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lundi 25 août 2025

Privation impossible

 

Il aurait sans doute préféré ne pas savoir, ne pas se poser de questions, ne se douter de rien, et continuer de se complaire dans le charme de l'insouciance, la douceur de l'illusion, la paresse de la tranquillité de l'esprit.

Mais la vie est malicieuse et têtue, elle se charge d'éclairer vos ombres en semant inlassablement sur votre chemin les événements qui vous obligeront à apprivoiser vos démons.

Impossible de priver votre âme de ce qu'elle a besoin d'expérimenter ici-bas. Impossible de couler une existence heureuse en contournant ce que vous devez apprendre.

Laurent Gounelle - Un monde presque parfait

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dimanche 24 août 2025

Ne voyez-vous pas l’homme de la voie?


Ne voyez-vous pas l’homme de la voie?
Il a cessé l’étude et n’agit plus.
Il ne rejette pas les pensées illusoires
Et ne recherche pas davantage la vérité.

Ce poème débute par une singulière interrogation qui nous est adressée. Mais déjà nous pourrions nous méprendre. Il semblerait en effet que nous soyons invités à contempler un sage, un exemple vivant de l’accomplissement des enseignements en la personne d’un saint, d’un maître ou d’un gourou. Or rien n’est plus faux. Cette question toute rhétorique pointe au cœur du cœur, à l’intimité de nous-même, à ce que, à défaut de termes plus adéquats, j’appellerais l’espace intérieur, car il n’existe rien de tel, intérieur et extérieur sont des mirages et des constructions. Cet homme de la voie est cet être humain que vous êtes, quel que soit son identité ou son sexe, ses préférences ou ses rejets, son âge ou sa nationalité. C’est l’homme dépourvu de rang, déshabillé des oripeaux de l’identification. Jiko, le soi-même. Ce qui reste quand nous nous sommes oubliés, que les vestiges du passées et ses ruines ou que les échafaudages du futur se sont évanouis, nous, et nous seuls, c’est à dire en pauvreté, en humilité, réduit à la seule incandescence d’être. Ce qui est dit ici n’implique en rien le simple rejet de l’étude ou de l’action, ce qu’il faut entendre ici c’est que la voie ne dépend plus de la seule activité intellectuelle ou du corps qui se meut conformément à son histoire fait d’habitudes et de conditionnement. La voie du non faire ne peut être comprise comme une simple léthargie, une paralysie des sens et du sens, elle est plutôt l’inhibition des réactions et schémas habituels de la pensée afin de laisser surgir le mouvement véritable. Nous cessons d’en être la source, d’en contrôler le cours, ce que le Wu Wei désigne, c’est l’abandon de toutes ces histoires, ces mémoires, ces interprétations et réflexes, automatismes du corps et penchants de la pensée qui empêchent la voie de se réaliser d’elle-même. Autrement dit la non action est une action dépourvue d’effort, en pleine conformité avec l’expression universelle.
« La vraie personne , l’authentique personne est au-delà de l’étude et de l’intention d’accomplir » écrit Dogen dans son Fukanzazengi. Ceci est la clé et le secret du chemin. Non son résultat. L’homme de la voie n’est pas celui qui pratique la voie, il en abandonne l’étude et n’en recherche pas l’accomplissement. Il obscurcit et efface ses propres traces. S’il œuvre, c’est à sa propre disparition. Contrepied radical à ces valeurs qui hantent aujourd’hui notre planète numérisée : performance, efficience, productivité, faire mieux et plus vite, souci de soi avec tous ses narcissismes, recherche du profit, calculabilité généralisée…
Maître Daichi écrit de puis son ermitage du mont Hozan :
« La renommée et ses liens, le profit et ses chaînes, qu'ils passent et ne restent pas,
J'obscurcis mes traces dans la brume et les nuages, au milieu de l'eau et des pierres.
Je fais cuire des légumes dans une marmite aux pieds recourbés,
À rester dans les montagnes, je suis sans effort le style des Anciens ».

Pierre Turlur

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samedi 16 août 2025

Concave et convexe

 

il y a un envers à l’endroit
un convexe au concave
un face a un pile

cela va de soi ?
pas tant que cela
l’envers de l’endroit
s’il est bien su
abstraitement connu
dans son principe
est de fait rarement vu
inconvenante réalité
admise
mais de préférence oubliée
reléguée à ces oubliettes
dont on sait qu’elles existent
mais aux abords desquelles on évite de passer
de peur que s’en échappe quelque pleur et grincement de dent
comme la guerre là bas
loin
certes redoutée
mais pas encore assez proche pour être éprouvée
comme l’abattoir ou l’élevage en batterie
dont l’ombre plane au dessus de l’assiette
comme cet hôpital que l’on longe
juste un mur
entre la danse des bien portants
vaquant à leurs affaires
et les lits de douleur
les corps crucifiés
Les gémissements
la peur nue
comme le mouroir rempli de vieillards hébétés
au fond de ce charmant jardin
devant lequel les parents futurs résidents
poussent dans leurs landaus ceux là même qui
dans un avenir inimaginable
les y placeront vaguement coupables
à l’autre bout du chemin
de cette jeunesse riante en terrasse
la vieillesse non accueillie
la détresse étonnée
devant le passage éclair du temps
ce temps
qui dans l’instant n’existe pas
et pourtant explose à la face
de qui ne s’est pas tout au long du chemin
activement souvenu de l’envers de l’endroit
du convexe du concave
du face du pile

Gilles Farcet

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mercredi 6 août 2025

Les portes...

 


Qu’est-ce que la vie, si ce n’est une succession de portes à franchir?

D’abord celles de l’enfance, des multiples étapes de la croissance physique, celles de l’empilage successif et programmé des connaissances, celles de la découverte des émotions, chaque année d’âge marquant la validation d’une porte franchie.

Jeune adulte, nous croyons avoir triomphé de toutes les portes et nous voilà prêts à conquérir le monde ou au contraire, à nous ranger sagement dans le moule que la société dans laquelle nous vivons nous propose...ou nous impose.

Pourtant encore de nombreuses portes à passer, celles de l’amour partagé, celles du choix d’être parent ou pas, celles de la réussite dite professionnelle et bien d’autres.

Les années passent, d’autres étapes et d’autres portes se franchissent dans la joie ou la douleur et le plus souvent dans la joie et la douleur.

Alors nous réalisons que, certes nous avons servi notre famille, la société, le formatage en vigueur, nos personnalités exacerbées, mais que souvent nous avons laissé l’essentiel sur le bord de nos chemins, ce germe précieux et sacré qui trouvait encore son expression dans nos rêves d’enfants.

Ainsi commence une nouvelle succession de portes à franchir pour détricoter ces cottes de mailles que la vie nous a fait endosser pour nous protéger de tout et de rien et nous éloigner de l’Être précieux et invulnérable que nous sommes véritablement.

Ces portes sont variées, de plus en plus petites et mystérieuses jusqu’à devenir de pures allégories, car derrière, ce n’est plus un être tangible que nous découvrons, mais l’écrin de la Vie sacrée et infinie...

Elisabeth Kuhn

peinture: Claude Monet 1840-1926 - Les portes du jardin 1881

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mardi 22 juillet 2025

Conseils pour un long chemin

 QUELQUES CRITÈRES POUR UNE SPIRITUALITÉ SAINE SUR LE LONG TERME 


1) La pratique spirituelle doit rassembler et créer du lien, pas isoler ou séparer. 

2) La grâce ou l'épiphanie ne se contrôlent pas, mais le travail qui permet leur manifestation, oui.

3) Chaque fois que je me crois éveillé.e, cela devrait être un drapeau rouge pour me pousser à voir plus vaste.

4) Chaque fois que je me surprends à penser que mon maître ou ma voie sont les meilleurs, je peux me concentrer sur le fait qu'ils correspondent à ma destinée, mais pas à celles de tous.tes.

5) L'humour fait partie de la Voie, mais en particulier l'auto dérision. L'humour systématique au dépens des autres est plutôt de la condescendance déplacée.

6) Aucune règle ne devrait être absolue dans un monde relatif.

7) Le cœur doit très souvent prévaloir sur l'orthodoxie.

😎 L'orthodoxie exagérée étouffe le Souffle de la transmission vivante

9) Toute voie spirituelle est par essence syncrétique. Le problème n'est pas le syncrétisme, obligatoire, mais l'intelligence, le timing et la profondeur de sa mise en place.

10) Une voie spirituelle vivante doit être créatrice et dynamique et doit répondre aux questions contemporaines essentielles.

11) On apprend mieux et plus longtemps dans le plaisir que dans la douleur, même si l'inconfort modéré est partie intégrante d'une juste pratique.

12).On doit avoir le courage de quitter un système qui ne nous nourrit plus assez profondément.

Liste subjective et tout à fait non exhaustive.

Bonne réflexion et pratique !

Fabrice Jordan

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lundi 30 juin 2025

Oui à Zazen


Revue Acropolis : Le premier mot sur le chemin, c’est un OUI. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Jacques Castermane :

« OUI à ce qui est !». On retrouve cette invite chez Dürckheim, chez Arnaud Desjardins comme chez son maître Swami Prajnanpad. Pourquoi ? C’est une question de bon sens. Vous pensez peut-être que c’est du fatalisme. Pas du tout. Au réveil vous ouvrez les volets et la première chose que voyez : Il pleut ! Réaction à la fois mentale et affective : » Quel dommage, je me réjouissais de faire une promenade sous un ciel ensoleillé ». Étant en chemin ou non, une autre attitude s’impose. Il pleut.

OUI à ce qui est pour la simple et bonne raison que cela est. Ce Oui n’est pas du fatalisme. Confronté au réel vous pouvez maintenir votre désir de vous promener et, comme vous êtes astucieux, vous le ferez, enveloppé dans un imperméable et muni d’un parapluie.

J’ai mal aux dents, vraiment mal. OUI à ce qui est. Pourquoi ? parce que cela est. À quoi bon laisser paraître que tout va bien ?

André Comte-Sponville, qui est souvent venu au Centre pour proposer des leçons de philosophie disait : « Je préfère une vraie tristesse à une fausse joie ».

Étant en chemin, il n’est pas question de se mentir, de faire semblant, mais d’affronter la vérité et de l’assumer. C’est l’occasion de découvrir que quoi que ce soit qui est apparaisse, disparaît plus tôt ou plus tard.

Revue A. : Que voulez-vous dire par « quoi que ce soit qui apparaisse, ce qui apparaît va disparaître » ?


J.C. : Quand on dit OUI à ce qui apparaît, en même temps on dit OUI au fait que cela pourrait disparaître. Quel beau temps. OUI. Ce faisant je suis prêt à dire OUI au mauvais temps. En disant OUI à ce qui est, nous ne sommes plus dans un combat contre le NON. Il s’agit d’associer le oui et le non … les deux, ensemble. Ce que je vis comme étant agréable et ce que je vis comme étant désagréable ; ce que j’aime et ce que je n’aime pas. Les deux ensembles. Ce paradoxe est un fondement de la tradition qu’est le zen.

Je pratique l’exercice appelé zazen. En ce moment J’inspire… OUI. Pourquoi ? Parce que j’inspire. Et voilà qu’en ce moment j’expire… OUI. Pourquoi ? Parce que j’expire. Jusqu’à ce jour où, acceptant de ne plus opposer les contraires, je fais l’expérience que je respire et que Moi (qui peut faire mille et une choses) je n’y suis pour RIEN. Découverte de cette part de moi-même qu’est l’INFAISABLE. Expérience que tout au long de mon existence, je suis soumis à cette action vitale paradoxale qui transcende tout ce que le moi peut faire. Mais qui y prête attention ?

Quelqu’un m’a dit : « Respirer ! Vous en faites une histoire. C’est banal, tous les humains respirent ». Je lui ai répondu : « Si vous trouvez cela banal, arrêtez de respirer. Vous n’allez quand même pas vivre dans la banalité tout le reste de votre vie ! ».

Revue A. : Vous avez parlé de l’ordre. Un jour, je crois, Dürckheim vous a dit, probablement suite à l’une de vos questions, ou à une situation ou à une expérience : « Nous ne pratiquons pas zazen pour nous mettre à l’abri des bombes, nous pratiquons zazen pour voir et pour montrer que là où nous sommes, le monde peut encore être en ordre ».

J.C. : L’ordre. Il s’agit de l’ordre des choses que les Chinois désignent par le sinogramme Tao et les Japonais par le kanji Do. Cette phrase : « Nous ne pratiquons pas zazen pour nous mettre à l’abri des bombes, nous pratiquons zazen pour voir et pour montrer que là où nous sommes, le monde peut encore être en ordre », Dürckheim l’a prononcé en 1972. C’était pendant la guerre du Vietnam. Dans tous les journaux en Allemagne, comme dans la plupart des pays du monde, une photo avait été publiée : celle de cette petite fille brûlée au napalm qui courait nue sur la route. C’était l’une des photos les plus émouvantes qu’on pouvait avoir sous les yeux. Rütte, ce petit village de la Forêt Noire, n’était pas un refuge dans lequel on aurait pu se croire à l’écart de ce qui se passe dans le monde. Nous avions tous vu cette photo.

Graf Dürckheim introduisait toujours la pratique de zazen avec quelques mots. Et c’est cette fois-là, lorsque nous commencions la pratique de l’assise en silence il nous a dit : « Nous ne pratiquons pas zazen pour nous mettre à l’abri des bombes. Nous pratiquons zazen pour faire l’expérience et témoigner que là où nous sommes, le monde peut encore être en ordre ».

D’une certaine manière, ces mots légitimaient l’exercice que nous allions faire, sans avoir l’impression de fuir les drames de l’existence auxquels chacun plus tôt ou plus tard peut être confronté.

Ce que dit Graf Dürckheim, concerne le collectif humain et la singularité qu’est chacun (les deux, ensemble). Face à huit milliards d’êtres humains, il serait prétentieux d’imaginer ou d’espérer que, parce que je pratique zazen chaque matin, je vais pouvoir changer le monde. En même temps, grâce à la pratique régulière de zazen chacun, personnellement, peut faire l’expérience d’un ordre qui n’est pas le contraire du désordre ; désordre, l’expérience d’un calme qui n’est pas le contraire de l’agitation. Identifié au moi existentiel, nous vivons à la surface de nous-mêmes, comme on l’observe lorsqu’on est face à l’océan où des petites vagues alternent avec de grandes vagues. Par contre, sous la surface des vagues, le plongeur fait l’expérience d’un calme qui n’est pas le contraire de l’agitation.

Zazen ? Une plongée au fond de soi-même là où se révèle le vrai Soi.

Revue A. : Que change la pratique du Zazen pour celui qui la pratique ?

J.C. : J’ai le souvenir d’un chirurgien qui venait au centre régulièrement. Il disait commencer sa journée par une demi-heure de zazen. Un jour je lui ai demandé : « Vous venez régulièrement au Centre depuis plusieurs années, avez-vous l’impression que la pratique quotidienne de zazen change quelque chose dans votre vie professionnelle ? ».

Sa réponse : « C’est considérable. Avant de venir au Centre, avant de connaître la pratique de zazen, lorsque je commençais la journée à la clinique, je faisais le tour des patients opérés les jours précédents. J’ouvrais la porte de la chambre et en restant sur le seuil je m’adressais à la personne alitée : « Alors Madame Untel, vous allez bien, vous avez bien dormi ? Je vous souhaite une bonne journée” ».

Un jour, il s’est dit : « Je ne peux plus faire cela. Ce n’est pas digne ! ». Et Il ajoute : « Depuis que je viens au Centre, j’entre dans la chambre du patient, je m’assieds sur le bord du lit, je prends la main de cet homme, de cette femme, de cet enfant dans la mienne, et nous parlons tranquillement en ayant, comme vous nous le rappelez — infiniment de temps pendant trois minutes —. J’ai vraiment réalisé l’importance de ce que vous appelez une rencontre de personne à personne, une rencontre d’être à être. »

Quand j’ai raconté cette anecdote à Arnaud Desjardins, il m’a dit : « Jacques, ne cherche plus pourquoi tu as la responsabilité du Centre Dürckheim, maintenant tu en connais la raison ».

Ce que vit ce médecin dans le cadre de sa profession concerne de la même manière le maître d’école qui fait face à une vingtaine d’enfants ou le directeur d’une entreprise face à ses employés.

En quoi consiste le changement ? Un moine bénédictin qui avait passé une dizaine d’années au Japon me disait : « Chaque homme est né spirituel. Ce qu’on appelle un chemin spirituel a pour but de devenir un être humain ».

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mardi 29 avril 2025

samedi 5 avril 2025

Quand faire devient être

 


Kyoto, 1941. Un ami japonais avait organisé pour moi une rencontre avec le Maître Hayashi, l'abbé du célèbre monastère zen Myoshinji. Or le Japon pratique la belle coutume du cadeau.

L'invité apporte un cadeau au maître de maison lorsqu'il lui rend visite pour la première fois et repart lui aussi avec un cadeau. Le cadeau le plus prisé est celui qu'on a fait soi-même. Quand l'heure était venue de se quitter Hayashi Rôshi me dit : "Je voudrais vous offrir quelque chose. Une peinture."

Deux moines plus jeunes lui apportèrent le matériel dont les pinceaux et l'encre de Chine. Mais l'encre, solide, n'était pas prête à l'emploi. Il fallait frotter longuement le bâtonnet au creux d'une pierre évidée où un peu d'eau avait été versée, pour le transformer en encre liquide.

Avec placidité et une grande prodigalité de gestes, comme s'il disposait d'un temps infini —et un maître a toujours infiniment de temps intérieur— l'abbé commença à frotter lui-même son encre. Sa main ne cessait d'aller et venir, jusqu'à ce que l'eau fût enfin devenue d'un noir liquide.

Je m'étonnai que le maître fît lui-même ce travail et demandai pourquoi on ne le déchargeait pas de cette tâche. Sa réponse en dit long : "Par le paisible mouvement de va-et-vient de la main, on devient soi-même tout à fait calme. Tout devient silence. Il faut un cœur (ce que nous appelons un esprit) impassible et silencieux pour que ce qui s'épanouit en lui puisse être parfait".

Assis sur les talons, le front serein, les épaules relâchées, le buste droit et détendu, animé de ce tonus vivant qui caractérise une personne entraînée à l'assise basée sur le centre de gravité du corps, d'un geste inimitable, à la fois calme et fluide, le maître saisit le pinceau.

On aurait dit que le maître se libérait totalement en lui-même, afin que l'image qu'il voyait au-dedans de lui puisse sortir librement sans que rien ne l'entrave, ni la crainte d'un éventuel échec, ni la volonté impérieuse de réussir. C'est ainsi que l'image de la déesse Kannon apparut.

Enfin arriva le moment pour lequel je raconte cette anecdote : la peinture de l' «auréole» autour de la tête de Kannon, la peinture du cercle parfait !

Nous tous qui étions témoins retînmes notre souffle. Il faut savoir que sur une feuille aussi fine, la moindre interruption du geste, le moindre arrêt du pinceau provoque une tache qui gâche tout. Sans marquer de pause, le maître plongea le pinceau dans l'encre, l'essuya un peu, se mit calmement en position de départ et, comme si c'était la chose la plus simple au monde, traça sur le papier le cercle parfait, rayonnant de pureté, autour de la tête de Kannon.

Ce fut un moment inoubliable. Il y eut un merveilleux silence dans la pièce. Même le cercle achevé reflétait sous nos yeux le silence émanant du maître. Lorsque maître Hayashi me remit la feuille, je le remerciai avec cette question : Comment fait-on pour devenir un maître ?"

Il me répondit d'un sourire malicieux : "Simplement, laisser sortir le maître qui est en soi. Oui —Simplement, laisser sortir—"si seulement cela pouvait être aussi simple...

Pour parvenir à ce niveau de simplicité, le chemin est long. Cela veut dire que sur le chemin de la transformation l'homme doit apprendre à laisser sortir ce qui est en lui. Qu'il s'agisse de la pratique d'une respiration conforme à la vie ou d'exercices pour la réalisation d'une action ou d'un travail techniquement difficile, l'important au bout du compte est toujours que le résultat ne soit pas le fruit d'un effort du moi mais d'une acceptation de l'être profond dont la manifestation est alors un acte de maître.1 

K. Graf Dürckheim

Cette histoire pourrait intéresser chaque pratiquant et principalement chaque enseignant de disciplines aussi différentes que le Yoga, le Taï-Chi Chuan ou une discipline artistique, artisanale ou martiale qui a ses racines dans le monde du Zen.

La technique est le Chemin. Quelle que soit la technique elle doit avoir pour sens d’atteindre l’harmonie et la paix intérieure. Chaque action, chaque geste peut capturer l’essence même du moment présent. Ce chemin que chacun se doit de tracer (parce qu'il ne s'agit pas d'un chemin à suivre) est la raison d'être du Centre Dürckheim.

Un exercice comme la marche lente (Kin-Hin) peut devenir un exercice reliant la personne qui s'exerce à sa propre essence intérieure qui est la source du calme intérieur, de la paix intérieure et cela dans notre monde tel qu'il est, sans attendre qu'il change.

Jacques Castermane

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1 K.G. Dürckheim — Merveilleux chat et autres récits zen – éd. Le Courrier du Livre (p.12)

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lundi 10 mars 2025

Méditation du jour

 10 mars : N'envie personne : ton axe de vie est unique. 

L'envie procède du manque. Tu envies lorsque tu penses que tu n'as pas assez. Si tu penses que tu n'as pas assez c'est que tu n'as pas conscience de ta beauté intérieure et de ta plénitude. Ton chemin de vie est unique. Tu es la seule personne capable d'accomplir ta destinée. 

Trouve le sens de ta vie et mets-toi en marche...

Pour accompagner cette méditation, pratique l'exercice suivant :  


Tenir un journal quotidien :

Afin de développer ton ancrage dans l’instant présent, commence un journal quotidien dans lequel tu écriras chaque jour quelques phrases, de préférence en fin de journée. C’est un bon moyen pour développer la conscience de soi, la juste distance par rapport à soi-même et le questionnement intérieur. C’est aussi une manière de donner corps et réalité à ton quotidien et de prendre conscience que chaque jour te permet de construire ta vie. Écrire quotidiennement dans ton journal te permettra de développer ta conscience et de prendre du recul par rapport à ta propre vie. Cela te permettra aussi de relire les événements et de mesurer le chemin parcouru. Cela te donnera confiance en toi et dans le moment présent. Commence dès aujourd’hui !

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Source : 365 méditations et exercices de pleine conscience

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samedi 8 février 2025

Toute forme vivante est un mystère

Tout forme vivante est un mystère. Lorsque vous regardez une fleur vous ne voyez pas une forme définitive mais une forme en devenir. Cette rose qui surgit d'un bulbe souterrain va passer par trois phases incontournables : le stade du bouton, celui de la fleur épanouie pour ensuite devenir la fleur qui fane.

En japonais, Ikebana signifie fleur vivante et indique aussi l'exercice de la composition florale, l'art du bouquet. Et, dans ce domaine, la culture du chrysanthème est considérée comme étant un art traditionnel.


A la différence de la symbolique macabre que cette fleur a dans la plupart des pays d'Europe, la culture du chrysanthème au Japon est envisagée depuis plusieurs siècles comme une véritable philosophie de vie.

Lorsqu'il était au Japon (1937-1947), Graf Dürckheim a visité une exposition centrée sur cette fleur qui est l'emblème également de la famille impériale. Au cours de cette visite, il demande au maître jardinier : "Pouvez-vous me dire si au cours de la croissance de cette fleur il y a pour vous un moment qui est plus important qu'un autre ?" Le maître jardinier semble très embarrassé par cette question et dit qu'il ne la comprend pas. Graf Dürckheim avoue qu'il lui semble que c'est le moment où cette fleur est épanouie. Le maître jardinier, saisissant alors le sens de sa question, lui dit : "Pour nous japonais, il n'y a pas un moment de la croissance d'une fleur qui serait plus important qu'un autre, parce que la vie de cette fleur est un chemin de transformation qui va de sa naissance à sa mort."

L'erreur commise par bon nombre d'occidentaux qui se disent intéressés par le zen est de s'imaginer qu'il faudrait, à coup d'exercices, réaliser, atteindre et maintenir un état d'être qui serait du même niveau que la beauté de la fleur épanouie ! En quelque sorte être infiniment bon, infiniment juste, infiniment parfait ! Ou se maintenir dans un état d'être serein, confiant, avenant, en toutes circonstances.

La visée du Zen est de nous ré-orienter vers notre être véritable que Graf Dürckheim appelle notre être essentiel : « Être en accord avec l'Être ne signifie pas être dans un état de perfection. Vouloir atteindre la perfection est une erreur que ne doit pas commettre la personne en chemin. Notre vérité est souvent assez misérable, en rapport avec notre idéal. Être relié à notre vraie nature ne signifie pas que nous réalisons de manière parfaite "ce que doit être un homme", mais avoir la force de nous voir dans notre vérité du moment. L'éveil à notre être essentiel ne se manifeste pas quand nous dépassons le niveau humain mais précisément là où nous reconnaissons ce niveau humain, lorsque nous reconnaissons notre faiblesse. » 1

Une dernière étape ... vieillir !

La fleur fanée. Elle est retirée du bouquet qui vous a été offert ou elle est arrachée de votre jardin. Sans doute parce qu'elle nous confronte à l'inacceptable : la mort.

Le bouton de rose, la rose épanouie, la rose fanée sont des imprégnations physiques (corporelle) de ce qui fait que ce qui vit ... vit (l'essence) !

Sur la Voie qu'est le Zen, la personne en chemin, lorsqu'elle vieillit, apprend à -quitter toute forme réalisée, ce qui lui permet d'apprendre à -admettre- une forme nouvelle. C'est pourquoi vieillir devrait être entendu comme étant la chance de mûrir. S'efforcer de vouloir toujours stabiliser ce qui est acquis est une des causes de l'angoisse des personnes âgées.

Vieillir (mûrir) c'est accepter l'affaiblissement des forces qui sont du domaine du faire et sont développées par le Moi. Le corps, peut-être attaché à une canne, le corps qui se déplace désormais lentement, devient un champ d'expérience de l'infaisable.

Expérience d'une force qui ne peut être quantifiée par un dynamomètre ; une force qui est ressentie en tant que qualité d'être. Imprégnation corporelle d'une plénitude intérieure, d'un ordre intérieur, de la paix intérieure, la force du non-vouloir.

Je ne pouvais imaginer, lorsque en 1967 j'ai pratiqué zazen pour la première fois, que cet exercice m'amènerait à ne plus considérer l'agitation comme étant le contraire du calme et de faire l'expérience que l'agitation exclut le calme, le grand calme présent au plus profond de chaque être humain.

Jacques Castermane

1 - Le Centre de l’Etre - éd. Albin Michel (p. 45)

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vendredi 7 février 2025

Ailes de Vérité

 " La vérité est un pays sans Chemin ... " 

Jiddu Khrisnamurti



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La vie quotidienne, si elle est sans compréhension, 

vous poussera à passer à côté de l’amour, de la beauté, de la mort.


 Jiddu Krishnamurti

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mercredi 1 janvier 2025

Commencement

 Merci de votre fidélité et voici 2025 pour cheminer ensemble...


Un zeste de lumière pour parfaire le menu 2025.

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jeudi 21 novembre 2024

Peut-on saisir l'instant

 Mes chers amis,


Lama Sangpo qui a pris la succession de lama Teunsang au centre bouddhiste de Montchardon était ce Week end en visite au centre bouddhiste tibétain de Genève dont Jean Marc Falcombello est l'enseignant .

Il nous a donné une instruction très simple pour nous aider à méditer : 

"Si je porte mon attention à la pensée, dans l'instantanéité, juste au moment où elle se produit, cela disparaît, cela cesse."

Cette invitation, extrêmement simple est très profonde, car elle nous fait réaliser, si on la pratique vraiment, qu'aucune pensée n'est saisissable, que nos pensées sont semblables à courant dans lequel il n'y a jamais la même eau.

Chaque pensée ne peut être vue que dans l'instant et elle est sans durée. On ne peut donc en faire l'expérience que dans l'instant.

L'instant est le seul moment auquel nous avons accès. Nous n'avons plus accès à avant et nous n'avons pas encore accès à après. Nous ne connaissons que la pensée de maintenant. Et ce que nous percevons dans l'instant, si nous nous en approchons, cela disparaît, comme un mirage dans le désert.

Ce monde de pensée ne serait donc qu'une succession d'instants insaisissables. Quelle est donc la substance des pensées ?

Ne peut-on pas dire qu'elles sont insubstantielles, sans substance individualisable ? Qu'elles sont en essence vides, sans nier leur apparence ? Peut-on en dehors de la méditation rester conscient de cela ?

Nous ne choisissons pas nos pensées, mais les pensées que nous suivons vont être à la base de nos actes. Etre conscient de ses pensées dans l'instant est la base d'une vie avec des actes conscients, des actes dont nous allons progressivement découvrir les conséquences.

Allons-nous favoriser les actes qui font du bien à nous et aux autres, plutôt que ceux qui entraînent de la souffrance ? Lequel de ces deux types d'actes nous permet-il de nous détendre dans le bien-être ?

Dévoiler la nature de nos pensées est un chemin pour dévoiler notre véritable nature et la laisser s'exprimer par son expression naturelle qui est pleine d'amour et de compassion.

Avec ma profonde amitié pour vous tous.

Philippe Fabri

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mercredi 13 novembre 2024

L'homme en chemin

 


" Il incombe à chacun de bien savoir vers quelle voie le pousse son cœur, et d'embrasser alors celle-ci en y mettant toutes ses forces ... " 

(Rabbi Baer dans Le Chemin de l'homme de Martin Buber)

" Le retour décisif sur soi-même est le commencement du chemin dans la vie de l'homme...

Ainsi, le chemin par lequel un homme accèdera à Dieu ne peut lui être indiqué par rien d'autre que par la connaissance de son être propre, la connaissance de sa qualité, de sa tendance essentielle.

Dans chaque être, il est un trésor qui ne se trouve en aucun autre, mais ce qui est "trésor" en lui, il ne pourra le découvrir que s'il saisit véritablement son sentiment le plus profond, son désir principal, ce qui, en lui, émeut son être le plus intime. "

 Martin Buber, Le Chemin de l'homme

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mardi 29 octobre 2024

Garantie sur le chemin.

Le Védanta et l’inconscient – Arnaud Desjardins (extrait)

 


"Le disciple se conduit avec intelligence et sympathie. J’entends encore la voix de Swâmiji dire : « Be a little intelligent and sympathetic », « Soyez un petit peu intelligent, avec un petit peu de sympathie. » Le disciple en vous se conduit avec intelligence et sympathie pour tous les autres aspects de vous-mêmes. Que cela vous serve de critère. Si ce que vous prenez pour le disciple en vous n’a pas de sympathie pour les autres aspects de vous-mêmes, ça ne peut pas être le disciple et, s’il prend peur devant tel ou tel aspect de vous-mêmes, il n’est plus du tout intelligent. La peur voile l’intelligence. Il faut qu’en vous le disciple soit un peu intelligent et ait un peu de sympathie pour tous les autres aspects de vous-mêmes. C’est la seule garantie d’un chemin juste."

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mercredi 23 octobre 2024

Dynamique du travail


 LES AVANIES DE L’EMPATHIE (POSSIBLE INSTRUMENTALISATION DU PROCESSUS THERAPEUTIQUE AU DÉTRIMENT DE LA DYNAMIQUE DU "TRAVAIL"...

Le rôle des thérapeutes plus ou moins en lien avec la voie peut s’avérer involontairement pernicieux à partir du moment où ils ne font pas clairement la différence entre accompagnement dans la maturation et rééquilibrage de surface. 

J’ai souvent  - pas toujours heureusement - observé qu’une personne occupée à éviter une étape cruciale sur son chemin proprement spirituel va chercher - tout cela inconsciemment bien entendu - à instrumentaliser le thérapeute, si thérapeute il y a, dans son processus d’évitement. 

En pratique, la personne demande au thérapeute de le rééquilibrer.  


Et ce dernier, peut, quelles que soient ses compétences, facilement tomber dans le piège si il ou elle n’est pas lui même complètement au clair sur sa relation avec son propre maître et avec les instructeurs affiliés à cette voie, ou/et n’est pas lui même  suffisamment passé par ce processus.  

J’ai ainsi vu des personnes consacrer beaucoup de temps et d’énergie à se rééquilibrer en surface avec l’aide dévouée d’un thérapeute sincèrement convaincu et parfois pas mécontent de « réparer » les dommages causés par tel ou tel transmetteur pourtant a priori qualifié … 

Or, il eût été, du moins du point de vue du processus profond de la voie, bien plus profitable à ces personnes de rester momentanément « en déséquilibre » et d’être éventuellement aidées par leur thérapeute à le traverser pour parvenir à entrevoir une autre perspective, plutôt que de trouver oreille complaisante aux « torts » subis. 

C’est par excellence une question fort délicate , dont je suis bien conscient qu’elle peut donner lieu  à toutes sortes de réfutations raisonnables. 

Ou en serai je si j’avais eu la mauvaise idée d’instrumentaliser un autre instructeur prêt à tomber dans le piège ou un thérapeute, pour me rééquilibrer suite aux maintes secousses reçues de mon maître , voire parfois d’autres personnes au service du travail de mon maître ? 

En pratique, il s’agit d’un stade du cheminement où les logiques thérapeutiques classiques et la logique du travail proprement spirituel peuvent réellement diverger. 

Bien entendu, les enseignants spirituels mal positionnés et non intègres s’empresseront de justifier leurs abus en invoquant les nécessités du « travail »… C’est pourquoi tout cela demeure encore une fois bien délicat.

Gilles Farcet

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samedi 12 octobre 2024

Comme une goutte d'eau qui se dissout dans l'océan

Mes chers amis,


Une goutte d'eau a une individualité, une forme, des limites, mais quand elle tombe dans l'océan, elle est indifférenciée de l'océan. Son individualité, sa forme, ses limites ont disparu.

L'apparence de la goutte était transitoire, entre le nuage et l'océan. La nature de la goutte est restée identique, c'est de l'eau.

A la naissance notre corps prend forme et après la mort il redevient poussière. C'est juste un jeu temporel d'apparence. Un jeu extrêmement précieux car c'est le jeu de notre vie. C'est pendant notre vie que la prise de conscience de ce que nous sommes vraiment, de quelle est notre véritable nature peut avoir lieu.

Notre apparence est bien plus complexe que celle de la goutte. Et quelle est notre nature ?

Les enseignements bouddhistes nous disent que notre nature de Bouddha est vacuité, qu'elle n'a pas d'existence en soi (c'est à dire qu'elle n'a aucune existence permanente indépendante d'autres phénomènes). Nous viendrions de la vacuité, pour retourner à la vacuité. Notre vue duelle nous donne toujours ces impressions de mouvement.

La méditation nous permet, en diminuant les mouvements, de revenir à l'instantanéité, à tenter de percevoir ce qui est perçu, ce dont nous sommes conscients, juste dans l'instant.

C'est un des chemins qui peut nous permettre de dévoiler notre véritable nature.

Nous pouvons alors commencer à prendre conscience des qualités inhérentes à notre véritable nature. Je vous les résume de façon très courte et incomplète car découvrir les qualités de notre nature de Bouddha, nos qualités divines est le chemin de toute une vie.

Mais nous pouvons déjà dire que ce que nous sommes est clair, c'est à dire insubstantiel et non obstructif, créateur (c'est en son sein que tout se produit) et connaissant, c'est à dire que nous sommes conscients de ce que nous percevons et que nous sommes conscients d'être, conscients d'être conscient.

Voila les points abordés dans cette méditation.

Avec ma profonde amitié pour vous tous.

Philippe Fabri

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lundi 16 septembre 2024

Grandir Constant

 GRANDIR CONSTANT

humain en conversion.
sans plus d’autre horizon
que celui du grandir
du grandir constant
lequel
à l’instar de tout horizon
à la fois
recule
à l’ approche
et épure
le paysage
ce que j’ai à partager
n’est en rien un état
des victoires
des médailles
des certitudes
et autres trophées
arborés en boutonnière
ce qu’il m’est dévolu
de partager
comme le cuisinier
à ceux qui sont conviés
sert
en portions plus ou moins généreuses
selon la faim de chacun
un plat élaboré
avec soin science et tendresse
c’est le processus même
la marche elle même
le chemin lui même
ayant enfin entrevu
que le but
est lui même une étape
un prétexte
à la randonnée
qui est à elle même sa joie
à elle même sa loi
à elle même sa foi
je ne témoigne pas pour être arrivé
mais parce que je marche
et n’ai cessé de marcher
je marche toujours
et je témoigne
de ce que la marche m’a enseigné
des bienfaits dont elle m’a comblé
du superflu qu’elle m’a ôté
j’en témoigne
pour mes semblables en route
plus ou moins timorés
d’aucuns craintifs ou incertains
au moment de se lancer
celles et ceux qui n’osent
ou se sont arrêtés
celles et ceux qui voudraient
avancer sans marcher
aller sans cheminer
œuvrer sans fatiguer
recevoir sans donner
découvrir
sans s’aventurer
je partage mon chemin
ce que j’en ai compris du moins
afin que chacun trouve le sien
d’aucuns m’accordent crédit
parce que ma face est burinée
à force de cheminer
mon regard quelque peu lavé
par la variété des êtres accompagnés
des sentiers empruntés
des rivières traversées
mon énergie concentrée
à force de bêtes domptées
d’obstacles surmontés
de barrières enjambées
d’abimes contemplés
de fait
il se peut que j’aie
pas mal à évoquer
à raconter
serais je je à même
qui sait
de montrer
d’indiquer
en tout cas
oui
d’accompagner
et je ne détiens rien
ne sais rien
ne suis rien
sinon un témoin
de ce chemin
qui cherche chacun
Gilles Farcet
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