vendredi 6 novembre 2015

La méditation... un exercice sur le chemin de la sagesse ou un médicament pour le moi agité, stressé ?

« La rose ne se construit pas en fonction d’un idéal personnel ou collectif.
Elle devient ce qu’elle est, elle est ce qu’elle devient.
L’exigence est la même pour l’homme qui se dit en chemin vers sa vraie nature
Devenir ce qu’il est et être ce qu’il devient selon les intentions de son être profond.
C’est le but de la méditation de pleine attention - Achtsamkeit Meditation - ».
Karlfried Graf Dürckheim

La méditation de pleine attention est un exercice indissociablement corporel et spirituel.
Corporel et spirituel ! Pouvons-nous associer ce que, dans la tradition philosophique occidentale on a eu tendance à opposer pendant vingt siècles ?
Le corps, tombeau de l’âme ! Le corps, machine de terre ! Avec de telles affirmations il est difficile d’envisager qu’un exercice corporel, un exercice physique, puisse avoir une incidence sur la vie spirituelle. Le corps semble, au contraire, considéré comme étant l’obstacle majeur à l’épanouissement spirituel.
Un philosophe, Baruch de Spinoza, cinquante ans après la mort de Descartes, réfute la dualité corps-esprit : « Si nous opposons ce qu’on appelle le corps à ce qu’on appelle l’esprit, c’est parce que nous n’avons pas une connaissance suffisante du corps ».

Notre première réaction est de penser qu’au dix-septième siècle les savoirs sur le corps humain étaient très limités alors qu’aujourd’hui la situation est bien différente. Cependant, il faut peut-être distinguer le savoir “sur’’ le corps (Körper) objectivé dans les laboratoires des sciences et la connaissance “du’’ corps (Leib), laquelle nous est donnée lorsqu’on se met à l’écoute de notre corps propre, lorsque nous méditons.

A l’université, six années d’études “sur’’ le corps disséqué et fragmenté à la faculté de médecine m’ont conditionné à l’idée que « J’ai un corps » ; que « l’homme “a’’ un corps ». C’est, en m’appuyant sur cette conviction que j’ai pratiqué la kinésithérapie pendant une dizaine d’années. Lorsque m’intéressant à la philosophie orientale, à la tradition du zen, à la méditation, j’ai pris la décision de suivre l’enseignement du Philosophe allemand K. Graf Dürckheim, cette illusoire certitude s’est écroulée comme un échafaudage un jour de grand vent. Quelques semaines après mon installation en Forêt Noire, Graf Durckheim me dit : « Vous disposez d’un large savoir sur ce que j’appelle le corps que l’homme “a’’ (Körper dans la langue allemande), mais vous ne savez encore rien de ce que j’appelle le corps que l’homme “est’’ (Leib dans la langue allemande). Ce qui m’étonne parce que vous pratiquez l’Aïkido depuis une quinzaine d’années ... »

Et les indications qu’il m’a ensuite octroyées sont devenues le fondement de ma pratique de l’Aïkido et de ma pratique de la méditation: « Le corps n’est, sur le plan de la personne, ni un organisme physique détachable du sujet ni un instrument fonctionnant plus ou moins bien au service du moi profane, de l’ego. Le corps est, bien plus, le moyen spatio-temporel d’être un sujet et de devenir soi-même. Il est la manière dont l’homme, en tant qu’être essentiel, est là, dans le monde. Le corps (Leib) est l’unité d’attitudes et de gestes à travers lesquels l’homme se présente, s’exprime, prend forme et, en tant que telle, se réalise (s’accomplit) ou se manque. »

La méditation de pleine attention enseignée au Centre Dürckheim n’est pas pratiquée en étant animé par l’esprit d’acquisition ou l’esprit de performance qui caractérise l’homme identifié à cette part superficielle de lui-même qu’on appelle l’ego. C’est en étant animé par l’esprit de répétition que s’éveille la couche la plus profonde de l’être. Cet accomplissement se manifeste alors directement sur le plan humain dans l’expérience et la manifestation de ces qualités spirituelles que sont le calme intérieur, le silence intérieur, la paix intérieure.

Jacques Castermane