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dimanche 7 septembre 2025

Lignes libres


 Les urbanistes de ce nouveau quartier ont pensé à tout : des immeubles bas et élégants, des arbres qui manquent tant à nos villes, des pelouses gazonnées, des bancs et des chemins pavés qui serpentent entre les édifices. Seulement voilà, les habitants de ce quartier n’empruntent pas ces chemins : en témoignent les nombreux sentiers diagonaux, tracés par les piétons sur les pelouses fraîchement semées : on les appelle des « lignes de désir ».

Tout comme les alternatives aux sentiers de grande randonnée, tracées par les marcheurs eux-mêmes, par érosion, au fil de leur piétinement. Les gardes-champêtres disent que 15 passages suffisent à faire apparaître une nouvelle piste qui attire alors d’autres promeneurs.

Ces « lignes de désir » traversent parfois des secteurs sauvages et sensibles ; elles peuvent menacer, si on n’y prend pas garde, la flore, la faune et la sécurité des lieux. Elles naissent quand les chemins officiels sont indirects, biscornus, difficiles ou même inexistants. Mais il arrive aussi qu’elles offrent des points de vue nouveaux ou des itinéraires plus attrayants que les passages officiels, sans compter le sentiment d’une certaine liberté.

Jésus, un marcheur libre

S’il n’est pas rare que les administrations cherchent à bloquer la création de ces lignes de désir en posant des clôtures, en plantant des végétaux feuillus ou en édictant par des panneaux de signalisation « Passage interdit » ou « Restez sur le chemin », il arrive qu’elles aient l’intelligence d’observer ces empreintes inattendues et d’intégrer ces marques tracées par le commun des mortels dans leur plan de mobilité officiel.

En pensant à ces « lignes de désir », à ceux qui les ouvrent comme à ceux qui les empruntent, j’ai dans le cœur l’image de Jésus qui allait et venait sur l’esplanade du Temple de Jérusalem et « allait son chemin », en marcheur libre, dans les campagnes de Galilée, au point même d’enfreindre les règles établies par les religieux de son époque en traversant la Samarie, ce qui « ne se fait pas ! »

« On vous a dit », aimait-il dire, et « Moi, je vous dis ». Sa ligne de désir était bien autre chose qu’un acte de désobéissance. Elle prenait source dans l’existant religieux de la grande tradition, mais elle incarnait une forme de réappropriation de la foi d’Israël par le croyant qu’il était. Loin d’être une infraction, elle exprimait sa fine intelligence spirituelle, son accueil de la vie des femmes et des hommes qu’il rencontrait et un « sacré » bon sens.

C’est bien parce qu’il suivait sa ligne de désir, de parabole en guérison, de table en puits, de désert en village, qu’il a rendu bien plus humains tous ceux qu’il rencontrait. Il disait du berger qu’il était qu’il venait ouvrir les portes des enclos pour que les brebis puissent « aller et venir » et trouver de la vie dans les verts pâturages.

Quand arrive la rentrée de septembre, il est bon de repérer les lignes de désir tracées par des hommes et des femmes de bonne volonté, dans notre société comme dans notre Église ; plus particulièrement par les sans-voix et les gens de peu. Elles ouvrent des voies nouvelles, souvent prometteuses. Elles nous invitent à ne jamais nous en tenir aux sentiers délimités, mais à nous autoriser du neuf, en préférant toujours la liberté aux conformismes de tout poil.

Sans nouveauté, on ne s’en sortira pas.

Septembre : il ne s’agit pas de reprendre ou de refaire.

Et tant pis pour nos plans. Et tant mieux pour la vie.

Il s’agit de commencer. 

Raphaël Buyse

(source : La Vie)

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dimanche 24 août 2025

Ne voyez-vous pas l’homme de la voie?


Ne voyez-vous pas l’homme de la voie?
Il a cessé l’étude et n’agit plus.
Il ne rejette pas les pensées illusoires
Et ne recherche pas davantage la vérité.

Ce poème débute par une singulière interrogation qui nous est adressée. Mais déjà nous pourrions nous méprendre. Il semblerait en effet que nous soyons invités à contempler un sage, un exemple vivant de l’accomplissement des enseignements en la personne d’un saint, d’un maître ou d’un gourou. Or rien n’est plus faux. Cette question toute rhétorique pointe au cœur du cœur, à l’intimité de nous-même, à ce que, à défaut de termes plus adéquats, j’appellerais l’espace intérieur, car il n’existe rien de tel, intérieur et extérieur sont des mirages et des constructions. Cet homme de la voie est cet être humain que vous êtes, quel que soit son identité ou son sexe, ses préférences ou ses rejets, son âge ou sa nationalité. C’est l’homme dépourvu de rang, déshabillé des oripeaux de l’identification. Jiko, le soi-même. Ce qui reste quand nous nous sommes oubliés, que les vestiges du passées et ses ruines ou que les échafaudages du futur se sont évanouis, nous, et nous seuls, c’est à dire en pauvreté, en humilité, réduit à la seule incandescence d’être. Ce qui est dit ici n’implique en rien le simple rejet de l’étude ou de l’action, ce qu’il faut entendre ici c’est que la voie ne dépend plus de la seule activité intellectuelle ou du corps qui se meut conformément à son histoire fait d’habitudes et de conditionnement. La voie du non faire ne peut être comprise comme une simple léthargie, une paralysie des sens et du sens, elle est plutôt l’inhibition des réactions et schémas habituels de la pensée afin de laisser surgir le mouvement véritable. Nous cessons d’en être la source, d’en contrôler le cours, ce que le Wu Wei désigne, c’est l’abandon de toutes ces histoires, ces mémoires, ces interprétations et réflexes, automatismes du corps et penchants de la pensée qui empêchent la voie de se réaliser d’elle-même. Autrement dit la non action est une action dépourvue d’effort, en pleine conformité avec l’expression universelle.
« La vraie personne , l’authentique personne est au-delà de l’étude et de l’intention d’accomplir » écrit Dogen dans son Fukanzazengi. Ceci est la clé et le secret du chemin. Non son résultat. L’homme de la voie n’est pas celui qui pratique la voie, il en abandonne l’étude et n’en recherche pas l’accomplissement. Il obscurcit et efface ses propres traces. S’il œuvre, c’est à sa propre disparition. Contrepied radical à ces valeurs qui hantent aujourd’hui notre planète numérisée : performance, efficience, productivité, faire mieux et plus vite, souci de soi avec tous ses narcissismes, recherche du profit, calculabilité généralisée…
Maître Daichi écrit de puis son ermitage du mont Hozan :
« La renommée et ses liens, le profit et ses chaînes, qu'ils passent et ne restent pas,
J'obscurcis mes traces dans la brume et les nuages, au milieu de l'eau et des pierres.
Je fais cuire des légumes dans une marmite aux pieds recourbés,
À rester dans les montagnes, je suis sans effort le style des Anciens ».

Pierre Turlur

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jeudi 21 août 2025

Demande intérieure


"Toute demande intérieure provient d’une dualité : « Je suis malheureux, je voudrais être heureux.» En cette aspiration : « Je veux être heureux » est un état malheureux, de même que lorsqu’on fait un effort vers le bien, en cette vertu est le mal. Toute affirmation contient son opposé, et tout effort renforce ce que l’on veut surmonter. Lorsque vous désirez l’expérience du vrai ou du réel, cette demande émane de votre manque de satisfaction au sujet de ce qui « est », et crée, par conséquent, son contraire. Et dans ce contraire se trouve ce qui a été. Nous devons nous libérer de ces incessantes demandes, autrement il n’y aurait pas de fin au couloir de la dualité. Cela veut dire se connaître soi-même si complètement que l’on ne cherche plus.

On a, en cet état, un esprit qui n’appelle pas l’expérience ; qui ne veut pas être provoqué ; qui ne connaît pas la provocation ; qui ne dit ni « je dois », ni « je suis éveillé » ; qui est complètement ce qu’il « est »."

« Se libérer du connu » - J. Krishnamurti

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vendredi 15 août 2025

Tout va bien


 « Gardez un cœur reconnaissant pour tout ce que la vie vous apporte.

Tout est au service de votre réveil, de ce long sommeil d'illusion, à votre Être réel, si plein de vie et d'amour.

Dites merci à la vie.

Dites merci au Seigneur

Dites merci à votre personne le plus proche.

Même si vous ne pouvez pas voir, en ce moment, de quoi être reconnaissant, continuez à dire Merci.

Cela va changer votre vibration intérieure, vous rendant léger, ouvert et plein d'amour, de pardon et de joie.

Au bout de tout ça : ne vous inquiétez pas

Tout est entre les mains de Dieu.

Tout va bien.

Tout va bien. ”

Mooji

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jeudi 24 juillet 2025

Rester éveillé avec Christiane Singer

 Etre en contact avec la liberté de la dimension religieuse dans l'existence.


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mardi 22 juillet 2025

Conseils pour un long chemin

 QUELQUES CRITÈRES POUR UNE SPIRITUALITÉ SAINE SUR LE LONG TERME 


1) La pratique spirituelle doit rassembler et créer du lien, pas isoler ou séparer. 

2) La grâce ou l'épiphanie ne se contrôlent pas, mais le travail qui permet leur manifestation, oui.

3) Chaque fois que je me crois éveillé.e, cela devrait être un drapeau rouge pour me pousser à voir plus vaste.

4) Chaque fois que je me surprends à penser que mon maître ou ma voie sont les meilleurs, je peux me concentrer sur le fait qu'ils correspondent à ma destinée, mais pas à celles de tous.tes.

5) L'humour fait partie de la Voie, mais en particulier l'auto dérision. L'humour systématique au dépens des autres est plutôt de la condescendance déplacée.

6) Aucune règle ne devrait être absolue dans un monde relatif.

7) Le cœur doit très souvent prévaloir sur l'orthodoxie.

😎 L'orthodoxie exagérée étouffe le Souffle de la transmission vivante

9) Toute voie spirituelle est par essence syncrétique. Le problème n'est pas le syncrétisme, obligatoire, mais l'intelligence, le timing et la profondeur de sa mise en place.

10) Une voie spirituelle vivante doit être créatrice et dynamique et doit répondre aux questions contemporaines essentielles.

11) On apprend mieux et plus longtemps dans le plaisir que dans la douleur, même si l'inconfort modéré est partie intégrante d'une juste pratique.

12).On doit avoir le courage de quitter un système qui ne nous nourrit plus assez profondément.

Liste subjective et tout à fait non exhaustive.

Bonne réflexion et pratique !

Fabrice Jordan

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mercredi 18 juin 2025

Croisement du temps

 


La plupart des grandes traditions spirituelles font de l’instant présent une clé de la vie spirituelle.

Chaque instant est certes une fenêtre étroite, mais qui peut devenir un croisement du temps et de l’éternité, de l’horizontal et du vertical. Et qu’est-ce que l’éternité ? peut-on se demander.

C’est la splendeur d’un moment de grâce, l’intensité d’un instant, la qualité d’un acte, la plénitude d’un état.

Jean Proulx, En quête de sens, p. 248-249

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dimanche 23 mars 2025

Le filtre du mental



Le concept du mental est central dans les enseignements traditionnels de l’Inde. Arnaud reprend ce thème d’une très belle façon dans son livre "En relisant les Évangiles", où il interprète la parabole ce la Samaritaine.

Quand le Christ ajoute : « Tu as eu cinq maris, et l’homme que tu as maintenant n’est pas ton mari », ce passage doit-il être compris littéralement ou bien revêt-il un autre sens ? Etant donné la brièveté des Evangiles, il est impossible qu’il y ait un chiffre, une précision qui ne nous concerne pas, nous, aujourd’hui, qui ne nous parle pas de nous, dans nos erreurs, nos tâtonnements, notre espérance.

Dans son Commentaire de l’Evangile, Lanza Del Vasto donne une explication de ce passage. Les cinq maris désignent nos cinq sens et le sixième qui n’est pas son mari correspond à ce que les hindous appellent le sixième sens, c’est-à-dire le mental (manas). Le mental n’est pas la vérité de nous-mêmes ; il s’est forgé peu à peu par les influences diverses que nous avons reçues et par l’éducation (qui, si j’ose m’exprimer ainsi, pensent à notre place et même ressentent à notre place) ; il est constitué de tout ce qui n’est pas vraiment personnel et juste en nous. Beaucoup de nos pensées ne sont faites que de citations prises ici ou là, beaucoup de nos émotions ne sont que des imitations dues aux influences culturelles.

[...] Qui n’est pas touché par cet entretien magnifique au bord du puits de Jacob : « Je te donnerai à boire d’une eau qui fera que tu n’auras plus jamais soif » ? Mais, il y a plus encore, qui nous donne à réfléchir. L'âme, la réalité profonde en nous, notre être essentiel est "marié", uni, confondu avec les cinq sens et nous interdit la vision de la réalité ultime ; et nous vivons avec ce sixième sens, le mental qui regroupe l’ensemble de nos conceptions et de nos opinions et se surajoute aux cinq sens pour nous exiler encore plus du réel.

Quant à l’état de conscience ordinaire, que l’on nomme « état de veille », il correspondrait à peu près à une identification complète entre le sujet et ce qui est perçu, sans aucune introspection sur la part des conditionnements psychologiques qui sont à l'œuvre Le processus est automatique et inconscient. C’est la position par défaut en l’absence d’un regard introspectif et d’une pratique de la vigilance.

Dans cet état de veille ordinaire, l’individu est gouverné par de fausses lois, des visions erronées. Il projette, sur autrui ou sur le monde, un imaginaire (attentes, fantaisies, interprétations, etc.) qu: ne correspond pas à la réalité objective des phénomènes. En pensée, nous retranchons de la réalité ce qui ne nous convient pas pour ajouter des éléments imaginaires, créant finalement une illusion qui nous convient mieux que ce qui est. D’où un sentiment global d’insatisfaction, de manque et de souffrance. Tous ces mécanisme: d’adaptation plus ou moins efficaces relèvent du domaine de la psychologie et de la psychanalyse et ils ont été abondamment étudiés.


Homo sapiens
, sans introspection ni compassion, demeure un primate plus ou moins agressif et destructeur, même s’il possède une carte de crédit et un portable. La démonstration n’est plus à faire*. 

Quant à la démarche du chercheur spirituel, elle implique d’être à l’affût de ce mental qui vient tout colorer et qui voile la vision pure des phénomènes. Avec de la vigilance et un regard introspectif capable de percevoir ces conditionnements, de prendre du recul vis-à-vis d’eux et de les considérer avec bienveillance, il devient possible ce stabiliser le mental et de tourner son regard vers la source de .a Conscience. Ainsi peut se développer la position intérieure du Témoin, la part la plus proche de la pure Conscience, de l’Êtreté.

... Une partie essentielle du travail de l’aspirant spirituel, une fois qu’il a pris conscience de l’omniprésence du mental dans sa vie, consiste à nettoyer et à rectifier cette lentille déformante, afin de voir ce qui est avec un minimum de distorsion et, éventuellement, ce se situer comme Témoin libre du mental. C’est le but de tous les chemins de la sagesse.

Le mental crée des conflits, la Paix les dissout.


Extrait de Dialogue avec un sage de Yvon Ginchereau
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* Desjardins, Arnaud, En relisant les Évangiles, Paris, La Table Ronde, 1990, p. 84-85.

*Lire à ce sujet : Harari, Yuval Noah, Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, Paris, Albin Michel, 2015.

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dimanche 2 mars 2025

François Cheng : méditation sur la vie révélée

 Dans son nouvel opus publié chez Albin Michel le 3 mars 2025, Une nuit au cap de la Chèvre, l’écrivain et académicien d’origine chinoise François Cheng offre une méditation poétique sur notre présence au monde, sur l’univers et sur la mort, dont voici en exclusivité des extraits.

L’Univers est. Une Puissance-créatrice l’a fait advenir. Il se présente à nous sous forme du Cosmos, au sein duquel se déploie une entité spécifique : la Vie. Première constatation qui frappe l’esprit : l’aboutissement de cette Création n’est pas la réalité physique du Cosmos, mais la Vie. 

Certes, le Cosmos nous émerveille par sa splendeur sans égale et sa vastitude sans bornes, alors que la Vie se développe dans un espace plus que restreint, même si bien d’autres planètes que la nôtre pourraient être habitées. Cette écrasante disproportion de volume ne doit pas faire oublier, à l’inverse, une différence de substance tout aussi écrasante.

La voie de la Vie

Alors que le Cosmos ignore sa propre existence, la Vie, elle, vécue par nous, est douée de conscience. Nous, les humains, connaissons la réalité de l’univers physique jusqu’à un certain degré, et surtout, nous sommes capables de nous interroger sur notre destinée en son sein. Le mouvement du Cosmos est mécanique et répétitif ; la voie de la Vie, en revanche, est en devenir, comportant étapes et étages qui ouvrent sur de possibles dépassements qualificatifs. Elle est d’un autre ordre.

Je suis donc là et j’observe. La magnificence produite par les milliards de galaxies aux feux entrecroisés m’impressionne, me stupéfie. Que de fois pourtant, face à la sublime scène d’un soleil levant ou d’un couchant, nous pouvons nous dire : « Cela est sublime parce que nous, humains, l’avons vu. Sinon tout serait en pure perte, tout serait vain. » Je prends soudain conscience que nous sommes, à notre niveau, l’œil ouvert et le cœur battant de cet univers. Si nous sommes à même de penser l’univers, c’est que véritablement il pense en nous.

Alors me vient l’évidence d’une question. Oui, nous sommes en droit de nous demander : « De la part de la Puissance-créatrice qui a fait advenir le Cosmos et la Vie, quel serait le “dessein” ? Pourrait-elle se contenter des astres qui tournoient indéfiniment sans le savoir ? N’aurait-elle pas besoin de “répondants”, d’êtres doués d’une âme et d’un esprit, comme nous le sommes, capables d’entrer en échange avec elle, donnant ainsi sens à sa Création ? »

L’aventure de l’être

C’est pleins d’une déférence sacrée cependant que nous obtenons du Cosmos des connaissances de base. Nous apprenons que la dimension réelle de l’univers est l’infini et que les lois de son fonctionnement sont fondées sur la rectitude : elles sont constantes, dignes de confiance aussi bien dans l’infiniment grand que dans l’infiniment petit, grâce à quoi les conditions de l’avènement de la Vie ont été rendues possibles.

À partir de là, force nous est de constater qu’en réalité la seule aventure en cours, chargée de promesses, est celle de l’Être. De cette aventure, nous les humains, nous sommes partie prenante. À nous d’assumer cette quête au jour le jour, à travers des tâches recelant une sourde grandeur, à la fois nobles et dures.

Nobles, parce que nous résonnons par nos créations à l’appel de la transcendance, et que certains d’entre nous, tendant vers un amour sans réserve, nous élèvent vers l’idéal du don. Dures, parce que nous devons affronter toutes les souffrances que peuvent causer les calamités, les maladies, les accidents, et surtout le Mal qui, plantant en plein centre de l’aventure ses tragiques méfaits, est en mesure de la faire échouer complètement.


Sublimes dépassements

Car le Mal a été rendu possible par l’intelligence et la liberté dont nous jouissons ; quand elles sont à son service, elles creusent un abîme sans fond jusqu’à menacer de détruire l’ordre de la Vie même. Enfin, par-delà toutes ces souffrances demeure un fait incontournable : chacun de nous, après avoir reçu le don de la Vie, est appelé à faire face un jour à sa propre mort.

Disons sans tarder que la Mort n’est nullement une force extérieure qui viendrait anéantir le processus de la Vie. Elle résulte d’une loi imposée par la Vie elle-même afin que la Vie puisse se renouveler et se transformer. C’est la Mort qui fait que la Vie est vie, en nous poussant vers l’urgence de vivre, en vue d’une forme d’accomplissement ou de sublimes dépassements. Tapie au creux de notre conscience, elle est la part la plus intime, la plus personnelle de notre être.

Elle rend tout unique dans notre existence, unique chaque minute de notre temps, unique chaque acte de notre entreprise, unique notre existence. Elle se révèle ainsi le moteur le plus dynamique de ce que nous faisons. Elle confère, en fin de compte, une valeur inaliénable à chaque vie : ainsi Malraux a-t‑il pu dire qu’apparemment une vie ne vaut rien, et que pourtant rien ne vaut une vie.

Accès à la transformation

Par une compréhension erronée de la Mort, surtout en cette vie moderne marquée par le déracinement, nous sommes loin d’une attitude juste envers elle. En refusant de dévisager la Mort en sa vérité et en restreignant notre existence à « ce côté-ci », nous nous enfermons dans un permanent état de peur, de rejet étriqué qui ne fait qu’accentuer notre angoisse.

Dans toute grande ville, on constate la dégradation de l’ultime phase de la vie des personnes. On meurt souvent dans l’isolement et l’anonymat, au grand désarroi des proches. Fuyant leur sentiment de culpabilité, ceux-ci s’abritent derrière un écran de fausse sécurité en abrégeant le temps de « faire le deuil ». Une sentence générale s’affiche au fronton de notre société : toute vie se termine « en queue de poisson ».

La mort d’un être est-elle un plongeon instantané dans le néant ? Nous avons tendance à le penser tout en ayant raison de ne jamais nous y faire. S’être engagé corps et âme dans l’aventure de l’Être, et puis se voir effacé sans laisser de traces comme si de rien n’était ? J’affirme le contraire, comme l’a fait le poète Rainer Maria Rilke : la Mort est un Ouvert ; elle donne accès à la transformation.

La mort, quand elle survient, chaque fois nous ébranle par son abyssale signification : le défunt — ou la défunte — nous apparaît aussitôt dans l’âpre éclat de son unicité irréductible. Épurée d’un coup des contingences et de tout ce qui est superflu, sa présence rendue à l’essentiel nous rappelle la nature sacrée de l’Être, et par là, éveille en nous la conscience ineffable de notre propre existence.

Une communion d’âme à âme

S’instaure alors, entre le disparu et les vivants, une communion d’âme à âme, transparente, éclairante, tendue vers la transcendance. Le disparu, par sa présence même, nous invite à ne pas oublier que nous ne venons pas de nous-mêmes, que nous sommes, chacune et chacun, le résultat d’un immense don de la part de la Puissance-créatrice qui est garante de l’Ouvert.

Au sein de l’humanité, un jour, Quelqu’un a accompli le geste absolu, indépassable, le geste décisif qui a changé la nature et le sens de la Mort. En se laissant clouer sur la Croix, il a affronté le mal — non seulement le mal de ses bourreaux, mais le Mal en soi, le Mal radical. Et dans le même temps, il a affirmé l’Amour inconditionnel, puisque, sur la Croix, s’adressant au Père, il a dit : « Pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font. » Cette parole faisait écho à ce qu’il avait déjà proféré : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »

D’un geste unique, il a tenu les deux bouts de la Vérité : il a vaincu le Mal radical par l’Amour absolu qu’il incarne. Sa mort ouvre la Voie de la Vie qui ne périra plus ; le lien entre l’ordre humain et l’ordre divin est rétabli. Plus précisément, il nous est permis de dire qu’une relation filiale est renouée. Nous sommes les héritiers à qui incombe le devoir d’assurer la marche de la Vie. Ici, je crois entendre la lointaine prédiction du Tao : « Celui qui cède à l’amour en se donnant au monde, à lui sera confié le monde. » 


Un oiseau qui soudain s’envole

À 15 ans s’éveilla en moi la révélation de la poésie. Surgis d’une source inconnue, des mots alignés, chantants, signifiants, illuminants, telles les coulées d’une lave, traversaient le souterrain de mon être.

Puis vint le jour divin. Dans une aube délavée par une brusque averse, sur la colline habillée de hauts pins dont les aiguilles scintillent de perles irradiantes, un oiseau qui soudain s’envole fait entendre les échos d’une chute toute proche. Une présence, aussi souveraine que maternelle, se penche sur l’adolescent tremblant d’émotion.

D’une voix résolue, elle lance un appel : « Chante, et tu seras sauvé, et tout sera sauvé. » Désormais, même au moment du plus imminent risque de perdition, retentirait en moi cette voix d’injonction qui m’empêcherait de succomber au néant.

Que l’univers créé vaille d’être célébré, c’est l’évidence. Que la Vie vaille d’être révélée, c’est l’évidence aussi. La Vie foisonnante, enivrante, provocante, exaltante, à la fois joyeuse et tragique, avec ses envols parmi les nues, ses êtres qui tentent de survivre au fond du gouffre, ses douleurs étouffées, ses émotions tues, sa part invisible et transfigurante qui se prolonge au-delà de la mort.

Le poète digne de ce nom reçoit mission non seulement de dire, mais d’accompagner toutes les âmes espérantes par son chant. Il ne doute pas que si les humains sont reconnaissants au Créateur de les avoir créés, le Créateur, lui, sait gré aux humains de prendre en charge les épreuves. »

(Pages extraites d’Une Nuit au cap de la Chèvre, de François Cheng, chez Albin Michel.) 

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source : La Vie

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dimanche 16 février 2025

Vivre l'instant !



Tous les bons manuels de spiritualité vous disent de vivre l’instant. Quelques vrais sages y parviennent et nous font envie.

Beaucoup de monde s’illusionne sur ce terme : vivre l’instant.

La réalité est que nous sommes constamment avec notre passé, et nous nous projetons dans l’avenir qui n’est que la suite du passé-présent.

Alors y a-t-il un mode d’emploi ?

Bien sûr, les sages qui en ont fait l’expérience peuvent vous indiquer le chemin. Mais étudier la carte – même très minutieusement – ce n’est pas faire la route. 

Et la route, on peut la faire de mille façons. En dilettante, façon chemin des écoliers ; au pas cadencé, façon militaire ; ou à côté, façon croyant ; ou en danseuse, façon valse, un pas en avant deux en arrière…

Bref, nous ne sommes que si rarement dans l’instant.


Et puis l’âge avance. Jusqu’à un âge certain, avec les complications inévitables. Et un jour, on s’aperçoit qu’on n’a plus d’avenir. Les douleurs sont celles du présent, et on ne sait de quoi demain sera fait. 

Mystère de la vieillesse : elle nous met dans la situation que l’on a si longtemps recherchée : vivre l’instant.

Mais tout n’est pas gagné pour autant. Nous sommes devant un choix : 

- Se plaindre des douleurs. Et nous retournons au passé.

- Ou déguster l’instant. Remercier du privilège incommensurable d’être sur terre. Quel cadeau de la vie !

Ça, c’est vivre l’instant. Hors temps, hors espace.

Je ne voudrais pas vous faire croire que parce qu’on peut y arriver une fois ou deux c’est dans la poche. À la prochaine souffrance, patatras, tout est à recommencer.

Mais l’avantage de l’âge avancé, c’est que la prochaine occasion n’est jamais loin.

Christian Rœsch

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samedi 1 février 2025

Faut-il attendre ?

 La semaine dernière, le jour de mon anniversaire, j'écrivais :



Faut-il attendre 75 ans ?

Faut-il attendre de mourir,

pour découvrir l’éternité dans laquelle nous sommes ?

Faut-il attendre…

pour sentir l’espace infini qui sans cesse nous habite et nous enveloppe ?

Faut-il attendre…

pour éprouver la Vie sans laquelle nous ne pouvons pas vivre, grandir, souffrir et mourir ?

Faut-il attendre…

pour être conscient de la Conscience sans laquelle nous ne pouvons pas être conscient, penser, rêver et le dire ?

Faut-il attendre…

pour aimer l’Amour sans lequel nous ne pouvons pas aimer, désirer et nous réjouir ?

Faut-il attendre…

pour honorer celui qui est « Je suis » sans lequel je ne pourrai pas dire je suis ?

Faut-il attendre 75 ans ?

Faut-il attendre de mourir …

pour célébrer la divine circuminsession (on périchorese) dans laquelle nous sommes intriqués maintenant, depuis toujours et pour toujours ?

Ne rien attendre. Sans cesse s’attendrir…


Jean-Yves Leloup, Janvier 2025


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samedi 25 janvier 2025

Citations de Kodo Sawaki


 Kodo Sawaki (1880–1965) était un maître zen japonais reconnu pour son approche directe et son franc-parler. Il a joué un rôle clé dans la diffusion de la pratique du zazen (méditation assise) en dehors des monastères, insistant sur sa pertinence pour la vie quotidienne. Voici 10 citations célèbres attribuées à Kodo Sawaki, reflétant sa sagesse et sa philosophie :

1. **"Zazen, ce n'est pas quelque chose que vous faites pour devenir un Bouddha. Zazen, c'est simplement s'asseoir dans la posture de Bouddha ici et maintenant."**

2. **"La vie est comme un rêve. On s'agite, on fait du bruit, on souffre, et puis tout s'arrête."**

3. **"Vous voulez toujours que la vie corresponde à vos désirs, mais la vie est indifférente à vos désirs."**

4. **"Le zen, ce n'est pas une question de suivre les autres ou d'imiter quelqu'un. C'est marcher sur son propre chemin, pleinement responsable de soi-même."**

5. **"Le bonheur ne se trouve pas en accumulant des choses. Le véritable bonheur réside dans la simplicité et dans le fait de se contenter de ce que l'on a."**

6. **"Si vous suivez vos envies et vos désirs, vous serez esclave de vous-même. Libérez-vous de vous-même, et vous trouverez la paix."**

7. **"La pratique du zen, c'est revenir à la maison. Mais la maison n'est pas un lieu : c'est l'instant présent."**

8. **"Être libre, ce n'est pas faire tout ce qu'on veut. Être libre, c'est ne pas être attaché à quoi que ce soit."**

9. **"Ce qui compte dans zazen, ce n'est pas ce que vous obtenez, mais ce que vous abandonnez."**

10. **"Le zen n'est pas une question de compréhension intellectuelle. C'est vivre pleinement chaque moment, au-delà des concepts et des mots."**

Ces citations illustrent la profondeur et la simplicité radicale de l'enseignement de Kodo Sawaki, mettant l'accent sur la pratique directe et l'expérience personnelle plutôt que sur les théories ou les dogmes.


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vendredi 24 janvier 2025

Comment faire ?

comment faire

quand 

à terre

je cherche des éclats 

de mon image fracassée ? 

qui donc es tu, toi ? 

je ne sais plus

je ne sais pas

fragments

volant au vent

un canard court 

décapité

bientôt plumé 

cuit

et servi 

nourriture appropriée

pour des instances plus élevées

Gilles Farcet

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vendredi 17 janvier 2025

c'est l'avenir qui viendra à vous...

 Q : Je confesse être d'humeur rebelle aujourd'hui. Tout me semble incertain, inutile...


Nisargadatta Maharaj : C'est une humeur profitable. Douter de tout, tout refuser, s'interdire d'apprendre quelque chose d'autrui. C'est le fruit de votre longue sadhana (pratique spirituelle). Après tout, on n'étudie pas éternellement.

Q : J'en ai assez. Cela ne m'a mené nulle part...

M : Ne dites pas nulle part. Cela vous a mené où vous êtes maintenant. 

Q : Toujours l'enfant et ses accès de colère ! Je n'ai pas avancé d'un pouce.

M : Vous avez commencé comme enfant, vous finirez enfant. Vous devez perdre tout ce que vous avez gagné et finir comme vous avez commencé. 

Q : Mais l'enfant se rebiffe ! Quand il est en colère, quand on lui refuse quelque chose, il se met à trépigner. 

M : Laissez-le trépigner. Regardez-le seulement, quand il trépigne. Et si vous avez trop peur des autres pour trépigner avec conviction, constatez-le. Je sais que c'est un travail douloureux. Mais il n'y a pas de remède, sauf de renoncer à chercher des remèdes. 

Si vous êtes en colère ou dans la peine, situez-vous hors de la colère et de la peine : observez-les. L'extériorisation est le premier pas vers la libération. Éloignez-vous et regardez. Les événements physiques continueront d'arriver, mais, en eux-mêmes, ils n'ont aucune importance. C'est le mental seul qui compte, quoi qu'il arrive. Vous ne pouvez pas trépigner et hurler dans les bureaux d'une compagnie aérienne ou d'une banque, la société ne le permet pas. Si vous n'aimez pas leurs manières, ou si vous n'êtes pas prêt à les accepter, ne voyagez pas et n'ayez pas d'argent. Marchez, et si vous ne pouvez pas marcher, ne voyagez pas. Si vous avez affaire à la société, vous devez accepter ses usages, car ce sont les vôtres. Vos besoins et vos demandes les ont créés. Vos désirs sont si complexes et si contradictoires qu'il n'est pas étonnant que la société que vous créez soit, elle aussi, complexe et contradictoire.

Q : Je le vois bien et j'admets que le chaos extérieur n'est qu'un reflet de mon propre manque intérieur d'harmonie. Mais quel est le remède ? 

M : Ne cherchez pas de remèdes. 

Q : Quelquefois on est dans un état de grâce et la vie est heureuse et harmonieuse. Mais un tel état ne dure pas ! L'humeur change et tout va mal.

M : Si vous pouviez seulement vous tenir tranquille, les attentes et les mémoires éclaircies, vous seriez capable de voir la belle mise en place des événements. C'est votre agitation abrutissante qui cause le chaos. Vous voulez des résultats immédiats ! Nous ne faisons pas de magie ici. Tout le monde fait la même erreur : refuser les moyens mais en voulant la fin. Vous voulez la paix et l'harmonie dans le monde mais vous refusez de les avoir en vous. Suivez mon conseil avec confiance et vous ne serez pas désappointé. Je ne peux résoudre vos problèmes simplement par des mots. Vous devez agir conformément à ce que je vous dis et persévérer. 

Ce n'est pas le conseil juste qui libère mais l'action qui se fonde sur lui. Voyez le docteur qui dit au patient, après lui avoir fait une piqûre : "Maintenant, restez tranquille. N'en faites pas plus, restez seulement tranquille" ; je vous dis comme lui : vous avez eu votre piqûre, maintenant restez tranquille, seulement tranquille. Vous n'avez rien d'autre à faire. Mon guru a fait la même chose. Il m'aurait enseigné quelque chose et ensuite aurait dit : "Maintenant restez tranquille. N'allez pas ruminer tout le temps. Arrêtez. Soyez silencieux."

Q : Je peux rester une heure tranquille le matin, mais la journée est longue et beaucoup de choses arrivent qui jettent à bas mon équilibre. C'est facile de dire : "Faites le silence", mais dites-moi comment, au milieu des hurlements en moi et autour de moi, peut-on y parvenir ? 

M : Tout ce qui doit être fait peut être fait dans le silence. Il n'y a aucune raison d'en être bouleversé.

Q : Tout ça n'est que théorie qui ne colle pas aux faits. Je vais retourner en Europe où je n'ai rien à faire. Ma vie est totalement vide... 

M : Essayez simplement d'être calme, tout viendra à vous, le travail, la force de le faire, la motivation juste. Faut-il que vous sachiez tout d'avance ? Ne soyez pas angoissé par votre avenir, soyez tranquille aujourd'hui et tout se mettra en place. L'inattendu arrivera certainement alors que l'attendu peut ne jamais se produire. Ne me dites pas que vous ne parvenez pas à contrôler votre nature. Il ne vous est pas nécessaire de la contrôler. Jetez-la par-dessus bord, n'ayez pas de nature à combattre ou à laquelle vous soumettre. Aucune épreuve ne vous blessera pourvu que vous n'en fassiez pas une habitude. Vous êtes la cause subtile de l'univers entier. Tout EST, parce que vous êtes. Accrochez-vous fermement et profondément à ce point – demeurez-y. Réaliser ceci comme absolument vrai, c'est la libération. 

La nature n'est ni plaisante ni déplaisante. Elle n'est qu'intelligence et beauté. La souffrance comme le plaisir ne sont que dans le mental. Changez votre échelle de valeurs et tout changera. Le plaisir et la souffrance ne sont que des perturbations des sens ; acceptez-les tranquillement, ils ne seront plus que béatitude. Puisque le monde est ce que vous en faites, rien ne vous empêche de le faire heureux. Seul le contentement peut vous rendre heureux. Des désirs assouvis naissent de nouveaux désirs. Se garder de tout désir, se contenter de ce qui vient de soi-même, est une attitude très fructueuse – un premier pas vers l'état de plénitude. Ne méprisez pas sa stérilité et sa vacuité apparentes. 

Croyez-moi, c'est la satisfaction des désirs qui engendre la misère. La liberté vis-à-vis du désir est béatitude. 

Q : Il y a des choses dont nous avons besoin... 

M : Ce dont vous avez besoin se présentera à vous si vous ne désirez pas ce dont vous n'avez pas besoin. Mais peu de gens atteignent cet état de lucidité totale et de complet détachement. C'est un état très haut, le seuil même de la libération.

Q : Ces deux dernières années, j'ai été stérile, désolé, vide, souvent j'ai appelé la mort...

M : Avec votre présence ici, les choses se sont mises en marche. Laissez-les se produire comme elles arrivent. Le tri se fera convenablement de lui-même en fin de compte. Ce n'est pas la peine de vous battre pour l'avenir – c'est l'avenir qui viendra à vous. Pendant un certain temps encore, votre démarche sera celle d'un somnambule, comme aujourd'hui, dépourvue de sens et d'assurance ; mais cette période aura une fin et vous trouverez votre travail fructueux et facile. 

Il y a toujours des moments où on se sent vide et détaché. De tels instants sont des plus désirables car ils montrent que votre âme a largué ses amarres et vogue vers des pays lointains. C'est cela le détachement : quand on en a fini avec le vieux et que le nouveau n'est pas encore arrivé. Si vous avez peur, cet état peut être éprouvant ; mais il n'y a là rien dont vous puissiez être effrayé. Souvenez-vous de cette instruction : quoi qu'il vous arrive – dépassez-le.

~ Nisargadatta Maharaj 

Je Suis, chapitre 53

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samedi 11 janvier 2025

La paix à offrir (2)

 Je l’ai compris auprès d’une femme qui n’avait plus que quelques jours à vivre.


J’entre dans une chambre de l’unité de soins palliatifs où je travaille. Cette femme est là, alitée. Elle m’accueille avec un sourire. Elle est fatiguée mais une douceur intérieure lisse les traits de son visage. Je m’assieds sur le rebord de son lit. Spontanément, elle me prend la main et me regarde en silence. Elle hésite, comme si elle cherchait ses mots. «Je vais bien, me dit-elle presque dans un souffle. Je ne comprends pas pourquoi... mais je vais bien. »

Elle est pourtant en train de vivre ses derniers jours. C’est étrange : l’un après l’autre, elle perd les supports de ce qui a constitué sa personne tout au long de son existence. Son corps l’abandonne. Il s’épuise et s’amaigrit. Elle a perdu depuis longtemps son statut professionnel et a renoncé aux projets qui étaient ses moteurs de vie. Elle sait qu’elle est en train de perdre sa place dans le monde des vivants qui continueront à vivre quand elle ne sera plus... Tant de pertes successives, tant de renoncements. La perte inexorable de tout ce qui lui permettait de dire : «Je suis cette personne. Ceci est “moi”.» Et pourtant, aujourd’hui, alors qu’elle est profondément engagée dans le deuil d’elle-même, elle me dit : «Je vais bien.» Cet état de quiétude arrive si rarement chez une personne en fin de vie que j’éprouve le besoin de rester auprès d’elle. Pour m’en imprégner. Pour comprendre aussi ce qui se passe sous mes yeux car, de façon troublante, je me sens aussi pénétré par cette tranquillité si paradoxale, alors que la mort s’annonce.

Que se passe-t-il à cet instant ? Quelle est la nature de cet apaisement ?

Je vois cette femme qui n’a plus assez de «support » pour continuer à se définir elle-même comme elle le faisait autrefois. Sous les assauts de la maladie, elle est contrainte à quitter son ego - cette représentation mentale d’elle-même - qui lentement se délite. Son espace psychique se vide progressivement de tout ce qu’elle pensait être mais, dans un même temps, une porte s’ouvre en elle : elle fait l’expérience directe d’un espace intérieur où peu de pensées s’élèvent. Et elle y découvre la paix. Une sorte d’immédiateté dans son rapport au monde et à elle-même. Quelque chose de très simple et de très calme, un espace de non-lutte par rapport à sa nouvelle réalité.

Mot après mot, dans un effort qu’il me semble essentiel de ne pas contrarier, elle me raconte combien elle sent un accès plus simple à l’instant présent : les sensations d’un bain ou d’un massage, la contemplation d’un arbre à travers sa fenêtre, le son de la musique, le silence d’une rencontre. Elle découvre, étonnée, qu’affranchie des pensées qu’elle n’a plus la force de suivre,

elle existe autrement, différemment. Plus calme, plus paisible. Elle avait l’impression de tout perdre et elle découvre qu’elle continue à exister. Qu’elle conserve son essence, son sentiment d’«être». «Je suis arrivée à un état que j’ai recherché toute ma vie, me confie-t-elle dans un filet de voix. Une vérité, une clarté, une simplicité à être “moi”, alors que..., sourit-elle en regardant son corps décharné, il n’y a plus rien de moi.» Une pensée me traverse : j’ai l’intuition qu’elle contacte un écho de son essence profonde, un écho sourd mais indéniable de ce qu’elle est fondamentalement. Un espace calme, clair, lumineux, sans pensée, intelligent, au-delà du temps, conscient de lui-même...

Je ne comprends pas pourquoi je suis autant touché par la paix que cette femme irradie. Je me sens moi aussi porté par cette paix. Je pense un instant qu’elle me la communique, mais non... Cela ne vient pas d’elle... Ce qui me trouble, c’est que je reconnais la sensation que ses mots réactivent en moi. Je reconnais la texture de ma propre expérience méditative — comme si son état intérieur entrait en résonance avec ma propre dimension intérieure. Son esprit dépouillé de tout devient un miroir qui me révèle à moi-même. Le visage de Chogyé Trichen traverse mon esprit. En dépit du fait que ni moi ni cette femme ne sommes «réalisés» comme lui, il se déroule la même expérience spirituelle qu’avec ce maître : nos essences respectives entrent en harmonie l’une avec l’autre.

A suivre

 Dr Christophe Fauré - S'aimer enfin (un chemin initiatique pour retrouver l'essentiel)

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dimanche 17 novembre 2024

« Il est urgent de chercher à tricoter le rêve de Dieu »


Samuel lui a téléphoné : « Mamounette, voudrais-tu me tricoter un pull-over, si tu as de la laine chez toi ? J’ai peur que tu t’ennuies. » Une mamie, ça ne s’ennuie jamais, Samuel ! Et les mamies tricoteuses ont toujours de la laine en réserve. L’enfant a poursuivi : « J’aimerais bien qu’il y ait quatre lamas, et un soleil qui se lève derrière la montagne. Et puis de l’herbe verte. Et puis, sur le côté, j’aimerais bien qu’il y ait un petit lama qui court après son papa… »

Le petit Samuel de 5 ans a rêvé : c’est le métier des enfants. Danièle a sorti ses pelotes et ses aiguilles et s’est mise au travail : c’est le métier des grands-mères. Elle lui a tricoté son rêve. Le tricotage, c’est des bouts de laine qui se mêlent. Mais ici, ce sont deux vies qui s’entrecroisent et des années après, on en parle toujours…

Cette histoire que Danièle m’a racontée il y a quelques jours, du soleil plein les yeux, me ramène à d’autres rêves que les petits et les grands vont exprimer à l’approche de la fin de l’année. Rêves de cadeaux en tous genres, bien souvent capricieux ; rêves achetables, pouvant être assouvis sans délais par la « magie » des Black Fridays et des promos de fin d’année. Cadeaux prêts à porter, sans autre engagement que celui d’une carte bancaire. On sera loin alors de l’envie de Samuel, rendue possible par sa confiance et sa complicité avec sa Mamounette, parce qu’il faut le savoir : dans cette histoire de trois fois rien, Danièle et Samuel se sont rendus vivants.

Rêver, c’est le métier de Dieu

Et cela me ramène à un autre rêve, celui d’un Dieu qui « planta un jardin en Éden, à l’Orient », y mit l’humanité naissante « créée à son image », lui confiant la gérance d’un monde inachevé. Rêver, c’est le métier de Dieu. Il y voyait déjà une famille humaine multipliée, responsable de l’à-venir. Il rêvait de bonheur, de vie à profusion, d’amours multicolores. Les paroles de la Bible sont une trace tissée de son désir.

Pendant quelques années, sans jamais cesser de marcher, d’aller à la rencontre, d’inviter à sa table et de se laisser inviter, Jésus a tricoté à sa façon le monde rêvé de son Père. Parce que plus que tout autre, il pressentait que Dieu est jeune, éternellement jeune. L’enfance de son monde l’obsédait. À certaines heures, fatigué par ceux qui vivaient Dieu comme un exercice de gymnastique ou un théorème qui casse la tête, il se risquait à dire : « J’ai joué de la flûte, vous n’avez pas dansé. »

Tricoter le rêve de Dieu

Les quelques-uns qui l’ont suivi jusqu’au seuil du tombeau ont compris au matin de Pâques qu’il leur fallait donner une nouvelle intensité aux lueurs d’espoir qu’il avait allumé. Et ils se sont ligués pour donner forme ensemble aux rêves de leur Ami.

Dans le creux de l’hiver qui s’annonce, il est temps de ressortir nos aiguilles et les trois bouts de laine qui traînent dans nos boîtes à découdre. Dans notre monde abîmé par la violence, malmené par l’hystérie du pouvoir et sclérosé par les replis identitaires – jusque dans notre Église ! –, avec les hommes et les femmes de bonne volonté, il est urgent de chercher à tricoter le rêve de Dieu. Sans quoi nous mourrons tous de froid.

Raphaël Buyse 

source : La Vie

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jeudi 7 novembre 2024

Une vie de ronces et de cours d’eau

 Mais, tout d’abord, laissez-moi vous conter l’histoire de Zhongli Quan, l’un des plus célèbres des 8 Immortels…

Zhongli Quan : l’Immortel qui changea de voie

Enfant, Zhongli Quan était connu dans sa région natale pour les miracles qui se produisaient sur son chemin. Il était déjà apprécié, dès son plus jeune âge, pour sa sagesse extraordinaire. L’enfant grandit, et décida de suivre davantage une vie de militaire plutôt que ses aspirations spirituelles, tout comme son père l’avait fait avant lui. Rapidement, Zhongli Quan fut recruté par la cour de l’empereur, et nommé général. Il fut envoyé sur le champ de bataille par l’empereur Han, afin de combattre les Qiang. Au cours de ce combat, Zhongli Quan fut lâchement trahi par son supérieur, et subit une terrible défaite. Blessé, humilié, il se réfugia dans une montagne enneigée pour s’y laisser mourir.

C’est alors qu’une maisonnette de bois lui apparut, au milieu de la forêt. Sur son seuil se tenait un vieillard, vêtu d’une peau de cerf blanc. L’homme accueillit le soldat blessé, et lui offrit l’hospitalité. Leurs discussions, profondes et empreintes de sagesse, réveillèrent l’aspiration de Zhongli Quan pour la spiritualité. Il supplia le vieillard de l’aider à renouer avec cette part de lui-même, qu’il avait si longtemps négligée. L’homme accepta, et se chargea de l’initiation de Zhongli Quan au Tao.

Bien des jours plus tard, le vieillard poussa Zhongli Quan à quitter les bois pour réintégrer la société, en lui faisant promettre d’utiliser ses nouvelles connaissances pour le bien de l’humanité. Après avoir quitté la maisonnette et fait quelques pas dans la neige, Zhongli Quan se souvint qu’il n’avait pas remercié son hôte comme il l’aurait dû. Il fit demi-tour. La maisonnette avait disparu.

Zhongli Quan réintégra la société, comme il l’avait promis, et se consacra corps et âme à sa quête spirituelle. Il multiplia les miracles et les bienfaits sur son passage, changeant le cuivre en argent, afin de permettre aux paysans miséreux de s’acheter de la nourriture. Entre autres faits, Zhongli Quan fut celui qui montra la voie de l’illumination à Lu Dongbin, l’un des 8 Immortels.

Un jour, alors que Zhongli Quan méditait dans sa chambre, un mur de la pièce s’effondra, laissant apparaître une boîte en jade. Lorsqu’il l’ouvrit, Zhongli Quan y découvrit le secret de l’Immortalité.

Il devint ainsi Immortel à son tour, et rejoignit les cieux.

Une peinture de Zhongli Quan à la recherche de la voie du Tao, 15e siècle

Lorsque les évènements nous soufflent la voie à prendre

Comme nous tous, certainement, Zhongli Quan a essuyé au cours de sa vie une terrible défaite. Je suis certain que nous avons tous et toutes déjà vécu un événement similaire. Un licenciement. Une trahison amoureuse ou amicale. Un projet qui nous tenait à cœur, mais qui n’a pas fonctionné.

Dans le cas de Zhongli Quan, l’Immortel a dû vivre une terrible trahison, suivie d’un échec cuisant, pour se rendre compte que la voie qu’il avait empruntée n’était pas la bonne. L’échec, vous en conviendrez tout comme moi, n’est pas agréable. Rare est celui qui parvient à se réjouir d’une défaite. Mais échouer, se tromper, qu’est-ce que cela veut vraiment dire ?

Est-ce une fatalité, un événement contre lequel lutter de toutes ses forces ? Ou, au contraire, une main tendue par la voie du Tao ? N’oublions pas, chers amis, le principe de non-agir. Principe contraire à notre envie de lutter contre les échecs. À nous battre, toujours plus fort, contre les évènements.Lorsque nous luttons contre ce qui nous arrive de plus malheureux, nous nous épuisons inutilement. Nous nageons à contre-courant, dans un torrent vif et impétueux. Au lieu de nous laisser porter par l’eau.

Le non-agir n’est pas de la passivité. Il s’agit simplement de ne pas forcer les choses. Agir en harmonie avec le flux naturel, comme un bateau qui suit le courant plutôt que de lutter contre lui. Avez-vous déjà fait l’expérience d’essayer de nager contre le sens naturel d’une rivière ? Si oui, vous connaissez ce sentiment d’épuisement qui vous gagne. La douleur et la fatigue. Le froid qui commence à ronger votre peau. Si vous avez déjà fait cette expérience, vous savez aussi le soulagement que l’on ressent lorsque l’on cesse de se mouvoir. Lorsqu’on accepte le sens du courant. Lorsque nous nous y abandonnons pleinement. Il ne s’agit pas de résignation, non. Simplement d’un choix de suivre le juste cours des choses. D’accepter l’évidence, au lieu de tenter de plier la réalité à la seule force de notre volonté.

La rivière est le Tao. Accepter son flux naturel est un soulagement évident. 

Quand les échecs guident notre chemin

Peinture de Zhang Lu sur Zhongli Quan, début du XVIe siècle

J’aime voir les échecs, les trahisons et les instants difficiles de notre vie comme des buissons de ronces qui poussent le long de notre chemin de vie. Qui nous empêchent de nous tromper de sentier, et, au final, de nous perdre. Qui nous mènent, avec plus de douceur que l’on pourrait le supposer, vers ce que nous sommes et voulons profondément. Une occasion précieuse de réorienter notre chemin.

Dans le Taoïsme, les échecs et les obstacles sont vus comme des courants invisibles dans le flot de la vie. Plutôt que de les voir comme des barrages, nous pouvons les percevoir comme des signaux subtils qui nous guident vers une voie plus harmonieuse. En accord avec notre vraie nature

N’oublions jamais, ami(e)s du Tao, que la voie est celle qui apparaît sous nos pieds. Sans forcer et sans acte de résistance. Tout comme la maison du vieillard est apparue devant Zhongli, alors que les ronces de ses échecs l’avaient poussé à s’isoler dans la montagne. Les échecs, les trahisons et les déconvenues de l’existence nous indiquent que nous ne nous trouvons pas sur le bon chemin.

Alors, peut-être, nous indiquent-ils où se trouve notre réelle place dans l’univers. Celle que nous connaissons, tout au fond de nous.

Mais à laquelle nous refusons de croire...

Charles Zhang

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mercredi 23 octobre 2024

Dynamique du travail


 LES AVANIES DE L’EMPATHIE (POSSIBLE INSTRUMENTALISATION DU PROCESSUS THERAPEUTIQUE AU DÉTRIMENT DE LA DYNAMIQUE DU "TRAVAIL"...

Le rôle des thérapeutes plus ou moins en lien avec la voie peut s’avérer involontairement pernicieux à partir du moment où ils ne font pas clairement la différence entre accompagnement dans la maturation et rééquilibrage de surface. 

J’ai souvent  - pas toujours heureusement - observé qu’une personne occupée à éviter une étape cruciale sur son chemin proprement spirituel va chercher - tout cela inconsciemment bien entendu - à instrumentaliser le thérapeute, si thérapeute il y a, dans son processus d’évitement. 

En pratique, la personne demande au thérapeute de le rééquilibrer.  


Et ce dernier, peut, quelles que soient ses compétences, facilement tomber dans le piège si il ou elle n’est pas lui même complètement au clair sur sa relation avec son propre maître et avec les instructeurs affiliés à cette voie, ou/et n’est pas lui même  suffisamment passé par ce processus.  

J’ai ainsi vu des personnes consacrer beaucoup de temps et d’énergie à se rééquilibrer en surface avec l’aide dévouée d’un thérapeute sincèrement convaincu et parfois pas mécontent de « réparer » les dommages causés par tel ou tel transmetteur pourtant a priori qualifié … 

Or, il eût été, du moins du point de vue du processus profond de la voie, bien plus profitable à ces personnes de rester momentanément « en déséquilibre » et d’être éventuellement aidées par leur thérapeute à le traverser pour parvenir à entrevoir une autre perspective, plutôt que de trouver oreille complaisante aux « torts » subis. 

C’est par excellence une question fort délicate , dont je suis bien conscient qu’elle peut donner lieu  à toutes sortes de réfutations raisonnables. 

Ou en serai je si j’avais eu la mauvaise idée d’instrumentaliser un autre instructeur prêt à tomber dans le piège ou un thérapeute, pour me rééquilibrer suite aux maintes secousses reçues de mon maître , voire parfois d’autres personnes au service du travail de mon maître ? 

En pratique, il s’agit d’un stade du cheminement où les logiques thérapeutiques classiques et la logique du travail proprement spirituel peuvent réellement diverger. 

Bien entendu, les enseignants spirituels mal positionnés et non intègres s’empresseront de justifier leurs abus en invoquant les nécessités du « travail »… C’est pourquoi tout cela demeure encore une fois bien délicat.

Gilles Farcet

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dimanche 20 octobre 2024

Un grand et un petit retournement

 Les anciens chamans ou thérapeutes allaient à la recherche de l’âme perdue ou exilée de ceux qui étaient considérés comme des corps malades ou malheureux.


Leur âme perdue, c’est leur énergie perdue, leur santé, leur souffle, la vibration subtile de leurs corps vivants.

Leur âme perdue, c’est leur conscience perdue, cette lumière, ce discernement, cette claire vision de tout ce qui est, sans jugement.

Leur âme perdue, c’est leur bonté perdue, cette bienveillance qui reconnaît et respecte tout ce qui existe, qui ne fait qu’« un avec ».

Leur âme perdue, c’est leur silence perdu, l’infini, la liberté qui contient tous les bruits du monde et ne s’arrête en aucun.

Cette âme perdue, pourtant, elle n’est jamais loin…

La vie, la conscience, l’amour, le silence, ne sont jamais loin…

C’est le revers de l’unique médaille, l’implicite de l’explicite, l’intérieur de l’extérieur, l’invisible du visible, l’onde de la particule, le Réel en toute réalité.

Chaque instant d’attention, c’est le retour de la conscience perdue, ce retournement de la médaille.

Chaque instant de bonté et de générosité gratuite, c’est le retour de l’amour perdu, le retournement de la médaille.

Chaque instant de plaisir, c’est le retour de l’énergie perdue.

Chaque instant est une occasion favorable d’accueillir la vie, la conscience, l’amour, le silence souvent oubliés, jamais perdus, c’est un grand et un petit retournement.

 Jean-Yves Leloup, octobre 2024

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samedi 12 octobre 2024

Comme une goutte d'eau qui se dissout dans l'océan

Mes chers amis,


Une goutte d'eau a une individualité, une forme, des limites, mais quand elle tombe dans l'océan, elle est indifférenciée de l'océan. Son individualité, sa forme, ses limites ont disparu.

L'apparence de la goutte était transitoire, entre le nuage et l'océan. La nature de la goutte est restée identique, c'est de l'eau.

A la naissance notre corps prend forme et après la mort il redevient poussière. C'est juste un jeu temporel d'apparence. Un jeu extrêmement précieux car c'est le jeu de notre vie. C'est pendant notre vie que la prise de conscience de ce que nous sommes vraiment, de quelle est notre véritable nature peut avoir lieu.

Notre apparence est bien plus complexe que celle de la goutte. Et quelle est notre nature ?

Les enseignements bouddhistes nous disent que notre nature de Bouddha est vacuité, qu'elle n'a pas d'existence en soi (c'est à dire qu'elle n'a aucune existence permanente indépendante d'autres phénomènes). Nous viendrions de la vacuité, pour retourner à la vacuité. Notre vue duelle nous donne toujours ces impressions de mouvement.

La méditation nous permet, en diminuant les mouvements, de revenir à l'instantanéité, à tenter de percevoir ce qui est perçu, ce dont nous sommes conscients, juste dans l'instant.

C'est un des chemins qui peut nous permettre de dévoiler notre véritable nature.

Nous pouvons alors commencer à prendre conscience des qualités inhérentes à notre véritable nature. Je vous les résume de façon très courte et incomplète car découvrir les qualités de notre nature de Bouddha, nos qualités divines est le chemin de toute une vie.

Mais nous pouvons déjà dire que ce que nous sommes est clair, c'est à dire insubstantiel et non obstructif, créateur (c'est en son sein que tout se produit) et connaissant, c'est à dire que nous sommes conscients de ce que nous percevons et que nous sommes conscients d'être, conscients d'être conscient.

Voila les points abordés dans cette méditation.

Avec ma profonde amitié pour vous tous.

Philippe Fabri

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