Affichage des articles dont le libellé est Amour. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Amour. Afficher tous les articles

jeudi 4 septembre 2025

Le roi et l'oiseau

 


Bergère : Qu’est-ce que tu veux, on ne peut pas aimer tout le monde !

Ramoneur : Surtout quand on sait pas qui c’est.

B : Et toi, qui aimes-tu ?

R : Moi, je n’aime que toi. Et toi ?

B : Moi c’est pareil, je n’aime que toi aussi. Tu es le plus gentil ramoneur que j’aie jamais connu.

R : Tu es la plus jolie bergère que j’aie jamais vu.

B : Tu en as vu beaucoup d’autres ?

R : Non. Je n’en ai même pas rêvé.

Les bébés de l'oiseau

Le monde est une merveille,
il y a le jour et la nuit
Y'a la lune et le soleil
Les étoiles et les bruits
Et des moulins à vent, il y en a aussi
Le monde est une merveille
Il y a le jour et la nuit
Y'a la mer qui est profonde
Y'a la Terre qui est toute ronde !

  • Le Roi et l'Oiseau (1980), écrit par Paul Grimault



****

La vie est une cerise,

La mort est un noyau,

L'amour un cerisier.

Jacques Prévert

----------------

samedi 23 août 2025

Flux d'amour

 


« Quand nous entrons en amour, toutes les catastrophes nous guettent.

Pourquoi ? Parce que nous nous leurrons. Nous croyons que l'amour vient de nous être octroyé par la personne que nous aimons - et que cette personne détient l'amour. Or l'amour n'est aux mains de personne. Ni entre mes mains, ni entre les siennes. Il est entre nous. Il est ce qui, entre nous, s'est tissé depuis notre première rencontre, ce que l'espace insaisissable entre nous a engendré et continue d'engendrer d'instant en instant. Une œuvre fluide et perfectible à l'infini.»

Christiane Singer - N'oublie pas les chevaux écumants du passé 

Marc Chagall - Les amants bleus (1914)

------------


dimanche 3 août 2025

Aveugle du coeur


 Un homme, brave et impétueux comme un lion, fut épris d’une femme durant cinq années. Cette belle portait pourtant une légère taie à l’œil, perceptible à quiconque l’observait attentivement. Mais cet homme, bien qu’il contemplât souvent sa bien-aimée, ne s’en apercevait pas.

Comment, en effet, aurait-il pu distinguer ce défaut, lui dont l’âme était entièrement absorbée par un amour aussi ardent ?

Cependant, son amour finit par s’éteindre — un remède avait guéri cette passion.

Lorsque les flammes de l’amour s’affaiblirent en son cœur, il retrouva la maîtrise de lui-même. C’est alors qu’il remarqua la tache à l’œil de sa compagne, et lui demanda :

— D’où vient cette blancheur ? Était-elle là auparavant ?

Elle répondit avec douceur et lucidité :

— Dès l’instant où ton amour a diminué, mon œil a commencé à révéler son défaut.

Lorsque ton regard est devenu défaillant d’amour, mon œil est devenu imparfait à tes yeux.

Tu as troublé ton cœur par l’aversion qui t’habite désormais. Mais regarde donc, ô aveugle du cœur, tes propres manquements !

Jusqu’à quand continueras-tu à scruter les défauts des autres ? Préoccupe-toi plutôt de ceux que tu caches soigneusement.

Lorsque tes fautes te pèseront véritablement, tu ne prêteras plus attention à celles d’autrui.

— Farîd-ud-dîn ‘Attâr

*************************

vendredi 1 août 2025

Aimer


aimer ceux que l’on aime les aimer
comme on les aime
ne suffit pas
car notre amour cet amour si sincère cet amour-là
regorge de trous de recoins négligés de zones mortes
c’est pourquoi il faut les aimer d’un tout autre amour
d’un amour implacable qui ne fait pas de quartiers
d’un amour terrible
qui ne fait pas de sentiments
d’un amour inconnu
de cet amour parfait
dont nous sommes incapables
Gilles Farcet (un poème entre deux concerts ...)

--------------

vendredi 27 juin 2025

Incarné...

 20 ans... 20 ans de mariage aujourd’hui.

Bisous Corine. Merci d’être là, de ne m’avoir jamais lâché la main.

Merci à Victorine, Céleste, Augustin.

Merci à toutes et à tous. 

L’amour inconditionnel serait un truc bateau, carrément tarte à la crème, s’il n’était pas réellement incarné au quotidien, s’il ne sauvait pas des existences, d’instant en instant, s’il ne réparait pas des vivants, s’il ne redonnait pas confiance en la vie.

Peace and Love à toutes et à tous, dans ce monde qui en a tellement besoin.

Alexandre Jollien

-------------

vendredi 13 juin 2025

Intimité

 Et si le cœur du couple battait ailleurs que là où on le cherche habituellement ?


Dans les débuts d’une relation, tout semble simple : la passion fait vibrer, l’engagement rassure, et l’intimité semble couler de source. Mais avec le temps, les priorités changent, les rythmes s’installent, et souvent, sans qu’on le voie venir, quelque chose s’éloigne. On parle de routine, de fatigue, de manque de désir… mais si le vrai manque était ailleurs ?
Dans ma propre exploration — et dans tant de confidences reçues — j’ai remarqué un fil rouge : ce n’est pas tant l’amour qui meurt, mais l’espace pour le vivre pleinement. Et cet espace, c’est l’intimité.
C’est là que le modèle du triangle de l’amour de Robert Sternberg nous offre un éclairage précieux. Il nous rappelle que l’amour durable repose sur trois piliers : la passion, l’engagement… et l’intimité. Or, c’est souvent cette dernière qui se fragilise en premier, sans bruit. Comme une pièce manquante qu’on oublie de chercher, croyant que le reste suffira.
Selon le psychologue Robert Sternberg, l’amour se compose de trois dimensions fondamentales : l’intimité, la passion et l’engagement. Comme les trois côtés d’un triangle, elles forment ensemble la base d’une relation amoureuse épanouissante. Mais souvent, ce qui flanche en premier, c’est l’intimité. Et c’est là que bien des relations perdent leur souffle.
La passion, c’est l’étincelle. C’est l’attirance physique, l’élan du désir, cette énergie brute qui nous électrise. Elle a le pouvoir d’allumer le feu… mais pas de le maintenir. La passion est vitale, mais instable. Elle va et vient, comme la marée.
L’engagement, lui, c’est la décision consciente de rester. C’est le « oui » qu’on se donne, le choix de bâtir ensemble, même quand c’est difficile. C’est une structure solide… mais elle peut devenir rigide si elle n’est pas nourrie.
Et puis, il y a l’intimité. Ce lien profond qui naît dans la confiance, la transparence, la vulnérabilité. C’est la qualité de présence qui fait qu’on se sent vu, entendu, accepté dans notre vérité. C’est là que tout commence… et que tout peut s’effondrer.
Pourquoi ? Parce que l’intimité demande plus que du temps ou de la cohabitation. Elle demande du courage émotionnel. Celui de se dire : « Voici ce que je ressens maintenant. Voici ce qui est vivant en moi. »
Mais trop souvent, on évite. On se protège. On s’anesthésie. Et petit à petit, le lien s’amincit. La passion peut encore briller un moment. L’engagement peut tenir la structure. Mais sans intimité, la relation devient une coquille vide.
C’est là le défi du couple — ou de toute relation profonde : oser continuer à se rencontrer dans l’espace nu de l’intimité. Ne pas présumer qu’on se connaît. Continuer à s’étonner l’un de l’autre. À s’écouter comme si c’était la première fois.
Car c’est dans cette qualité de présence que l’amour cesse d’être une idée, un passé ou un projet, et devient un acte vivant, ici et maintenant.
Claude Legendre

----------------------

jeudi 12 juin 2025

Ressentir l'amour dans son corps


L'autre jour, je lisais une étude à propos de l’amour. On demandait à huit cents personnes dans quelles zones du corps elles ressentaient différents types d’amour (sexuel ou romantique; pour les amis ou les animaux, etc.). Premier résultat, pas surprenant : ça se passe surtout dans la poitrine et la tête. Autre résultat, plus intéressant : certaines formes d’amour s’éprouvent surtout dans la tête (pour les inconnus ou son pays) et d’autres dans la poitrine, voire le corps entier (amour pour la vie ou amour passionnel). L’amour est une émotion, il est donc logique que le corps soit impliqué; et plus il est fort, plus il met le feu au corps.

Voilà confirmés les travaux de psychologie positive, montrant la continuité biologique et psychologique entre toutes les formes d’amour : sympathie, affection, bienveillance, amitié, amour romantique ou parental... Dans tous les cas, c’est une même famille émotionnelle, et une affaire de résonance et d’ocytocine. Ce qui n’enlève rien à la beauté et à la magie de ces expressions de l’amour. Ni à leurs bienfaits.

Des exercices de la méditation de pleine conscience nous apprennent à cultiver en nous toutes formes d’amour bienveillant (loving kindness), qu’il s’agisse de compassion, de gratitude, de bonté altruiste ou d’autres encore. La démarche est simple : une fois passée la première étape de stabilisation de l’attention et de pleine conscience ouverte, on laisse venir en soi, par imagerie mentale, en activant ses expériences et ses souvenirs, l’émotion travaillée. On prend alors le temps d’observer ses manifestations dans notre corps, souvent sous forme d’une chaleur douce dans la poitrine et d’un ressenti global d’apaisement.

Même si vous n’avez jamais appris à méditer, c’est à votre portée. Lors d’un moment de calme, asseyez-vous, dos bien droit, pieds à plat, yeux fermés. Et prenez simplement conscience de tout l’amour présent en ce moment dans votre vie, qu’elle qu’en soit la forme (donné ou reçu) et l’intensité : affection pour les proches; liens d’amitié et de sympathie dans votre quotidien ; tendresse avec les animaux ; gratitude pour vos parents, vos enseignants; amour de la vie... Prenez le temps de savourer, de respirer, de laisser ce sentiment prendre toute sa place en vous, s’installer dans votre corps, et pas seulement exister dans vos pensées et votre tête. Ce type de prise de conscience, pourvu qu’on le pratique souvent, nous est immensément bénéfique. Il nous rend encore plus à même d’aimer et de dire que l’on aime. Et il nous ouvre les yeux sur cette source de bonheur et d’énergie que sont les liens affectifs. Comme l’énergie solaire, elle est inépuisable et partout accessible. D’accord, il fait parfois gris dans nos vies, mais même à ces moments, il y a toujours un peu de la lumière de l’amour qui peut nous réchauffer : à nous de la trouver, de l’accueillir et de la savourer. •

Christophe André (dans psychologies magazine mars 2025)

-----------


mercredi 11 juin 2025

Être en lien


Je suis un jour entré dans un lien
où chaque parole de l'un
était recueillie sans faute par l'autre.
Il en allait de même pour chaque silence.
Ce n'était pas cette fusion
que connaissent les amants à leurs débuts
et qui est un état irréel et destructeur.
Il y avait dans l'amplitude de ce lien
quelque chose de musical et nous y étions
tout à la fois ensemble et séparés
comme les deux ailes diaphanes d'une libellule.
Pour avoir connu cette plénitude,
je sais que l'amour n'a rien à voir
avec la sentimentalité qui traîne dans les chansons
et qu'il n'est pas non plus
du côté de la sexualité dont le monde
fait sa marchandise première,
celle qui permet de vendre les autres.
L'amour est le miracle d'être un jour
entendu jusque dans nos silences,
et d'entendre en retour avec la même délicatesse :
la vie à l'état pur, aussi fine que l'air
qui soutient les ailes des libellules
et se réjouit de leur danse.


Ressusciter, Christian Bobin, éd. Gallimard, 2001
--------------

dimanche 1 juin 2025

La vie s'invente


 "Oui il est grand temps de révéler à nos enfants – de nous révéler à nous-mêmes – l'autre versant du monde !

Celui où jour après jour s'invente la vie – les mille gestes d'amour, de compassion, de tendresse – les multiples mains qui bénissent, caressent, plantent, sèment, rêvent, se joignent pour prier – jour après jour – sans se lasser.

Car le monde doit de tenir debout, à cette conspiration de l'amour, à cette clandestinité de la tendresse et de la louange."

Christine Singer 1943-2007

peinture: Amrita Sher-Gil 1913-1941 - tribal women 1938

-----------------

dimanche 2 mars 2025

François Cheng : méditation sur la vie révélée

 Dans son nouvel opus publié chez Albin Michel le 3 mars 2025, Une nuit au cap de la Chèvre, l’écrivain et académicien d’origine chinoise François Cheng offre une méditation poétique sur notre présence au monde, sur l’univers et sur la mort, dont voici en exclusivité des extraits.

L’Univers est. Une Puissance-créatrice l’a fait advenir. Il se présente à nous sous forme du Cosmos, au sein duquel se déploie une entité spécifique : la Vie. Première constatation qui frappe l’esprit : l’aboutissement de cette Création n’est pas la réalité physique du Cosmos, mais la Vie. 

Certes, le Cosmos nous émerveille par sa splendeur sans égale et sa vastitude sans bornes, alors que la Vie se développe dans un espace plus que restreint, même si bien d’autres planètes que la nôtre pourraient être habitées. Cette écrasante disproportion de volume ne doit pas faire oublier, à l’inverse, une différence de substance tout aussi écrasante.

La voie de la Vie

Alors que le Cosmos ignore sa propre existence, la Vie, elle, vécue par nous, est douée de conscience. Nous, les humains, connaissons la réalité de l’univers physique jusqu’à un certain degré, et surtout, nous sommes capables de nous interroger sur notre destinée en son sein. Le mouvement du Cosmos est mécanique et répétitif ; la voie de la Vie, en revanche, est en devenir, comportant étapes et étages qui ouvrent sur de possibles dépassements qualificatifs. Elle est d’un autre ordre.

Je suis donc là et j’observe. La magnificence produite par les milliards de galaxies aux feux entrecroisés m’impressionne, me stupéfie. Que de fois pourtant, face à la sublime scène d’un soleil levant ou d’un couchant, nous pouvons nous dire : « Cela est sublime parce que nous, humains, l’avons vu. Sinon tout serait en pure perte, tout serait vain. » Je prends soudain conscience que nous sommes, à notre niveau, l’œil ouvert et le cœur battant de cet univers. Si nous sommes à même de penser l’univers, c’est que véritablement il pense en nous.

Alors me vient l’évidence d’une question. Oui, nous sommes en droit de nous demander : « De la part de la Puissance-créatrice qui a fait advenir le Cosmos et la Vie, quel serait le “dessein” ? Pourrait-elle se contenter des astres qui tournoient indéfiniment sans le savoir ? N’aurait-elle pas besoin de “répondants”, d’êtres doués d’une âme et d’un esprit, comme nous le sommes, capables d’entrer en échange avec elle, donnant ainsi sens à sa Création ? »

L’aventure de l’être

C’est pleins d’une déférence sacrée cependant que nous obtenons du Cosmos des connaissances de base. Nous apprenons que la dimension réelle de l’univers est l’infini et que les lois de son fonctionnement sont fondées sur la rectitude : elles sont constantes, dignes de confiance aussi bien dans l’infiniment grand que dans l’infiniment petit, grâce à quoi les conditions de l’avènement de la Vie ont été rendues possibles.

À partir de là, force nous est de constater qu’en réalité la seule aventure en cours, chargée de promesses, est celle de l’Être. De cette aventure, nous les humains, nous sommes partie prenante. À nous d’assumer cette quête au jour le jour, à travers des tâches recelant une sourde grandeur, à la fois nobles et dures.

Nobles, parce que nous résonnons par nos créations à l’appel de la transcendance, et que certains d’entre nous, tendant vers un amour sans réserve, nous élèvent vers l’idéal du don. Dures, parce que nous devons affronter toutes les souffrances que peuvent causer les calamités, les maladies, les accidents, et surtout le Mal qui, plantant en plein centre de l’aventure ses tragiques méfaits, est en mesure de la faire échouer complètement.


Sublimes dépassements

Car le Mal a été rendu possible par l’intelligence et la liberté dont nous jouissons ; quand elles sont à son service, elles creusent un abîme sans fond jusqu’à menacer de détruire l’ordre de la Vie même. Enfin, par-delà toutes ces souffrances demeure un fait incontournable : chacun de nous, après avoir reçu le don de la Vie, est appelé à faire face un jour à sa propre mort.

Disons sans tarder que la Mort n’est nullement une force extérieure qui viendrait anéantir le processus de la Vie. Elle résulte d’une loi imposée par la Vie elle-même afin que la Vie puisse se renouveler et se transformer. C’est la Mort qui fait que la Vie est vie, en nous poussant vers l’urgence de vivre, en vue d’une forme d’accomplissement ou de sublimes dépassements. Tapie au creux de notre conscience, elle est la part la plus intime, la plus personnelle de notre être.

Elle rend tout unique dans notre existence, unique chaque minute de notre temps, unique chaque acte de notre entreprise, unique notre existence. Elle se révèle ainsi le moteur le plus dynamique de ce que nous faisons. Elle confère, en fin de compte, une valeur inaliénable à chaque vie : ainsi Malraux a-t‑il pu dire qu’apparemment une vie ne vaut rien, et que pourtant rien ne vaut une vie.

Accès à la transformation

Par une compréhension erronée de la Mort, surtout en cette vie moderne marquée par le déracinement, nous sommes loin d’une attitude juste envers elle. En refusant de dévisager la Mort en sa vérité et en restreignant notre existence à « ce côté-ci », nous nous enfermons dans un permanent état de peur, de rejet étriqué qui ne fait qu’accentuer notre angoisse.

Dans toute grande ville, on constate la dégradation de l’ultime phase de la vie des personnes. On meurt souvent dans l’isolement et l’anonymat, au grand désarroi des proches. Fuyant leur sentiment de culpabilité, ceux-ci s’abritent derrière un écran de fausse sécurité en abrégeant le temps de « faire le deuil ». Une sentence générale s’affiche au fronton de notre société : toute vie se termine « en queue de poisson ».

La mort d’un être est-elle un plongeon instantané dans le néant ? Nous avons tendance à le penser tout en ayant raison de ne jamais nous y faire. S’être engagé corps et âme dans l’aventure de l’Être, et puis se voir effacé sans laisser de traces comme si de rien n’était ? J’affirme le contraire, comme l’a fait le poète Rainer Maria Rilke : la Mort est un Ouvert ; elle donne accès à la transformation.

La mort, quand elle survient, chaque fois nous ébranle par son abyssale signification : le défunt — ou la défunte — nous apparaît aussitôt dans l’âpre éclat de son unicité irréductible. Épurée d’un coup des contingences et de tout ce qui est superflu, sa présence rendue à l’essentiel nous rappelle la nature sacrée de l’Être, et par là, éveille en nous la conscience ineffable de notre propre existence.

Une communion d’âme à âme

S’instaure alors, entre le disparu et les vivants, une communion d’âme à âme, transparente, éclairante, tendue vers la transcendance. Le disparu, par sa présence même, nous invite à ne pas oublier que nous ne venons pas de nous-mêmes, que nous sommes, chacune et chacun, le résultat d’un immense don de la part de la Puissance-créatrice qui est garante de l’Ouvert.

Au sein de l’humanité, un jour, Quelqu’un a accompli le geste absolu, indépassable, le geste décisif qui a changé la nature et le sens de la Mort. En se laissant clouer sur la Croix, il a affronté le mal — non seulement le mal de ses bourreaux, mais le Mal en soi, le Mal radical. Et dans le même temps, il a affirmé l’Amour inconditionnel, puisque, sur la Croix, s’adressant au Père, il a dit : « Pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font. » Cette parole faisait écho à ce qu’il avait déjà proféré : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »

D’un geste unique, il a tenu les deux bouts de la Vérité : il a vaincu le Mal radical par l’Amour absolu qu’il incarne. Sa mort ouvre la Voie de la Vie qui ne périra plus ; le lien entre l’ordre humain et l’ordre divin est rétabli. Plus précisément, il nous est permis de dire qu’une relation filiale est renouée. Nous sommes les héritiers à qui incombe le devoir d’assurer la marche de la Vie. Ici, je crois entendre la lointaine prédiction du Tao : « Celui qui cède à l’amour en se donnant au monde, à lui sera confié le monde. » 


Un oiseau qui soudain s’envole

À 15 ans s’éveilla en moi la révélation de la poésie. Surgis d’une source inconnue, des mots alignés, chantants, signifiants, illuminants, telles les coulées d’une lave, traversaient le souterrain de mon être.

Puis vint le jour divin. Dans une aube délavée par une brusque averse, sur la colline habillée de hauts pins dont les aiguilles scintillent de perles irradiantes, un oiseau qui soudain s’envole fait entendre les échos d’une chute toute proche. Une présence, aussi souveraine que maternelle, se penche sur l’adolescent tremblant d’émotion.

D’une voix résolue, elle lance un appel : « Chante, et tu seras sauvé, et tout sera sauvé. » Désormais, même au moment du plus imminent risque de perdition, retentirait en moi cette voix d’injonction qui m’empêcherait de succomber au néant.

Que l’univers créé vaille d’être célébré, c’est l’évidence. Que la Vie vaille d’être révélée, c’est l’évidence aussi. La Vie foisonnante, enivrante, provocante, exaltante, à la fois joyeuse et tragique, avec ses envols parmi les nues, ses êtres qui tentent de survivre au fond du gouffre, ses douleurs étouffées, ses émotions tues, sa part invisible et transfigurante qui se prolonge au-delà de la mort.

Le poète digne de ce nom reçoit mission non seulement de dire, mais d’accompagner toutes les âmes espérantes par son chant. Il ne doute pas que si les humains sont reconnaissants au Créateur de les avoir créés, le Créateur, lui, sait gré aux humains de prendre en charge les épreuves. »

(Pages extraites d’Une Nuit au cap de la Chèvre, de François Cheng, chez Albin Michel.) 

-----------------

source : La Vie

--------

vendredi 27 décembre 2024

Méditation et contemplation

Contempler le réel


J'ai mis en exergue de ce livre cette parole de Khrishnamurti qui résume pour moi l'essentiel : "Voilà donc ce qu'est la méditation - elle ne consiste pas à s’asseoir en tailleur, ou à rester en équilibre sur la tête, ou que sais-je encore, mais à ressentir le caractère holistique et l’unité absolue de la vie. Mais cela ne peut advenir qu’en présence de l’amour et de la compassion. "

Méditer à cœur ouvert permet en effet de regarder autrement tout ce qui nous entoure. Lorsque nous regardons une pierre, une fleur, un arbre, un papillon, une fourmi, un être humain, nous les regardons avec une attention aimante. Les poètes sont de grands méditants, car ils savent justement regarder les choses les plus ordinaires avec un regard neuf, émerveillé, attentif au petit détail qui nous échappe. Chaque texte de Christian Bobin, pour prendre un poète contemporain que j’aime particulièrement, est le fruit d’une méditation profonde et aimante sur un petit rien. Ses mots me bouleversent, car ils me font regarder ces petits riens - un pissenlit, le sourire fatigué d’une vieille femme, un nuage, une balançoire - avec acuité et tendresse. On pourrait dire la même chose de certaines peintures, notamment les natures mortes, qui nous font regarder autrement les choses les plus banales de notre quotidien. Lorsqu’il est regardé avec attention et amour, le réel n’est plus simplement regardé, il est contemplé. 

Méditer à cœur ouvert, c’est regarder le monde avec le regard du peintre ou du poète. C’est peut-être le regarder aussi avec le regard du mystique, qui voit Dieu en toutes choses. Le théologien orthodoxe Jean-Yves Leloup raconte ainsi son initiation à la méditation hésychaste : « Il y a une trentaine d’années, au mont Athos, le père Séraphin m’a invité à apprendre à méditer, tout d’abord “comme une montagne”, c’est-à-dire avec le monde minéral, puis “comme un coquelicot’’ avec le monde végétal, puis “comme un oiseau” avec le règne animal, ensuite “comme Abraham” avec le cœur, et enfin, étape ultime, “comme Jésus”... Dieu est en toute chose. Il est lourd dans la pierre, il fleurit dans l’arbre au printemps, il chante dans l’oiseau, il prend conscience de lui-même dans l’homme, il jouit de lui-même dans le sage... »

Extrait de "Méditer à coeur ouvert" de Frédéric Lenoir

-----------------------

mercredi 18 décembre 2024

Blessures d'enfance : quand l’amour répare

 Les blessures d’enfance rejaillissent naturellement dans la vie de couple. Elles peuvent assombrir la relation, mais aussi ouvrir un chemin de guérison. À condition d’en prendre conscience et de vouloir les dépasser à deux.

...Quatre types de liens hérités de l’enfance


Comment identifier ses blessures ? « Certaines sont révélées par un comportement inadapté ; une réaction automatique, comme si le disque était rayé ; des échecs professionnels ou relationnels répétés », répond la psychologue, qui a publié les Blessures d’enfance, les connaître, s’en remettre (Mame, 2023). « L’impression d’un manque de liberté ou que, dans une situation particulière, on ne se reconnaît pas, on ne s’aime pas. » Agnès connaît ce malaise diffus lorsque, à chaque fois qu’elle passe des vacances dans sa famille, elle ressent une forte tension s’installer en elle (voir témoignage ci-dessous). Autre indicateur : les réflexions bienveillantes mais répétées du conjoint ou de l’entourage. « S’il nous fait toujours la même remarque, c’est un signal », poursuit l’experte.

La théorie de l’attachement identifie quatre types de liens hérités de la petite enfance, comme le détaille la psychologue Gwénaëlle Persiaux dans Guérir des blessures d’attachement (Eyrolles, 2021) : « sécure » ; « anxieux », marqué par la peur de l’abandon ; « évitant », avec la crainte de l’intimité ; « désorganisé » à cause d’une éducation imprévisible et incohérente. Ces tendances, qui colorent sans qu’on s’en rende compte toutes les relations affectives, ressurgissent particulièrement en amour.

« Souvent, l’autre appuie inconsciemment sur ce qui nous a marqué petit, relève Nathalie Loevenbruck, conseillère conjugale et familiale du cabinet Mots croisés. L’intensité relationnelle que l’on vit dans le couple rappelle les besoins affectifs que nous avions enfants et qui n’ont pas été toujours suffisamment satisfaits. Les conjoints attendent souvent du lien conjugal comme une réparation : amour inconditionnel, attention privilégiée ou bonne distance, qui ont pu manquer. Ainsi, notre choix amoureux va inconsciemment résonner avec notre vécu relationnel d’enfance. » 

Prendre conscience de son histoire


Avec du recul, Véronique en témoigne, elle qui a épousé un homme très autoritaire. « Au début de notre mariage, je n’osais pas lui dire ce que je pensais, par peur du conflit, se souvient cette enseignante. En fait, je revivais exactement la même situation qu’avec ma mère ! Face au chômage et à la dépression de mon mari, je me suis fait violence pour lui dire mon ressenti. Le fait que je change nous a permis de vivre une relation plus ajustée. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de lui faire part de mes craintes, par exemple. » Et que l’on soit attiré par son semblable ou par son contraire, la difficulté ne tardera pas à émerger, comme le souligne Bénédicte Sillon : « Quand une personne me dit qu’elle a épousé une femme ou un homme très différents de sa mère – l’opposé même – ou de son père, cela me fait sourire, parce que les opposés, c’est souvent la même problématique… »

Un accompagnement thérapeutique peut permettre de prendre conscience de son histoire. « Ainsi, on projette moins sur l’autre ce qui nous appartient », abonde Nathalie Loevenbruck. Dans le cas de Louise, pas de quoi se livrer à 10 ans de divan, mais son attitude mutique a pu déstabiliser son mari. « Au début, quand elle se fermait, je pensais bien faire en la laissant tranquille, explique ce commercial quinquagénaire. J’ai mis plus de 10 ans à comprendre qu’il s’agissait en fait d’un appel à l’aide… muet. » Il s’emploie désormais à l’aider à s’exprimer, quand il la sent bloquée. « Parle-moi ! », lui intime-t-il alors en la serrant dans ses bras, jusqu’à ce qu’elle réussisse à vider son sac. « Sa tendresse inconditionnelle, son absence de jugement et son humour m’ont beaucoup aidée à sortir de ma coquille », accorde son épouse.

« Si nous sommes blessés en relation, c’est en relation que nous pouvons guérir, approuve la conseillère. La relation conjugale est celle qui nous met le plus au travail ! Elle nous invite, notamment par les conflits que provoque la réactivation des blessures, à cheminer. » Et de citer l’exemple de Stéphanie qui, enfant, s’était sentie étouffée par des parents surprotecteurs. Devenue une adulte casse-cou, rebelle, elle tombe amoureuse de Raphaël. Elle se sent sécurisée par le côté prévoyant qu’il a développé car lui, à l’inverse, s’est souvent senti en danger lorsqu’il était petit. Ses parents le surveillaient peu, il se blessait, se perdait fréquemment. Mais cette femme aventureuse finira par mal supporter les limites que semble lui imposer son conjoint et lui, séduit au départ par la soif d’exploration de sa chérie, en ressentira de l’insécurité. « La situation peut devenir invivable. Mais si chacun prend conscience de ce qui se joue, elle sera occasion de guérison », garantit Nathalie Loevenbruck.

« Apprendre à explorer le monde de l’autre »

Pour y parvenir, elle propose notamment l’approche relationnelle Imago. L’idée ? « Apprendre à explorer le monde de l’autre, si différent, si étrange… Comprendre que telle réaction trop vive exprime un besoin non satisfait dans l’enfance. » Concrètement, la méthode invite à des dialogues. « Chacun à son tour “traverse le pont qui le relie à l’autre” en reformulant ce qu’il dit, en exprimant sa compréhension, son empathie, détaille-t-elle. Des demandes réalistes pourront être faites et librement consenties. »

Ainsi, Raphaël et Stéphanie vont comprendre, ensemble, que lui a mis son côté aventurier « au congélateur » pour se protéger. Elle veillera à lui proposer une excursion où le danger est mesuré, qu’il pourra suivre sans peur. Il « décongèlera » ainsi l’audace bloquée en lui. Elle-même fera le chemin inverse en posant une limite à son goût du risque excessif et grandira en prudence, par amour. Cette approche thérapeutique permet de se révéler l’un à l’autre, jusque dans sa vulnérabilité. « On entre dans une relation plus consciente, conclut Nathalie Loevenbruck. En rejoignant l’autre, on apporte un baume sur sa blessure car se sentir compris aide à sortir d’une logique de victime et on se renforce soi-même. »

Mère de trois enfants, Louise en témoigne : « On fait partie des équipes Notre-Dame, et chaque mois, on se prend un moment en tête-à-tête pour se redire notre amour, aborder les difficultés rencontrées – tout ce que j’aime !, ironise-t-elle. Mais au fil des ans, cet exercice m’a appris à verbaliser mes besoins, à présenter mes failles, à ouvrir davantage mon cœur. » Si les blessures font mal, elles peuvent ouvrir un chemin d’espérance, par la force d’un amour qui sécurise et répare. 




Par Agnès de Gelis

Source : La Vie

--------------------

mardi 10 décembre 2024

La construction d’un amour adulte de Christiane Singer


Qui prend aujourd’hui la peine de prévenir les jeunes couples que la traversée d’une relation d’amour est une affaire périlleuse ? L’illusion que la relation doit rester gratifiante distille un poison. Or, prendre conscience que bâtir un amour est une œuvre difficile ne constitue pas une raison de ne pas l’oser ! Tout au contraire ! Que serait une vie où l’on ne tenterait pas le plus haut, le plus ardu, sinon une esquive et un rendez-vous manqué ?Oui, « l’autre » est une aventure périlleuse. Il est là pour m’accoucher de mes démons et de mes ombres. 

Aussi court-il le risque de devenir l’écran de projection de tout mon mal-être. Il est par excellence cet « empêcheur de tourner en rond » qui m’arrache à ma ronronnante identité, à l’enfermement qui sans lui me guettait ; il va faire brèche en moi, c’est à dire me mettre en vie et en métamorphose. Le drame contemporain, c’est la fuite des couples devant toute irritation et toute crise. Dès que cesse l’agrément d’être ensemble, beaucoup prennent leurs jambes à leur cou, ignorant que le plus beau de l’aventure va tout juste commencer : la construction d’un amour adulte.

Christiane Singer

---------------------

lundi 9 décembre 2024

Se préparer à l'amour


 Avant de succomber aux bras de l'amour, prends le temps de t'assurer que ton cœur est prêt à l'accueillir. Libère-toi des chaînes de ce qui t’a abandonné, referme les blessures du passé, répare les fragments épars de ton âme et apprends à te tenir debout seul, fier et complet. Laisse les ombres de la solitude derrière toi, car elle ne doit jamais dicter tes choix ni te conduire dans les bras de quelqu'un par désespoir.

Souvent, l'amour frappe à ta porte, mais ne s'y attarde pas. Pourquoi ? Parce que ton regard reste rivé sur le passé, parce que tes plaies restent béantes, parce que tes insécurités et tes habitudes nuisibles l’étouffent. Et personne ne devrait porter ce poids à ta place. Une relation saine n’est pas un hasard : elle exige de toi un travail sur ton être, un abandon des illusions et une maturité sincère. Tu ne peux prétendre à un amour équilibré si tu te laisses emporter par l’orgueil, si tu te noies dans tes peurs, si tu refuses de fixer des limites ou si tu tolères l’inacceptable.

L’amour, c’est une alchimie fragile et sublime. Il ne fleurit que dans la liberté, jamais sous la contrainte ou la mendicité. Il éclot quand, blessé, tu apprends et évolues. Quand, après avoir blessé, tu t’excuses et t’améliores. Quand il te pousse à devenir meilleur, quand il est un soutien, une croissance, une lumière. Mais surtout, l’amour véritable naît dans la réciprocité : il ne s’épanouit que si les deux âmes engagées sont prêtes à se choisir, à se construire et à avancer ensemble.

Alors, avant que ton cœur ne s’éprenne, sois sage. Prépare-toi. Choisis avec soin celui ou celle qui partagera ton chemin, et assure-toi que vous êtes deux à vouloir bâtir, non à réparer.

– Emmanuel Zavala.

---------------------

jeudi 28 novembre 2024

Joindre...

 


Réfléchissant au lien subtil entre deux personnes qui s’attirent et qui s’aiment, ne serait-ce que pour un temps bref, une intuition m’a fait rechercher dans mon dictionnaire étymologique les racines de mots tels que « conjuguer », « conjugal », « conjoint ». Et mon pressentiment s’est révélé juste : adossé au préfixe « con- » qui vient du latin cum et rend les notions d’« avec », d’« ensemble », ces mots ont pour racine le latin jugum, « joug », qui a donné jungere, «joindre» et conjugare, «unir, attacher». 

Le sens fondamental est donc le fait d’attacher deux bœufs sous le même joug afin qu’ils tirent ensemble leur charge. En cherchant plus loin, l’ensemble s’éclaire d un jour nouveau : le mot jugum vient lui-même de la racine sanscrite yug ayant la même signification : « atteler à l’aide de joug, joindre, unir ». De là le mot «yoga», qui désigne aussi bien la maîtrise du psychisme, des sens et des passions qu’il faut discipliner comme des chevaux fougueux attelés à un char que l’aspect plus spirituel, voire religieux, de l’union ce l’être individuel avec le principe de toute chose, l'énergie divine.

Nous savons par ailleurs que l’hindouisme défini plusieurs sortes de yoga : le hatha-yoga - cette « gymnosophie » ou « gymnastique de sagesse » comme l’appelaient les Grecs du temps d’Alexandre le Grand, étant celle des exercices physiques et postures complexes centrés sur la respiration ; le bhakti-yoga, sur l’amour et la dévotion ; le jnâna-yoga, sur la connaissance et l’étude ; le karma-yoga sur la vie quotidienne et le destin... tous n’en faisant en fait qu’un seul, le yoga de l’existence, celui de l’union de l’être avec la vie et son principe.

En cela, la relation de deux êtres qui conjuguent leurs énergies et leurs sentiments s’apparente directement au yoga inventé quatre mille ans avant notre ère pour joindre, unir le ciel et la terre au sein de chaque personne. Vue sous cet angle, la relation conjointe et amoureuse prend un sens nouveau qu'il est bon de méditer pour la faire évoluer, encore et toujours, dans son sens juste !

Extrait de "Une journée, une vie" de Marc de Smedt
----------------------------------

mercredi 4 septembre 2024

Besoin d'être aimé

 Q : Je ressens un grand besoin d'être aimé. N'ayant pas de conjointe, je me sens en manque d'amour. Je questionne ce besoin. Est-ce que je le crée et je l'entretiens par ma pensée ? Est-ce parce que je ne m'aime pas moi-même que j'ai besoin de me sentir aimé par d'autres ? Est-ce un besoin naturel, comme la faim et la soif, dont je ne peux me libérer, ou bien pourrai-je m'en libérer et comment ? J'explore aussi le principe de donner l'amour inconditionnel au lieu d'être en attente de le recevoir.


Jiddu Krishnamurti : Si vous êtes réellement disposé à questionner ce besoin, vous allez découvrir que ce que vous appelez "amour" est en réalité une quête de confort et de sécurité. Personne ne trouve l'amour dans une relation (il faudrait bien-sûr définir ce que nous entendons par ce mot), mais on peut y chercher la sécurité et d'autres avantages, comme un partenaire sexuel ou une cuisinière, quelqu'un qui nous aide à passer les moments difficiles... 

Toutes ces choses sont volontiers appelées "amour" par tout le monde. Pourtant, si nous observons réellement ce qui se passe entre un homme et une femme, nous voyons beaucoup d'arrangements, d'intérêts personnels, d'égocentrisme. Le compagnon ou la compagne ne sont finalement là que comme des objets pour satisfaire nos besoins. 

Où est l'amour dans une telle relation ? Mais il ne faut pas se voiler les yeux, c'est en regardant "ce qui est", tel que c'est, que nous pouvons vivre avec ce qui est. Ce besoin que vous énoncez est en même temps irrépressible, vous l'avez constaté : "j'ai grand besoin", dites-vous, et en même temps, vous demandez : "comment m'en libérer" ? 

Comment allez-vous vous libérer de quelque chose dont vous êtes certain d'en avoir grand besoin ? Comment allez-vous parvenir à vous en débarrasser ?

La question qui se pose à vous en fait, si vous acceptez qu'il est certainement immature de vouloir se débarrasser de quoi que ce soit, est de savoir si vous allez continuer à vivre les relations telles que je les ai décrites, ou si vous êtes disposé à vous libérer de vos images. Vous êtes en effet habité par des images : image de la femme idéale, image de votre partenaire idéale, image d'une partenaire du passé, et toutes ces images vous séparent de l'autre à tout moment. 

Ce que vous avez appelé "amour" jusqu'à présent n'est qu'une relation que vous avez entretenue avec vos images intérieures. 

Pour être réellement en relation avec la personne qui vous accompagne, il est nécessaire de faire silence en soi ; et je ne parle pas d'un effort méditatif comme on en trouve sur le marché, mais d'un véritable silence que les mots ne peuvent décrire et dans lequel les images disparaissent et laissent la place à une vigilance qui permet d'être absolument présent à ce qui est – un événement, un paysage, une personne – sans obstacle, et dans une relation qui pourrait alors être appelée "amoureuse".

~ Jiddu Krishnamurti 

(extrait d'une vidéo en anglais)

----------------

mercredi 28 août 2024

Amour joyeux


 Aristote écrit : « Aimer, c’est se réjouir », idée que reprendra Spinoza, quelques vingt siècles plus tard, en disant – et c’est la définition de l’amour que je préfère : « l'amour est une joie qui accompagne l’idée d’une cause extérieure ». Autrement dit, aimer c’est se réjouir de.

Si quelqu’un vous dit : « Je suis joyeux à l’idée que tu existes », vous prendrez cela pour une déclaration d’amour, et vous aurez évidemment raison. Vous aurez aussi beaucoup de chance, parce que c’est une déclaration spinoziste d’amour, ça n’arrive pas tous les jours, beaucoup de gens sont morts sans avoir entendu ça ; et puis, surtout, c’est une déclaration d’amour qui ne vous demande rien. Et ça, c’est tout à fait exceptionnel. Profitez-en bien ! Parce que si quelqu’un vous dit : « Je t’aime », mais s’avère être platonicien, son « je t’aime » signifie en vérité « Tu me manques, je te veux ». Donc il demande tout, puisqu’il vous demande vous-même. Alors que si quelqu’un vous dit : « Je t’aime » en un sens spinoziste, cela veut dire : « Tu es la cause de ma joie, je me réjouis à l’idée que tu existes ». Il ne demande rien puisque votre existence suffit à le convaincre et à le satisfaire.

l’amour selon Platon et Spinoza de André Comte-Sponville.

----------------

mardi 30 juillet 2024

Pensées remises en question


Q : J'ai besoin d'un amoureux...

Byron Katie : "J'ai besoin d'un amoureux" — Est-ce vrai ?

Q : ... Non...

K : Comment réagis-tu quand tu as cette pensée que tu as besoin d'avoir un amoureux et que tu n'en as pas ?

Q : Je me sens seule et malheureuse.

K : Est-ce que la pensée "J'ai besoin d'un amoureux" t'apporte la paix ou du stress ? 

Q : Définitivement du stress.

K : Oui ! Et qui serais-tu si tu rencontrais un homme merveilleux sans la pensée que tu as besoin d'un amoureux ? 

Q : Je serais probablement très relax. 

K : Oui ! Tu serais ta propre copine idéale et il serait un bonus. Tu es ce que tu cherches.

Alors, "J'ai besoin d'un amoureux" — Retourne la phrase...

Q : Je n'ai pas besoin d'un amoureux.

K : Bingo ! Réalité ! Et comment je sais que je n'ai pas besoin d'un amoureux ? Parce que je n'en ai pas. 

Cette pensée peut revenir, car les pensées n'arrêteront pas, mais jusqu'à ce que je rencontre mes pensées avec un amour inconditionnel, je ne peux pas le rencontrer lui avec un amour inconditionnel, car il va me dire ce que je n'ai pas encore regardé en moi. Et je vais essayer de taire ces pensées avec la méditation, avec les médicaments, l'alcool, la nourriture, les achats... et les pensées ne s'arrêteront pas. 

Mais quand je remets mes pensées en question, c'est une chose merveilleuse, c'est comme l'amour inconditionnel. Et après, l'autre peut me dire n'importe quoi et il ne peut pas devenir mon ennemi, parce qu'il ne peut me dire que ce que j'ai déjà pensé, et ce que le monde a pensé ; il n'y a pas de nouvelles pensées stressantes. Et de vivre dans un monde où je n'ai pas besoin d'un partenaire, c'est être ouvert à tous les êtres humains, aux chats, aux chiens et aux arbres. 

Aussi, cela te laisse ouverte à tous les hommes dans ta vie, et quand il y en a un qui te dit : "Tu es vraiment une femme magnifique", tu n'as pas besoin de le marier juste parce qu'il t'a flattée. Tu vas te dire à toi-même : "Ouais, il a raison !" 

~ Byron Katie

(extrait d'une vidéo en anglais)

--------------------

lundi 3 juin 2024

Tout sert !

Y aurait-il la moindre parcelle de vivant qui n’ait son utilité ?

J’ai beau scruter : dans le monde végétal, tout sert. Le plus visible est la chaîne alimentaire. Mais pas seulement. Le végétal contient des principes actifs pour soigner les animaux et les humains. Il constitue la base de la pharmacopée. Il régule le climat. En se nourrissant du minéral terrestre et de la lumière céleste, il montre subtilement l’amour inconditionnel : recevoir-donner.


Le minéral qui nourrit le végétal est indissociable de la chaîne du vivant. Chaque atome, dans sa spécificité, s’unit à un autre pour constituer le socle de la vie terrestre visible. Par exemple le carbone aux multiples affinités ou la combinaison hydrogène-oxygène pour son environnement gazeux.

Y aurait-il le moindre insecte, le moindre animal qui n’ait son utilité ? Même si je connais peu d’animaux parmi leur immense diversité, je sais que chaque espèce possède un instinct dominant qui lui est propre, et lui donne une façon unique d’exister. Et nous sommes la sommation du monde animal. Nous leur devons la base de ce qui constitue notre personnalité.

Avec un petit truc en plus : la parole. Tout a son utilité. Et l’homme n’aurait pas d’utilité ?

Au sommet de l’évolution, le petit dernier arrivé sur terre n’aurait pas sa place active dans la chaîne du vivant ?


L’être le plus complexe de la création a, comme les autres, son utilité. Bien sûr, son originalité, c’est qu’il doit trouver sa propre utilité. Elle est forcement singulière car chaque être humain est singulier.

Mais la famille humaine a reçu et sait la nature de son service, à la suite des règnes qui nous ont précédés. Être comme le minéral, croître comme le végétal, instinctivement ensemble comme l’animal, en le sachant par sa personnalité, son rôle : donner de l’amour. 

Mettre de la paix là où il y a la guerre, de l’ordre là où le désordre gouverne, mettre de la douceur où la haine domine.

Donner de l’amour, selon sa propre forme, voilà l’utilité dévolue à chacun.

Christian Rœsch

--------------------


jeudi 29 février 2024

Une saison inédite


vient un point
où il n’y a plus rien
sinon la souffrance
la souffrance
partout
et la nécessité
impérieuse
impersonnelle
d’y contribuer
le moins possible
de la soulager
à sa place
autant que possible
vient un point
où il n’y a
plus que cela
ce point n’exclue pas
les plaisirs innocents
accordés à soi même
ll n’exclue pas
l’émerveillement
celui de l’humain
souriant parmi les décombres
du danseur
sur le champ de ruines
ce point
n’exclue rien
mais il absorbe tout
les colifichets les distractions
toutes ces entreprises
auxquelles on se voue
malgré tout
Idéologies religions philosophies systèmes
toutes constructions
déconstruites
ce point dissout
éveil croyances explications
sens et non sens
il consume tout concept
jusqu’à celui de Dieu
ce point atteint
rien n’est atteint
il ne subsiste rien
juste des apparences
parfaitement honorables
et que donc, on honore
mais dont la substance
s’évapore
plus que l’amour
son exigence
féroce
déshabillée
de tout romantisme
de toute sentimentalité
de toute naïveté
son évidence
sa difficulté
jamais résolue
ce point atteint
rien n’est atteint
car il n’est rien
qui puisse être atteint
par qui que ce soit
ou que ce soit
le fils de l’homme n’a nulle part où reposer la tête
ah ce n’est pas l’histoire
qu’on nous avait contée
ni l’été promis
ni l’hiver annoncé
autre chose
une saison inédite
neuve
sans référence
dans laquelle il s’agit d’entrer
pour y danser
sans états d’âmes

-------------------
Gilles Farcet


************