dimanche 30 juin 2013

La cinquième saison par Joshin Luce Bachoux

Tout comme le bruit de la pluie nourrit le silence, la luxuriance de la nature emplit le cœur et l’apaise après l’hiver. Le monde est un, et nous en sommes un rameau.


"Ploc, ploc, ploc..." Les gouttes de pluie frappent les toits de tuiles grises, rebondissent sur les gouttières, dégoulinent le long des cloisons en bois, creusent des rigoles dans le jardin au milieu des graviers blancs bien ratissés et des pins centenaires tout tordus. Le monde entier est pluie, tantôt pluie qui effleure avec légèreté chaque feuille et chaque brin d’herbe, tantôt pluie qui frappe avec force tous les obstacles qui l’empêchent de rejoindre la rivière et de basculer sur son passage rochers et racines...

C’est la cinquième saison du Japon, commencée depuis ce qui me semble un temps sans origine : fleurs de pêcher et pluie sans fin qui brouille tous nos repères. Ni jour ni nuit, le temps semble transformé en eau qui s’écoule, s’est écoulée de toute éternité. Imperceptiblement, notre vie a changé : il semble que nous marchions plus doucement, que ces grands pas décidés, pressés, habituels aux temples zen, aient laissé place à un glissement, un frôlement peut-être : nos pieds devenant aussi légers que les gouttes sous lesquelles ploie à peine la feuille de bambou... Nous ne parlons plus, mais nous chuchotons, laissant la première place aux crépitements, éclaboussures, friselis qui emplissent tout l’espace. Le silence de la salle de méditation s’est fait, paradoxalement, plus profond d’être ainsi accompagné : les petits craquements du bois, les froissements des vêtements, le bruissement imperceptible des tatamis de paille sous le poids des corps, tout s’est effacé. Chaque respiration me semble rythmée par un univers entier transformé en eau.

Les gestes se ralentissent, le temps s’écoule autrement, s’étire comme les gouttes sur la vitre. La fin de mon séjour dans ce temple japonais approche, bientôt, c’est le retour en France et j’avais espéré que ce moment me permettrait de me plonger dans l’étude, de mettre à jour les notes prises pendant les enseignements du Maître, de vérifier des mots dans mon dictionnaire de japonais. Mais à peine ai-je ouvert un livre que mon regard s’égare, se perd dans le rideau d’argent qui enveloppe toutes choses. À travers les trouées de brume, sous la caresse de la pluie, taillis, mauvaises herbes, ronces, fleurs sauvages, échappées de prairie... tout resplendit, brille, s’agite et respire cette eau délicieuse. La mousse semble s’étaler à vue d’œil, émeraude riche et épaisse sur les rochers striés de veines luisantes, ou fin lichen couleur de bronze sur le tronc des cryptomères. A-t-il jamais existé un monde qui ne soit pas vert?

Tout comme le bruit incessant de la pluie finit par nourrir le silence, la luxuriance de la nature emplit le cœur et l’apaise après des mois d’hiver en noir et blanc. Le monde est un, et nous en sommes un rameau. Dans cette solitude choisie et dans la recherche qui nous guide, nous savons que nous réagissons à tout ce qui nous entoure. Cette eau qui baigne feuilles et racines est pour nous aussi nourriture et pureté. Nous participons du renouveau de la nature et le silence qui peu à peu s’est infiltré dans nos gestes, nos paroles et notre esprit, signifie peut-être qu’il est un temps pour recevoir et absorber avant de reprendre l’activité coutumière.

"Ploc, ploc, ploc... " Je ferme les yeux en me laissant porter par ce rythme tranquille ; mais, dans mon demi-sommeil, un changement soudain me fait dresser l’oreille : j’ai entendu ma voisine se retourner dans son lit. Un instant, je perçois aussi un bruit de pieds nus sur les marches : la pluie s’est arrêtée, et je me sens vaguement inconfortable, j’ai l’impression d’avoir perdu le fil d’une présence. Heureusement, "ploc, ploc, ploc...", je suis bercée de nouveau et m’endors. Demain encore, le monde sera vert...

samedi 29 juin 2013

Vérité de l'accueil d'un regard



Tourne ton visage vers ton propre visage.

Il n’y a personne que toi-même.

Rûmi

vendredi 28 juin 2013

Le Soi avec Swami Tejomayananda

« O Arjuna, celui qui, dans l'unité du Soi, voit toutes choses égales, que ce soit le plaisir ou la peine, est considéré comme le plus grand des yogi. »

Le plus grand des yogis n'est pas celui qui vole dans les airs, marche sur l'eau ou lit dans les pensées d'autrui, c'est celui qui considère tous les êtres et toutes les choses comme son propre Soi. Il voit tout dans le Soi. Lorsqu'un être considère toutes les créatures comme son propre Soi, leur bonheur est son bonheur, leurs souffrances sont ses souffrances.

La façon dont je me perçois détermine ma vision du monde : si je me considère comme un homme ou une femme appartenant à telle ou telle catégorie sociale, à tel pays, à telle religion. je regarde le monde à travers ces idées et vois les autres à travers les différences qu'elles créent. Mes préjugés vont colorer le monde, et je peux ainsi penser que mon pays est le plus grand, ou que ma religion est supérieure... 
Cependant, si je me perçois d'abord comme un être humain. alors je ressens une unité avec le vivant : oiseaux, animaux, arbres et plantes. Et, avant d'agir, je serai conscient de l'impact de mes actions sur ce vivant.

Toute pensée naissant dans l'esprit qui est identifiée au soi individuel n'est jamais l'expression de la pensée juste. Je suis sur la voie de la pensée juste uniquement lorsque, m'élevant au-dessus du petit ego et de mon identification limitée, je me préoccupe du bien-être collectif.

Swami Tejomayananda
Revue Source n°22

jeudi 27 juin 2013

La justice contre la force... avec Nelson Mandela

« En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d'en faire autant. »
 Nelson Mandela 
Extrait du Discours d’investiture - 10 Mai 1994


mercredi 26 juin 2013

Des plantes pour la santé avant l'été

Quelques conseils avec les plantes estivales
 (pissenlit, caroube, frêne, bruyère, reine des près...)

mardi 25 juin 2013

Sur la route spirituelle avec Gilles Farcet

Né en 1959, ancien journaliste, producteur à France Culture, Gilles Farcet a publié, seul ou en collaboration, une quinzaine d’ouvrages. Il se consacre aujourd’hui, dans la lignée d’Arnaud Desjardins, à transmettre l’esprit d’éveil.

Très jeune, Gilles Farcet a entamé une recherche spirituelle intense avec l’intention de suivre une voie ancrée dans la vie quotidienne. Outre qu’elle l’a amené à devenir l’un des proches élèves puis colla­borateur d’Arnaud Desjardins, elle l’a aussi conduit à nouer des liens étroits avec divers instructeurs (Yvan Amar, Lee Lozowick, Amma...) et nombre de complicités marquantes avec, entre autres, Alejandro Jodorowsky ou Allen Ginsberg.
Il revient ici sur son propre parcours : riche itinéraire, du monde du journalisme et de l’édition à celui de la transmission spirituelle, de Paris à l’Inde en passant par l’Amérique du Nord.
À la fois récit et essai, ce livre alterne la narration d’une singulière aventure humaine fourmillant de souvenirs et d’anecdotes, et une réflexion approfondie sur la voie spirituelle, ses fondements, ses étapes, ses pièges ou illusions. Le tout donne un témoignage fort sur une quête spirituelle ancrée dans notre temps, originale et sans frontières.


En présent, un extrait du témoignage de Gilles Farcet 
à propos des Lyings avec Denise Desjardins. 
(tiré du DVD "De la révolte au lâcher-prise : Denise Desjardins" 
de Guillaume DARCQ)

Swami Prajnanpad disait "le lying, ce n’est pas se souvenir, c’est revivre intensément".

lundi 24 juin 2013

dimanche 23 juin 2013

Le souci de l’être avec Philippe Mac Leod

Et si nous cessions de vouloir l’action à tout prix, l’engagement, la résistance ? Et si nous nous contentions d’être, tout simplement, présents aux autres ? Par Philippe Mac Leod

Être : une exigence. Adhérer plus fortement, plus étroitement à ce principe de croissance inscrit en nos cœurs et qui consiste à accéder à une présence toujours plus vraie, plus vivante et plus réelle. L’être ignore la stagnation. C’est une tension vers la présence, un élan inachevé vers la plénitude du réel. J’entends toujours les mêmes objections : la responsabilité, l’engagement, le service du prochain... Comme si le souci de l’être pouvait entraîner une sorte d’indifférence au monde et aux autres. Il creuse un certain détachement, une distance qui inspire la suspicion, mais qui très vite s’affirme comme un espace de clarté et de vérité où chaque chose reprend sa place et sa taille.

Nous préférons la visibilité, l’immédiateté du geste. Au risque de la turbulence et de la perte du sens. Nous ne jurons que par l’efficience, le concret, le résultat à tout prix, sans nous préoccuper du goût et de la valeur nutritive des fruits que nous produisons. Pires que Thomas, nous ne croyons finalement qu’au tangible, au palpable, à la monnaie sonnante et trébuchante.
Évoquer l’être est souvent compris comme une atteinte à l’activité humaine. Nous ne mesurons pas combien l’écoute, l’attention aux autres comme à soi-même nécessite de présence active. Que l’on examine seulement la qualité de notre attention : quelle absence, la plupart du temps, quel vide à la fin d’une journée !

Pourtant, si nous vivions davantage dans l’être, notre vie aurait plus de sens. Etty Hillesum (1914-1943) a vécu une conversion fondamentale. Au cœur de la Seconde Guerre mondiale, cette jeune femme juive a préféré la consistance de l’être à l’effervescence de la vie. Elle notait dans son journal : " Mon faire consistera à être. " Cet enracinement paradoxal dans l’être lui a permis de se tenir debout, toujours présente aux autres, jusqu’aux heures décisives d’Auschwitz. Alors que l’action n’était plus une priorité, le jaillissement spontané d’elle-même à l’être l’avait rendue à sa vérité.

" Être présent à cent pour cent ", écrit-elle encore. Une quête de plénitude l’anime, plus qu’une quête de sens. Une quête de stabilité intérieure, une soif de réalité, en réaction à l’extrême dispersion de la vie. Le problème de nos existences n’est pas tant le manque de sens que l’inconsistance de nos intérêts, de nos soucis, des menus plaisirs que nous poursuivons et qui nous émiettent. C’est l’essentiel que nous avons perdu, comme un squelette qui nous manque cruellement quand nous cherchons à nous redresser. Il serait vain de vouloir ranimer le dilemme désuet de l’être et du faire, l’opposition artificielle entre Marthe et Marie, l’engagement et le recueillement. Mais il faut nous méfier des fusions aussi rapides que superficielles, où l’on croit dépasser les contraires en les niant. L’équilibre est dans la hiérarchisation des valeurs, selon un axe bien net : être d’abord, être uniquement, totalement, afin que le faire devienne l’expression naturelle de ce que nous sommes.

Ces deux valeurs demeurent complémentaires, mais l’une doit dépasser l’autre. Si l’on persiste à les croire d’égale importance, il y aura nécessairement illusion. Car elles exercent une lutte qui nous échappe, où le paraître finit toujours par l’emporter. À nous donc de choisir à laquelle donner la primauté qui orientera toute notre existence. Or l’extériorité ne peut pas avoir la primeur sur toute une vie. Le besoin de visibilité, de reconnaissance à tout prix, devient alors une tyrannie qui ruine toute profondeur, et finalement toute crédibilité.

source : La Vie

vendredi 21 juin 2013

jeudi 20 juin 2013

Souffrance et pleine conscience avec Thich Nhat Hanh

J'ai découvert cette vidéo que je vous partage sans y toucher :
Enseignement du Maitre Zen Thich Nhat Hanh, fondateur du Village des Pruniers .

mercredi 19 juin 2013

Les amitiés célestes avec Jacqueline Kelen

"Toute amitié est le fruit de la grâce"

Spécialiste des mythes de la tradition occidentale, Jacqueline Kelen a publié Les amitiés célestes. Un récit sur le lien profond unissant quelques grandes figures du christianisme.

Comment définissez-vous l’'amitié ?
L'amitié est une vertu. Dans l’'Antiquité grecque, puis avec le christianisme, elle revêt une forme de transcendance, de verticalité. Elle invite à l’élévation morale qui permet de cheminer vers le bien. Aujourd’hui, nous en faisons un lien sentimental : rendre service, partager des joies, être bien ensemble.

Peut-on parler d'amitié inattendue ?
Toute amitié me paraît inattendue. Elle est le fruit du hasard, du destin, de la grâce. On la nourrit ou on la laisse dépérir. Elle n’est pas volontaire. Quelqu’un peut avoir des qualités humaines et ne jamais rencontrer un ami. Il s’agit d'’un lien d’élection unique entre deux personnes.

Dans votre ouvrage, vous étudiez les amitiés spirituelles. Certaines sont loin d’être prévisibles…...
L’amitié spirituelle peut être immédiate, un coup de cœoeur, comme celle qui existe entre Guillaume de Saint-Thierry et Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle. En revanche, tout oppose Ignace de Loyola et François-Xavier. Ils fréquentent le même collège à Paris, dans les années 1527, mais Ignace est introverti, boiteux, moche, alors que François-Xavier, chevalier sportif, champion de saut en hauteur, aime les cabarets. Il faudra plusieurs années pour sceller leur entente.

Au XIXe siècle, en Allemagne, lorsque Clemens Brentano, brillant mondain collectionnant les conquêtes féminines, rencontre Anne-Catherine Emmerich, une paysanne inculte, lamitié n’est pas immédiate. Il vit un chemin de perfectionnement à l’écoute de cette femme très simple et se met au service de la vision de la mystique, avec sa plume et son talent. Il permet ainsi aux révélations divines d’Anne-Catherine d’'arriver jusqu’à nous.

Le très catholique Paul Claudel et le romancier Romain Rolland, attiré par la spiritualité de lInde, s’affrontent dans une relation forte et difficile, proche d’un combat, et pourtant il sagit bien d'’une amitié spirituelle qui s’enrichit des clartés autant que des questions essentielles échangées par les deux amis.

■ Jacqueline Kelen, érivain et essayiste, auteur d’une trentaine d’'ouvrages. Notamment Aimer d'’amitié. Comment lamitié enseigne à aimer, Éd. Robert Laffont, 2005 ; La puissance du cœoeur, Éd. La table ronde, 2009 ; Les Amitiés célestes, Éd. Albin Michel, 2010,

 source : Pélerin

mardi 18 juin 2013

Swami Prajnanpad et Arnaud Desjardins

Hommage à un jour de naissance...

Certaines voies ne sont pas concevables en dehors du cadre religieux qui est le leur. D’autres ont immédiatement une valeur universelle. Parmi les sages auprès de qui j’ai vécu plus ou moins longtemps, Swâmi Prajnanpad n’a pas été pour moi un maître mais mon maître, ou plutôt il a bien voulu que je sois son élève.
C’était un Indien — j’ose à peine dire un Hindou tant son enseignement (adhyatmayoga ou en anglais adhytmic tradition), même fondé sur les Upanishads, le Yoga Vashishta et d’autres écritures moins connues, transcendait les formes religieuses.
Par tradition familiale, il fut un grand sanscritiste, puis un professeur de sciences avant d’abandonner le monde pour devenir sannyasin et atteindre la perfection du guru. C’est lui qui m’a guidé année après année, sur le chemin de l’expérience vécue.

Arnaud Desjardins - Les Chemins de la Sagesse

Swâmi Prajnânpad, je l’ai dit souvent, avait fait des études correspondant au niveau universitaire de physique et de chimie et il employait cette comparaison : si, dans une solution, on augmente la quantité d’un sel jusqu’à ce qu’on atteigne la saturation, à ce moment-là se produit brusquement un phénomène qui a été lentement préparé et qui s’appelle la cristallisation, c’est-à dire la formation des cristaux. Cette loi naturelle se retrouve à tous les niveaux. 
Les lois du monde physique sont aussi les lois du monde subtil : les matières subtiles peuvent s’accumuler à l’intérieur d’un être humain par la pratique de la vigilance et du non-conflit émotionnel (le oui à ce qui est) et, quand une certaine saturation est atteinte, elles cristallisent. 

Nous sommes encore sur le plan du monde phénoménal, mais phénoménal subtil, et cet homme a donc un corps subtil autonome à l’intérieur du corps physique qui imprègne (to permeate) le corps physique mais qui est d’un niveau de réalité plus subtil. Il peut exister par lui-même au lieu d’être amorphe, informe, formé – déformé – reformé comme un kaléidoscope, suivant ce qui entre ou ce qui sort des énergies qu’on n’est pas capable de conserver faute de vigilance.


Arnaud Desjardins - A la Recherche du Soi - IV. Tu es Cela 


Marine, une sainte moine...

Le 18 juin, les chrétiens fêtent les Marine. Une sainte qui vécut toute sa vie sous l'identité d'un moine !


« La Déguisée »
Marine serait née en Bithynie, région de l'actuelle Turquie, au VIIIe siècle après J.-C. Son père, qui était veuf, décida de devenir moine quand Marine avait 17 ans. Cependant, sa fille lui manquait tant qu'il voulut l'avoir auprès de lui. Mais comment faire, puisque le monastère était réservé aux hommes ? Il coupa les cheveux de sa fille, l'appela Marin et demanda au père abbé de bien vouloir accueillir son « fils » unique. On surnomme donc souvent cette sainte « Marine la Déguisée ».

« Accusée à tort »
Avant de mourir, son père lui fit promettre de garder son secret. Or, une jeune voisine du monastère attendait un enfant toute seule. Le père était en réalité un soldat qui n'avait pas voulu rester avec elle, mais la jeune fille dit à tout le monde qu'il s'agissait de « Marin ». Le pauvre « frère » fut alors renvoyé du monastère. Plutôt que de trahir son père, « Marin » garda le silence et accepta de s'occuper du bébé pendant plusieurs années.

« Le secret révélé »
Devant la douceur de son caractère et son application à prier, les frères décidèrent de faire revenir « frère Marin » parmi eux. « Marin » devint le serviteur du monastère. Mais, épuisé par le travail, « il » finit par tomber malade et mourir. C'est au moment de l'enterrer qu'on découvrit la vérité. Alors, les moines regrettèrent d'avoir fait souffrir Marine injustement et réalisèrent à quel point elle avait aimé Dieu sans jamais se plaindre.

dimanche 16 juin 2013

Prosopopée de la Canette avec Benoît Billot

Je suis née, moi aussi, d'un ventre, celui de la Terre. Je faisais partie d'un filon métallique bien caché dans les profondeurs et enveloppé de sa gangue. Je n'existais pas en tant que canette, je n'étais qu'un grand tout indifférencié ; mais puis-je dire je » pour cette époque de mon existence ?

Je-nous reposions là depuis des milliers de millénaires, dans une obscurité dont nous n'avions pas la moindre conscience, en attente... de quoi, au juste? Et puis un jour (je ne savais pas, auparavant, qu'il y avait des jours et des nuits), dans un grondement effroyable, nous avons été arrachés, fractionnés, chargés, transportés, hissés à la lumière, emportés à une vitesse incroyable vers des bâtiments démesurés et fumants, écrasés, chauffés à blanc... Puis nous avons été fondus, laminés, découpés, travaillés, formatés.

Et c'est là où je suis devenue canette. J'ai senti qu'on versait en moi un liquide frais et odorant, dont j'ai appris plus tard qu'il s'appelait «bière ». C'était bon de me sentir exister, et si intimement pénétrée de cette douceur alcoolisée ! Et me voici emballée avec des centaines de petites sœurs, de nouveau transportée, puis placée sous une vitrine fraîche, dans un magasin de banlieue.

Un homme est passé par là, il a ouvert la porte et m'a prise, moi. Sa main ferme m'a fourrée dans un sac. Joie... j'étais quelque chose pour quelqu'un. Il m'a emmenée jusqu'à une gare, est monté dans le train, s'est assis, m'a attrapée, ouverte, puis a commencé à boire. Il paraissait satisfait. J'étais heureuse, on s'occupait de moi. Mais après m'avoir vidée, il m'a humiliée : ayant fini de boire. il m'a jetée à terre.

Le train accélérait, puis ralentissait, et moi je roulais de-ci de-là. J'ai vu l'homme quitter le train sans faire attention à moi. J'ai encore roulé et, à un arrêt, j'ai été coincée dans la porte du wagon. Le signal de fermeture retentissait, mais je bloquais la porte. Ah ! comme j'étais contente d'empêcher le convoi de repartir ! Au bout d'un moment, j'ai entendu la voix du conducteur qui disait : « Passagers de la troisième voiture, pouvez-vous dégager la porte ? » Un homme s'est déplacé et m'a donné un coup de pied qui m'a projetée sur le quai. Les portes se sont fermées, le train est parti, je suis restée seule, inutile. Plus tard, des enfants avec leur sac sont arrivés de l'école et ont commencé à jouer au foot avec moi. Ils s'amusaient et riaient; de nouveau, j'étais heureuse. Un nouveau train est arrivé et ils sont partis, me plaquant là. C'est alors qu'une dame est passée avec un chariot, elle ramassait des vieux papiers dans un sac, et m'a glissée dans un autre, avec des objets métalliques.

Nous avons été emmenés dans de grands bâtiments fumants, encore ! Et de nouveau. je-nous avons été fondus, laminés, découpés. Par chance, j'ai fait partie d'un bloc de métal qui a été acheté par un sculpteur. il travaillait beaucoup, coupait, formatait, soudait, arasait... Je ne m'y connais pas en art, mais j'étais contente de servir à quelque chose. Puis j'ai été très surprise d'être installée dans une grande salle où beaucoup de personnes passaient, s'arrêtaient. Certaines s'extasiaient en nous caressant délicatement. C'était si doux...

Maintenant, après toutes ces aventures, et dans cette nouvelle situation, j'ai le temps de réfléchir. Il me semble que je ne sais pas bien ce qui est du je, ce qui est du nous. De temps à autre, je vois venir notre artiste, il s'installe fièrement à côté de je-nous, sans même nous regarder. Il semble indifférent aux compliments comme aux silences butés. Il donne l'impression d'exister seul et par lui-même. N'a-t-il réellement besoin de personne ? Est-ce possible ?



Benoît Billot
(source :  La Vie)

samedi 15 juin 2013

Les clochards sont des prophètes avec Philippe Demeestère


Voilà près de 40 ans que mes chemins se mêlent à ceux des sans-abri. Pour parler de ces frères, je n’utiliserai pas la formule conventionnelle : « C’est fou ce qu’ils m’ont apporté. » Car le premier service que nous pouvons attendre des pauvres, c’est justement de nous libérer de toute idée de gain personnel. À travers eux, c’est une perte qui se propose. Perte sans prix des illusions et des grandeurs sans avenir : l’image de soi, la maîtrise de sa vie, la possession, l’accumulation… 

Si le prophète est celui qui trace un chemin de conversion, alors les pauvres sont des prophètes. Ils nous rappellent que c’est quand on a rien que l’on devient libre et que l’on peut alors tout donner.

Philippe Demeestère
(source : La Vie)

vendredi 14 juin 2013

Le savoir être méditatif avec Sharon Salzberg



La souffrance fait partie de la vie. Mais, en général, on n’en parle pas, et c’est une grande frustration. Pouvoir dire sa souffrance est important. Un immense soulagement. Cette première étape autorise à faire, ensuite, quelque chose de sa souffrance. A ne plus la subir. C’est aussi, ça, la méditation. Méditer ne consiste pas à tuer ou à maîtriser l’égo comme beaucoup l’affirment mais à apprendre, à le regarder, à l’accepter, à le transformer, avec tendresse, affection, amour, compassion. La méditation réveille symboliquement ceux qui la pratiquent en les autorisant à entrer, en contact avec leur souffrance, leur honte, leur peur, et avec toutes leurs expériences, bonnes, neutres, ou mauvaises. 

Ce savoir-faire est accessible à tout un chacun. Certains disent échouer quand ils s’y essayent. Mais, en parlant avec eux, je me rends compte que la plupart sont pleins d’idées fausses sur la méditation. Ils croient par exemple qu’en pratiquant deux ou trois fois, leur vie va devenir rose, en un claquement de doigt. Cela ne peut pas marcher. Il n’y a pas de dogme à suivre, de croyance à avoir. Je pratique la méditation pour habiter, pleinement, ce que je suis. Tout ce que je suis. Et, cela commence par accepter qu’une vie d’être humain soit émaillée de souffrances, de plaisirs et de moments neutres. 

Sharon Salzberg

à propos de son livre "apprentissage de la méditation"(sur le blog de Catherine Barry)

jeudi 13 juin 2013

Appel de l'instant...

" Est-ce que je peux te rappeler Ed ?, je suis dans l'instant présent, là "

•••
The New Yorker

mardi 11 juin 2013

Pour connaître Lise Bourbeau (2)

"Souvenez-vous que chaque décision ou action motivée par la peur n’est jamais la décision la plus favorable pour vous. Vous écoutez les petites voix du passé au lieu d’écouter votre cœur. Prenez donc quelques instants de plus pour vérifier ce que vous voulez véritablement dans cette situation. Cela modifiera à coup sûr votre élan pour faire, dire ou décider, à savoir si vous étiez motivé par la peur ou l’amour. Il est, de plus, impératif de vous souvenir qu’à chaque fois que vous agissez par peur, vous donnez de l’énergie à cette dernière, et il devient le moyen le plus sûr de manifester dans votre vie ce dont vous avez peur. En conclusion, choisissez l’AMOUR comme motivation première. Ainsi, plus vous agirez par amour pour vous-même. Plus vous donnerez de l’énergie à cet amour et plus il se manifestera dans votre vie."

Deuxième partie 18 min.(émission de la RTS):

lundi 10 juin 2013

Pour connaître Lise Bourbeau (1)



Lise Bourbeau considère que chacun d’entre nous vit avec ses fêlures, ses faiblesses et cherche à les camoufler, face aux autres et à soi-même, au lieu de les accepter pour mieux les affronter. Ainsi, une trahison, un sentiment d’abandon, ou un manque d’amour peuvent-ils conditionner toute notre vie si nous n’en prenons pas conscience. 


Première partie 22 min.(émission de la RTS):

dimanche 9 juin 2013

L'action dans le monde avec Véronique Desjardins

...Tout dépend, bien sûr, de la position que vous occupez dans la société : on ne conçoit pas qu'un homme ou une femme politique ne soit pas très bien informé de ce qui se passe dans le monde. Mais. pour la plupart d'entre nous, c'est une perte d'énergie de nous passionner pour des problèmes de société face auxquels nous sommes totalement impuissants. Mieux vaut nous concentrer sur notre sphère d'action. les relations quotidiennes qui tissent du lien avec notre voisin de palier ou le commerçant du quartier. On peut très bien vivre avec peu d'informations, sans pour autant se sentir isolé : il y a tant de gens qui sont au courant des nouvelles que l'on finit par avoir celles dont on a vraiment besoin. Je pense qu'il est important de développer une certaine résistance au climat ambiant. Si nous ne sommes pas vigilants, nous ne nous rendons pas compte que nous vivons dans un état de distraction permanent, coupés de nous-même et des autres. Être happé par tout un tas de gadgets et de sollicitations constantes devient pernicieux pour notre vie intérieure. Il faut veiller à ce que nous ingurgitons au niveau psychique, et nous tourner vers ce qui nous nourrit vraiment, nous ouvre le cœur et nous redonne l'espérance. 

Concernant notre action dans le monde, les petits gestes que nous posons ont un retentissement dont nous ne pouvons pas toujours mesurer la portée. Un petit geste qui va dans le bon sens fait boule de neige et rayonne sur l'extérieur. Un souvenir me revient, à cet égard. Nous étions dans le centre tibétain de Karma Ling, en Savoie, avec quelques centaines de personnes qui attendaient l'arrivée du Dalaï-lama lama. Lorsqu'il est entré, il a traversé le temple en souriant, se tournant à droite et a gauche avec un bon regard pour saluer chacun d'entre nous ; en quelques instants, toute l'atmosphère du temple a été changée. Il est probable que chacun des membres de l'assistance est reparti chez lui un peu plus conscient et un peu meilleur. Même si nous ne sommes pas le Dalaï-lama, nous avons toujours la possibilité, dans l'environnement où nous nous trouvons, d'apporter une certaine harmonie, de dissoudre une tension, d’œuvrer pour ce qu'Arnaud appelait la guérison du monde. 


Dans un monde corrompu, qui a perdu le sens des valeurs élémentaires comme l'éthique, le respect, l'authenticité, nous devons agir avec intégrité et dignité. Il est important de ne pas magouiller, de ne pas accepter de tremper dans des situations douteuses. Nous pouvons être parfois tentés d'accepter certains compromis pour gagner un avantage à court terme. Mais, par expérience, je peux dire que, dans une vision à long terme, l'intégrité est toujours payante, non seulement pour nous mais aussi pour les autres, car elle fait tache d'huile. Nous avons tous un sens inné de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, et nous devons nous fier à ce ressenti intime qui nous suggère d'agir tout simplement avec droiture. Si, un peu partout dans le monde, des personnes osent agir en ce sens, le monde aura une chance de guérir.


Véronique Desjardins
Revue Source n°22

samedi 8 juin 2013

Relation entre Daniel Morin et Arnaud Desjardins

Daniel Morin nous parle de la rencontre avec Arnaud Desjardins (et de la formation du petit groupe du Bost)...

vendredi 7 juin 2013

Inspir - Expir avec Arnaud Desjardins




"Peu à peu vous vous ressentirez de moins en moins comme matière solide, et de plus en plus comme énergie : la respiration, mais comme s’il n’y avait pas de corps physique et de poumons pour respirer. Essayez de sentir la respiration, pas seulement comme une ouverture et une ferme-ture du corps physique au niveau du thorax, mais comme le mouvement même de la vie. Laissez-vous porter par ce flux et ce reflux qui vous est donné sans cesse, depuis toujours, de la naissance jusqu’à la mort. Fondez-vous dans votre propre respiration, avec cette conscience que ce n’est pas vous qui respirez, mais que la respiration se produit d’elle-même. 

Ce n’est même pas votre vie, c’est la Vie universelle qui respire en vous. Unissez-vous de plus en plus à cette respiration. Que l’idée du témoin neutre ne vous fasse pas prendre de recul par rapport à la respiration. Vous êtes la respiration. Si vous devenez consciemment votre respiration, vous pouvez rester un long laps de temps sans idées parasites qui viennent vous distraire. Mais si des idées viennent, ne soyez pas déçu, ne vous divisez pas, ne refusez pas. 
Revenez tranquillement à la conscience de cette respiration. Essayez de n’avoir plus d’autre référence que le va-et-vient de la respiration elle-même."

Arnaud Desjardins
Approches de la Méditation


jeudi 6 juin 2013

Message d'Alain Chevillat pour Terre du Ciel

Trois ans et demi après la perquisition dont le Domaine de Chardenoux fut l’objet, et quelques semaines après le procès, le verdict vient de tomber : 1500 € d’amende. En plus, quelques euros pour plusieurs personnes s’étant portées partie civile – un total de 4000 € . L’accusation principale, de très loin la plus lourde, à savoir le «travail dissimulé » des intervenants a été totalement rejetée. De même, Evelyne a été complètement  relaxée.
«Tout ça pour ça?» a t-on envie de dire: la destruction d’une entreprise, le discrédit porté à son dirigeant et à son public, l’éclatement d’une équipe, et une enquête qui a duré plus de trois ans et a fourni un dossier de 6000 pages. Tout ça pour des manquements administratifs évalués à 1500 € ! Cerise sur le gâteau : ma garde à vue à la gendarmerie qui a duré 30 heures a été annulée comme illégale, et le procès verbal non utilisable. Le procureur a 10 jours pour faire appel.
Un grand MERCI à tous ceux qui ont gardé confiance en nous malgré la mise en scène, et nous ont soutenus. Vous avez été nombreux. Merci, merci. Terre du Ciel n’a jamais baissé les bras. Je suis certain que cette épreuve a été voulue et a été accompagnée par le Ciel, qui nous voulait différents et plus forts. C’est lui qui mène le jeu. Le fait est que Terre du Ciel se sent aujourd’hui plus «juste» et plus «fort» que jamais.
Merci encore d’avoir été avec nous pendant ces trois années difficiles.
Terre du Ciel continue son chemin. 
Communiqué du 3 juin 2013.
Chaleureusement, Alain Chevillat

mardi 4 juin 2013

Une retraite au centre...de Jacques Castermane


« Du matin au soir, le monde nous sollicite vers l'extérieur, ce monde qui veut être reconnu et maîtrisé. Notre être, lui, nous sollicite en permanence de et vers l'intérieur.
Le monde exige de faire, sans cesse. L'être nous demande tout simplement de « laisser faire » et d'admettre ce qui est juste ». 

K.G. Dürckheim

Telles sont les raisons d’être des retraites en silence proposées au Centre.
Se mettre à l’écoute de notre intériorité, sans analyse, sans décortication mentale. Se mettre à l'écoute de soi-même sensoriellement. Par la pratique méditative, par l’exercice de l’attention au « corps que je suis », mettre momentanément l’égo en sourdine. Mettre en sourdine l’égo ne signifie pas le brimer, l’étouffer ou tenter de le supprimer (vaine, voire nocive utopie). Cela signifie simplement - par la répétition et le renouvellement d’exercices accessibles et concrets, par la prise au sérieux de notre vécu corporel de l’instant - se défaire des idées erronées que l’on cultive sur soi-même (et les autres...), des fausses identités qui nous limitent et nous empêchent de goûter la vie dans sa plénitude.

Goûter la vie plutôt que se nourrir, se gaver de pensées et d'inquiétudes inutiles...
Tel est le sens des exercices proposés sur la "Voie de l'Action".
Le principe de la retraite: l'occasion d'une rupture avec notre manière habituelle de fonctionner. L’encadrement, l’expérience et l’enseignement dispensé au Centre Dürckheim par Jacques Castermane - ainsi que, ponctuellement, par Dominique Durand - sont de précieux piliers sur lesquels nous appuyer sur ce chemin de retour à soi-même.

Line Ramel



lundi 3 juin 2013

dimanche 2 juin 2013

Un jardin écologique avec le paysagiste Camille Muller



Le jardin est un microcosme où l'homme se sent en relation avec l'univers. Dans un jardin, j'installe les plantes comme cela, à l'instinct. Je connais le lieu, je connais bien les plantes... puis je me lâche. Mes mains font le travail. Quand les plantes arrivent sur un lieu, tout le monde panique même les jardiniers persuadés que l'on ne parviendra jamais à tout planter. Les végétaux sont imbriqués pour reconstituer une ambiance, une émotion, une musique. Ils sont ensuite libres de s'installer.

Je me calque sur la dynamique de la nature. Mon approche d'un projet n'est pas théorique mais empirique...

Je m'installe pour écouter, regarder. Un carré de terre ou un site parle à celui qui sait s'en imprégner. C'est mon côté paysan qui parle. L'instinct, le bon sens me guident.

Un lieu n'est jamais muet. Il vous influence à votre insu... 

 Camille Muller
 (Mon jardin, ma maison - nov. 2012)