lundi 31 août 2020

Hommage à Erik Sablé


"L'armée américaine utilise la méthode dite de la "pleine conscience" pour aider les soldats a rester maître d'eux-mêmes, faire face à l'adversaire avec calme et, peut-être, tirer plus efficacement.
Des entreprises du CAC 40 font appel à des spécialistes de la même méthode pour rendre leurs salariés plus performants. Des traders de Wall Street, des banquiers, des puissants de Davos et de la Silicon Valley préconisent de méditer pour être plus compétitifs. (...)
Tout cela est en passe de recevoir l'aval d'autorités scientifiques prestigieuses qui nous expliquent, diagrammes et statistiques à l'appui que "la méditation a des effets sur le cerveau", qu'elle aide à perdre du poids et à lutter contre la dépendance au tabac ou à l'alcool, qu'elle réduit le stress, le cholestérol et la pression artérielle. (...) Mais, (...) Qu'y a-t-il de "spirituel" dans ces pratiques consistant à favoriser le confort, le plaisir, la satisfaction des sens, la détente, l'estime de soi, l'efficacité professionnelle ou la performance commerciale ? Ne s'agit-il pas simplement de méthodes visant à combattre le stress et à promouvoir le bien-être personnel ?" 
 (Marion Dapsance, Qu'ont-ils fait du bouddhisme ? Gallimard, pp. 9, 10)


En fait, le problème vient d'une confusion qui est faite entre deux domaines radicalement différents. Nous avons d'une part le "développement personnel". Comme son nom l'indique, il vise à rendre la vie plus confortable, à "arrondir" les angles de l'égo, à avoir plus de facilités dans son travail, ses relations avec les autres ou avec soi-même. Toutes ces pratiques se sont développées dans les marges des psychothérapies cognitives. D'ailleurs Christophe André écrivait des livres de psycho avant de s'intéresser à la "pleine conscience"...
Par ailleurs, nous avons le "chemin spirituel" qui existe depuis des millénaires sous une forme ou bien sous une autre. Son but n'est pas de rendre l'égo plus performant ou plus heureux, mais son effacement, sa disparition. C'est un chemin aride, le "chemin des flammes", destiné à ceux chez qui le "germe de la bouddhéïté" s'est éveillé et qui aspire à connaître leur "nature originelle"... 
Ils ne veulent pas "vivre mieux", mais sortir de la "prison du devenir". Le but est donc radicalement différent.
La confusion vient du terme de "méditation" qui est employé dans un contexte qui appartient au "développement personnel". D'où le livre de Marion Dapsance. Elle est choquée, à juste titre, que l'on parle de méditation, de bouddhisme, de pratiques qui appartiennent à la voie spirituelle alors qu'il s'agit de rendre l'égo plus performant et de mieux "réussir sa vie".
Si l'on remet les choses à leur place tout devient légitime et chacun suit le chemin qui convient à son "désir". Personne n'oblige quiconque à suivre une voie spirituelle. Mais il est nécessaire que les choses soient claires...


Erik Sablé
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"J'aime bien la définition de Dieu qu'Allan Watts avait donné à son fils : "Dieu est le dedans."
En entendant cela son fils avait cassé en deux le petit morceau de bois avec lequel il jouait, pour chercher Dieu "au dedans". Alors son père lui avait dit : "Tu vois, maintenant tu as encore deux extérieurs. Ce n'est pas le dedans..."
Nous pouvons nous interroger et nous demander où se trouve ce mystérieux dedans ? Tout ce que nous percevons est un dehors. Nos pensées les plus intimes sont elles aussi un dehors, tout comme les galaxies les plus lointaines.
Découvrir l'espace du dedans nécessite le creusement de la conscience en son centre, une conversion du regard, qui se renverse, comme un gant que l'on retourne. Alors, nous basculons dans le dedans, un espace où tout est conscience, tout est Dieu. Le dedans est l'envers du monde, tout en étant le monde. Mais comment dire l'indicible ?"

Erik Sablé
(Brèves de Sagesse, Ed. Dervy, pp. 35, 36)

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dimanche 30 août 2020

Se laisser remuer par l'infini (2)

L’alchimie méditative du Tao 

 Qu’elle soit orientale ou occidentale, l’alchimie s’appuie toujours sur le même principe de l’unité fondamentale de la réalité. Elle récuse le dualisme du corps et de l’esprit et tente par ces nombreuses pratiques de rétablir leur communication native.
Le taoïsme, tant dans ses spéculations que dans ses pratiques, s’appuie sur ce principe qu’il exprime souvent par des contes comme dans le recueil du Liezi, où l’on parle d’un maître arrivé à un tel degré de liberté qu’il peut jouer un tour à un médecin charlatan en changeant à chacune de ses visites la physiologie de son corps. Ou encore de ce musicien qui parvient en raison de la profondeur de sa concentration à faire naître une saison à chaque pincement des cordes de sa cithare. Ce ne sont là que des images qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre. L’image sied bien à la pensée alchimique qui emprunte toujours à dessein la langue symbolique, car l’imaginaire est une dimension elle aussi intermédiaire qui permet la circulation entre l’intelligible et le sensible.
 
Ainsi, presque dès leur origine, les pratiques taoïstes ont toujours cherché à atteindre l’esprit par la transformation du corps. Durant la première dynastie impériale des Han (206 av. J.-C. - 220 apr. J.-C.), ces pratiques furent bien souvent pharmacologiques. Par la fabrication et l’absorption de pilules qui concentraient des principes très actifs, les pratiquants cherchaient à atteindre l’immortalité. Sous ce terme, il faut certes entendre ce qu’il signifie couramment, mais y voir aussi une forme d’Eveil intégral, tant du corps que de l’esprit.
Toutefois, cette voie « externe » de l’immortalité n’était pas sans danger. Parmi les substances qui entraient dans la composition des pilules figurait le cinabre. Ce dérivé du mercure, hautement toxique, faisait souvent obtenir un résultat inverse à celui escompté... 

Ainsi, à cette alchimie externe, s’est progressivement substituée une alchimie interne basée cette fois sur des exercices de concentration visant à révéler puis libérer les ressources du corps subtil. L’influence de la méditation bouddhique et des yogas indiens est clairement perceptible dans ce changement de méthode. Par une attention de plus en plus fine, le méditant taoïste entre en son corps comme en un pays secret, un monde au sein du monde, auquel il s’éveille progressivement en percevant un ensemble de correspondances. A chaque organe correspond une saveur, une couleur, un élément, un état d’esprit, une saison, une planète... Méditer consiste ainsi fondamentalement à rétablir dans toute sa liberté la communication de tout avec tout ou, comme le disait Zhuangzi, « à se laisser enfin remuer par l’infini ».

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samedi 29 août 2020

La Voie méditative du Tao (1)


Les innombrables traditions et pratiques du taoïsme chinois ont pour horizon commun le dào ou tao - la Voie -, l'ordre du monde, le flot dans lequel l'homme doit se laisser entraîner.
Pour y parvenir, la méditation, conçue comme une « alchimie interne » joue un rôle essentiel.

Alexis Lavis


...Mais avant de voir comment se déploie l’horizon méditatif propre au taoïsme, concentrons-nous sur le sens même de ce terme, dào ou tao. On le traduit communément par « Voie ». Si cette traduction n’est pas fausse, elle ne rend pas pleinement compte de toute la richesse du sinogramme. Il est en effet composé de deux parties.
L’élément de droite désigne l’idée de mouvement, l’allant, de quelque chose qui entraîne et nous entraîne. L’élément de gauche signifie à la fois la rectitude et l’ordre ou l’ordonnancement. Si l’on associe ces deux sens, nous obtenons celui de « régulation ». Le dào, bien plus qu’une voie ou qu’un chemin statique est tel un courant (au sens océanique) qui anime autant qu’il régule. Il ne s’agit donc pas tant pour le pratiquant d’emprunter un chemin que de se laisser entraîner par une lame de fond à même de transformer toute son existence en la replaçant dans une régularité plus originaire, plus vitale que les règlements nés des conventions, des circonstances et des caprices de la volonté. Ainsi le dit Liezi : « Le pratiquant rentre dans le grand métier à tisser du dào, le va-et-vient de la navette, la série des transformations qui recommence inlassablement. »


MÉDITER DANS L’HORIZON DU DÀO?

« Méditation » se dit ordinairement chân en chinois. Ce terme est la translitération phonétique du sanskrit dhyâna, qui est un des noms de la méditation dans le bouddhisme. Malgré son origine étrangère, les taoïstes recourent aussi à ce mot pour désigner leurs pratiques méditatives; principalement celles qui ont pour fin l’apaisement, l’approfondissement du silence et du repos (jing). L’influence du bouddhisme ne se réduit d’ailleurs pas au seul emprunt nominal. Les différentes écoles du taoïsme ont en grande majorité repris les techniques méditatives bouddhiques d’attention à la respiration, au corps et aux pensées en vue de cultiver un sens très fondamental de paix. Ainsi le terme « chân » désigne-t-il pour elles un ensemble de pratiques dédiées à la quiétude du corps comme de l’esprit.
Mais il existe un autre mot, celui-ci proprement taoïste, pour signifier l’ensemble des pratiques dites méditatives, et qui nomme fort bien la visée originale de la méditation dans l’horizon du dào : xiü liàn.
Le premier terme (xiü) est habituellement traduit par « pratique », mais il faut l’entendre à partir des idées de réparation, de fixation puis de décoration ou d’ornementation. Il s’agit ainsi d’une activité d’amélioration opérée à partir d’une consolidation et d’un embellissement.
Le second terme (liàn) est des plus intéressants. Il signifie littéralement « sélectionner par le feu » - chez nous « passer à l’épreuve du feu ». On le retrouve dans des expressions relatives à l’art de forger le métal, de raffiner l’huile ou d'extraire ainsi la méditation taoïste comme une pratique de transformation, de transmutation, où l’esprit devient corps et le corps esprit, tous deux réunis dès lors dans une vitalité renouvelée.
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vendredi 28 août 2020

"Principes pour le développement d'un esprit complet :



1) Étudier la science de l'art.
2) Étudier l'art de la science.
3) Développez vos sens - surtout apprenez à voir.
4) Réalisez que tout est lié à tout le reste".
Léonard de Vinci
Note : Le mot esprit vient du latin « spiritus » (dérivé de spirare = souffler) qui signifie souffle, vent. L'esprit n'est donc pas limité au mental, mais réfère à tout ce qui circule librement comme nos élans et nos actes créatifs. (Fabrice Jordan)

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mercredi 26 août 2020

Massage énergétique du visage


Posez vos mains à plat sur votre ventre et respirez normalement, sentez comme elles se chargent d’énergie chaude. 
Ensuite très doucement posez vos mains sur votre visage comme un masque. 
L’énergie bienfaisante rafraîchira votre visage ainsi que vos yeux qui resteront fermés. 
Au bout de quelques instants, faites glisser vos mains sur le côté, comme si vous ôtiez le masque. 

Souriez et portez sur vous-même un regard plein de compassion et d’indulgence.


Source : "La pause de 90 secondes" par Rolf Herkert

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mardi 25 août 2020

Le prochain pas... de lumière


La vie amène le prochain pas : ce n'est pas moi qui décide. 

Quand vous vous laissez porter par le courant, le courant vous fait contourner la pierre: vous ne pouvez pas décider. Plus vous comprenez que votre vie est inévitable, dans ses grandeurs comme dans ses petitesses dans ses joies comme dans ses peines, plus vous êtes à l'écoute de l'inévitable. Le pas se fait, vous ne faites plus de pas. 

Plus de souci, plus d'hésitation : vous n'avez rien à perdre ni à gagner. 
Vous découvrez alors qu'il n'y a plus de sagesse non plus. Ceux qui ont des expériences spirituelles sont tout à fait respectables, mais cela vous laisse indifférent. Ce qui peut être expérimenté ne vous concerne pas. Ce qui vous concerne, c'est la lumière derrière l'expérience. Vient un moment où l'on éprouve presque une forme de répulsion envers ce que l'on peut expérimenter. Toute expérience est mentale et ce qui est au-delà du mental ne s'expérimente pas. L'écoute ne peut s'objectiver. Le dynamisme vous quitte. 

Eric Baret 
De l'Abandon

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lundi 24 août 2020

Fais comme l'oiseau !

« Au lieu de voir les choses comme vous les imaginez, 
apprenez à les voir comme elles sont. 

Quand vous pourrez voir chaque chose comme elle est, 
vous vous verrez également comme vous êtes. »

Sri Nisargadatta Maharaj



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dimanche 23 août 2020

Être simple

 

Par une nuit noire, profonde et lourde, Jeha le Simple entendit un gémissement venant du fond du puits. Il passa son chemin en courant, tant il était couard. Il crut à un djinn caché derrière la margelle. Celui qui venait dans son sommeil le tirer par les pieds. Ou encore de ces esprits frappeurs qui martèlent les rêves pour les faire basculer au cauchemar et troubler la paix des dormeurs. Alors Jeha se mit à chanter fort pour se donner du courage. Mais la voix du fond du puits devint un appel pressant dont la détresse fit frissonner le Simple.

Malgré sa frayeur bien grande, Jeha en appela à Dieu pour trouver le courage de franchir les quelques mètres qui le séparaient du cri.

Petit à petit il discerna des mots, des appels au secours, ce qui finit par lui donner courage. Il se dressa, fort, droit, tel un guerrier qui part affronter les forces de la nuit.

Quelques centimètres plus tard, il comprit le sens des mots qui lui parvenaient.

« S’il te plaît, toi qui passes là-haut, toi qui entends ma voix, mon appel au secours, tends une corde au pauvre érudit que je suis. Je cherchais au fond du puits la vérité que l’on dit s’y cacher, je cherchais le sens de la vie.

- La vérité ? C’est que tu es tombé, et tu t’es mouillé d’eau, dit Jeha.

-Ah, pourquoi ajouter à mes misères? Tu écorches mes oreilles de pléonasmes infâmes ! Avoir tant étudié pour entendre tant d’ignorance ! Je te reconnais bien là, Jeha, le simple du village. Si je suis dans l’eau, je suis forcément mouillé ! Corrige-toi, s’il te plaît, et apprends à parler.

-Tu as raison, Érudit, je vais de ce pas apprendre le beau langage et reviendrai te sortir du puits quand je saurai parler. »


Conte d’Orient
source : Le grand livre de la sagesse de Yveline Brière

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samedi 22 août 2020

Politesse avec la Vie


Le jour où je vais disparaître, j'aurai été poli avec la vie car je l'aurai bien aimée et beaucoup respectée. Je n'ai jamais considéré comme chose négligeable l'odeur des lilas, le bruit du vent dans les feuilles, le bruit du ressac sur le sable lorsque la mer est calme, le clapotis. 

Tous ces moments que nous donne la nature, je les ai aimés, chéris, choyés. Je suis poli, voilà. Ils font partie de mes promenades et de mes étonnements heureux sans cesse renouvelés. Le passé c'est bien, mais l'exaltation du présent, c'est une façon de se tenir, un devoir.

Dans notre civilisation, on maltraite le présent, on est sans cesse tendu vers ce que l'on voudrait avoir, on ne s'émerveille plus de ce que l'on a. On se plaint de ce que l'on voudrait avoir. Drôle de mentalité! Se contenter, ce n'est pas péjoratif. Revenir au bonheur de ce que l'on a, c'est un savoir vivre...


Olivier de Kersauson 
Extraits de "Promenades en mer et étonnements heureux."

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vendredi 21 août 2020

Vigilance et présence


"Quand on regarde vraiment quelqu'un, on est devant lui comme sa mort bienveillante, on l'aide à se défaire des enveloppes qui entourent son âme et l'oppressent. 
Une suie de néant se dépose sur notre visage au long de notre vie. 
La mort est le gant de crin avec lequel Dieu nous débarbouille. 
L'attention commence ce travail." 

Christian Bobin
 Prisonnier au berceau

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jeudi 20 août 2020

Article sur la pratique par Alain Bayod

Il y a quatre ans le cancer et son arrivée brutale m'a rappelé  dans la douleur une évidence à méditer pour toute personne engagée sur une voie spirituelle, quelle qu'en soit la forme : l'Essentiel réside dans la pratique, maintenant. Jusque-là tout le monde est d'accord. Mais le secret de la pratique réside dans l'engagement et dans l'intensité de cette fameuse pratique. Dit autrement, de manière familière, il existe  une pratique "plan-plan", tiède, cool, peu exigeante, une pratique de "train-train" dont le mental arrive à nous persuader que c'est bien suffisant. La vraie pratique est toute autre. C'est celle où je joue ma peau,  celle qui s'impose quand l'incertitude et la mort rôdent, la pratique du guerrier sur le champ de bataille, "férir ou périr" selon l'expression du Moyen-âge. Le paradoxe est que cette pratique intense est une pratique de non action, d'abandon, de lâcher-prise, de détente, de simplicité, d'innocence, d'émerveillement et de Joie. Or nous associons généralement l'intensité du guerrier à l'action, l'affirmation, la tension, la volonté, l'héroïsme et le drame. 
Nous sommes dans une situation où l'incertitude et la mort rôdent, nous sommes donc dans une situation favorable à l'expérience de ce paradoxe. Nous sommes dans la meilleure situation pour une pratique intense et détendue,  une pratique connectée à l'Essentiel, une pratique joyeuse.
Nous sommes dans une situation - différente pour chacun - qui est réellement favorable pour faire de notre quotidien un Ashram.

Christiane Singer a écrit il y a presque trente ans:
"Le défi de notre époque n'est ni un défi économique, ni un défi politique, ni un défi scientifique, c'est un défi d'ordre à la fois psychique et mystique. Si dans ce monde où elle menace de disparaître, nous ne réveillons pas en nous la dimension d'éternité, de contemplation, d'accueil, la dimension féminine et sacrée. Si nous ne créons pas ces enclaves de silence où la frénésie se trouve suspendue, nous aurons oublié nos vocations d'hommes et de femmes"
Imprégnons nos quotidiens d'Essentiel.
Ne manquez pas nos rendez-vous quotidiens. Courage. Confiance.
Alain et Corinne

mardi 18 août 2020

Souvenirs d'un travail de connaissance de soi


Peu à peu, ressentir pleinement... 
puis voir en l'autre ce que l'on n'a pas vu en soi. 
Et se découvrir.
Devenir plus vulnérable...
Merci pour ces pas de plus en plus adulte sur ce chemin!





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lundi 17 août 2020

“L'opportunité est inscrite dans la crise“

 


Pour Liliane Papin, docteure en philosophie et en médecine chinoise, c'est dans une vision plus globale de la transformation et du rythme naturel de la vie que puise la culture asiatique, notamment en Chine et au Japon. Une capacité à rebondir après la crise lorsqu'elle est accueillie comme une opportunité. 

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Comment définiriez-vous la force de la résilience orientale face aux événements difficiles ?

Je commencerai par une anecdote. Dans les années 1990, je participais à une compétition de qi gong à l'université de Pékin. Nous étions confiants dans notre groupe français, qui comptait d'excellents pratiquants. Or, malgré une belle performance, nous avons été classés derniers. La raison invoquée par le jury : un manque de coordination et de « rythme collectif » dans le groupe. Une amie japonaise nous comparait, nous les Français, aux grappes de raisin : les grains sont ensemble mais isolés. Alors que nous sommes, dit-elle, « comme les grains de riz ou les bancs de poisson, on marche ensemble ». La force collective n'a pas besoin d'être construite face à l'événement, elle est déjà là, ancrée dans la culture, offrant la faculté immédiate de mettre ses ressources en commun pour rebondir. Une forêt résiste mieux au vent que l'arbre seul.

Où s'enracine et comment s'apprend cette faculté de résistance ?

L'idée de résilience est présente dès l'apprentissage de l'écriture. Par exemple, le mot « crise » en chinois, wei ji, se construit avec deux caractères : le caractère « danger » et le caractère « opportunité ». Alors qu'un enfant français ne connaît pas l'étymologie des mots, l'enfant chinois ou japonais intègre visuellement cette idée que l'opportunité est inscrite dans la crise. Si notre orthographe se prête à l'esprit d'analyse - une lettre après l'autre, on construit le sens -, les écritures chinoise et japonaise procèdent par globalité. Par le geste du dessin, on fait appel au cerveau droit, dit plus créatif. Cela ne passe pas par l'intellect mais par la calligraphie. Dans le mot « jour », par exemple, on retrouve le caractère « soleil ». La symbolique est immédiate, comme dans le dessin.

L'enfant chinois ou japonais intègre visuellement cette idée que l'opportunité est inscrite dans la crise.

En quoi cette globalité nous aide-t-elle à faire face à l'adversité ?

Le caractère « crise » résume à lui seul une philosophie de base. Dans l'épreuve se profile l'opportunité d'en sortir. Lorsqu'on est au fond, on peut déjà se préparer à la remontée et, de même, quand on atteint son zénith, il faut envisager la descente. Cette sagesse met en valeur une capacité à aller avec le flot, à offrir moins de résistance là où les Occidentaux ont le réflexe de se battre. Il ne s'agit pas de passivité, plutôt d'une aptitude à suivre le rythme naturel de la vie, comme celui des saisons. Dans l'art du tai-chi, on utilise la résistance de l'adversaire : il faut savoir reculer quand l'autre avance pour qu'il perde lui-même son équilibre.

Il s'agit en fait de s'ajuster à la situation ?

C'est plutôt la conscience d'un rythme naturel à épouser. De nombreux dictons chinois ou japonais vont dans ce sens. « Rien ne sert de tirer sur une plante pour la faire pousser plus vite. » Ou cette anecdote paysanne, très utilisée par les maîtres en spiritualité, sur les fluctuations de la chance (lire encadré). Ou comment d'un problème peut naître une solution. On a vu d'ailleurs, à propos du coronavirus, comment la Chine a su transformer un problème démarré sur son territoire en une opportunité de vendre des masques au monde entier, d'offrir son « expertise » et de se poser en leader de la gestion de la maladie

Plus généralement, peut-on parler d'une capacité à éviter l'impasse, à se laisser une voie ouverte ?

Plutôt celle de bien évaluer sa propre force et celle de l'adversaire, savoir quand on est en position de faiblesse, quand il faut avancer ou reculer. C'est une capacité à utiliser les circonstances, en bien comme en mal, car c'est aussi au nom de ce principe que peuvent se justifier les pires répressions. Tout cet art de l'adaptation se retrouve dans le livre du Yi Jing, dit aussi Livre des transformations, un texte taoïste fondamental de la pensée chinoise. Même Confucius, qui a articulé un ordre social très hiérarchisé face à la pensée plus libre et rebelle des premiers taoïstes, s'est imprégné du Yi Jing, qu'il a abondamment commenté.

Responsable ne veut pas dire coupable dans l'esprit des japonais. Être responsable, c'est être "capable de réponses"

Comment définir le Yi Jing ? Comme un manuel de vie ?

Le Livre des transformations est fondé sur les concepts de yin et de yang qui enseignent les lois du changement perpétuel, que la nuit devient jour et le jour devient nuit : l'extrême yin rejoint le yang, et vice versa. C'est un livre mythique vieux de 3 000 ans, dont, au fil des générations, on a à la fois extrait philosophie, sagesse, psychologie, art divinatoire, art de gouverner et même stratégie militaire dans l'Art de la guerre, de Sun Zi. Le mathématicien Leibniz a trouvé dans les hexagrammes l'inspiration du calcul binaire à la base de nos ordinateurs. Carl Jung en a retiré son concept de synchronicité, autrement dit ces causalités non linéaires que nous appelons « coïncidences » et avec lesquelles l'esprit oriental est très à l'aise pour y lire un ordre « horizontal » tout aussi important que l'ordre « vertical » de la causalité. C'est pourquoi le Yi Jing est aussi utilisé comme instrument divinatoire. C'est là aussi que l'on trouve les notions clés, dans le bouddhisme, d'impermanence et d'interdépendance. C'est un livre dont chacun connaît par coeur de nombreux aphorismes et dont les hexagrammes sont utilisés pour aider à révéler l'ordre potentiel sous-jacent au chaos des changements.

Au fond, qu'avez-vous appris de la résilience au contact de ces civilisations ?

Je remarque que, dans notre tradition judéo-chrétienne, nous nous considérons comme coupables, ou du moins nous nous cherchons un coupable. Or, au Japon, j'ai assisté à des accrochages de voitures où chacun s'excusait, endossant la responsabilité de l'accident avec force courbettes ! Cela m'a fait réfléchir. Responsable ne veut pas dire coupable dans leur esprit. Et l'étymologie nous le confirme : responsable, c'est être « capable de réponses ». Si vous êtes pris dans un événement, vous en êtes « responsable » : vous n'êtes pas coupable mais « impliqué ». La sagesse consiste à l'accepter pour mieux répondre. Cela pourrait ressembler à du fatalisme, mais c'est une forme de responsabilisation et de force. « Shikata ga nai », disent souvent les Japonais : « On n'y peut rien, c'est le destin. » Tout le contraire de notre « impossible n'est pas français ».'

Liliane Papin
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source : la Vie

dimanche 16 août 2020

Vieillir avec le coeur...


« Comme toute matière, celle de notre corps physique est soumise au temps, et elle s’use. C’est ce que l’on appelle vieillir, et nous vieillissons tous, ce qui, bien sûr, n’est pas réjouissant. Mais nous ne sommes pas uniquement un corps physique, et si l’usure du corps est dans l’ordre naturel des choses, intérieurement rien ne nous oblige à vieillir avec lui. C’est pourquoi, au lieu de se chagriner en constatant les manifestations physiques de l’âge, les humains devraient se préoccuper d’entretenir ce qui les maintiendra toujours jeunes et vivants : leur cœur. 
 
C’est leur cœur, leur capacité d’aimer, pas leur corps, qui fait que les humains sont jeunes ou vieux, et si leur cœur vieillit, c’est qu’ils le lui permettent. Comment ? En perdant leur amour pour les êtres et les choses, en perdant leur curiosité, leur intérêt pour la vie qui est là, autour d’eux, la vie de l’univers tellement riche et abondante. Mais s’ils s’efforcent de sentir cette vie, s’ils cherchent à y participer, à l’introduire en eux, ils ne vieilliront pas. » 

 Omraam Mikhaël Aïvanho

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samedi 15 août 2020

Qui te cherche ?

 


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Fête du 15 août

L’Assomption est une fête religieuse, orthodoxe et catholique. Elle célèbre l’élévation de la Vierge Marie, la mère de Jésus Christ, au ciel, auprès du Seigneur et de son Fils. 

Assomption peut ressembler à Ascension, la montée au ciel du Christ ; mais elle est un peu différente.
Ascension vient du latin « ascender » - monter, s’élever, tandis que Assomption vient de « assumere » - assumer, enlever. Cela signifie donc que, tandis que Jésus s’est élevé seul aux Cieux, Marie a été appelée, élevée, enlevée par le Seigneur pour être auprès de son fils. 

La Vierge Marie n'est donc par morte comme les autres mortels. Elle n'a pas eu à attendre la résurrection finale pour rejoindre son fils, tant son amour pour lui était fort. 
 
La fête de l’Assomption, d’abord appelée Dormition (du latin : dormitio, « sommeil, sommeil éternel, mort ») est instaurée dans l’empire byzantin au VIe siècle, à la date du 15 août ; au VIIe siècle, sous le pape Théodore, elle est introduite en Occident et prend le nom d’Assomption.

En France, c’est Louis XIII qui, en 1638, la rend « fête obligatoire » et demande processions et festivités en l’honneur de la Vierge Marie. Elle est même décrétée fête nationale, jusqu’à la fin de l’Empire.
Et, en 1802, l’Assomption, avec l’Ascension, la Toussaint et Noël, devient férié, avec la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat.


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vendredi 14 août 2020

Devenir adulte


Aussi, devenir véritablement adulte, c’est être de plus en plus conscient que, dans leur complexité, tous les êtres humains sont atteints de la même maladie. C’est pourquoi un sage ne ressent que compréhension et compassion pour tous, quels que soient les actes commis, aussi graves soient-ils. Il n’est plus prisonnier de la vision bourreau-victime, il ne voit partout que des victimes d’un même mal. Sa vision est de ce fait beaucoup plus profonde : il perçoit chacun comme unique manifestation de Dieu - si nous employons un terme dualiste - ou comme unique expression de l’Absolu ou de la nature de Bouddha. 

Pour ne pas demeurer les marionnettes de ces dynamismes, mieux vaut d’emblée être conscient qu’ils sont potentiellement présents en soi-même et que, comme tout le monde, nous faisons preuve de plus ou moins d’égocentrisme et d’une certaine dose d’indifférence face à la souffrance d’autrui. Nous commencerons alors à entendre les messages que la vie, dans sa générosité, ne cesse de nous renvoyer sous bien des visages différents : ceux de nos enfants, de notre compagnon, de nos amis et, par-dessus tout, les scénarios répétitifs de notre propre existence. 

Un jour, alors que nous étions trois ou quatre à partager un thé à notre appartement avec Arnaud, l’un d’entre nous évoqua l’attitude, selon lui inadmissible, d’un élève de notre communauté. En faisant part de son indignation, et non sans humour, l’un de nous lança à Arnaud sur le ton de la supplication et comme en trépignant d’impatience : « Mais pourquoi est-ce qu’on ne peut pas tout dire ? » Arnaud rétorqua : « La question n’est pas : pourquoi est-ce qu’on ne peut pas tout dire, mais pourquoi est-ce qu’on ne peut pas tout entendre ? » 

Quelques secondes d’un silence méditatif s’imposèrent sous le coup de cette réponse aussi prompte qu’imparable et qui s’adressait clairement à chacun de nous. Nous étions tous plus ou moins identifiés à cette impatience d’en découdre avec ceux qui nous excèdent. À la façon de « l’arroseur arrosé », cette inversion totale de perspective dont Arnaud avait la spécialité avait retourné la question à cent quatre-vingts degrés : vers nous-mêmes. Qu’étions-nous vraiment en mesure d’entendre à notre propre sujet alors que nous exigions que les autres entendent leurs quatre vérités ?


Sophie Edelmann 
 "Dites-leur de viser haut !" 
 Ed. Le relié

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jeudi 13 août 2020

Honorer le désir



Le problème ne vient pas de ce que nous désirons trop, mais de ce que nous ne désirons pas assez. Non pas en quantité, car c’est plutôt de l’éparpillement et du manque d’intensité qui en découle qu’il est ici question. En dispersant l’énergie tous azimuts, nous nous voilons la face sur les quelques désirs centraux que nous n’osons pas reconnaître et nous dilapidons une précieuse énergie qui permettrait justement de les accomplir. Il est, en ce sens, plus confortable de se laisser séduire par l’attrait d’expériences amoureuses aussi brèves que variées que de reconnaître en toute vulnérabilité la force d’un désir pour une union durable, empreinte de confiance et de complicité. 

Une demande aussi forte est comme une brûlure intérieure tant quelle n’a pas été comblée. Acceptons-nous de vivre dans l’inconfort de cette chaleur ? Acceptons-nous par avance le risque de souffrir si la vie ne devait pas satisfaire notre attente ?

Sophie Edelmann 
 "Dites-leur de viser haut !" 
 Ed. Le relié

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mercredi 12 août 2020

Réceptivité ou anesthésie ?


Dans le monde actuel, la recherche de stimuli de plus en plus nombreux et intenses est plutôt la marque d’un affaiblissement de la sensibilité et d’une incapacité à être réceptif à ce qui est délicat et subtil. Les impressions doivent être massives et grossières pour solliciter la perception, de la même façon qu’une personne devenant sourde aurait besoin d’augmenter le volume pour finir par percevoir quelque chose. C’est une sorte d’escalade sans fin, car l’augmentation exagérée du son contribue elle-même à la surdité.

La diminution de la réceptivité et de la sensibilité conduit le mental à rechercher des sensations fortes afin d’être amené à ressentir une intensité qui s’est émoussée progressivement. Cela explique en partie le succès à grande échelle d’un certain type de productions musicales ou cinématographiques. Les impressions doivent être exagérément accentuées afin de pouvoir dépasser le seuil d’insensibilité et traverser l’épaisseur cotonneuse propre à la torpeur ou à l’anesthésie. Nous mettons des remparts pour nous isoler de notre essence profonde et pour voiler les contradictions et les stratégies de l’ego.

Dans la perspective d’un cheminement intérieur, l’enjeu principal consiste à déjouer de tels tampons et, même si la difficulté est de taille, elle n’est pas insurmontable.

... Le chemin vers une plus grande réceptivité et une plus grande vulnérabilité est long et nécessite des efforts autant précis que persévérants. Redevenir comme de petits enfants est une tâche de longue haleine, car avant de retrouver une innocence première, il faut préalablement retrouver une capacité naturelle à être ouvert aux autres et aux circonstances. Une telle ouverture passe impérativement par la réceptivité à l’égard de ce que l’on porte en soi. 
 

Eric Edelmann
 "Dites-leur de viser haut !" 
 Ed. Le relié

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mardi 11 août 2020

Larmes d'ouverture

Ajahn Chah, le maître de Jack Kornfield, un bouddhiste dans la lignée du Theravâda, dit « qu’il y a deux sortes de souffrance : la souffrance qui conduit à encore plus de souffrance et la souffrance qui conduit à la fin de la souffrance. » On pourrait consacrer un chapitre sinon un livre entier sur ce thème... 

Pour évoquer cet abîme entre les deux façons de souffrir, je reviendrai une fois de plus aux larmes. On pleure dans toutes sortes de circonstances, quand on épluche des oignons, quand on est profondément joyeux, quand on est frustrés parce que les choses ne fonctionnent pas comme on le souhaite et quand on réalise notre complète impuissance à les changer. 

Au stade de la frustration, on cherche encore à modifier l’environnement et on est toujours dans le refus et la résistance. Lorsque les larmes deviennent des larmes d’impuissance, on cesse d’essayer de changer les choses. On sent très nettement la différence. Des chercheurs étudiant les larmes ont découvert que leur composition varie radicalement selon le type de pleurs. Les larmes d’impuissance sont très différentes de toutes les autres : elles sont saturées de toxines au point où, réduites à l’état de poudre, elles pourraient tuer un petit rongeur ! Cela explique d’ailleurs pourquoi, lorsque nous sommes confrontés à des circonstances difficiles, nous nous sentons si allégés après avoir pleuré. Souvent, après une crise de pleurs déchirants devant leur propre impuissance, j’ai vu avec stupéfaction mes enfants reprendre le cours de leur journée en chantonnant, plus créatifs et joyeux que jamais. 

Si j’ai pris l’image des larmes, je ne voudrais pas laisser entendre que le processus du surrender implique systématiquement que nous pleurions : pas du tout ! Mais il s’agit bien de se laisser affecter, y compris par les plus petites choses de l’existence, d’éroder ainsi peu à peu l’armure sous laquelle nous nous protégeons, payant un terrible prix pour cette pseudo-sécurité : elle nous prive de la souplesse et de la spontanéité, étouffant notre vitalité et notre joie intrinsèques.


Sophie Edelmann 
"Dites-leur de viser haut !" 
Ed. Le relié

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lundi 10 août 2020

"Non" est une phrase complète

Je vous propose une semaine avec Eric et Sophie Edelmann, sur le chemin exigeant de Swami Prajnanpad et d'Arnaud Desjardins.

Lorsque l’existence dit non, quand elle refuse ce qui nous semblerait tellement précieux, elle le fait bien souvent avec des phrases très courtes. Rarement recevrons-nous son message accompagné d’une justification, d’une explication, d’un bouquet de fleurs ou d’une boîte de chocolats pour faire passer l’amertume de la nouvelle !
Mais, comme l’enfant, nous nous obstinons, exigeons d’être convaincus par la logique ou par la justice des choses : nous revendiquons le droit de comprendre comme préalable pour accepter que ce qui est soit. C’est là notre erreur. 

J’ai entendu Arnaud [Desjardins] insister sur ce point plusieurs fois : acceptez d’abord et vous aurez - peut-être, mais dans un second temps - une chance de comprendre qui vous sera donnée au détour, sans que vous l’ayez nécessairement cherchée volontairement. Swami Prajnânpad invitait ses élèves à se laisser bouleverser et non à utiliser la raison pour atténuer l’impact des coups durs. « Ce qui se passe, c’est que les événements arrivent à l’extérieur ; vous ne vous laissez pas affecter par eux. Vous vous fermez. C’est pourquoi aucun changement ne se produit dans votre vie... Par contre, celui qui est affecté profondément par eux est obligé d’y faire face. Il n’a pas d’échappatoire. Il perd ses illusions et se libère. »

Sophie Edelmann
"Dites-leur de viser haut !"
Ed. Le relié

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dimanche 9 août 2020

Comment traverser les inévitables chocs de la vie


1. Ouvrez-vous au réel

Quand survient un choc douloureux ou une parole déstabilisante, le réflexe bien normal est de se fermer pour ne pas ressentir la souffrance. Au contraire, accueillez-les comme ils viennent : asseyez-vous sur votre canapé, sentez bien vos points d'appui, respirez profondément.

2. Accueillez-vous avec beaucoup de bonté

Soyez compatissant pour vous-même comme pour un enfant en souffrance qui viendrait vers vous. Prenez-vous en douceur et ressentez votre état émotionnel présent (tristesse, colère, peur, culpabilité...) sans vous identifier à l'émotion. Celle-ci est vivante et fluctue sans arrêt.

3. Observez les symptômes dans votre corps

Gorge serrée, ventre noué, mal de dos ou souffle court... sont caisse de résonance du passé. Souvent, la situation présente vient frapper sur la peau de tambour de l'enfance, réactivant une émotion non digérée. Prenez votre cahier et écrivez ce que vous ressentez. Peut-être un souvenir reviendra-t-il à votre mémoire ?

4. Identifiez votre besoin immédiat

Marcher pour évacuer le stress, taper sur un coussin avec un bâton pour vider la colère, allumer une bougie pour revenir à la source intérieure, jardiner, cuisiner, faire le ménage, causer avec un ami... L'essentiel est de rester dans la vie, et l'écoute du besoin nous garde au présent. Dans les sessions, j'invite les stagiaires à identifier l'attitude intérieure dont ils ont besoin pour respirer dans un autre espace en eux-mêmes (accueil, écoute, tendresse, acceptation, patience, etc.). Ceci participe du recentrage nécessaire, tout en accueillant la difficulté présente.

5. Rendez grâce pour tout ce qui va bien

Osez faire la liste de ce qui va bien, dans votre vie en ce moment ou dans la journée passée. Pour une chose qui ne va pas, écrivez-en trois qui vont bien, juste pour contrebalancer et rebondir dans la joie, au cœur même de la difficulté présente. Tout cohabite en nous ! Ce qui fait dire à Saint Paul : « En toutes circonstances, rendez grâce à Dieu » ( Thessaloniciens 5, 18).

Fondatrice de l'association Soteria-Formation, Maguy Ménichaud propose des sessions pour apprendre à se libérer du poids de son passé. Ancienne infirmière en réanimation et soins palliatifs et titulaire d'une maîtrise de théologie, elle tire son expérience des nombreuses épreuves qu'elle a elle-même traversées.

Source : la Vie
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samedi 8 août 2020

Expérience derrière les voiles

 Ce voilage qui couvrait les baies vitrées. Dans les années qui ont suivi, je suis venu souvent à Bayonne voir Marraine, parfois sans mes frères. J’y ai vécu la seule expérience mystique de ma vie - sans doute le mot n’est-il pas approprié, mais je n’en vois pas d’autre.

J'avais seize, dix-sept ans. Je m’installais dans la pièce qui avait été la chambre d’Annie, dans un fauteuil recouvert de satin vert d’eau, dont les larges oreillettes donnaient à celui qui s’y installait l’impression d’être coupé du monde. Et je restais là, des heures durant, à fixer le voilage frappé par le soleil, qui ne laissait rien distinguer de l’extérieur : une surface pâle et mouvante, étincelante, indécise. J’éprouvais alors la certitude puissante d’être au plus près d'une vérité sans âge. 

Jamais je ne me suis senti aussi vivant, jamais je n’ai approché d’aussi près le mystère de ma présence au monde. Cela peut paraître emphatique, j’en ai conscience, pourtant ces heures font partie des plus intenses et des plus limpides de mon existence. Je ne les ai jamais oubliées. J’y ai toujours repensé comme si elles étaient le moment d’un contact avec l’exacte vérité, l’aventure unique et définitive.

Jean-Marie Laclavetine
Une amie de la famille (chez Gallimard)


jeudi 6 août 2020

Un homme en méditation...


Un homme en train de méditer ! Peut-être avez-vous remarqué que deux statuettes, connues dans le monde entier, représentent un homme en train de méditer :

Le Penseur ! L'une des plus célèbres sculptures en bronze d'Auguste Rodin est présentée comme étant un homme en train de méditer. Ce qui caractérise sa manière d’être —en tant que corps— est la puissance de sa musculature (Il doit éveiller la jalousie des adeptes du body-building !). Il n’est pas seulement musclé ; il est tendu, crispé, jusque dans les orteils. Penché vers l’avant, la tête lourde, il semble réfléchir durement. « Je pense parce que je suis un être pensant » écrit Martin Heidegger. Le penseur est enfermé dans cette part de lui-même, le moi-pensant qui fabrique l’ego, cette représentation mentale qu’on se fait de soi-même et à laquelle on s’identifie.
Le Penseur est conscient. Il semble même enfermé dans la pleine conscience DE…quelque chose. La conscience DE est l’usage que le moi mondain fait de la conscience SANS de, laquelle est une part de nous-mêmes dès l’origine de notre existence. L’usage de la conscience DE, est la source de la pensée dualiste, de notre conscience des choses. Il y a moi, n° 1 et ça, n°2. Et moi, je suis conscient DE ça.
Ça ? C’est tout ce qui n’est pas moi. Une mouche … la lune … l’être …un télomère ! Ça ? C’est ma main … ma respiration … mon estomac … mon cerveau !
Ça ? C’est l’opposition entre ce que j’appelle, ça, le jour et ce que j’appelle, ça, la nuit ; entre ce que j’appelle moi et ce que j’appelle mon corps ; entre ce que j’appelle la terre et ce que j’appelle le ciel ; entre ce que j’appelle la santé et ce que j’appelle la maladie !
Le Penseur, au cours de ce qu’on appelle sa méditation, est attaché à deux idées certes originales mais bizarres : « Moi, je suis, ce que je pense que je suis » et « cela est ce que moi je pense que cela est ! ».
Il est clair et incontournable que ces deux idées, qui concourent à l’élaboration de notre entendement, nous permettent de concevoir comment vivre dans le monde.
Comment vivre dans le monde ? A première vue, la forme qu’ Auguste Rodin a donné au Penseur est celle d’un homme tourmenté.

Le Bouddha ! Cet homme, qui n’était pas bouddhiste, est lui aussi en train de méditer. Mais de prime abord, il s’agit d’un homme paisible.
Par sa manière d’être assis, il témoigne qu’il est ouvert à sa forme propre. La forme voulue par la vie elle-même. Il n’est ni crispé ni avachi. Ce qui lui semble être important, ce n’est pas « Je pense parce que je suis un être pensant » ; c’est plutôt la première affirmation du philosophe allemand Martin Heidegger : « Je vis parce que je suis un être vivant ! ».
Le bouddha est-il plongé dans une sorte d’inconscience ou est-il en train d’expérimenter un état de conscience modifié ?
Absolument pas. Au cours de sa pratique méditative il se contente de se glisser dans la conscience SANS de ; la conscience sensitive, la composante sensible du tout corps-vivant (Leib) grâce à laquelle le nouveau-né, au cours des premiers mois, peut-être même des premières années de son existence, approche le réel.
Une approche du réel qui est pré-mentale, pré-philosophique, pré-psychanalytique, pré-scientifique. Zazen ? Se glisser dans le sentir ! Le sentir, cette action du corps-vivant qu’est la sensation, précède toute réflexion mentale. La forme corporelle du bouddha en train de méditer s’enracine dans ce qu’il y a d’essentiel en chaque être humain : sa propre essence (notre vraie nature, dit le maître zen ; notre être essentiel, dit K.G. Dürckheim). Notre vraie nature est insaisissable par la conscience DE, par la pensée, par le mental. La connaissance de notre vraie nature se présente dans une expérience ; par exemple le calme intérieur. L’accès à ma vraie nature nécessite une transformation soi-même.

L’approche du zen par K.G. Dürckheim
« Zazen, écrit K.G. Dürckheim, est un exercice de métamorphose (changement de forme ; transformation) grâce auquel l’homme libère sa nature profonde, sa vraie nature, hors des chaînes d’un ego dépendant du monde ».
Quelle est la place du corps sur ce chemin de transformation de soi-même ? Graf Dürckheim répond : « La première ».
Karlfried Graf Dürckheim Il ne s’agit pas de l’idée que le moi-pensant se fait du corps : un corps-objectivé, un corps-outil, un corps-performant, un corps-modèle conforme à la mode (Körper, dans la langue allemande). La première place est donnée au corps-vivant, au corps que l’homme EST dans sa globalité et son unité (Leib, dans la langue allemande).
L’exercice de l’absolue immobilité, propre au zazen, interdit la mise en œuvre de toutes les actions et activités qui sont du domaine du faire. Se présentent alors, à travers le sentir, les actions vitales, les gestes infaisables, qui ne sont pas du ressort du moi. Parmi lesquels : le va-et-vient qu’est le souffle vital.
La métamorphose, c’est dans l’acte de respirer que nous l’expérimentons. Cela ne signifie pas que le Penseur ne respire pas ; son erreur est d’opposer ce qu’il appelle moi, n°1 et ce qu’il appelle la respiration, n°2.
« L’acte de respirer est la signature de la vie » (Hirano Katsufumi Rôshi).
« L’acte de respirer est le geste vital absolu » (K.G. Dürckheim)
Devons-nous choisir soit le Penseur soit le Bouddha ? Certainement pas. Toute personne qui pratique zazen constate, plus tôt ou plus tard, que tout ce qui semble exclusif est, en même temps, inclusif.

Graf Dürckheim est très clair : « L’homme est dans cette vie confronté à une double tâche : d’une part il doit façonner et maîtriser le monde par ses œuvres, et d’autre part, il doit mûrir sur la Voie intérieure. Ces deux missions entretiennent une relation intime l’une avec l’autre. Cette mission exige que nous prenions en compte, non seulement ce que nous avons à faire dans le monde, mais aussi —aujourd’hui et chaque jour— ce que nous avons à réaliser intérieurement : devenir tels que, lorsque nous façonnons le monde, ce soit selon les intentions de l’être, de notre propre essence, que nous agissons ».

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mercredi 5 août 2020

Réponses de Jacques Castermane


1. Pourquoi avez-vous décidé de suivre l'enseignement de K.G.Dürckheim ?
 2. Quelle est l'expérience de K.G.Dürckheim ?
3. Quel style de méditation K.G. Dürckheim a-t-il proposé ?


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L'équilibre du Hara




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mardi 4 août 2020

Posture intérieure avec Christiane Singer


Une âsana, une posture parfaite, peut aussi, lorsque nous la vivons dans le paradoxe de son immobilité vibrante, manifester cet ordre amoureux, nous le faire sentir au niveau du corps. 
Lorsque le chevalet du violon est déplacé d’un millimètre, le son en est cassé ; de même, dans l’ordre du corps, lorsque l’empilement vertébral se vit dans sa perfection, dans sa tension et dans sa détente maximale, il engendre cette sensation d’ordre amoureux, d’ordre parfait. Il y a dans le corps une sensation aussi fugitive que l’éclair qui nous met debout, tendu et frémissant, à en mourir presque,  comme l’est la corde du violon dans la fulgurante évidence : un instant de cette divinité.
Dans la parfaite ordonnance des vertèbres, des tendons, des nerfs, se reflète un instant l’ordre du cosmos, cet ordre amoureux.
                    Le corps est cette œuvre d’un grand luthier qui aspire à la caresse de l’archet.
                        (Ou cours-tu ? p.130)

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lundi 3 août 2020

Retour... vers soi.


Quelques phrases pour la semaine :

A se demander régulièrement...

permet d'éclairer les souffrances du présent...

Ressentez plus, vous penserez moins...
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