jeudi 27 octobre 2011

Le Dalaï-Lama et les religions


A l'occasion des 25 ans de la Rencontre d'Assise pour la paix, interview du dalaï-lama, qui répond aux questions sur le dialogue interreligieux.
Le dalaï-lama était invité à Toulouse du 13 au 15 août pour donner une série de conférences © Alexandra Silva
Le dalaï-lama était invité à Toulouse du 13 au 15 août pour donner une série de conférences © Alexandra Silva
Venu à Toulouse au mois d’août dernier, le chef spirituel tibétain a longuement insisté sur la nécessité de poursuivre un dialogue interreligieux respectueux du pluralisme. Dans un petit salon privé du Zénith, il est revenu sur Assise 1986, aux côtés de son traducteur, le moine bouddhiste français Matthieu Ricard. Le visage éclairé de son éternel sourire, humain et lumineux, il ne se contente pas de parler de cet esprit d’Assise, il le transmet.

En 1986, vous étiez aux côtés de Jean Paul II à Assise. Quel souvenir gardez-vous de cette rencontre ?

J’avais particulièrement apprécié l’initiative de Jean Paul II. En réunissant les représentants des grandes religions pour ces journées de prière, le pape leur avait permis d’exprimer leur point de vue sur la paix dans le monde. Que des responsables religieux montrent un exemple d’unité sur de grandes questions comme la paix et l’amour altruiste aux yeux de tous les citoyens est très important.
D’autant plus qu’aujourd’hui le fanatisme religieux persiste : aucune religion n’est épargnée et l’esprit d’Assise semble parfois loin !

Pour certains, il n’y a qu’une seule vérité, une seule voie... Alors qu’en réalité les vérités et les voies sont multiples, comme les religions. Chaque pratiquant doit prendre conscience que sa vérité peut être unique, mais jamais exclusive. Si l’on pratique une religion, il faut être sérieux. Si l’on est sérieux, on ne peut pas manquer de reconnaître que l’amour, la tolérance sont au cœur de notre religion ! L’individu doit donc se concentrer sur sa foi. L’harmonie n’est pas une utopie. En Inde, différentes traditions coexistent pacifiquement depuis un millénaire, sur la base du respect mutuel.

Mais comment lutter contre l’extrémisme ?

Pour acquérir le respect, il faut d’abord se connaître ! Il faut nouer des liens, que les gens se voient et se parlent, qu’ils étudient les autres traditions religieuses pour en apprécier la valeur, aillent en pèlerinage sur les lieux saints des autres croyants. Il faut faire des rencontres personnelles avec d’autres pratiquants et partager leur expérience profonde de la spiritualité. Cette intimité est la base d’une communion essentielle à la paix.

Quelle est la place des non-croyants dans la construction d’un monde de paix ?

Il faut partir de la base : nous sommes des êtres humains et nous voulons être heureux. Nous sommes des animaux sociaux par nature, frères et sœurs de la même espèce. Nous devons donc nous rappeler que nous avons besoin les uns des autres, que nous sommes interdépendants. Notre survie même dépend de cette relation. C’est pourquoi il faut créer une éthique séculière dans laquelle tous les humains puissent se reconnaître, fondée sur les valeurs essentielles.

Et les religions, en quoi peuvent-elles être facteurs de paix ?
De nombreux problèmes de société viennent d’un sentiment exacerbé d’importance de soi. Les grandes religions nous apprennent à nous défaire de ce carcan d’égocentrisme par la foi. Des études ont montré que ceux qui sont le plus animés par un sentiment de compassion et utilisent peu des mots comme je, moi, mien ont moins de problèmes cardiaques. Le fait d’être centré sur soi crée un sentiment d’insécurité destructeur. Celui qui suit sérieusement un chemin spirituel ne se livrera à aucun acte néfaste et pourra mener une vie qui ait un sens. En s’abandonnant à Dieu, on renonce à l’ego.

Source : La Vie