samedi 31 août 2013

L’appel à la vie, plus fort qu’Auschwitz (3)

Plusieurs juifs priaient jusqu’à l’entrée dans la chambre à gaz. "Comment pouvait-on prier avec tant de ferveur un Dieu insensible à ce point ?" Magda se rappelle quand et pourquoi elle a reçu un jour de la part d’une mourante quatre petits bouts de pain moisis, et ce que ce geste a pu signifier, au propre comme un figuré.

Dieu dans l’horreur des camps (3/5)
(24 min - rsr - 2012)


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vendredi 30 août 2013

L’appel à la vie, plus fort qu’Auschwitz (2)


Magda Hollander-Lafon est née en Hongrie. Elle parle de ses racines, évoque ce que signifiait à l’époque être juif dans ce pays et explique ce que sa communauté y a vécu au moment de la déportation. Si Magda Hollander-Lafon a des blancs de mémoire dus au choc de ce qu’elle a vécu, elle évoque des souvenirs précis qui restent gravés dans son esprit.

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jeudi 29 août 2013

L’appel à la vie, plus fort qu’Auschwitz (1)

Rescapée de la Shoah, Magda Hollander-Lafon a entrepris un travail de témoin. A 85 ans, elle écrit et parle pour placer les humains face à leurs responsabilités. Et à la vie.



 "Nous, les survivants de la Shoah, nous devons veiller à ce que le temps ne se désagrège pas en oubli", écrit Magda Hollander-Lafon.  Elle témoigne en mémoire de toutes celles et tous ceux qui sont morts sous ses yeux, notamment pour que pareille horreur ne se répète pas.

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mercredi 28 août 2013

Noms de Dieux avec Matthieu Ricard (2)

Aussi longtemps que durera l’espace, 
 Aussi longtemps que dureront les êtres sensibles, 
 Puissé-je moi aussi demeurer 
 Afin de dissiper les souffrances du monde !




mardi 27 août 2013

Noms de Dieux avec Matthieu Ricard (1)

Né en 1946, Matthieu Ricard est le fils du philosophe Jean-François Revel et de l'artiste peintre Yahne Le Toumelin. Il découvre l'Inde pour la première fois en 1967, où il fait la connaissance de maîtres spirituels tibétains. Après une thèse en génétique cellulaire à l'Institut Pasteur, il décide de s'établir dans l'Himalaya où il devient moine. Il y vit depuis près de trente ans, étudiant et pratiquant le bouddhisme. Matthieu Ricard est l'auteur de plusieurs livres sur le sujet, comme «Plaidoyer pour le bonheur». Il a également photographié les maîtres spirituels, la vie dans les monastères, l'art et les paysages du Tibet, du Boutan et du Népal. Il consacre la totalité de ses droits d'auteur à des projets humanitaires ainsi qu'à la préservation de l'héritage culturel du Tibet.

lundi 26 août 2013

Vivre la vacance... avec Cécilia Dutter

Depuis peu, je ne conçois plus les vacances comme un intervalle vide mais comme un espace privilégié permettant de me relier à l’essentiel. Loin de les craindre, elles sont devenues le lieu d’une présence attentive à moi-même, au monde et à Dieu, moment de grâce où don et offrande de la vie se confondent en une communion parfaite. C’est pourquoi, après les avoir exécrées, je les chéris désormais. 

La « mise sur pause », à condition qu’on l’accepte, implique un recentrage salutaire. Elle ouvre à cette dimension sacrée de l’existence qui, bien souvent, nous échappe au quotidien. Avez-vous constaté comme sans cesse nous quémandons notre dû ? L’époque nous incite à nous perdre dans le divertissement. Il nous faut « profiter » ! Des biens, des gens, des opportunités, de la vie que les médias nous exhortent à consommer avec rage. Et si les vacances nous apprenaient justement à ne plus rien revendiquer… Si l’on se découvrait « entier », sans le moindre manque, en prenant soudain conscience que tout est là, sous nos yeux, et que nous participons à ce tout et l’enrichissons de notre regard d’amour. 

Rilke, poète de l’intériorité par excellence, a si bien su traduire cette idée de beauté et d’unité à travers son œuvre. Magda Von Hattingberg, jeune pianiste avec laquelle il entretint une correspondance passionnée, se révèle à la hauteur de son génie. En une phrase, elle dit la béatitude d’être, de sentir la vie autour de soi et d’y prendre pleinement part : « Peut-être n’avez-vous jamais rencontré quelqu’un qui a su trouver de la richesse dans la seule béatitude d’être là (…), parce qu’il était lui-même la promesse et l’accomplissement de sa propre existence » (Lettres à une musicienne). 

Quand ­Matthieu (6,34) rapporte ces paroles de Jésus : « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain. (…) À chaque jour suffit sa peine », ne nous incite-t-il pas, lui aussi, à déposer le fardeau du passé et du futur pour saisir l’ici et maintenant ? 

Bonne ou mauvaise, l’année s’est écoulée. À quoi bon la ressasser ? La rentrée se profile à l’horizon et avec elle, le rouleau compresseur de la routine et des tracas. Pourquoi l’anticiper ? Le présent est si doux… Faisons-le durer encore un instant.


Cécilia Dutter (la Vie 2013)

samedi 24 août 2013

L'art soufi de la respiration

L'art de respirer pour venir au monde, l'art de souffler pour s'y tenir droit : un héritage soufi pratiqué par le danseur Abdeslam Michel Raji. Pour lui le souffle n'est pas qu'une affaire de respiration, c'est une danse, un art, une technique apprise dans son enfance au Maroc au sein d'une communauté soufie. 
Inspirez, écoutez, soufflez !




 La danse du souffle (réalisation Olivier Toulemonde 16’16’’) 
« Si je sais expirer, je peux mieux encore inspirer » 


jeudi 22 août 2013

Le handicap du mental avec Marie-Hélène Matthieu

Alice avait 17 ans, moi, 11, et pourtant nous partagions la même classe. Toujours vêtue de noir, elle portait sur le visage la marque de son handicap mental. Un jour, où le professeur de dessin nous avait demandé de reproduire un bouquet d'automne, elle traça une minuscule feuille de trèfle dans un coin de sa feuille.
Nous avons ri aux éclats lorsque le professeur nous a présenté cette œuvre singulière. Alice, incapable de se défendre, est restée prostrée au fond de la classe. Et pour la première fois, je l'ai vue pleurer. C'était une scène très impressionnante, car elle ne manifestait jamais ses émotions. J'aurais voulu la consoler, mais je n'ai pas osé. Alors je me suis dit que, plus tard, j'aimerais aider des gens comme elle. Sept ans après, lorsqu'un tract m'a appris l'existence d'une école d'éducatrices spécialisées, j'y ai lu comme une réponse à ce désir secret...


Une soirée passée à Trosly en 1966, dans la communauté de Jean Vanier, fut une petite révélation. Des adultes handicapés mentaux et de jeunes assistants partageaient la même vie familiale. Et on ne savait pas vraiment qui donnait et qui recevait. Les seconds découvraient un nouveau sens à leur vie au contact des premiers et se disaient transformés. 

Avec Jean Vanier, nous avons imaginé en 1968 un grand pèlerinage à Lourdes pour les personnes handicapées mentales, leurs familles et des jeunes amis. Trois ans plus tard, nous étions 12 000 venant de 15 pays dont 4 000 avec un handicap mental. La ville était très impressionnée de notre venue. Des militaires avaient été postés tous les 50 mètres le long du Gave, ainsi que sur les routes extérieures, alors que des commerçants avaient baissé leurs rideaux de fer ! C'était simple ignorance de ce qu'était le handicap mental car, au cours des trois jours du pèlerinage, tous ont découvert une foule qui rayonnait de la joie que peut donner l'amitié. L'expérience fut également si forte pour les pèlerins que l'on décida de se revoir localement dans de petites communautés d'amitié, de prière et de fête. C'est ainsi qu'est né Foi et Lumière, un mouvement aujourd'hui présent dans 82 pays. 

Une fois par mois, je retrouve ma communauté Foi et Lumière, à la paroisse Saint-Léon, à Paris. J'en ressors toujours régénérée par la qualité d'amitié, de simplicité, de joie entre nous tous, qui sommes si différents. Chacun regarde non le visage, mais le cœur de l'autre. Ce qui intéresse mes amis handicapés, ce n'est pas la fondatrice de l'OCH ou le commandeur de la Légion d'honneur, c'est simplement moi. Ensemble, nous parlons de la Bible, de Jésus, avec leur foi toute simple. Lorsqu'il me sent fatiguée, Benoît, l'un d'eux, me propose parfois de dire un Ave. François m'a dit l'autre jour : « Dieu m'aime comme je suis. » 

Dans cette vie fraternelle, on comprend que Dieu révèle ses mystères aux plus petits. Comment ne pas frémir et agir quand on sait que 95 % des embryons chez qui a été détectée une trisomie sont supprimés ! Avoir un enfant handicapé est toujours un drame, mais je suis émue lorsque des parents témoignent combien leur enfant leur a permis de découvrir l'essentiel de toute existence : aimer, être aimé, être utile. Personnellement, les personnes handicapées m'ont conduite à des « oui » successifs aux carrefours décisifs de ma vie. 
Marie-Hélène Mathieu
(La Vie)


http://www.och.asso.fr/
http://www.foietlumiere.org/


mardi 20 août 2013

Pour une maturité plus rapide... avec Jacques Castermane

Un maître zen a toujours infiniment de temps ! Et vous... ?

La maturité de l’être humain se révèle dans le calme intérieur avec lequel l’homme accomplit une action ; une manière d’être qui ne laisse pas place à la précipitation. L’immaturité du corps qu’on est (IchLeib) se manifeste dans la contraction et dans le besoin obsessionnel d’aller vite, de faire vite. Addiction à la vitesse et état d’être tendu qui dissocie l’homme de sa vraie nature, de son être essentiel. La tyrannie de la vitesse conduit à une manière d’être qui apparaît à certains comme étant inéluctable et ... normale. Quelqu’un me disait dernièrement : « Mais, Monsieur, tout le monde court aujourd’hui ; c’est l’époque à laquelle nous vivons qui veut ça ! ». Ah oui ?

Suis-je né pour jour après jour vite me lever pour vite prendre le petit déjeuner, vite courir sur mon lieu de travail où je vais vite passer d’un bureau à un autre et vite faire demi-tour pour prendre le dossier que j’ai oublié ? Résumons : Suis-je né pour vite aller au cimetière ?

Afin de retrouver le calme intérieur je propose, aux personnes qui viennent au Centre, l’exercice de la détente et la momentanéisation de chaque action. Rien ni personne ne peut m’empêcher de marcher tranquillement de la chambre à la salle de bain, de marcher tranquillement de la salle de bain à la cuisine. Que ce soit sur la rue ou sur votre lieu de travail, rien ni personne ne peut vous empêcher de vous déplacer sans être soumis à la tyrannie de la vitesse.

Lorsqu’elle ne s’impose pas - pour sauver sa peau ou ne pas manquer le départ du train - la vitesse est une fuite en avant. Aller vite, faire vite, c’est donner plus d’importance au futur qu’au moment présent ; c’est être possédé par le temps pensé, le temps psychologique et vivre nerveusement. Je ne peux pas vous prescrire un comprimé ou une pilule qui va cacher les symptômes de votre état d’être nerveux, agité, mais je peux vous proposer cet effort sur soi qu’est l’exercice : « Chaque matin, passez de la salle de bain à la cuisine en témoignant, par votre manière d’être en tant que corps et par le rythme de vos pas, que vous avez infiniment de temps ! ». Petit moment de guérison de notre esprit agité, inquiet, tourmenté, éparpillé. Petit moment d’éveil à notre état de santé fondamental : la paix intérieure.



Jacques Castermane

dimanche 18 août 2013

Regard poétique avec Gabriel "Mwènè" Okoundji

Le poète regarde le monde, colle son oreille au sol pour mieux capter les bruits de l'univers. Lorsque j'entends parler de crise, je me dis que ce mot m'est totalement étranger. Crise de quoi ? La crise est constitutive de l'être humain. De la civilisation, de l'univers. Tout ce que je vois autour de moi, c'est, en fait, une crise de l'humain qui échoue à vivre son humanité en harmonie avec l'environnement. Tout le reste n'est que chahut. Nous sommes comme des apprentis sorciers qui ne savent plus de quel côté ils doivent se tourner.

Quel savoir nous manque-t-il ?
Le savoir est inutile à celui qui ne possède que cela. La vie d'un être humain, ce n'est pas son cerveau, c'est son cœur. Le cœur qui bat, bat dans le langage de l'émotion. C'est seulement en partant de l'émotion que l'on peut découvrir l'autre dans sa réalité, sa force et sa faiblesse. Il est temps de reconnaître le droit à la fragilité plutôt que de maintenir l'illusion de la toute-puissance. Le vrai savoir, c'est ce que j'appelle l'initiation. Initier, c'est apprendre à donner le savoir dans cette dimension qui apporte à l'homme la bonté de l'univers. Être initié, c'est apprendre à recevoir le don de cette connaissance, de telle façon qu'il n'y ait pas quelqu'un au-dessus et quelqu'un au-dessous. Car aucun homme, aucun peuple, n'a le monopole du savoir. 

Vous parlez très souvent d'Ampili et de Pampou, qui ont été vos initiateurs. Qui étaient-ils ? Ampili était une conteuse. C'était aussi ma tante maternelle. Quand j'étais enfant, la télévision n'avait pas encore envahi les villages africains. La parole des anciens revêtait une grande importance. Ampili avait le don magique du verbe. Elle nous parlait autour du feu. C'était comme si les bulles d'émotion circulaient dans l'univers. Elle nous donnait tout cela pour que nous puissions garder plus tard la sensibilité d'être au monde, pour que nous puissions apprécier la bonté de l'univers. Ampili m'a ainsi appris quantité de choses.

Par exemple ?
Que le monde entier repose sur les genoux d'une fourmi. Elle m'a appris qu'un arbre sans écorce est un arbre blessé, que toute racine n'a qu'un tronc. Je n'aurai jamais assez de mots pour lui rendre hommage. Pampou était un vieux au sens noble. J'étais allé le voir avec l'insolence de la jeunesse qui croit savoir. Dès lors que je lui ai dit « Je suis ton élève », il m'a appris que tous les chemins ne mènent pas à Rome, mais à la mort. Mais, avant la mort, il y a la vie. Il m'a appris à écouter, en l'oiseau qui pleure, les palpitations de mon cœur et à entendre du vent, le souffle de tous les bruits de la terre. Les liens de l'homme avec la nature sont une évidence. Je parle parfois le même langage que les gens de la Dordogne ou des Landes. Avec des mots différents, on nous a appris que l'homme, l'arbre, l'animal ne sont qu'une même matière.

Sauf que l'homme doit faire l'épreuve du malheur…
Au Congo, on ne dit pas que le coq chante. Il pleure. Il pleure parce que le monde est divisé en deux parties : le visible et l'invisible. Lorsque les ténèbres s'avouent vaincues, le coq psalmodie cet instant. Il pleure la disparition du monde invisible de la nuit, qui s'évanouit sous la protection des ancêtres, et l'arrivée du monde visible, qui va livrer l'homme à la course perpétuelle dans laquelle nous sommes. Dès que nous nous levons le matin, nous sommes dans la tyrannie du temps. Il nous faut courir sans cesse après un présent qui nous échappe toujours. Intellectuellement, les gens savent que cette course est folle. Mais ils continuent.

Pourraient-ils y échapper ?
Il faut essayer de décrocher de temps en temps. En Afrique, on dit que seules la patience et la lenteur garantissent l'éternité du chemin. On ne peut pas bâtir une maison en une seule journée, éternellement être le plus fort. Ce n'est pas pour rien que nous sommes devenus de très grands consommateurs de tranquillisants ou de somnifères. Le mot « peur » a disparu de notre vocabulaire au profit du stress et de l'angoisse. Il est normal que l'on ait peur, de l'orage, de la nuit, des dieux. Cette peur naturelle est devenue une peur de ne pas réussir, de ne pas pouvoir être au top. C'est à tout cela qu'il faut essayer d'échapper, en ayant ce que j'appelle une vision poétique de la vie.

Comment réintroduire du poétique dans nos vies ?
L'homme doit manger, se soigner, etc. Mais a-t-il besoin de cette société de consommation qui, à un moment donné, nous a échappé ? Vivre poétiquement, c'est ce que Stéphane Hessel appelle s'indigner. C'est résister, insister. Insister, c'est se dire que lorsqu'on n'a plus le choix, il reste la volonté. Pampou m'a appris que la volonté est le seul fétiche efficace de l'homme. Vivre poétiquement, c'est avoir la capacité de prendre son temps. De ne pas avoir peur du vide, du chaos. De ne pas avoir peur d'avouer sa faiblesse. De se dire que le bien-être matériel n'est pas synonyme du bien-être mental. Vivre poétiquement, c'est aussi respecter la nature. Ce n'est pas être écolo, dire « Je vais éteindre la lumière et trier ». C'est avoir conscience que nous ne formons qu'un avec l'univers, et qu'en prenant soin de nous-même, nous prenons soin des autres et du monde qui nous entoure, ou inversement.

Article du journal Sud Ouest

Gabriel Okoundji a été étudiant à Bordeaux. Il travaille à l'hôpital comme psychoclinicien et vit à Bègles, dans une maison où s'entassent les souvenirs ramenés d'Afrique.

samedi 17 août 2013

Une journée particulière avec Anne-Dauphine Julliand

Dans mon livre, je souhaitais vraiment exprimer ma foi sans l'imposer. Aucune envie de dire : « la façon d'y arriver, c'est comme ça », « si vous ne croyez pas en Dieu, tant pis pour vous »... 

Cette foi, j'ai mis longtemps à en parler publiquement. Car c'est très intime et très abstrait. Même si je la vis très concrètement au quotidien. La lampe frontale est la meilleure comparaison que j'aie trouvée, quelque chose qui m'accompagne. Et la lumière sur un chemin difficile, c'est aussi source de chaleur, de réconfort. 

Le chemin n'en est pas moins escarpé. La foi n'empêche pas la souffrance, elle ne console pas. Mais elle me permet de retrouver cette confiance en plus grand que moi, cette confiance merveilleuse qu'ont les enfants.

Anne-Dauphine Julliand

vendredi 16 août 2013

Ne sommes nous pas handicapés pour vivre notre quotidien ?

La maladie appelle une compassion assez naturelle. Les gens y sont sensibles. Alors que face au handicap, on constate toujours un mouvement de recul, que j'ai eu longtemps aussi. Il y a quelque chose de figé, d'irréversible dans le handicap. Les autres ont peur de cette différence. Moi, j'ai vraiment vu la cassure, car pendant longtemps j'ai dit que ma fille était malade. Mais aujourd'hui, je pense qu'elle est beaucoup plus dans une forme de handicap que de maladie. Et j'avoue que ça me coûte de l'annoncer, par crainte des réactions. Mais je me fais violence, car c'est important d'affirmer cette vérité : c'est une éducation du cœur aussi.
Le regard des autres fait partie des petites montagnes à gravir au quotidien, dans une société qui, plus généralement, ne se rend guère accessible aux personnes handicapées.


On a essayé de nous faire croire qu'une belle vie était une vie facile. Mais c'est la plus grande cause d'une société dépressive : car au premier couac, on se dit dommage pour moi, j'ai raté le coche. Il n'y a pas d'un côté une vie belle, de l'autre une vie moche. La vie est belle quoiqu'il arrive. Notre société nous fait confondre bonheur et idéal : être heureux est devenu quelque chose que l'on doit atteindre, en cochant des cases. 
Ce qu'on nous propose, ce sont des codes de réussite sociale. J'ai appris à m'en affranchir. Certaines personnes se contentent de peu pour être heureuses. Les enfants ont cette capacité-là et certains adultes la conservent. Le bonheur devient simplement le but du quotidien. Chaque jour, on a de quoi être heureux, au moins un petit instant.

Anne-Dauphine Julliand
(La Vie)



jeudi 15 août 2013

Choisir la meilleure part

"Alors qu’il était en route avec ses disciples, Jésus entra dans un village. Une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur, nommée Marie, qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. 
Marthe était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : " Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma sœur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider. " 
Le Seigneur lui répondit : " Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée." 



Luc 10, 38-42 


Lâche ton zen avec Alain Hermier

Pour les avoir rencontrés tous les deux, Alain Hermier et Olivier Tournemaine,
 et connaître le magnifique lieu de Terr'eau Lumière
je vous conseille ce stage en Ardèche...


mardi 13 août 2013

Voici un bloc d'or pur grâce à Christian Bobin

Comme Christian Bobin, mettons-nous à l'écoute des mots et des battements de coeur...

Un magnifique lever de rideau rouge
(rsr - juin 2013 - 4:33 mn)


lundi 12 août 2013

dimanche 11 août 2013

Il y avait l'UN avec Ma Ananda Moyi



"Il y avait l'Un.
Il S'est divisé pour créer le monde.
Il a toujours été en vous. Ce qui est dans le microcosme est aussi dans le macrocosme.
Il faut donc vous démener pour réaliser votre Soi.
Le Seigneur est manifesté dans chaque créature.
Trouver Dieu ne signifie que trouver son propre Soi. Il faut avancer obstinément dans le chemin.
Toutes les voies spirituelles sont bonnes et débouchent sur la libération.
Il est libre, et ainsi la voie qui conduit à Lui mène à la liberté.
Avez-vous bien saisi que tout es contenu dans l'Un et que l'Un est présent en tout?"


Mâ Ananda Moyî

samedi 10 août 2013

Tu t'abandonneras à la contemplation avec Philippe Mac Leod

   Plutôt que par la figure traditionnelle du reclus, contempler se comprendra mieux par l’attitude qui consiste à s’exposer au regard de la lumière, en ouvrant largement le nôtre, en le lui offrant comme un long tapis déroulé sous ses pas. La contemplation décline tout le registre de la perception, mais dans le sens de l’accueil, du libre accès : entendre, voir, laisser résonner, laisser pénétrer, sentir, intérioriser ; percevoir, recevoir, saisir, prendre conscience d’une réalité qui nous échappe, qu’on laisse filer – la saisir au vol, la retenir, pour s’en imprégner et y entrer davantage.

   Percevoir avec notre esprit, notre chair intérieure. Laisser s’élargir l’instant présent, non plus d’avant en arrière, comme nous le faisons d’habitude, vers le passé et l’avenir, mais de haut en bas et de droite à gauche, à la mesure de l’espace qui nous environne. Abandonner un moment le souci de l’information, le savoir sommaire, la fiche technique qui accompagne chaque chose, pour la regarder en intégrant ce qu’il y a d’invisible autour d’elle, cette auréole de solitude lumineuse qui l’enveloppe comme une mandorle. Il est une sorte d’intimité du réel, qui m’est intérieur comme je lui suis intérieur. Non pas une humanisation de la moindre chose, en lui prêtant mon âme et mes sentiments, mais en l’appréhendant dans la totalité d’un être du monde qui résonne en chacune de ses cellules vivantes, dans le bibelot isolé, le plus petit brin d’herbe, pourvu que nous les regardions avec une attention purifiée, dégagée de nos préoccupations immédiates.

   Regardons l’arbre pour lui-même, dans la lumière dorée qui lui fait comme une seconde écorce. Regardons-le sans trop d’insistance, sans peser de tout notre poids sur sa présence légère et silencieuse. Laissons-le se déployer dans l’azur du ciel à la manière d’un élan gratuit et généreux, une explosion muette, et sur le fil à peine tendu de ce regard attentif sans curiosité, présent et distrait à la fois, se fera entendre le murmure intérieur : vous regardiez un arbre et vous percevez l’universel.

L’exercice, cependant, est délicat : s’abandonner à l’attention. Savant mélange d’effort, de vigilance, et de distance, presque de détente. C’est dans cet équilibre difficile, nécessairement instable, que la vie peut donner toute sa lumière, que l’esprit devient une aventure, l’être, un espace libre et exaltant. Essayez, fréquemment, n’importe quand, sur un banc, dans la rue, dans un train, dans un square ou une forêt – les visages, les ombres et les lumières, les grands ciels gris ou les infinis d’azur. Essayez, vous verrez, Dieu vous parlera autrement.

C’est tout cela que doit porter notre action : cette plénitude, cette présence qui laisse affleurer le tréfonds où elle s’enracine. Mais pour y parvenir, il nous faut suspendre un moment le regard, l’immobiliser pour que ses eaux se clarifient, attendre patiemment que tous les sables remués retombent au fond, que la surface redevienne lisse. Le retourner vers soi aussi, plus souvent, non pas s’observer, se crisper, mais s’exposer à cette lueur fragile qui remonte des confins de notre être, comme un murmure des commencements, le rayonnement d’un premier matin qui en nous, à chaque instant, chaque battement, renouvelle son miracle fondateur. Contempler, sans rien forcer, sans même parfois le savoir, c’est s’ouvrir à cet instant immémorial, cette éclosion bleue de la terre primitive, comme un fond d’éternité et de paix derrière chaque objet, chaque heure, chaque visage qui apparaît, chaque geste, s’il sait ne pas en troubler la surface. Rechercher cette clarté : Dieu se respire si l’on vit la réalité dans une complète transparence.

Contempler, c’est percevoir avec notre esprit, notre chair intérieure. Essayez, fréquemment, n’importe quand, sur un banc, dans la rue, dans un train, dans un square ou une forêt. Vous verrez, Dieu vous parlera autrement.

Philippe Mac Leod 
(source : La Vie)


A propos de la certitude avec Arnaud Desjardins

Mais qui se sent vraiment établi dans la certitude ?
Pourtant il n'y a pas de vie possible dans le doute. Et un être humain ne peut vivre dans la certitude que si ses
activités sont reliées les unes aux autres, si, autour d'une vérité centrale, métaphysique et religieuse, il peut organiser - rendre vivantes comme un organisme - toutes ses autres activités sans exception...

En procédant méthodiquement vous allez peu à peu vous libérer du christianisme incomplet de votre enfance
et accéder à une foi d'adulte. Si vous posez la question avec une intense sincérité : « Où réside la vérité? », peu à peu, de la profondeur, la réponse montera, non pas comme une réponse qui vous est donnée du dehors et dont votre intellect s'empare mais comme une vérité certaine.
Et de cette façon-là vous éviterez le syncrétisme, parce que la certitude vient de l'intérieur...

On pourrait dire d'une manière générale que la tragédie du chercheur spirituel est de mettre peu et mal en pratique l'enseignement auquel il adhère. Et pourquoi en est-il ainsi? Parce qu'il n'est pas certain, au vrai sens du mot certain. Et en même temps, comment acquérir une véritable certitude si ce n'est en vérifiant par vous-mêmes, afin que l'expérience vous appartienne en propre et soit inscrite dans la totalité de votre être? Vous n'aurez cette certitude qui vient de la vérification que si vous mettez en pratique, et vous ne mettrez en pratique que si une première conviction est déjà suffisante.

Par ailleurs, l'Épître aux Hébreux, dont on ignore d'ailleurs l'auteur, nous propose une définition très intéressante de la foi : « La foi est une manière de posséder déjà ce qu'on espère, un moyen de connaître des réalités qu'on ne voit pas ». Une autre traduction donne : « La foi est le fondement de ce qu'on espère et la preuve de ce qu'on ne voit pas ». Ou encore : «la certitude des choses invisibles».
N'y a-t-il pas déjà un abîme par rapport à notre conception habituelle de la foi si le mot "pistis" signifie preuve et que la foi est définie comme la certitude des choses invisibles.
Le terme invisible nous fait tout de suite penser à cet autre mot-clé de l'hindouisme qui est le mot voir. Une
même racine a donné veda en sanscrit, videre en latin, c'est-à-dire vision. Je ne crois pas trahir les textes en
disant que la foi est la vision des choses invisibles. Et si elles ont été vues, c'est bien qu'elles peuvent l'être sous certaines conditions et non pas crues parce que votre curé vous a dit que sinon vous irez en enfer.

Vous pouvez faire grandir votre certitude, vous pouvez faire grandir votre vision des choses qui sont pour vous encore invisibles à l'heure qu'il est, vous pouvez changer jusqu'à ce que vous soyez en mesure de les voir...

Arnaud Desjardins
Extraits de "En relisant les évangiles"


Etre vivant avant tout avec Bernard Campan (4)

Dans ce cheminement, quelle place a pour vous la vie familiale, la vie conjugale ?
Une très grande place. On parlait de vocation, eh bien ! J'ai vraiment l'impression que ma femme et mes enfants en font partie. Ces dernières années, quand j'ai écrit mon propre film, j'ai moins tourné car ça correspondait à l'arrivée de notre deuxième enfant, Nina, qui a dix ans aujourd'hui. Notre premier, Loan, avait cinq ans ; donc je me suis dit : « Ils sont petits, il faut que j'en profite le plus possible et qu'on passe du temps ensemble '. J'ai très peur de louper ça, d'avoir des regrets. Alors j'essaie d'être présent au mieux, le plus possible, d'être un père à l'écoute. J'essaie aussi de ne pas trop vouloir leur inculquer ce que moi-même j'ai peine à découvrir, la spiritualité par exemple. J'essaie de ne pas trop leur donner de leçons et d'apprendre d'eux le plus possible.

Quels sont vos projets, tant personnels que professionnels ?
J'ai parlé tout à l'heure de faire la suite des Trois frères. Ce n'est pas encore tourné et l'écriture n'est pas finie. Mais c'est évidemment un projet important ! Je viens de tourner un film qui est le numéro 3 du Cœur des Hommes, un film de Marc Esposito. Il sortira en octobre prochain.
Des projets, j'en ai plein. Avec Alexandre Jollien, aussi, on a des projets : comment mettre sur scène notre amitié, comment faire partager ça ! On a fait des conférences ensemble. Ce n'est pas facile pour moi de témoigner de ma spiritualité à ses côtés, lui qui est tellement lumineux et charismatique. II aurait voulu en faire une sorte de spectacle, un spectacle improvisé : nous n'avons pas encore trouvé ! Nous avons également le projet de faire un film ensemble... Et je voudrais faire un deuxième film personnel, que je n'arrive toujours pas à écrire...

Percevez-vous votre évolution ?
Oui. J'ai de plus en plus confiance et foi dans la vie, mais ce qui évolue moins, c'est cette confiance en moi. Fondamentalement, quelque chose est inscrit : « Je n'ai pas confiance en moi ». L'autre jour, j'avais écrit une lettre, et j'ai voulu la faire lire à trois quatre personnes pour savoir si je pouvais l'envoyer, si elle était digne d'être envoyée. C'est difficile pour moi : je suis très perfectionniste et la dévalorisation va de pair. C'est justement parce que je me sens nul que je vise la perfection. C'est épuisant, en particulier dans l'écriture, de viser toujours une forme de perfection, et de se sentir nul au fond de soi. Ce manque de confiance en moi, aujourd'hui je m'en libère, mais je ne lutte pas contre, ce n'est pas possible. J'en émerge progressivement. Je le vois, j'en souris. On parlait de l'humour, c'est extraordinaire quand je vois à quel point parfois je me minimise. Et l'orgueil ! L'orgueil que je peux avoir, c'est risible ! Je laisse le mécanisme fonctionner et j'essaie de ne pas m'identifier à ce mécanisme.

La crise vous semble-t-elle encore devant nous ? 
Quelqu'un a dit : "Je plains l'humanité d'être dans d'aussi mauvaises mains que les siennes ". Je pense aussi à ce texte de Fred Vargas : " On a utilisé le monde, et maintenant on paie l'addition", texte magnifique sur ce sujet ; c'est superbe ce que Fred Vargas a écrit. Tout ça, c'est fort. Et puis quand vous dites : « Cette
crise qui arrive c'est fort aussi, parce qu'aujourd'hui on a envie de dire : " La crise, elle n'arrive pas, elle est là, mais elle arrive aussi, elle ne cesse d'arriver et de s'amplifier ". 
La crise a tellement de formes ! J'ai peur mais, justement, ça me pousse à être le plus possible ouvert, épanoui, pour pouvoir à mon tour me tourner vers les autres ; parce que dans les années à venir il y aura un besoin d'aide beaucoup plus grand qu'on ne l'imagine. Je pense qu'on va au devant de périodes très sombres. Je ne veux pas noircir le tableau, mais je pense qu'on n'est qu'au début... 
Donc, si j'ai quelque chose à faire. c'est déjà d'essayer de m'ouvrir le plus possible. afin de pouvoir m'ouvrir au monde. Je pense qu'il y aura beaucoup à faire, et tant mieux d'ailleurs. Je suis optimiste d'une certaine manière. Comme les forces, tout s'équilibre à un moment. La souffrance n'est pas à désirer, pourtant, quand elle est là, il y a un équilibre que l'on peut retrouver. Si nous avons une part à jouer, moi et tous ceux qui peuvent le faire, c'est de nous ouvrir à la souffrance du monde. 
Arnaud disait : " A chaque action, est-ce que vous participez à la guérison du monde ou à la maladie du monde ? Posez-vous la question ». 

Interview de Bernard Campan dans la belle revue "Reflets" (mars 2013)
(photos des lieux : Gandha)


vendredi 9 août 2013

Etre vivant avant tout avec Bernard Campan (3)

Vous êtes toujours relié à son enseignement ?
Je suis relié... ou je ne le suis pas. C'est comme la vigilance qui est un aspect fondamental de l'enseignement ; je suis vigilant ou je ne le suis pas. Je suis à côté ou je ne suis pas à côté. Je suis conscient de l'instant, de ce que je suis en train de vivre ou, au contraire, je suis emporté, embarqué, « je ne suis pas là » ; le tout étant de prendre conscience que je n'étais pas là, de me réjouir, plutôt que de me blâmer d'être à côté de la plaque. C'est une différence par rapport à celui que j'étais il y a quelques années : par exemple, je passais une matinée ou plusieurs heures complètement ailleurs, perdu dans mes rêves et mes pensées, absorbé, happé par la vie, par l'existence... Et quand je reprenais conscience de ma présence, ma présence d'être vivant sur terre, je culpabilisais beaucoup ; je me flagellais, je me disais : « Merde, comment ça se fait ? ». Puis, avec le temps, on se rend compte que c'est une des règles du jeu. Pierre a renié le Christ trois fois : tomber, se relever, puis se réjouir à nouveau d'être au cœur de la pratique, se réjouir à nouveau d'être au cœur  de l'enseignement.

La pratique peut-elle vous aider à comprendre ce qui se passe en vous ?
Parfois oui, parfois non. Je pense à un ami, Alexandre Jollien, qui m'aide beaucoup (on s'appelle tous les jours depuis des années) et qui a l'art de me faire comprendre que, parfois, je suis avec mes oeillères... ça y est, je suis embarqué dans mes problématiques existentielles et la pratique n'est plus là, la compréhension de l'enseignement n'est plus là. Parfois, il y a en moi un déni de l'enseignement ; je suis totalement à côté de la plaque. Alexandre sait très bien mettre le doigt là-dessus. Mais je peux aussi, dans des difficultés, à l'intérieur même de ces difficultés, puiser à la source de ce que m'apportent justement la pratique et l'enseignement.

Allez-vous souvent à Hauteville ?
J'essaie d'y aller deux fois par an et d'y faire des séjours de quinze jours. Pour moi, c'est un endroit sacré. La présence du Maître est là. Les collaborateurs d'Arnaud sont très précieux, indispensables. J'ai besoin de retourner à Hauteville, à Paris aussi, à la maison Raphaël ; c'est un lieu où des disciples d'Arnaud poursuivent son enseignement, je dirais, dans son aspect plus particulièrement psychologique. Christophe Massin, par exemple, est vraiment un être magnifique. Je peux le présenter comme mon thérapeute, mais en fait, son accompagnement est comme un relais avec Hauteville. Mon amitié avec Alexandre est une grande amitié spirituelle, mais je ne peux pas dire qu'il joue un rôle de guide, parce qu'on est vraiment, lui et moi, toujours dans un échange. L'accompagnement que je trouve à Hauteville ou à la maison Raphaël est, pour moi, indispensable. Sinon, je serais perdu.

Qu'est-ce pour vous : " Réussir sa vie " ?
Déjà, c'est éviter le piège de vouloir réussir sa vie. Dans un livre qu'il avait fait avec Arnaud, Emmanuel Desjardins citait un écrit de Simone de Beauvoir qui disait en substance : « On ne réussit pas sa vie ; ce n'est pas une chose, sa vie ». Agée. elle faisait le bilan et elle disait : "Finalement j'ai quasiment tout réussi dans ma vie, et pourtant la satisfaction n'est pas là ". Donc je pense que c'est un piège de vouloir réussir sa vie, d'objectiver la vie. Réussir sa vie. c'est se sentir vivant, c'est donc me sentir vivant, d'instant en instant, jusqu'au moment de mourir.

Vous faites partie d'un collectif de cinéastes pour les sans-papiers. Est-ce important pour vous d'être tourné vers une oeuvre humanitaire ?
Oui, c'est important. Mais en vous écoutant je m'aperçois que je ne suis pas bien en règle avec ça, je ne suis pas bien à l'aise avec tout ça. Par exemple, dans le cadre du collectif j'ai donné de ma présence deux fois ; ce n'est rien et en même temps je l'ai fait, donc c'est très bien. Je suis aussi parrain d'une association à Saint-Arnould, pour financer la partie paramédicale d'un hôpital pour enfants. Mais j'ai l'impression que mon engagement, ce n'est pas seulement par rapport aux gens qui souffrent, c'est par rapport à la rencontre, par rapport à l'autre. Je sens que je suis encore fermé et j'ai besoin de m'ouvrir. Les associations caritatives, c'est formidable, mais je pense que c'est en m'ouvrant à l'autre au sens le plus large, que je pourrai être plus présent. Et c'est ce qui me fait très peur. Finalement, le but d'une spiritualité, c'est de se tourner vers l'autre. Or, je m'aperçois que je suis quand même dans une récupération. J'ai un fonctionnement égocentrique qui a du mal à se tourner vers l'autre. Ça fait partie de mon chemin. C'est une étape, s'ouvrir peu à peu. Je suis en demande de cela ; et cela me terrorise aussi...



jeudi 8 août 2013

Etre vivant avant tout avec Bernard Campan (2)

Avez-vous le sentiment d'être unique ?
Oui, peut-être que cela pourrait s'appeler la vocation, un appel précis. Je me demande toujours quelle est ma vocation, parce que je suis un comédien, parce que j'aime écrire ; mais ça représente une grosse difficulté. C'est un défi pour moi. Je me dis : "Qu'est-ce que je suis ? Je suis fait pour quoi ?"
Et je ne sais pas exactement. Par exemple, le fait de faire aujourd'hui, dix-sept ans après, la suite des Trois frères avec les Inconnus, est un réel défi. Je réalise que si, à travers ce groupe et pendant des années, j'ai eu tant à voir avec le rire, c'est qu'il y a quelque chose... Un quelque chose qui n'est pas complètement fini, contrairement à ce que j'aurais pu croire. Cela doit participer à ma vocation : aider les gens à s'amuser, à rire. Aujourd'hui, c'est essentiellement avec cette démarche que je reviens vers les Inconnus : aller au bout de ce que je suis, moi.


Vous êtes un humoriste. Vous dites combien cet humour est important. Y a -t-il un lien entre votre vie spirituelle et votre humour ?
Oui peut-être, de plus en plus. J'ai du mal à concevoir une oeuvre où il n'y aurait pas cette légèreté, cet humour, sans parler du comique. Et puis, chez les maîtres spirituels qui m'ont ébloui, j'ai toujours senti l'humour.
"Humour" a la même racine que "humus", la terre... Donc, rire, c'est nous ramener au réel. Après, il y a la moquerie... Il faut se méfier des mots. II faut différencier l'esprit de l'humour ; l'esprit, c'est « se moquer des autres », et l'humour « se moquer de soi-même ». J'aime bien la nuance. Mais c'est vrai que rire de soi, rire de ce qu'on est au quotidien et qui nous échappe complètement, c'est assez libérateur ; ça allège considérablement nos journées.
J'étais très touché par Arnaud Desjardins lorsque, dans les réunions, il avait les mimiques qu'il fallait pour nous amuser et, en même temps, nous faire comprendre quelque chose.

Est-ce que Arnaud Desjardins vous manque ? 
Oui. (Bernard est très ému)
...


mercredi 7 août 2013

Etre vivant avant tout avec Bernard Campan (1)

Bernard Campan nous a reçus chez lui ; signe rare de simplicité, de transparence. Ce fut le tempo de la rencontre. C'était une première pour lui de se livrer sur sa foi, sur sa manière de la vivre. Il nous a confié : « Ce que je dis là, je le confie rarement. Je suis déjà content de pouvoir parler de la spiritualité telle que je la pratique. C'est quelque chose que je suis heureux de partager ».

Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Arnaud Desjardins ?

Ma première rencontre avec Arnaud Desjardins s'est faite à travers ses livres. Son enseignement m'a tout de suite touché au plus profond. A la lecture des premières pages, il m'a montré que j'allais à contresens, que je vivais à contresens de la vie. C'était en 1995. A l'époque il donnait encore quelques conférences ; j'ai assisté à l'une des dernières probablement. J'étais allé l'écouter avec ma femme, mon beau-frère, des amis. A la fin de la rencontre, je suis allé le voir. Et là, j'ai senti le chaud et le froid. J'étais évidemment très attiré, mais j'avais très peur d'être rejeté ; j'analysais la moindre de ses paroles. J'étais donc toujours à demi déçu et à demi convaincu. Par exemple, j'étais déçu qu'il me reconnaisse parmi les membres des Inconnus. Comment un sage, un maître spirituel, peut-il s'abaisser à regarder la télévision ? Mes réflexions étaient de cet ordre-là ; c'était ainsi que je recevais les choses. Tout ce qu'il me disait était presque décevant... Pourtant, il y a eu immédiatement une confiance qui ne s'est jamais démentie !

Vous avez suivi sa voie jusqu'à son décès. Comment vivez-vous votre foi ?
C'est un cheminement ; c'est quelque chose de vivant en soi. Je parlerai de l'enseignement et de la pratique plutôt que de la foi. Je ne saurais pas dire exactement ce qu'est la foi. J'ai de plus en plus confiance dans la vie. Si c'est ça la foi, oui, j'ai une foi grandissante. Mais c'est vrai que ce qui m'a touché d'abord, c'est l'enseignement. Des formules me touchaient au plus profond. Je sentais que je pouvais tenter de les appliquer, d'en faire l'expérience, et qu'il y avait réellement possibilité de me transformer intérieurement. Cet enseignement me proposait une pratique. Et c'est cette pratique qui évolue et qui se fait de façon de plus en plus sérieuse. C'est en dents de scie, ce n'est pas une courbe régulière ; mais au fil du temps, il y a comme une intensification de la compréhension de l'enseignement et de la mise en pratique.

Quelle influence cette pratique a-t-elle sur votre vie actuellement ?
Comme un ordre juste des choses : c'est un des aspects concrets de la pratique ! En Inde, on appelle ça le "Dharma". Dans mon quotidien, ça m'aide, par exemple, à mettre de l'ordre dans ma vie professionnelle. Qu'est-ce que je veux ? Qu'est-ce que je peux mettre en oeuvre pour savoir ce que je veux vraiment ? Ce sont des outils assez concrets pour non plus avancer au hasard, comme un bouchon qui flotte sur l'eau mais avoir un gouvernail, prendre des directions et s'y tenir. Voilà : concrètement, la pratique me permet d'aller vers ce que j'ai le plus envie de faire dans mon métier.


mardi 6 août 2013

dimanche 4 août 2013

Saint François de Sales par Jean-Marie Petitclerc

...Amoureux de la nature, le jeune François doit très tôt quitter sa Savoie natale, où il a reçu de sa famille noble une éducation de gentilhomme. À Paris, puis à Padoue, il fait de brillantes études de droit. À 24 ans, il est déjà docteur, admis comme avocat au Sénat de Savoie. Mais il n’exerce au barreau de Chambéry qu’un court laps de temps. Une chute de cheval vient bouleverser sa vie. Car cette mise à terre est suivie d’une deuxième, puis d’une troisième. À chaque fois, son épée sort de son fourreau. Sur le sol, ils forment une croix. François y voit l’appel de Dieu. La vocation sacerdotale, qui le titille depuis longtemps, s’affirme comme une évidence. 

Le jeune homme a déjà renoncé à ses titres de noblesse et à sa fonction de sénateur du duché de Savoie. Mais il lui faut convaincre son père, qui préférerait pour son fils une vie professionnelle réussie. Deux ans plus tard, en 1593, il est ordonné prêtre par Mgr Granier, évêque de Genève. L’Église romaine est en crise, malmenée par les guerres de religion entre protestants et catholiques. L’évêque s’est réfugié à Annecy depuis que Genève est tombée aux mains des protestants. Il confie à François la réévangélisation du Chablais, région presque entièrement passée au calvinisme. 


Le jeune prêtre se lance avec ardeur dans la prédication. Il sillonne tout le territoire à pied, à cheval... Attaqué par des loups sur un chemin isolé, il se réfugie dans un arbre. Il y restera toute une nuit, s’accrochant aux branches pour ne pas tomber. Partout les églises sont vides. Personne pour écouter sa parole. Il entreprend alors d’écrire des lettres sur la foi catholique. Qu’il glisse sous les portes ou qu’il placarde sur les murs des villages. À la mort de Mgr Granier, en 1602, François lui succède. Il se donne pour mission de reconquérir Genève et le Chablais par l’amour et non par la force. La douceur pour convertir les cœurs. Aller vers les autres et non les faire venir à soi. 


Plus de deux siècles plus tard, avec les jeunes délinquants de Turin, en Italie, Don Bosco (1815-1888) retiendra les trois grandes vertus salésiennes: la patience, l’humilité et la douceur. Le fondateur de la Société de Saint-François-de-Sales passera lui aussi des nuits à écrire des milliers de lettres. 

Je suis, pour ma part, très proche de la spiritualité salésienne – une spiritualité de l’aller-retour. Il n’y a pas deux amours, l’amour de Dieu d’un côté et l’amour de l’homme de l’autre. Au contraire, l’un renvoie constamment à l’autre. "Amour de Dieu et amour du prochain : ce sont deux amours qui ne vont point l’un sans l’autre", écrit saint François de Sales. Aussi accueille-t-il tout le monde avec respect, qu’il soit protestant ou catholique, riche ou pauvre: "Je ne sais pas distinguer entre les gens... je vois que tous sont revêtus de la dignité de chrétien". 


Je retiens, dans ma vie de salésien, l’oraison jaculatoire qu’il a lui-même mise en pratique. Dans le métro ou dans le train, en faisant mes courses ou ma cuisine, je fais mentalement une halte pour me tourner vers Lui. Si je suis en conflit avec un jeune, je m’arrête intérieurement quelques secondes, et je me rappelle que Dieu est concerné par ce qui m’arrive. Respiration pour me mettre à son écoute, pour Lui demander comment Il voit ce jeune. Avec les jeunes d’Argenteuil, j’essaie de m’inspirer de ce respect de la différence dans la construction de la relation. Être suffisamment proche pour ne pas être indifférent, mais suffisamment distant pour ne pas être indifférencié. 


La prière salésienne, c’est la prière du bricoleur, disait le théologien Xavier Thévenot. Ma prière est nourrie de toutes les bricoles de mon quotidien qui assaillent ma pensée quand je prends un temps pour prier. Plutôt que de les chasser de mon esprit, je les présente sereinement à Dieu. Un autre regard que le mien est possible sur la réalité que j’ai à vivre. François de Sales nous dynamise par son optimisme, sa confiance, sa joie. Il ouvre un chemin de sainteté. Il a remporté un défi majeur pour son temps: dialoguer avec les protestants comme avec les catholiques. Car il a su construire l’unité en respectant les différences. Laissons-nous éclairer dans notre vie quotidienne par le soleil de Dieu. Sans rien demander, juste en pleine confiance.


Prêtre salésien, Jean-Marie Petitclerc s’est engagé auprès des jeunes au sein du Valdocco, à Argenteuil (Val-d’Oise), et dirige la communauté salésienne Dominique Savio, près de Lyon. 


vendredi 2 août 2013

Intelligence émotionnelle avec Ilios Kotsou (2)

Eviter, fuir, nous battre avec nos émotions contribue à augmenter notre mal-être à long terme. En outre, cela a aussi pour effet de nous empêcher d'apprendre de nos émotions car ce processus ne peut s'enclencher que si nous commençons à les accueillir, à nous familiariser avec elles.
Accueillir ses émotions est l'un des moyens de prendre conscience de nos automatismes pour créer un espace de liberté dans nos vies. Cette idée n'est pas nouvelle, elle nous vient de sagesses ancestrales et se retrouve dans de nombreuses traditions. Ce qui est nouveau en revanche, c'est l'évolution de la recherche scientifique qui permet aujourd'hui de valider certains éléments et de tisser des liens entre diverses traditions.

Ci-dessous, ce texte de Rûmi illustre de manière très poétique l'importance de l'accueil de ses émotions. (Pour le voir en image et en anglais)

L’être humain est une maison d’hôte
Chaque jour, une nouvelle arrivée
Une joie, une dépression, une méchanceté,
Une prise de conscience momentanée arrive comme un visiteur inattendu.

Accueille-les et procure-leur de la distraction !
Même s’il s’agit d’une foule de chagrins,
Qui violemment vident ta maison de ses meubles,
Pourtant, traite chaque invité honorablement,
Il pourrait bien faire de la place
Pour une joie nouvelle.

La pensée sombre, la honte, la malveillance,
Accueille-les à la porte en riant, et invite-les à l’intérieur.

Soit dans la gratitude pour quiconque arrive,
Car chacun a été envoyé comme guide par le plus vaste.

Rumi

L'accueil des émotions est aussi au coeur d'une méthode dont on parle beaucoup aujourd'hui, la pleine conscience (aussi appelée "mindfulness). Cette technique trouve son origine dans le bouddhisme.


jeudi 1 août 2013

Intelligence émotionnelle avec Ilios Kotsou (1)

Nous avons hérité de nos ancêtres d'un système d'alarme et de protection très efficace. Face à un danger (ou à la perception d'un danger), nos ancêtres réagissaient par l'attaque, la fuite ou le repli. Ces trois réponses se retrouvent encore aujourd'hui dans notre attitude face aux émotions.

Nous essayons d'éviter au maximum ce qui nous est désagréable ou nous fait souffrir et recherchons ce qui nous semble positif. Or, face aux émotions, l'évitement est une option peu efficace. Il est possible d'éviter, de contrôler ou de fuir un événement externe (un tigre, une personne désagréable, etc.), mais il n'est pas possible d'éviter des éléments intérieurs comme des pensées ou des émotions.

Ce que l'on croit être une solution devient le problème. La recherche a montré que l'évitement des émotions était non seulement inefficace, mais qu'il pouvait en outre avoir l'effet paradoxal d'augmenter notre mal-être à moyen ou long terme.

Plutôt que d'éviter ou de contrôler : accueillir...



Ilios Kotsou
(petit cahier d'exercices d'intelligence émotionnelle)