dimanche 25 août 2019

A propos de la poésie (1)

 
« Il était une chose que seule la terreur pouvait obtenir, c'était que des centaines d'hommes bouillonnant au fond de la baraque fissent silence. Seule la terreur... et la poésie. Si quelqu'un récitait un poème, tous se taisaient, un à un comme des braises s'éteignent. Une main tenait les hommes ensemble. Un manteau d'humanité les recouvrait. J'apprenais que la poésie est un acte, une incantation, un baiser de paix, une médecine. J'apprenais que la poésie est une des rares, des très rares choses au monde qui puisse l'emporter sur le froid et sur la haine. On ne m'avait pas appris cela.

Une médecine, ni plus ni moins. Un élément qui, communiqué à l'organisme humain, modifiait en lui la circulation vitale, la rendait plus rapide ou plus lente. Bref un élément dont la positivité était aussi concrète que celle d'un corps chimique. J'étais loin de m'en douter avant ces expériences. »

 

Jacques Lusseyran,
Extrait de Le Monde commence aujourd'hui, paru dans la Revue Reflets, N* 20, Dossier « L’Art - la création inspirée », p. 52.



« Nous sommes les abeilles de l'invisible. Nous butinons éperdument le miel du visible, pour l'accumuler dans la grande ruche d'or de l'invisible. La vie prépare la mort, elle ne prépare pas quelque chose de brutal, elle prépare de l'invisible qui a cette merveilleuse consistance qu'a la poésie d’être en rime, d’être en rythme, de s'écouler comme le temps peut s'écouler pour un poète.

[...] J'ai la chance d'avoir avec la poésie, et celle dans les trois langues que je pratique, une relation très personnelle, presque héroïque ; une gourmandise à l'égard de ce que me procure le fait de réciter des vers. (...) Elle est pour moi une sorte de domaine du réel qui précisément n'a pas la même lourdeur que le réel quotidien, mais qui a la même extension merveilleuse du réel. (...)

(...) Le fait de réciter à part soi un poème, c'est une libération de l'esprit. (...) (La poésie) est entre la bouche et le cerveau. Elle n'occupe par conséquent aucun grand espace extérieur. On peut l'utiliser même en étant obligé de rester immobile. »


Stéphane Hessel,
Extrait d'un entretien avec Brigitte Maillard, paru dans la Revue Reflets, N' 28, « Dossier Poésie - Dire l'indicible », p. 48.

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