vendredi 7 octobre 2022

But de la thérapie

Ci-dessous un extrait du roman d’Anne Parillaud « Les abusés ». Ce roman décrit la descente aux enfers d’un couple dont la femme est une abusée et l’homme un pervers manipulateur. 

Dans l’extrait suivant, l’héroïne est admise en hôpital psychiatrique suite à une tentative de suicide.  Il s’agit de sa rencontre avec le psychiatre qui va la suivre, celui-ci lui décrivant le travail qu’elle aura à faire pour émerger de ses souffrances. Je trouve ce texte très éclairant sur le but de la thérapie :

« Où avez-vous enfermé la petite fille ? Celle que vous avez empêchée de grandir, de vivre ? Vous ne savez plus, j’imagine. Et même si vous le saviez, sans doute avez-vous perdu la clef de ce secret. Ce n’est pas grave, ensemble on la retrouvera ou on en fabriquera une nouvelle. Car aujourd’hui c’est vous qui êtes enfermée, mais elle qu’on doit libérer, cette victime innocente que vous avez bâillonnée pour l’empêcher de crier à l’injustice, de hurler à l’aide. Or, malgré vos stratagèmes, elle n’a cessé de vous supplier pendant ces années et vous l’avez rejetée, comme peut-être l’avaient fait votre père et votre mère. Délivrez-la ! Prenez-la dans vos bras ! Aimez-la comme elle vous aime, car jamais elle ne vous quittera. Pourquoi vous cacher pour pleurer ? Ce sont des larmes, entendez-les couler. C’est le seul moyen qu’elle a trouvé pour ne pas être oubliée. Même grand, nos pleurs demeurent ceux de l’enfant abandonné avec ses blessures. Ne l’abandonnez pas une nouvelle fois, répondez à son appel. Ne soyez pas prisonnière du passé mais son héritière. »

[…]

« Avant de découvrir la vérité sur l’autre, découvrez celle sur vous-même. Tel est le défi que nous devons relever si vous acceptez que je vous accompagne dans le voyage qu’est l’exploration de la souffrance. Se connaitre est le commencement de la délivrance, seule cette connaissance permettra d’instaurer la paix dans votre esprit. Le pire ennemi de notre liberté réside en nous, l’homme est plongé dans un demi-sommeil, vit dans l’univers des rêves ; alors qu’il se croit libre et pensant, il est l’esclave de son inconscient. Toutefois l’homme peut se réveiller et s’évader de sa prison. Mais pour cela il doit comprendre qu’il n’est pas libre et possède le besoin impérieux de vouloir l’être. Établir la vérité sur soi, c’est reconnaître progressivement ses limites, ses vices, ses petits ou grands esclavages, son impuissance. Seulement cette découverte ne doit pas vous faire rebrousser chemin, ne pas être une occasion de repli sur soi, de découragement, de régression ou d’agressivité. Au contraire, il faut qu’elle favorise une avancée sur la voie de la libération, vous aide à sortir des langes de l’enfance qui comme on peut le suspecter, étaient sales. Elle ne doit pas davantage vous mettre en peine, en constatant que vous êtes la faiblesse même. A l’inverse, c’est en elle que vous vous élèverez. Alors attendez-vous à démasquer chaque jour de nouvelles imperfections. Comme on ne se délivre jamais des blessures, autant les accueillir. Se révéler à soi-même c’est arrêter de jouer à Colin-maillard avec son âme, c’est dénouer le bandeau et ouvrir les yeux à la lumière crue, même si elle vous frappe en plein visage. Si nous ne cherchons plus à la fausser mais à l’améliorer, la clarté sur nos défauts donne de la grâce à notre personnalité. L’objectif n’est pas, en fait, de trouver la vérité, mais de faire la paix avec elle. Comprendre pourquoi, comment se sont développés le secret ou la folie, et se délester de la culpabilité. Vous étiez prête pour une mort physique, commencez par la mort psychologique, par tuer ce personnage, l’égo que vous vous êtes construit avec des croyances, des identifications, des dépendances et leurs contenus destructeurs.  C’est déstabilisant d’effacer ses repères, tous les aménagements de surface s’écroulent. Et vivant un tel effondrement psychique, on est ramené vers les profondeurs, mais chaque fois qu’on s’en approche on fait tout pour s’en éloigner à nouveau. Comme une araignée qui retisse sa toile lorsque celle-ci a été en partie détruite, on reconstruit cette fausse identité parce que le passé garantit notre sécurité. Sans lui on a l’impression de ne devenir rien, de perdre tous les liens, tous les gains, de se dissoudre, or c’est au contraire pour mieux renaître.

J’ai moi-même traversé cette mort, donc je peux vous guider. Mais avant la résurrection, il y a la crucifixion. Lorsque vous aurez le courage et la volonté de vous débarrasser de l’illusoire pour embrasser le vrai, de vous confronter au risque de vivre et non de survivre dans les coulisses de l’existence, de parcourir les provinces de la psyché et d’en pénétrer les obscurités, de me suivre en terre inconnue, je serais là. »

Thierry Lepage

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