mardi 27 décembre 2016

Pierre Rabhi : "En fait, je suis milliardaire"


Dans La Convergence des consciences, le chantre de l’agroécologie, Pierre Rabhi, se dévoile (un peu) à travers l’exercice de l’abécédaire
Pierre Rabhi publie la Convergence des consciences. (Sipa)



Pierre Rabhi, êtes-vous… à la mode?
Je récuse ce terme. Si j’étais Johnny Hallyday, j’arrêterais. Je me situe dans des problématiques d’une gravité extrême, qui concernent la survie ou la disparition de l’humanité.
 … solitaire?
Quand j’ai commencé mon combat contre la destruction des sols, la disparition de la biodiversité, bref, toute la connerie humaine qui saccage autour de soi, il n’y avait pas grand monde. J’étais un petit paysan de l’Ardèche face au modèle triomphant des Trente Glorieuses. Après avoir été un petit employé de banque en Algérie, je me retrouvais en France rangé dans une "boîte", à la Someca. Mais je ne voulais pas être un produit national brut.
Voir notre vidéo : 


… riche?
En fait, je suis milliardaire. Un aristocrate. De ma fenêtre en Ardèche, on aperçoit 17 clochers. La nature m’offre des milliards en biens. Quand nous avons acheté notre maison, avec mon épouse, Michèle, il n’y avait ni eau ni électricité mais quel confort, ce silence profond et cette sensation d’être hors du temps. Ce bien commun appartient à l’humanité et aux générations qui nous succéderont. Aucun argent ne devrait s’en prétendre le possesseur.
 … pour la modernité? Votre grand-mère qualifiait le pétrole de pus…
Oui, elle ne savait ni lire ni écrire, mais elle fonctionnait sur d’autres éléments et notamment l’intuition. Je ne me prosterne pas devant la science. Rappelons que c’est un scientifique qui a fabriqué la bombe atomique.
 … féministe?
Selon les trois religions monothéistes, Dieu est masculin. Or les deux énergies masculine et féminine ont besoin l’une de l’autre pour s’équilibrer.
 … musicien?
Pendant des années, j’ai torturé le violon. Ça accompagnait mes jours. Maintenant, je n’ai plus le temps?; je me suis engagé dans l’écologie. Quitte à faire des choix, je préfère aller au marché. Là, chaque mercredi, je refais le monde avec mes copains. C’est autre chose que le supermarché avec ses tubes à tue-tête! Mais la musique ne m’a pas totalement quitté. J’ai un fils qui est premier prix de guitare classique au conservatoire de Paris.
… cinéphile?
Apocalypse Now est l’un de mes films préférés. Quel regard sur la violence, quel décryptage de la barbarie qui nous guette?! On devrait tous méditer sur les terrifiantes brutalités qu’ont été les guerres du XXe siècle. Moi, je n’ai jamais tenu un fusil. Si je n’avais pas été exempté de service militaire, j’aurais demandé à être brancardier.
… fan de BD?
J’ai toujours un Bibi Fricotin dans mon sac. Depuis mon enfance, je n’en rate aucun numéro. C’est naïf, il y a quelque chose qui me touche. J’ai été moniteur de colo, on passait la journée à chanter des choses très simples. C’était comme ça.
 … lecteur du Petit Prince?
"essentiel est invisible pour les yeux", j’aime cette vision de l’âme. L’auteur fait passer son personnage dans une autre réalité. Pour moi, ce n’est pas un livre sur le suicide, comme vous l’avancez.
 … l’ami des stars?
J’aime beaucoup Marion [Cotillard]. Ce n’est pas qu’elle soit une star, ça je m’en fous. Ce qui m’accroche, c’est la conscience de quelqu’un, sa lucidité, sa bonté. ­Marion est une amoureuse de la nature. Vous ne pouvez pas savoir la misère qui règne dans ce monde que l’on admire, celui du cinéma qui gagne beaucoup d’argent. Leur vie n’a plus de sens; ils l’imitent, ils font illusion. C’est leur métier. Mon ami Yehudi Menuhin m’expliquait : "L’orchestre qui joue une symphonie, c’est merveilleux, mais il ne faut jamais aller en coulisses." De Marion, je garde l’amitié d’une âme.
 … amoureux?
Ça aurait été difficile si ma femme, Michèle, n’avait pas accepté de me suivre dans mon aventure de paysan à la campagne, cette vie ouverte aux animaux, aux végétaux. Ensemble, nous avons investi le plus précieux capital : notre vie. 

 La Convergence des consciences, Le Passeur, 231 p., 17.90 euros. 


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