lundi 31 août 2020

Hommage à Erik Sablé


"L'armée américaine utilise la méthode dite de la "pleine conscience" pour aider les soldats a rester maître d'eux-mêmes, faire face à l'adversaire avec calme et, peut-être, tirer plus efficacement.
Des entreprises du CAC 40 font appel à des spécialistes de la même méthode pour rendre leurs salariés plus performants. Des traders de Wall Street, des banquiers, des puissants de Davos et de la Silicon Valley préconisent de méditer pour être plus compétitifs. (...)
Tout cela est en passe de recevoir l'aval d'autorités scientifiques prestigieuses qui nous expliquent, diagrammes et statistiques à l'appui que "la méditation a des effets sur le cerveau", qu'elle aide à perdre du poids et à lutter contre la dépendance au tabac ou à l'alcool, qu'elle réduit le stress, le cholestérol et la pression artérielle. (...) Mais, (...) Qu'y a-t-il de "spirituel" dans ces pratiques consistant à favoriser le confort, le plaisir, la satisfaction des sens, la détente, l'estime de soi, l'efficacité professionnelle ou la performance commerciale ? Ne s'agit-il pas simplement de méthodes visant à combattre le stress et à promouvoir le bien-être personnel ?" 
 (Marion Dapsance, Qu'ont-ils fait du bouddhisme ? Gallimard, pp. 9, 10)


En fait, le problème vient d'une confusion qui est faite entre deux domaines radicalement différents. Nous avons d'une part le "développement personnel". Comme son nom l'indique, il vise à rendre la vie plus confortable, à "arrondir" les angles de l'égo, à avoir plus de facilités dans son travail, ses relations avec les autres ou avec soi-même. Toutes ces pratiques se sont développées dans les marges des psychothérapies cognitives. D'ailleurs Christophe André écrivait des livres de psycho avant de s'intéresser à la "pleine conscience"...
Par ailleurs, nous avons le "chemin spirituel" qui existe depuis des millénaires sous une forme ou bien sous une autre. Son but n'est pas de rendre l'égo plus performant ou plus heureux, mais son effacement, sa disparition. C'est un chemin aride, le "chemin des flammes", destiné à ceux chez qui le "germe de la bouddhéïté" s'est éveillé et qui aspire à connaître leur "nature originelle"... 
Ils ne veulent pas "vivre mieux", mais sortir de la "prison du devenir". Le but est donc radicalement différent.
La confusion vient du terme de "méditation" qui est employé dans un contexte qui appartient au "développement personnel". D'où le livre de Marion Dapsance. Elle est choquée, à juste titre, que l'on parle de méditation, de bouddhisme, de pratiques qui appartiennent à la voie spirituelle alors qu'il s'agit de rendre l'égo plus performant et de mieux "réussir sa vie".
Si l'on remet les choses à leur place tout devient légitime et chacun suit le chemin qui convient à son "désir". Personne n'oblige quiconque à suivre une voie spirituelle. Mais il est nécessaire que les choses soient claires...


Erik Sablé
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"J'aime bien la définition de Dieu qu'Allan Watts avait donné à son fils : "Dieu est le dedans."
En entendant cela son fils avait cassé en deux le petit morceau de bois avec lequel il jouait, pour chercher Dieu "au dedans". Alors son père lui avait dit : "Tu vois, maintenant tu as encore deux extérieurs. Ce n'est pas le dedans..."
Nous pouvons nous interroger et nous demander où se trouve ce mystérieux dedans ? Tout ce que nous percevons est un dehors. Nos pensées les plus intimes sont elles aussi un dehors, tout comme les galaxies les plus lointaines.
Découvrir l'espace du dedans nécessite le creusement de la conscience en son centre, une conversion du regard, qui se renverse, comme un gant que l'on retourne. Alors, nous basculons dans le dedans, un espace où tout est conscience, tout est Dieu. Le dedans est l'envers du monde, tout en étant le monde. Mais comment dire l'indicible ?"

Erik Sablé
(Brèves de Sagesse, Ed. Dervy, pp. 35, 36)

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