dimanche 24 mai 2015

Pèlerinage avec Marie-Edith Laval (1)

En 2013, cette jeune femme a effectué le pèlerinage de Shikoku, surnommé le « Compostelle japonais ». Une aventure initiatique en terre nippone et bouddhiste qui l'a révélée à elle-même et à son christianisme.

Tel un pont, l'approche du bouddhisme durant 50 jours de pèlerinage dans l'île de Shikoku (Japon) m'a fait revenir à ma source chrétienne, enrichie d'un autre regard. Depuis quelque temps, déjà, je m'étais éloignée du catholicisme, dans lequel je ne me retrouvais plus, que ce soit dans les dogmes ou la liturgie. Je percevais cette religion comme déconnectée du quotidien et n'étais aucunement attirée par un conformisme moutonnier. Ma quête était celle d'une expérience personnelle et libre, enracinée au plus profond de mon moi véritable. Grâce au bouddhisme, j'ai redécouvert avec une autre grille de lecture la profondeur du message chrétien. Cette longue marche m'a aussi confirmé qu'au-delà des chemins empruntés par chaque religion le sommet, l'Un, est le même, qu'il se trouve sur la cime d'une montagne ou bien dans les profondeurs de la grotte intérieure, de la source en nous où s'abreuve toute vie. Chemins qui, parfois même, s'épousent en cours de route : j'ai profondément ressenti, lors des cultes, qu'une même aspiration pour la transcendance nous aimantait les uns aux autres.

L'idée d'un pèlerinage à Shikoku sur les pas de Kukai, un moine bouddhiste Shingon, a germé à l'été 2012, alors que je me trouvais sur les chemins de Compostelle. C'est un marcheur japonais, croisé sur la route, qui m'invita à le découvrir. Rentrée à Paris, cette idée m'apparut comme une évidence, malgré mon ignorance du bouddhisme et du Japon. Évidence face à la sensation d'oppression qui m'étreignait dans ce quotidien parisien et dont l'étroitesse étouffait mes aspirations profondes. Ma soif inassouvie cherchait continuellement à s'abreuver dans l'ailleurs, l'autrement. Depuis quelques années déjà, seuls les voyages m'offraient de goûter l'instant présent et de me sentir pleinement vivante.

Un an après, me voilà en chemin, à la rencontre des 88 temples bouddhistes. Tout au long de cette première partie du pèlerinage, nommée « Éveil », mon regard neuf me permet peu à peu de voir l'« extra » dans l'ordinaire. Puis vient l'« Ascèse », deuxième étape, dont le dénivelé me coûte physiquement. Chaque phase du pèlerinage - les deux suivantes étant appelées l'« Illumination » puis le « Nirvana » - correspond à un cheminement personnel. La topographie de l'île fait ainsi écho à la géographie intérieure du pèlerin, à ses vallonnements intimes. Sous un soleil de plomb, longeant la côte Pacifique, je vis l'Ascèse comme une étape de désencombrement : je me décharge de tout ce qui n'est pas moi, de mes conditionnements et identifications en tout genre, pour aller davantage vers mon Être profond.

Ma rencontre avec Tsui-dje, pèlerine enracinée dans la culture animiste shinto, me touche infiniment. Je suis émerveillée par son attitude de respect, d'humilité, de déférence face à la nature. Les mains jointes, le buste penché, cette jeune femme va jusqu'à remercier le rocher qui l'a accueillie, le temps d'une halte. Cette notion du sacré, je la perçois aussi dans les rapports humains : s'incliner devant l'autre pour le saluer me fait prendre conscience que nous avons, chacun, une part sacrée, unique, nous reliant les uns aux autres. Je découvre à Shikoku une recherche d'harmonie comme trait d'union avec le divin : une simple cérémonie du thé élève vers une autre dimension, où souffle l'Esprit. J'apprendrai d'ailleurs que, d'après Kukai, toute personne peut atteindre l'Illumination au cours de sa vie terrestre en intégrant les actes du quotidien, même les plus banals, comme moyen d'édification. Quel enseignement !

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