jeudi 16 janvier 2014

Transmission avec Denise Desjardins (2)


Avec le grand âge, je me sens dans une transparence bienveillante. J’ai perdu en mobilité, certes, mais gagné en compréhension...


Cette recherche d’absolu, je l’ai racontée dans mes livres : le départ en Inde, la rencontre avec la sainte indienne Mà Ananda Moyî et les bouddhistes tibétains, mon travail avec Svâmi Prajnânpad, qui enseignait l'Advaita Vedânta... Je recherchais ardemment ce qui se dégageait d’eux : l’éveil et la sérénité.

Depuis toujours, j’étais en effet souvent envahie de peurs irraisonnées, j’étais rebelle et souffrais d’une grande difficulté relationnelle avec ma mère. Quand je suis partie en Inde dans l’ashram de Svâmi Prajnânpad, j’ai osé un jour lui révéler la vérité : malgré les heures de méditation, chaque fois que je devais voir cette femme, j’étais envahie de terreur. Cela lui apparut alors évident : cette hostilité vis-à-vis de ma mère était un empêchement à ma vie intérieure. M’en libérer était devenu incontournable.
Cela prit des années. De longues heures d’exploration intérieure et de dialogue avec mon maître, notamment à travers les « lyings », ces sessions allongées, véritables catharsis émotionnelles qui, grâce à l’association libre, m’ont permis d’accéder aux strates inconscientes de mon être. Je n’ai jamais autant pleuré ! Peu à peu, un événement enfoui se révéla. Un moment de violence extrême que ma mère avait eu envers moi, alors nourrisson, et qui devait aussi faire écho à ces expériences antérieures auxquelles se réfère notamment le bouddhisme.

Cette révélation expliqua mes terreurs. Par la suite, je commençai peu à peu à ne plus me sentir ballottée par mes émotions. J’ai plus tard décidé de redonner ce que j’avais abondamment reçu, et encore aujourd’hui, à 90 ans, je reçois en « lying » une personne presque chaque jour. Avec ce grand âge, je me sens dans une transparence bienveillante. Tout ce qui a été ma « personne » a d’une certaine manière disparu : je ne suis plus une peintre, une épouse, une mère... J’ai perdu en mobilité, certes, mais gagné en compréhension. Le désir de délivrance intérieure qui m’a guidée toute ma vie, avec rage et détermination, s’est transformé en pure compassion pour ceux qui cherchent à se transformer.



Ainsi, je ne désire ni une fin prochaine
Ni un éventuel prolongement de mes jours
Mais j'accepte de jouer loyalement
Le dernier acte du long théâtre de ma vie
Où j'ai fait le plein d'actions, de sensations
Le plein de donner, le plein d'aimer,
Le plein de recevoir.
Que ma façon de me comporter et mon équilibre
Me permettent d'attendre paisiblement
Le moment où je quitterai cette existence,
Tel est aujourd'hui, mon souhait. 

(Uzès, mai septembre 2012)