Les chrétiens ne sont pas une exception. Nous pouvons nous trouver dans une église, ou, chez nous, en train de prier, et pourtant ne pas y être vraiment, car perdus dans nos pensées. Il en va de même si nous nous rendons dans un temple, une mosquée, une synagogue… Ou encore, lors d’une promenade en forêt, il nous arrive aussi d’être tellement absorbés dans nos cogitations que nous ne voyons ni les arbres ni les oiseaux… Comment écouter l’Invisible si nous sommes aussi absents de nous-mêmes ?
Pour ramener sans cesse leur attention, et faire l’unité du corps de l’âme et de l’esprit, ils répétaient le nom de Dieu : Jésus, Jésus, Jésus, non pas mécaniquement mais avec attention, avec amour, avec tendresse. Les mystiques anglais du Moyen Âge nous proposent quant à eux de choisir un mot qui résonne à notre cœur : amour, bienveillance, paix, sérénité. D’autres nous proposent de répéter « Maranatha ». L’objectif : remplacer toutes les pensées par une seule pensée afin de favoriser notre unité, notre disponibilité à la rencontre avec nous-mêmes, avec Dieu. Personnellement, depuis toujours, c’est le nom de Jésus que j’ai choisi, car lorsque je le prononce, il est là, et je sens une brûlure apaisante tout au fond de mon cœur.

Patrice Gourrier

Source : La Vie