jeudi 15 décembre 2011

La tendresse de Noël avec Marie de Hennezel

Quand j’étais enfant, l’approche de Noël bruissait d’excitation. Dans le secret de notre chambre, mes sœurs et moi fabriquions, très à l’avance, les dessins, les petits mots tendres calligraphiés, les porte-serviettes brodés, les poteries et les bougeoirs. Autant de cadeaux destinés à la nombreuse famille que nous formions. On nous apprenait à « penser » notre cadeau. Nous prenions cela très au sérieux. C’était joyeux ! C’était une manière de traduire en actes la tendresse que nous avions pour nos parents. Il me semble que cette préparation du rituel de Noël perd parfois sa dimension spirituelle humaine au profit d’une excitation dépensière et pressée. Autour de moi, je vois les gens courir les magasins, comme s’il fallait s’acquitter d’une corvée. Je me dis : comment pourrions-nous inventer autre chose ? Ne plus être otages de cette orgie commerciale ? Être plus créatifs, peut-être ? Pourquoi ne pas décréter que Noël serait la fête de la tendresse ? Petit ou gros, ce qui compte, c’est que le cadeau soit pensé et fait avec tendresse ! Et si l’on n’a pas les moyens d’acheter un objet, il s’agit de donner de soi, de son sourire, de ses mots, de sa présence !


J’ai donc envie de vous parler de la tendresse. Qu’est-ce que je fais lorsque je suis tendre ? Quand je regarde, émue, le visage d’un enfant qui dort, ou que je tiens la main à la peau si fine d’une vieille personne ? Qu’est-ce que je fais ? Qu’est ce que je sens ? Un élan du cœur qui se met en mouvement vers le bas, un mouvement qui me fait me pencher. Dans cette tension douce, j’ai l’impression de me fondre dans quelque chose de plus vaste que moi. La vulnérabilité qui est en face de moi – celle du bébé qui dort, celle de la très vieille personne, confiante, abandonnée – éveille en moi une tension faite d’attirance et de retenue, comme si je savais que, par un geste trop fort ou trop rapide, je pouvais abîmer ce rayonnement que dégage la personne vulnérable quand elle s’abandonne avec confiance. Cette retenue n’est-elle pas le vrai critère de la tendresse ? Un élan du cœur qui cherche la proximité et, en même temps, avec sollicitude et respect, garde un bout de distance. Une distance d’amour !


En grec, « tendresse » se dit storgê, ce mot désignant l’amour qui ne prend pas, mais qui accueille. La racine ster désigne ce qui est solide, ce qui maintient solidement, ce qui soutient sans plier. Ainsi storgê, ce serait l’oeuvre affermissante, l’énergie d’amour qui rend solide. Nous sommes bien loin de la tendresse molle et débilitante. Ne croyez pas que la tendresse soit mièvre. Elle est une force puisqu’elle rend solide. Une force qui aide nos petits enfants à grandir et à affronter les soucis de la vie, une force qui aide nos âgés, si seuls parfois en ces périodes de fête, à puiser la joie de vivre dont ils ont besoin. Un regard tendre, un geste tendre peuvent transformer quelqu’un. Vous le savez aussi bien que moi. C’est une confirmation du « bon » de l’autre, un don de confiance. C’est en cela que la tendresse est créatrice.


Marie de Hennezel

Source : Psychologies