mardi 11 avril 2017

Mardi : Se recueillir

À méditer
« Tu connais sans doute ce sentiment étrange qui nous saisit parfois au milieu d'occupations anodines et qui vient, me semble-t-il, de la rencontre entre une conscience plus fine de ce qui nous entoure et une force inhabituelle de recueillement – comme si celui-ci jaillissait au dehors – ou que le dehors se creusait d'intimité. Ces deux attitudes, ces deux orientations de notre attention – vers le dehors et vers le dedans – apparaissent bien souvent incompatibles, mais lorsqu'elles convergent, lorsqu'elles communiquent de la manière la plus imprévue, le monde entier semble traversé, la vie dispersée qui nous environne se charge d'une présence sensible, discrète, comme un souffle, un murmure, l'haleine ténue d'une voix qui ne dit rien de particulier, seulement qu'elle est là, proche et lointaine à la fois, insaisissable mais si prégnante qu'il serait vain de la dénier. (…) L'indélicatesse serait d'apposer trop vite un nom à cette présence, qui ne soit qu'une étiquette rassurante ou une catégorie indifférente. C'est d'un nom propre qu'elle se nomme. Elle-même te le révélera en son temps. Ne cherche pas à l'identifier, à la capturer dans des contours ou des vocables trop communs. Ecoute seulement, tends l'oreille – tout ton corps, tout ton esprit. Approfondis l'échange, en le prolongeant d'un silence qui est sa seule voix, qui est ta seule écoute. Elle se manifestera chaque fois un peu plus, dans une proximité plus grande. Elle se fera connaître, n'en doute pas, mais goûte-là d'abord, apprivoise-là, jusqu'à ce qu'elle devienne aussi familière que ta propre présence – ou que ta présence devienne aussi étrange que celle qui te visite. »
Extrait de Avance en vie profonde, de Philippe Mac Leod (Ad Solem)

À écouter : Caplet, Le miroir de Jésus – Mystères du rosaire

Nous sommes en 1923, André Caplet travaille à sa dernière œuvre et ne le sait pas encore. À 44 ans, le compositeur a les poumons détruits par les gaz qu’il a respirés pendant la Grande Guerre. Des poèmes d’Henri Ghéon sur les quinze mystères du rosaire l’inspirent, il en tire un triptyque autour des mystères de joie, de douleur, et de gloire à l’effectif original : un chœur de femmes, un quatuor à cordes, une harpe, une contrebasse et une mezzo-soprano soliste. On pense à Debussy pour les harmonies, compositeur dont Caplet a dirigé les œuvres, mais aussi au Schönberg du Pierrot lunaire, avec cette mezzo dont la voix oscille entre parlé et chanté. La partie centrale intitulée « Miroir de peine » évoque l’ « Agonie au jardin », puis la « Flagellation », le « Couronnement d’épine », le « Portement de croix », et la « Crucifixion », le tout du point de vue de Marie. « Un Dieu qui meurt… Oui ! Le grand mystère ! », s’exclame-t-elle à la fin.
André Caplet, Le miroir de Jésus – Mystères du rosaire, Hanna Schaer, Isabelle Moretti, Quatuor Ravel, Bernard Tétu, Accord, 2005 
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