samedi 6 septembre 2008

Ani Chöying Drolma, nonne et diva...


"Je crois en la compassion. Quels que soient les circonstances, l'endroit et les gens, j'essaie de la pratiquer, d'être aimable et réfléchie". Je m'efforce de ne pas perdre ces valeurs essentielles et de diminuer autant que possible la douleur autour de moi."
"C'est que cette nonne népalaise de 37 ans ne se contente pas de chanter. Elle milite aussi pour l'émancipation des petites filles de son pays, le Népal. Chez moi, les gens sont pauvres et illettrés. Les petites filles ne vont pas à l'école et travaillent à la maison. Puis elles sont mariées et deviennent des esclaves domestiques, raconte-t-elle. Ce sort aurait dû être le sien. Fille aînée d'un couple tibétain ayant émigré au Népal, la petite Chôying a grandi à Bodnath, à quelques kilomètres de Katmandou. En mangeant à sa faim, mais sans jouets ni joies et, surtout, sous les coups de son père, sculpteur d'images religieuses et tyran familial. À 10 ans, j'ai décidé que je ne me marierais jamais et que plus personne ne lèverait la main sur moi , écrit-elle aujourd'hui dans son livre, Ma voix pour la liberté. Comment ? En devenant nonne.
C'est ainsi qu'elle rejoignit, à 13 ans, le monastère de Nagi Gompa et devint Ani (soeur en tibétain) Chöying, disciple du respecté Tulku Urgyen Rinpoché. Il était humble, chaleureux, compréhensif et attentionné. Il était mon maitre, mon père, mon meilleur ami. Il est mort, mais il reste mon refuge et mon guide. Entre méditation, promenades dans la montagne et cours de langue avec les visiteurs occidentaux du monastère, l'enfant blessée réapprit à vivre... avec appétit. Détectant le caractère de feu de sa disciple favorite, le maître, bienveillant, toléra ses pas de salsa dans le monastère, l'encouragea à voyager et à exploiter son don vocal. En 1996, un musicien américain de passage à Nagi Gompa entendit les mantras de la jeune fille. Séduit, il lui proposa l'enregistrement d'un disque et une tournée aux États-Unis.
Depuis, l'infatigable nonne a sillonné la planète et érigé, avec l'argent des concerts, une école pour les jeunes nonnes : À la différence des moines, elles ne sont pas éduquées et ne peuvent pas enseigner. Elles sont censées rester prier au monastère. À l'Arya Tara School, j'ai 60 élèves de 7 à 22 ans. Je les pousse à aller à l'université ou à s'impliquer dans un projet social dans leur village. Des projets, AniChôying n'en manque pas. Dernièrement, on l'a ainsi vue sillonner la vallée himalayenne au volant de sa Jeep (elle fut la première nonne à conduire en 1996 !), à la recherche d'un emplacement pour un hôpital. C'est pour en financer la construction qu'elle a accepté d'écrire son autobiographie, avec un pragmatisme qui lui valut le surnom médisant de "Business nonne".
J'ai conscience d'être atypique. Parfois, il m'arrive d'être en colère contre l'injustice et la méchanceté, souvent fruits de l'ignorance. Mais je comprends vite que ce n'est pas constructif et que je suis la seule personne qui puisse m'aider. À moi d'agir pour convaincre les autres et retrouver la paix. Y compris avec son père, dont elle s'est occupée avec amour jusqu'à sa mort. Je lui ai pardonné. La pratique du bouddhisme nous apprend à considérer notre ennemi comme un enseignant. Ce que je suis, je le dois à mon père et je lui en serai toujours reconnaissante. Il me manque tellement... Aujourd'hui, rien n'irrite plus Ani Chôying que les enfants qui abandonnent leurs parents dans la vieillesse et le dénuement. "
(extrait d'un article du Magazine 3286 de "La Vie")