samedi 28 mars 2015

Nos capacités à la compassion par Tania Singer


Les neurosciences sociales viennent confirmer ce que les traditions religieuses savaient déjà : nous avons une grande faculté de changement, mais notre devoir est de savoir dans quel but nous travaillons à ce changement. Se transformer soi-même, s’entraîner à la compassion, c’est d’abord dans la perspective de faire reculer la souffrance et de développer des valeurs éthiques dans la société. Plus on s’exerce à la bienveillance et à la sollicitude envers autrui, plus on renforce des comportements de coopération. Six ou neuf mois d’exercices quotidiens vous ouvrent déjà le cœur. Vous avez donc entre les mains un outil très puissant pour développer une société plus équitable et un monde plus positif et coopératif. Si au lieu d’être motivé par le pouvoir ou la performance notre cerveau est motivé par l’amour bienveillant, si vous remplacez la menace et la compétition par la confiance, cela oblige à repenser vos modèles économiques, construits sur l’idée que l’homme est essentiellement égoïste et agit toujours dans son intérêt. En vous changeant vous-même, vous pouvez aussi changer les institutions…

Nos recherches montrent qu’on peut redécouvrir ce qu’on a déjà naturellement en nous. Le care system, quand on l’active, ça marche ! J’aimerais montrer que chacun a en soi cette capacité à l’altruisme et au soin de l’autre. Sinon, on ne s’occuperait pas de nos enfants. Même le chat, quand il lèche ses petits, a cette faculté. Et nous, en plus des animaux, nous avons la capacité d’étendre notre attention à ceux que nous n’aimons pas. Cela commence naturellement avec nos proches, mais nous pouvons étendre aussi notre altruisme au monde. Je ne suis pas pratiquante d’une religion, je ne suis pas bouddhiste, mais j’y crois : ouvrir les portes du cœur, développer une meilleure compréhension d’autrui, c’est l’enseignement des sagesses, mais ça n’est pas spécifiquement religieux, c’est la base de l’humanité. Entraîner notre esprit à plus d’amour bienveillant et à plus d’altruisme, c’est un processus de transformation à la portée de chacun.

Tania Singer
chercheuse en neurosciences et directrice du département des neurosciences sociales à l’institut Max-Planck de neurologie et des sciences cognitives, à Leipzig