mardi 13 août 2024

La présence attentive (1)

 


Alors qu’il arrivait en France pour être auprès de sa fille sur le point d’accoucher, il venait juste d’apprendre que son père, vivant à Québec, était mourant. Nous le joignons à ce moment-là. Nous lui proposons de remettre l’interview. Il refuse. « Même si j’ai un peu de tremblements dans la voix parce que je suis sous le choc de cette annonce, je vais faire l’entrevue avec vous maintenant avec plaisir. » Cette circonstance douloureuse qu’il surmonte résume la qualité de ce médecin québécois. La présence attentive, c’est du vécu en direct.

Qu’est-ce que le bonheur ?

Bien des philosophes se sont posé cette question. J’y réponds simplement : c’est d’arriver le plus possible à avoir toute son attention dans le moment présent. En voici un exemple. Je suis aujourd’hui dans une situation incroyable. Je suis à Toulouse avec ma fille qui doit donner naissance à son bébé et j’apprends que mon papa à Québec va mourir dans les prochaines heures. Où est le bonheur dans tout cela ? Il est dans la présence totale et absolue que je peux avoir avec ma fille et aussi avec son petit garçon qui a presque trois ans. J’ai passé un moment absolument magique avec ce petit bout de chou. J’étais dans un bien-être profond d’être en sa présence, de jouer avec lui à l’astronaute, parce que toute mon attention était avec lui. Ses parents lui avaient dit que j’avais un grand chagrin. Alors, ce bout de chou de deux ans et demi a pris mon visage dans ses mains et m’a dit : « Je te fais des caresses pour ton chagrin. » Ce sont des petits moments tout simples. On cherche le bonheur ailleurs, alors qu’il est disponible à chaque instant. Le bonheur pour moi est dans l’apaisement de paquets de peurs inutiles, pour être complètement ouvert, disponible à ce qu’offre la vie dans des moments aussi difficiles que celui que je traverse présentement. Cette présence apaise la peur. Mon petit-fils, qui s’appelle Jules, avait inventé une station spatiale. Nous étions tous les deux dans l’espace. J’étais dans un grand moment de bonheur parce que la peur que mon papa parte sans que j’aie pu le revoir, l’embrasser s’est apaisée. Ce n’est pas de la négation, c’est être réaliste. J’allais pouvoir partir, aller au Québec. Il ne sera peut-être plus là quand j’arriverai peu importe. J’aurai profité de chaque instant de bonheur. Je n’avais qu'a ouvrir ma conscience, ma présence pour pouvoir les accueillir. Être vivant dans l’instant présent.

....

Serge Marquis (extrait du magazine Reflets - mars 2019)

------------