dimanche 30 mars 2008

Shakuhachi par Joshin Luce Bachoux

La nuit venue, le vent chante dans les grands pins qui entourent le temple aux tuiles grises et fait naître en moi la nostalgie d'une autre musique : le shakuhachi, la flûte de bambou rapportée de Chine par les premiers moines bouddhistes. De temple en temple, moines vagabonds, ils allaient, jouant dans les bois et dans les villages. C'était leur hommage, leur prière, leur dévotion aux êtres et au monde.

Ils se sont tus aujourd'hui, mais, ici ou là, un musicien nous offre encore parfois le son émouvant de cette flûte : la note s'élève, à la fois rugueuse et cristalline, et c'est le vent qui se lève... Elle s'épanouit et le soleil d'été nous réchauffe. Elle retombe et toute la pluie et la grisaille de l'automne nous enveloppent...

Dans le creux de ses silences j'entends les longues soirées de neige ; dans son chant, les premières feuilles du printemps, le début et la fin de toute chose. J'entends aussi la douceur et la patience de l'artisan qui a creusé le bambou, lui laissant, s'il est habile, toute la force et l'élan de la nature.

C'est le tout premier chant, recueilli par l'homme lorsqu'il s'ouvrit au monde ; c'est aussi communion : dans le son de la flûte, j'entends le souffle de celui qui joue, sa patience et son humilité - car il sait qu'il ne fait rien d'autre que faire apparaître ce qui est déjà là...


extraits du texte de Joshin Luce Bachoux (nonne bouddhiste qui anime "la Demeure sans limites", en Ardèche) de l'hebdomadaire "La Vie" n°3265.

Musique japonaise interprété par Yoshio Kurahashi et Liu Fang

"Le son de la flûte
est retourné au bambou :
forêt"

haïku de Paul Reps