jeudi 9 janvier 2025

Espace de la présence


C’est un matin banal et pourtant un moment si particulier. Je sors lentement du sommeil. Plus vraiment endormi mais pas encore complètement réveillé. Ni tout à fait nuit, ni vraiment jour, un instant fragile, suspendu, hors du temps. Chacun de nos réveils est un rappel et une transition : entre ce qui a été et ce qui s’annonce.

Ce moment de fin d’une année, de commencement d’une nouvelle, est également un moment de transition.

Dans la mythologie romaine, il est lié à Janus est le dieu des portes et des passages. C’est de lui que le mois de Janvier (Ianuarius), le mois sacré du renouveau, tire son nom. On représente Janus avec deux visages : l’un tourné vers le passé, l’autre vers l’avenir. 

Le premier visage regarde en arrière, vers les jours écoulés. Il invite à s’arrêter un instant pour contempler ce que l’année nous a laissé. Qu’avons-nous appris ? Quels instants précieux avons-nous vécus ? 

L’autre visage est tourné vers l’avenir. Quels rêves nourrissons-nous pour demain ? Quels changements se préparent ? Quelles graines voudrions-nous semer?

Si ces deux regards sont utiles, ils peuvent néanmoins aussi pointer des pièges. Dans mon cas ils révèlent autant mon désir de réparer le passé que celui de contrôler le futur. Pourtant, on ne peut défaire ce qui a été, ni changer ce qui a eu lieu. Et moi dont le cerveau est toujours projeté sur un après, force m’est de constater que l’avenir est par nature imprévisible.

Alors je me rappelle aussi que Janus est le gardien des seuils. Comme toute porte, il unit autant qu’il sépare. Ce qui est derrière ne disparaît pas vraiment, mais il peut contribuer nourrir ce qui vient. 


Entre ces deux regards, il y a un espace, une troisième possibilité. Un endroit où passé et avenir se rejoignent sans s’opposer. Cet espace, c’est la présence.

Ce moment entre rêve et réveil de ce matin, incarne ce troisième regard. Je ne suis plus captif·ve des images de la nuit, mais je ne suis pas encore happé·e par les exigences du jour. Un moment de présence, gratuit, qui ne vise à rien d’autre que l’expérience elle-même. Juste être là, avec le souffle qui va et vient, avec la lumière du jour qui caresse doucement les murs, avec le mouvement de la vie. Là, dans cet entre-deux, simplement disponible.

Alors, plutôt que de vouloir à tout prix clore l’année écoulée ou de nous précipiter dans celle à venir, pourquoi ne pas nous arrêter un instant sur le seuil lui-même ? Respirer. Ressentir. Être là. 

Plutôt qu'être uniquement obsédé par l'autre rive, savourer la traversée du pont.

Entre rappel du passé et préparation de l’avenir, garder une page blanche pour laisser le présent s’écrire.

Janus nous invite à habiter cet espace, à écouter ce murmure entre deux battements. Là où nous sommes pleinement vivant·es, ici, maintenant.

Tendresse, justice, lumière et joie à vous toutes et tous

Ilios Kotsou

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