L'écrivain américain Thoreau, qui partit vivre un an dans une cabane au milieu des bois, écrit dans son Journal* : « Aucun homme n’a jamais imaginé à quel point le dialogue avec la nature environnante affectait sa santé ou ses maux. » Nous le savons : la nature, c’est bon pour la santé ! Très bien, répondent les soignants, mais alors, quelle dose?
De nombreux travaux sont consacrés à cette question de « dose ». Par exemple, on a montré que deux jours de balade en forêt augmentent significativement l’activité de nos lymphocytes T (cellules sanguines précieuses pour l’immunité) durant environ un mois. Et au quotidien? A quelle dose consommer ce qu’on appelle volontiers aujourd’hui la « vitamine V » (V comme vert). Des chercheurs catalans viennent de proposer une règle, dite « 3-30-300 ». Pour savoir si vous prenez suffisamment de vitamine V, posez-vous ces trois questions :
Est-ce que je vois chaque jour 3 arbres ou buissons depuis chez moi (que voyez-vous par votre fenêtre) ? Est-ce que je vis dans un quartier dont environ 30 % de la surface est couverte de verdure (arbres dans ma rue, squares, jardins publics) ? Est-ce que j’habite à moins de 300 mètres d’un espace vert?
Cette étude concerne surtout les citadins. Pardon pour les lectrices et lecteurs campagnards, mais près de 80 % des Français vivent en ville. Et pour la plupart d’entre eux, cette règle 3-30-300 n’est pas si simple à appliquer. L’étude dont je vous parle, conduite à Barcelone sur 3 200 personnes, montre que seulement 5 % des sujets obtiennent ce quota ! Dommage, car lorsqu’il est atteint, on s’aperçoit que les personnes concernées bénéficient d’une meilleure santé mentale, consomment moins de médicaments, ont recours à moins de consultations médicales. Alors voici tout de même quelques consolations pour les urbains, que la plupart d’entre nous sont : parfois, la vie à la campagne a des inconvénients (trajets, éloignement des lieux de travail, soins ou commerces) ; en ville, il y a d’autres sources de santé : le ciel bleu, le rire, la méditation, le sport (même si pratiquer tout cela dans la nature est plus agréable) ; les plantes vertes et les sorties du weekend sont aussi des options satisfaisantes.
Et puis, si on est en dessous du quota 3-30-300, il y a un moyen d’accroître ses effets : l’art de savourer ce que l’on a sous la main ! Même si on ne vit pas dans la verdure, aller régulièrement s’asseoir dans un square, regarder les arbres, les buissons et les fleurs, admirer le ciel, respirer, se dire qu’on se fait ainsi du bien, de manière simple et tranquille, sans effort (ou presque) : voilà qui va encore amplifier l’effet de notre dose de vitamine V ! •
Christophe André dans Psychologies Magazine
*. Journal de Henry D. Thoreau (Le Mot et le Reste. 2018).
Références : « The évaluation of the 3-30-300 green space rule and mental health ». EnvironmentalResearch. 2022.
« Effects of shinrin-yoku (forest bathing) and nature therapy on mental health : a systematic review and meta-analysis ». International Journal of Mental Health and Addiction. 2020.