dimanche 11 décembre 2016

Troisième dimanche de l'Avent avec Alexandre Jollien


Au milieu de vigoureuses septuagénaires coréennes, me voilà à pédaler comme un dératé. Pour me donner un peu d’entrain, j’écoute l’un après l’autre des podcasts qui me nourrissent. Bientôt, je dois me mordre les lèvres pour ne pas fondre en sanglots. Une bienheureuse révélation a lieu dans cette salle de gym non loin de Daeheung. Comme si un voile s’était déchiré et que la bonté de la vie dans sa simplicité était réapparue.

L’émission les Racines du ciel avec Marion Muller-Colard me rapproche illico de la transcendance. Et je comprends que pour me tourner vers l’Autre Dieu, Celui au-delà de mes représentations étriquées, il me faut quitter les caricatures, les calculs, les projections, autant de frusques jetées sur un Dieu qui heureusement nous échappe. Et d’abord je dois abandonner ce marchandage qui fait de Dieu un concessionnaire du bonheur et le transforme en une sorte d’expert-comptable qui juge, punit et récompense à tour de bras. De là à juger le réel à l’aune de notre conception du juste il n’y a qu’un pas et il est ma foi vite franchi.

Non, la justice n’est peut-être pas de ce monde. Et c’est délivrés de cette attente que nous pouvons progresser et oser un peu plus de solidarité. La théologienne me rapproche de Job pour tenter un véritable compagnonnage avec ce maître de sagesse qui nous apprend précisément à aimer Dieu pour rien, gratuitement.

Mais d’abord, il nous faut décaper notre image de Dieu et pour ce faire nous risquer à un autre usage de la plainte. Car un cœur plein de ressentiment ne saurait s’élever dans la joie. Oser reconnaître que nous n’en pouvons plus, que notre condition est tragique représente une étape décisive vers la paix du cœur. La franchir, c’est sans doute passer de la résignation à l’acceptation libre et joyeuse de l’existence.

Après l’effort, dans les bains publics, je me livre à une prière toute particulière, j’ose enfin confier à Dieu que j’en ai ras le bol de ce corps handicapé, déjà usé. Et il me semble que plus ma plainte monte vers le ciel, plus elle laisse la place à un véritable amour, à une légèreté, à de la paix. C’est inimaginable la somme d’énergie requise pour nier tout ce qui s’entasse dans un cœur.

Sans verser dans les jérémiades, il faut pas mal de courage pour détecter là où ils croupissent les ressentiments, les déceptions, l’amertume et les déraciner. Au fond, Job nous invite à être vrai, à ne plus faire le beau devant Dieu, à quitter la logique du donnant-donnant et la pensée magique. Et qui n’a jamais lâché un « Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ! » ?

Ragaillardi, je sors du bain, nu comme un ver, pour m’apercevoir que la préposée au nettoyage a emporté tous mes vêtements avec le linge sale. Me voilà impuissant, désemparé et je ne peux m’empêcher d’éclater de rire. Serait-ce un signe, l’image du renouveau, de cette renaissance qui nous fait passer de la plainte à la grâce ?

Aujourd’hui, le livre de Marion Muller-Colard, L'Autre Dieu. La plainte, la menace et la grâce (Labor et Fides, 2014), me guide vers l’amour de Dieu. Déjà je peux essayer de ne plus regarder vers le ciel en tremblant de peur ni prétendre par ma prière contracter une assurance-vie quand il s’agit d’aimer sans filet. 

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