samedi 14 août 2010

S'accomplir avec Marie de Hennezel

Marie de Hennezel : "S'accomplir fait passer dans un autre temps"...

Trois ans après La Chaleur du coeur empêche nos corps de rouiller, Marie de Hennezel publie un second livre sur l'art de bien vieillir : Une vie pour se mettre au monde  (éd. Carnets Nord), écrit avec le philosophe Bertrand Vergely.  Ils y parlent de leur souci prioritaire : une vie humaine ne vaut que si l'on cultive son esprit, son monde intérieur. Se faisant, chacun peut découvrir en soi l'accès à un autre temps – ralenti jusqu'à devenir éternel ?

Une caisse de retraite vous a demandé d'imaginer une façon de préparer les nouveaux venus dans le troisième âge...
C'est passionnant. J'ai mis au point un séminaire de cinq jours où nous faisons une exploration de fond. Et je suis frappée par la lucidité de nos contemporains : à partir de 60 ans, et même de 50, ils savent l'enjeu que représente une vieillesse réussie, pour soi-même et pour les générations futures. Ils n'ont pas envie de rater cette partie de leur vie ! Souvent, je ne sers que de facilitatrice d'échanges entre eux.

Dans votre livre, Bertrand Vergely dit qu'il y a deux façons d'« épouser les limites » pour mieux vieillir : l'humour et la lenteur.
Il explique que la vieillesse ne devient un naufrage que si la personne n'édifie pas en elle-même un être intérieur. Un être qui semble obéir à un autre temps – car on peut être très vieux et continuer à se sentir jeune à l'intérieur. Il ne s'agit pas de jeunisme. Au contraire, on est à l'opposé du mensonge. C'est pourquoi l'humour et la lenteur sont essentiels.
Ils permettent â la personne du 3ème ou du 4ème âge de prendre de la distance, de s'alléger, et aussi de découvrir une sensualité tout à fait nouvelle, dont elle n'avait aucune idée tant qu'elle vivait dans l'action et la vitesse. Elle découvre alors que la vieillesse offre la possibilité d'un passage crucial du « faire » à l'« être ». Bertrand Vergely aime comparer la vie humaine à une œuvre artistique. Tout artiste sait qu'il faut savoir achever une œuvre. Il faut savoir terminer sa vie. Pour soi-même et pour les autres. L'assimiler ouvre à l'essentiel, et notamment à un autre temps. C'est la question que pose Jacqueline de Romilly en retrouvant ses souvenirs d'enfance, dans Les Révélations de la mémoire (éditions de Fallois) : se peut-il que notre temps intérieur soit celui de l'éternité ?

extrait de Nouvelles Clés n°66