mercredi 8 août 2012

Les invités au Festin avec Marie-Noélle Besançon

Depuis mon enfance, la spiritualité chrétienne est très présente dans ma vie. J'ai toujours cherché à donner du sens à mon existence. Un jour, ma quête spirituelle m'a amenée vers ces personnes dites « malades mentales ». *
À l'origine de cette action, il y avait un souffle, une énergie qui me dépassait, un acte de foi. Je me suis sentie appelée à créer Les Invités au Festin. Dans ces petites maisons, à dimension familiale et fraternelle, nous vivons des valeurs de citoyenneté et de fraternité. Nous considérons l'autre comme un frère humain. Je rejoins Karlfried Graf Dùrckheim, lorsqu'il dit que nous sommes à la fois humain et divin. 
La spiritualité me permet de descendre dans une intériorité profonde et de dépasser le niveau de l'ego. 

Les Invités au Festin est une expérience innovante à la fois très belle et difficile. C'est une voie particulière que de vivre avec des personnes en grande difficulté. Être habitée en permanence par la lumière du Divin est humainement impossible. La vie spirituelle est faite de consolation mais aussi de périodes très éprouvantes. C'est un chemin tortueux sur lequel nous avons besoin d'une boussole, d'une lampe, d'un guide.

Ma voie est celle du christianisme, avec ses textes, ses psaumes. ses prières. Je prie le matin et le soir. Chaque dimanche, et parfois dans la semaine, je participe à la messe. Je me sens très attirée par la Présence manifestée dans le Saint-Sacrement. Dans la journée, ou de manière plus intensive lors d'une retraite spirituelle, j'essaie de prendre des temps de recueillement. Je m'intériorise pour rencontrer Dieu en moi. Je lis des passages de la parole biblique ou de maîtres spirituels. Je me laisse toucher, bouleverser par cette Parole de consolation qui m'apaise et m'aide à comprendre ce que je vis dans ma vie ordinaire, dans mon couple, avec mes enfants et Les Invités au Festin. 

Pendant trois années, j'ai perdu le lien avec la dimension spirituelle. Je me sentais comme Mère Teresa, qui avait perdu la relation à Jésus lorsqu'elle s'est retrouvée dans la rue. J'étais dans le fossé, envahie par une ombre. Je me demandais où était Dieu. C'était incroyable, après la puissance de foi qui m'avait engagée dans cette expérience des Invités au Festin ! Cela a été une épreuve.

Aujourd'hui, à l'âge de soixante-trois ans, je vis avec une grande intensité la dimension intérieure. Elle m'apporte beaucoup d'amour. Sans elle, je serais incapable d'aimer les personnes qui m'entourent. Je me sens traversée par cet amour de Dieu. Dieu me donne une patience, une bonté, une ouverture. Il m'offre les fruits de son amour. C'est très difficile de vivre en communauté, de porter des gens différents de nous qui ont des problèmes, et de mener ce combat au niveau de la société pour changer les mentalités et le regard sur les personnes en souffrance psychique. 

Les difficultés peuvent me rendre impatiente, irritable ou négative. Mais la présence de la spiritualité donne du sens, de l'efficacité, de la fécondité à mon action. Cela change tout dans ma relation avec les gens. Cette manifestation de l'essentiel est comme un lac, une nappe souterraine qui m'anime en permanence. 

Aux Invités au Festin, je suis consciente qu'il me faut décupler de forces spirituelles et d'énergie, mais j'en reçois encore plus en retour. C'est passionnant, merveilleux, un bonheur ineffable ! 

(revue Sources n°18)
Marie-Noélle Besançon est psychiatre. Il y a vingt ans, avec son mari Jean, entrepreneur social, elle a fondé l'association Les Invités au Festin,
et créé La Maison des Sources, un lieu de vie communautaire où des personnes dites « normales vivent aux côtés de personnes souffrant de troubles psychiques et sociaux, dans le but que celles-ci retrouvent toute leur place dans la société.