vendredi 22 mai 2015

A la recherche du Père... avec Alexandre Jollien


Nous sommes invités à mettre toutes les chances de notre côté quand il s’agit de tenter le saut fatidique : perdre un à un nos conditionnements, mourir chaque jour à nous-mêmes et nous donner toujours plus intensément. Car la pratique spirituelle ne tolère ni amateurisme ni improvisation. J’ai donc tout abandonné pour venir en famille à Séoul. J’ai eu besoin d’un maître, et d’un costaud vu l’étendue des dégâts : sévère insatisfaction, difficulté à vivre un vrai abandon, vie déconnectée du corps. Depuis presque dix ans, je me lève et la vieille rengaine reprend : « J’en ai marre. » Sans compter que je suis encore très loin du pur amour désintéressé…

J’ai cherché éperdument un père spirituel. Je l’ai trouvé en Extrême-Orient. S’il avait habité Abidjan, Jérusalem, Fès ou n’importe où sous le soleil, nous ne serions certainement pas aujourd’hui au sommet de cette tour de quinze étages à Mapo.

Mon cœur a tout de suite senti que celui qui pouvait m’aider sur la voie devait être d’une immense bonté et d’une sagesse abyssale : être à la fois un prêtre catholique et un maître zen. Autant dire que de tels guides ne courent pas les rues. La foi en Dieu, qui ne m’a jamais quitté, a trouvé dans la rencontre avec le bouddhisme un puissant élan et j’ai désiré approfondir le dialogue. 
Le zen me ramène chaque jour au corps, au silence, à la paix, à une existence plus simple et moins automatique.

C’est en Belgique, à l’occasion d’une retraite sur la méditation et les Évangiles, que j’ai fait la connaissance de celui qui allait devenir mon maître. Depuis, j’ai commencé une véritable ascèse et je me suis engagé dans un itinéraire de libération. La pratique que j’ai choisie se méfie des mots. Le philosophe a donc dû apprendre à se taire et à renoncer à ses théories pour descendre au fond du fond, dans l’intériorité. Le père m’a conseillé de pratiquer zazen chaque jour, de nourrir une profonde vie de prière et de fréquenter les Évangiles. 

Alors commença la grande aventure, âpre, désertique même. Il s’agissait de raboter, de décaper, de perdre les repères et cette fausse sécurité, bref de me dégager des soucis sans sauter à pieds joints dans l’insouciance. Sur la route, aucune extase, pas de satori, mais un appel toujours plus vif à laisser passer les peurs, l’agitation. Et une invitation quotidienne à me jeter davantage en Dieu.


Extrait de "Vivre Sans Pourquoi "
(Prologue)