samedi 31 mai 2025

Pas de choix

 


Le processus de la pensée est en majeure partie involontaire, automatique et répétitif chez la plupart des gens. Ce n'est rien d'autre qu'une sorte d'électricité statique mentale qui n'a pas de raison d'être réelle. À proprement parler, ce n'est pas vous qui pensez, c'est seulement la pensée qui se produit. L'énoncé disant "Je pense" implique un acte de volonté. Il implique que vous avez votre mot à dire sur le sujet, qu'il y a un choix à faire de votre part. Mais pour la plupart des gens, ce n'est pas ce qui se passe. 

"Je pense" est un énoncé qui est aussi faux que "Je digère" ou "Je fais circuler mon sang". La digestion se produit, la circulation du sang se fait et la pensée se produit aussi. La petite voix dans la tête a sa vie à elle. La plupart des gens sont à sa merci, ce qui signifie qu'ils sont possédés par la pensée, par le mental. Étant donné que le mental est conditionné par le passé, vous êtes ainsi forcé de le rejouer sans cesse. 

 ~ Eckhart Tolle

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jeudi 29 mai 2025

Vitamine V

 L'écrivain américain Thoreau, qui partit vivre un an dans une cabane au milieu des bois, écrit dans son Journal* : « Aucun homme n’a jamais imaginé à quel point le dialogue avec la nature environnante affectait sa santé ou ses maux. » Nous le savons : la nature, c’est bon pour la santé ! Très bien, répondent les soignants, mais alors, quelle dose?

De nombreux travaux sont consacrés à cette question de « dose ». Par exemple, on a montré que deux jours de balade en forêt augmentent significativement l’activité de nos lymphocytes T (cellules sanguines précieuses pour l’immunité) durant environ un mois. Et au quotidien? A quelle dose consommer ce qu’on appelle volontiers aujourd’hui la « vitamine V » (V comme vert). Des chercheurs catalans viennent de proposer une règle, dite « 3-30-300 ». Pour savoir si vous prenez suffisamment de vitamine V, posez-vous ces trois questions :


Est-ce que je vois chaque jour 3 arbres ou buissons depuis chez moi (que voyez-vous par votre fenêtre) ? Est-ce que je vis dans un quartier dont environ 30 % de la surface est couverte de verdure (arbres dans ma rue, squares, jardins publics) ? Est-ce que j’habite à moins de 300 mètres d’un espace vert?

Cette étude concerne surtout les citadins. Pardon pour les lectrices et lecteurs campagnards, mais près de 80 % des Français vivent en ville. Et pour la plupart d’entre eux, cette règle 3-30-300 n’est pas si simple à appliquer. L’étude dont je vous parle, conduite à Barcelone sur 3 200 personnes, montre que seulement 5 % des sujets obtiennent ce quota ! Dommage, car lorsqu’il est atteint, on s’aperçoit que les personnes concernées bénéficient d’une meilleure santé mentale, consomment moins de médicaments, ont recours à moins de consultations médicales. Alors voici tout de même quelques consolations pour les urbains, que la plupart d’entre nous sont : parfois, la vie à la campagne a des inconvénients (trajets, éloignement des lieux de travail, soins ou commerces) ; en ville, il y a d’autres sources de santé : le ciel bleu, le rire, la méditation, le sport (même si pratiquer tout cela dans la nature est plus agréable) ; les plantes vertes et les sorties du weekend sont aussi des options satisfaisantes.

Et puis, si on est en dessous du quota 3-30-300, il y a un moyen d’accroître ses effets : l’art de savourer ce que l’on a sous la main ! Même si on ne vit pas dans la verdure, aller régulièrement s’asseoir dans un square, regarder les arbres, les buissons et les fleurs, admirer le ciel, respirer, se dire qu’on se fait ainsi du bien, de manière simple et tranquille, sans effort (ou presque) : voilà qui va encore amplifier l’effet de notre dose de vitamine V ! •

Christophe André dans Psychologies Magazine

*. Journal de Henry D. Thoreau (Le Mot et le Reste. 2018).

Références : « The évaluation of the 3-30-300 green space rule and mental health ». EnvironmentalResearch. 2022.

« Effects of shinrin-yoku (forest bathing) and nature therapy on mental health : a systematic review and meta-analysis ». International Journal of Mental Health and Addiction. 2020.

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Danse du retournement

 


« Un seul précepte me fut confié par mon maître :
Du dehors entre au dedans !
Cela devint pour moi Parole suprême.
Alors, nue, je me mis à danser. »
Lallā (XIVe siècle) ~ Yoginī shivaïte du Cachemire.

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mercredi 28 mai 2025

Vibrations

 Chères amies, chers amis,


Tout parle, tout vibre,

sortons du cadre étroit de la rationalité et de l’objectivation pour retrouver contact avec la vibration originelle.

Osons ressentir son doux frémissement au cœur de chacune de nos cellules. Il ne s’agit pas d’un concept métaphysique mais d’une réalité sensible, concrète. Laissons-nous toucher sans créer de frontière artificielle entre nous et le vivant.

Ressentons dans notre chair la vérité profonde de la vie, source originelle de l’univers.

 - Nathalie Delay

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mardi 27 mai 2025

A mon rythme...

 


En quittant tout, je m'étais engagé sans aucune "planche de salut", je ne pouvais compter que sur le peu que j'avais et les choses auraient pu moins bien se passer. Je ne sais pas si, depuis 1972, je suis toujours en vacances, ou jamais. Je vis au jour le jour. Que je me consacre à la pratique spirituelle ou que je travaille à un projet quelconque, il n'y a pour moi ni samedi ni dimanche; Je fais ce qui me passionne, me tient à cœur, sans compter mes efforts mais au rythme qui est le mien.

Matthieu Ricard
(pensée de la semaine)



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lundi 26 mai 2025

Vivant...



plus je vieillis
plus je goûte
ma propre compagnie
plus précisément
celle du Plus Grand
se sachant lui même
à travers moi même
vivant


Gilles Farcet


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dimanche 25 mai 2025

Le temps perdu

 


On voudrait en gagner toujours plus et pour cela arrêter de le perdre. Mais ce faisant, on ne le prend plus. Le temps. Élément étrange qui nous échappe quand on s’en saisit et nous est, au contraire, donné quand on accepte de le perdre. Et en effet : on ne prend vraiment un temps avec l’ami qui en a besoin que si l’on ne cherche pas d’abord à en gagner. « Tu as besoin de parler, c’est ça ? Bon, j’ai un quart d’heure devant moi… »

On sait d’avance que ça ne peut pas fonctionner. La faute ne revient pas au quart d’heure : la profondeur d’une conversation, quand l’écoute est là, peut être atteinte en quelques phrases. Le problème est que, montre en main, nul n’écoute bien. Qui trépigne est déjà parti. Le quart d’heure pourrait suffire, oui, mais à condition que l’on se soit d’abord donné la vie entière. On ne prête bien l’oreille qu’à la donner sans retour.

Refuser la mesure du temps

Ce n’est évidemment pas toujours possible. La plupart du temps, on manque de temps, on travaille à plein temps. On divise l’année en mensualités, qu’on remplit de jours ouvrables ou travaillés, que l’on tronçonne en heures tarifées voire supplémentaires. Le sommeil lui-même n’échappe pas à cette logique du remplissage depuis que des applications, chaque nuit, mesurent… son efficacité ! Aussi ne nous reste-t-il plus qu’à trouver refuge dans la plus petite quantité de temps : « Laisse-moi une petite minute ! », proteste-t-on. « Juste deux secondes ! »

Ce qu’il faudrait, c’est refuser carrément la mesure du temps, l’oppression du chronomètre. Il suffira pour cela de remarquer qu’il n’est tout simplement pas possible de « gagner » du temps. Nul, en se pressant, n’a jamais gagné ne serait-ce qu’une seconde. Comment cela ? L’objection arrive… rapidement : avec une bonne voiture, ne rejoint-on pas la ville de Lyon depuis Strasbourg en cinq petites heures ? Certes. Mais il n’y a eu aucun gain de temps.

Je ne fais pas allusion ici aux travaux d’Ivan Illich selon lesquels la voiture a augmenté le temps passé dans les trajets : ce qui était à portée de nos ruelles et autres chemins de campagne (école, épicerie, boucherie…) se trouve désormais à quelques demi-heures, et encore, « quand ça roule bien ».

Je veux simplement faire remarquer que, dans nos raccourcis, on oublie de compter le temps qu’il a fallu pour produire le véhicule, l’énergie dépensée à construire les usines, nourrir les ouvriers, former les ingénieurs, etc. Rouler à toute vitesse, ce n’est pas économiser du temps mais le dépenser d’un coup : c’est flamber le temps long (plusieurs centaines de millions d’années) de la formation des énergies fossiles.

Le temps perdu

Quand on met dans son café un sucre, disait Bergson, qu’on le veuille ou non, on doit attendre qu’il fonde. À quoi Bachelard avait répondu qu’on peut très bien, sous la flamme d’un bec Bunsen, faire fondre le sucre en un rien de temps… Vous m’avez compris : c’est faux puisque le gaz consommé ne s’est, lui, pas fait en une seconde.

Il n’est toutefois pas besoin d’aller chercher Illich ou Bergson. Nos enfants nous l’enseignent. L’option du film ou des écrans, contre un petit moment de paix, est rarement un bon calcul : il faut ensuite gérer l’excitation. Et si, parce que ce n’était jamais le bon moment, nous nous sommes souvent dérobés aux temps privilégiés avec nos jeunes enfants, sans doute nous faudra-t-il les leur offrir plus tard. Si toutefois la chance nous est offerte de rattraper le temps perdu… Perdu à quoi ? À essayer de le gagner. 

Martin Steffens

source : La Vie

Professeur de philosophie en classe préparatoire, il a publié Petit traité de la joie. Consentir à la vie, ainsi que Rien que l’amour. Repères pour le martyre qui vient et l’Amour vrai. Au seuil de l’autre ou, dernièrement, Dieu, après la peur (Salvator).

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samedi 24 mai 2025

Pas d'excuse


"Vous vivez tous prisonniers de cette tragique maladie : "du moment que j'ai une excuse, ça va". Vous avez cette mentalité dans l'existence, vous avez cette mentalité sur le Chemin et vous ne vous en rendez pas compte. C'est une mentalité infantile. "Je ne suis pas responsable. Il suffit que je puisse me justifier".

Vous êtes entièrement responsables. Tout le reste est mensonge.

Vous n'avez une chance sur le Chemin que si vous gravez une fois pour toutes cette devise au fond du cœur : "A partir d'aujourd'hui, je n'accepte plus une excuse en ce qui me concerne". Acceptez-les en ce qui concerne les autres ; vous n'êtes pas responsables de leur faiblesse. Arrachez de vous cette mentalité moderne : du moment qu'on a une excuse, on est justifié.

Si on me demandait maintenant : mais qu'est-ce qui fait vraiment le disciple ? Je répondrais : c'est quelqu'un qui a définitivement rayé de sa vie l'idée qu'il puisse être excusé. "Rien ne me servira d'excuse, jamais ; il n'y a que le résultat qui compte. Si ça ne marche pas d'une façon, je m'y prendrai d'une autre."

Ceux qui ont la mentalité de l'excuse dans la vie ont la mentalité de l'excuse sur le Chemin. Tout devient une excuse pour ne pas mettre l'Enseignement en pratique ou pour ne pas progresser.

...

Le mental, c'est le mensonge. L'ego ne peut survivre que dans le mensonge.

"Tant que je réussirai à me mentir, tout ira bien". Cela ne peut vous mener nulle part. Il faut que vous vous réveilliez : "plus aucun mensonge ne peut m'intéresser ; coûte que coûte et à n'importe quel prix, je veux la vérité. Je ne veux plus me mentir en ce qui concerne le Chemin et je ne veux plus me mentir en ce qui concerne l'existence". (...) Les excuses vous servent à mieux vous mentir. "Ce n'est pas de ma faute, ce n'est pas de ma faute".

Vous n'avez aucune chance d'aucune sorte, je vous le dis de tout mon cœur, si vous acceptez une excuse !

Pas d'excuse.

Extraits du livre d'Arnaud Desjardins : un grain de sagesse (Editions la table ronde)

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jeudi 22 mai 2025

Apprendre ou à laisser ?

 


Le meilleur pour les turbulences de l'esprit, c'est apprendre. C'est la seule chose qui n'échoue jamais. Vous pouvez vieillir et trembler, vous pouvez veiller la nuit en écoutant le désordre de vos veines, vous pouvez manquer votre seul amour et vous pouvez perdre votre argent à cause d'un monstre ; vous pouvez voir le monde qui vous entoure dévasté par des fous dangereux, ou savoir que votre honneur est piétiné dans les égouts des esprits les plus vils, il n'y a qu'une seule chose à faire dans de telles conditions : apprendre.

Marguerite Yourcenar


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mercredi 21 mai 2025

Précipitations


 "Ce que vous appelez bonheur, nous l'appelons souffrance". Une manière de souligner sans ménagement que nous cherchons le bonheur là où il ne se trouve pas - dans l'incandescence des plaisirs sans cesse renouvelés, dans le gain, la louange, la renommée, la beauté physique, le pouvoir, etc. -, tout en nous précipitant allègrement vers les causes mêmes de la souffrance.

Jigmé Khyentsé Rinpoché, Carnets d'un moine errant, Editions Allary, 2021

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mardi 20 mai 2025

Ouverture à la lumière

Chez Azur Shiatsu, la lumière était au rendez-vous dans le Dojo. 

Je vous mets aussi la photo des deux gardiennes de la sagesse ;-)



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lundi 19 mai 2025

La pensée positive ?

 Q : Y-a-t-il quelque valeur à essayer de penser de façon positive ?

JEAN KLEIN : La pensée positive appartient à la survie psychologique. C'est l'affirmation de l'ego. La technique psychologique renforce l'expérience et l'expérimentateur. Mais tant que vous vivez encore dans le mental, dans la complémentarité, alors la pensée positive est plus proche de votre nature réelle que la pensée négative. Cependant, toutes ces méthodes sont des béquilles pour vous aider à marcher avec une sécurité apparente. Ce sont des supports pour les immatures. Lorsque vous vivez dans la globalité, vous n'avez pas besoin de tels supports. 

(Qui suis-je ? La quête sacrée)

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BYRON KATIE : Il est impossible de mettre fin au stress ou à la souffrance en remplaçant les pensées négatives par des pensées positives. Cela peut fonctionner dans une certaine mesure, mais à un moment donné le mental finira par vous déjouer. Il y a tout un abysse de pensées non examinées qui annulent les pensées positives que vous essayez de croire. 

En définitive, il est impossible de se débarrasser de nos pensées négatives, car nous ne pouvons pas contrôler notre mental. En regardant notre mental en profondeur, nous constatons que nous ne créons pas de pensées. Nous ne pensons pas : nous sommes pensés. La souffrance peut être soulagée et ultimement éliminée en remettant en question nos pensées stressantes. Le Travail fournit une méthode simple et efficace pour y parvenir. 

Je n'ai pas lâché prise de mes pensées stressantes : je les ai remises en question, et alors elles m'ont lâchée.

(Source : thework.com) 

☯️

ÉRIC BARET : Il n'y a rien à refuser. Vous n'êtes pas responsable de ce que vous pensez. Vous êtes le résultat de tout votre passé, toute votre hérédité, toute votre génétique. Donc, quoi que vous pensiez, tôt ou tard, il faut l'accepter. 

Vous n'avez pas le choix dans la vie. 

Tout ce que vous pensez est conditionné. 

Vous n'y êtes pour rien. 

On ne choisit pas : on est choisi. 

Les gens qui décident sont des gens qui ne sont pas à l'écoute. 

☯️

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dimanche 18 mai 2025

A propos de Taisen Deshimaru

Maître Taisen Deshimaru s’installe en France en 1967 avec pour mission de diffuser le ZEN en Europe, aussi durant 15 ans, il fonde une centaine de dojos , transmettant l’essence du zen à des milliers de disciples. Auteur de nombreux ouvrages, il a également traduit les textes fondamentaux du bouddhisme zen, rendant ainsi accessible, cette sagesses, aux occidentaux. Son héritage perdure aujourd’hui et de nombreux disciples continuent de transmettre son enseignement. Dans le Rire du Tigre, hommage à Maître Deshimaru à la personnalité hors du commun, Marc de Smedt retrace ses 10 années passées auprès de lui, un témoignage intime et bienfaisant.


"Mourir à son petit moi, mesquin et égoïste, pour découvrir une vie plus profonde et agir instant après instant, pas après pas, avec vigueur, sagesse. Créer sa vie au lieu de la subir."


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samedi 17 mai 2025

Se protéger de la souffrance

 Dans la souffrance, on refuse non seulement la situation mais aussi l’état émotionnel pénible quelle déclenche. Ce point essentiel marque la différence avec l’émotion simple. On se débat à la fois contre l’extérieur et contre soi-même. On voudrait ne pas ressentir ce qu’on ressent. Le refus initial de la situation demeure rarement seul et entraîne avec lui le refus de l'émotion qui surgit, puis une cascade d’autres refus...

Christophe Massin - Souffrir ou Aimer



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vendredi 16 mai 2025

Chut !

 Il y a une voix qui n'utilise pas de mots. Écoutez.

Rumi.


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mercredi 14 mai 2025

Le jour où tout a changé



J’ai goûté, dit-elle, comme par mégarde, à la saveur d’Être. Et ce simple mot, ce mot qui pourrait glisser entre deux silences sans qu’on y prenne garde, devient ici le seuil. Non pas un événement, mais un basculement. Non pas une pensée, mais une saveur. C’est un peu comme si l’âme avait bu à la source, à peine une gorgée, mais que toute la soif du monde s’en trouvait changée.
Il est des instants où le temps s’écarte. Où l’on cesse de vouloir comprendre. Où l’on ne cherche plus à plaire, à convaincre, à blâmer. Il est des instants où l’on devient nu — comme le ciel après la pluie, comme un visage sans rôle, sans masque, sans défense. L’Être alors se donne. Non pas avec éclat, mais avec cette douceur ferme des choses essentielles : le pain, l’arbre, le regard de celui qui sait.
Quelque chose en moi, dit-elle encore, n’est pas né avec moi et ne mourra pas avec moi. Cette parole-là, on ne la dit pas sans frémir. Elle est ancienne, plus ancienne que les livres et les prières. C’est la parole du Soi, dirait Jung. Le cœur du cœur, la source d’où tout naît. C’est cette part de nous qui ne craint ni la mort ni le chaos, car elle n’y appartient pas. Elle nous habite, sans jamais nous posséder.
Et quand cette part se révèle, même pour une seconde, tout ce que l’on croyait savoir s’effondre. Il n’y a plus de plainte, plus d’accusation, plus de vouloir. L’autre cesse d’être ennemi ou allié. Il devient frère de passage. Et le monde cesse d’être un théâtre. Il devient un champ. Un jardin. Un désert sacré.
Et alors — ô miracle discret — les choses apparaissent dans leur vérité nue. Un bol devient un bol. Une main devient une main. Le vide lui-même devient lumineux.
On voudrait s’agenouiller devant cela, mais il n’y a rien devant quoi s’agenouiller. Tout est là. Rien de spectaculaire, et pourtant… tout est changé.
À ceux qui cherchent des preuves, on ne pourra rien dire. L’Être ne se démontre pas. Il se goûte. À ceux qui veulent l’atteindre, il faudra dire : il vient quand tu ne le poursuis plus. Il est timide, comme la grâce. Il est entier, comme le chagrin pur.
Et ceux qui l’ont entrevu ne le gardent pas comme un secret. Ils le vivent comme une évidence. Non pour s’en faire un blason, mais pour marcher autrement. Pour aimer un peu mieux. Pour écouter davantage. Pour parler moins.
Christiane Singer ne donne pas de méthode. Elle n’enseigne pas. Elle offre. Elle donne à voir une saveur. Et cela suffit. Car celui qui a goûté à l’Être n’a plus besoin de convaincre. Il sait. Il ne sait pas quelque chose, il est ce savoir.
Et cela — cela suffit.

Laurent Brun Lafferrere
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mardi 13 mai 2025

La vraie résistance

LA VRAIE RESISTANCE
par gros temps d’intempérance émotionnelle
et d’amalgames
toutes hontes bues
ne rien céder
à la horde
de démons intimes
ils affectaient la torpeur mais
selon leur tactique éprouvée
ils faisaient le guet
à l’affût de la survenue
de conditions et circonstances propices à leur déferlement propres à conférer
une manière de légitimité
à leurs ébats
c’est chose faite
ils possèdent
quantité de corps
qui se ruent en troupeaux tous éperdus d’opinions ivres d’indignations grisés de revendications
ne pas suivre leurs injonctions
ne pas donner de la voix
dans ce sens-ci
dans ce sens-là
prendre ses dispositions selon sa conscience
en silence
ne pas baiser
la bouche fardée de l’abjection
déjouer la toute puissance de la pulsion
s’abstenir de réagir
rester digne demeurer sobre
cultiver la mesure
préserver la compassion
veiller sur la communion
garder sa foi et sa raison
œuvrer aider prier
tirer profit de ce qui est
la vraie résistance

Giles Farcet - Dernière pluie

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lundi 12 mai 2025

Compagnon de l'instant

 

Je suis allé sur la plage,
J'ai marché le long des vagues.
Je vais et je marche
Pour être compagnon de l'océan,
Avec l'espoir qu'il m'aidera
À trouver comment écrire sur lui.
Et sans doute,
Me connaîtrai-je mieux alors.
Guillevic
Art poétique
Poésie/Gallimard

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dimanche 11 mai 2025

Emulation...

 « Il y a deux endroits dangereux dans la vie : être derrière une mule ou devant un maître » Proverbe tibétain 


Derrière une mule, on risque un coup de sabot inattendu. Devant un maître, on risque une transformation tout aussi imprévisible — mais intérieure, et elle fait aussi peur à l'ego qu'un coup de sabot. La mule symbolise un danger physique, archaïque, immédiat.

Le maître, lui, incarne un danger spirituel ou psychologique : si on s'expose trop tôt, sans préparation, on peut être bousculé, voire désorienté par sa présence, sa parole ou son silence.

Ce n’est pas que le maître soit "dangereux" par nature, mais plutôt que le rapport au maître peut l’être s’il est basé sur la projection, l'attente, ou une forme d'insouciance, souvent inconsciente.

Comme le dit un autre adage : “Le maître est un miroir ; c’est ton reflet qui peut te faire peur.”

Dans le taoïsme, un maître (師 shī) n’est pas un quelqu'un d'autoritaire, mais un être fluide, aligné avec le Tao, la Voie. Parfois, comme Gandalf dans le Seigneur des anneaux, il peut apparaître menaçant. Mais dans le film, il n'est pas possible de savoir si cette autre face de Gandalf est une projection de Frodon ou une réalité. 

Sa présence, sa parole ou son silence peuvent révéler des déséquilibres chez le ou la disciple, mettre en lumière des attachements, ou faire fondre des illusions.

Être "devant un maître", c’est : 

Se trouver exposé au non-agir agissant, qui déstabilise car il échappe aux repères habituels.

Être confronté à sa propre ignorance, son ego, ou sa fausse quête de contrôle.

Risquer la perte d’identité construite et factice au profit de sa véritable authenticité. L'ego n'est très souvent pas prêt à cette mutation profonde. Et se débattra à la hauteur de la peur qu'il a de sa propre métamorphose. 


D’où le danger : le maître ne TE fait rien. Mais en sa présence, ce que tu caches remonte à la surface. Si tu n’es pas prêt, c’est insupportable.

Le proverbe peut aussi être lu de manière psychologique :

Du point de vue de la psychologie, en particulier dans la dynamique maître-disciple, le danger réside dans :

La projection : placer sur le maître des qualités idéales (omniscience, pureté, toute-puissance).

La régression : devenir dépendant, cherchant protection ou validation comme un enfant face à un parent. 

Le transfert : transférer sur le maître des émotions anciennes, souvent liées à des figures parentales.

Être "devant un maître", c’est donc potentiellement :

Se livrer à une figure d’autorité qui devient le théâtre de notre inconscient.

Se perdre dans une quête de perfection qui nie sa propre autonomie.

Oublier que le but du maître véritable est justement de nous rendre libre de lui.

Ce proverbe est "vrai" non pas parce que le maître est un danger en soi, mais parce que notre position intérieure vis-à-vis du maître détermine la nature de la relation.

Bonne réflexion 

Fabrice Jordan

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samedi 10 mai 2025

Espace de paix


Par temps de guerre, il faut prendre en considération, l’épouvantable liberté du moineau, l’indifférence généreuse et parfumée de la rose…
Tant de vies et de sang perdus dans l’immensité heureuse du printemps,
Tous ces innocents écrasés par des chars,
Tous ces hommes enflammés par des drones…
Qui osera dire encore que la guerre est juste ?
Cela est juste absurde, contagieux comme le virus que seul le rien arrête.
Pourquoi obéissons-nous à des ordres qui nous tuent, qui détruisent tout ce qu’on peut détruire…
On ne lutte pas avec le ciel bleu !
Y a-t-il un seul obus qui ne nous retombe pas sur la tête ?
Seul l’espace en chacun de nous n’est pas atteint par la grande mitrailleuse,
là où respire l’épouvantable moineau,
la sérénité de la rose et l’invincible printemps.

Jean-Yves Leloup, Mai 2025



vendredi 9 mai 2025

La paix soit avec vous tous !

 La paix soit avec vous tous !


Frères et sœurs bien-aimés, ceci est le premier salut du Christ ressuscité, le bon pasteur qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Moi aussi, je voudrais que ce salut de paix pénètre votre cœur, qu’il rejoigne vos familles, toutes les personnes, où qu’elles soient, tous les peuples, toute la terre. La paix soit avec vous !

C’est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée et désarmante, humble et persévérante. Elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous inconditionnellement. Nous avons encore en tête cette voix faible mais toujours courageuse du pape François qui bénissait Rome !

Le pape qui bénissait Rome bénissait le monde entier, ce matin du jour de Pâques. Permettez-moi de prolonger cette bénédiction : Dieu nous aime, Dieu vous aime tous, et le mal ne triomphera pas ! Nous sommes tous dans les mains de Dieu. Alors, sans peur, unis main dans la main avec Dieu et entre nous, avançons. Nous sommes des disciples du Christ. Le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de Lui, comme d’un pont pour être rejointe par Dieu et son amour.

« Merci au pape François ! »

Aidez-nous, aidez-vous les uns les autres à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant pour être un seul peuple toujours en paix. Merci au pape François !

Je veux aussi remercier tous les frères cardinaux qui m’ont choisi comme successeur de Pierre, pour marcher avec vous, en Église unie, cherchant toujours la paix, la justice, en travaillant toujours comme hommes et femmes fidèles à Jésus-Christ, sans peur, pour proclamer l’Évangile, pour être missionnaires.

Je suis un fils de saint Augustin, un augustin, qui disait : « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque. » C’est dans ce sens que nous pouvons tous marcher ensemble vers cette patrie que Dieu nous a préparée.

Un salut spécial à l’Église de Rome ! Nous devons chercher ensemble comment être une Église missionnaire, une Église qui construit des ponts, qui dialogue, toujours ouverte à accueillir, comme cette place aux bras ouverts. Tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, du dialogue et de l’amour.

« Prions pour la paix dans le monde »

(En espagnol) Et si vous me le permettez, un mot, un salut à tous, et en particulier à mon cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque, a partagé sa foi et a tant donné, tant donné pour continuer à être une Église fidèle de Jésus-Christ.

(En italien) À vous tous, frères et sœurs de Rome, d’Italie, et du monde entier, nous voulons être une Église synodale, une Église en chemin, une Église qui cherche toujours la paix, la charité, qui veut toujours être proche, surtout de ceux qui souffrent.

Aujourd’hui est le jour de la Supplication à la Vierge de Pompéi. Notre Mère Marie veut toujours marcher avec nous, rester proche, nous aider par son intercession et son amour.

Alors, je voudrais prier avec vous. Prions ensemble pour cette nouvelle mission, pour toute l’Église, pour la paix dans le monde, et demandons cette grâce particulière à Marie, notre Mère.

Je vous salue Marie…

Léon XIV

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jeudi 8 mai 2025

Conférence avec Emmanuel Desjardins

C'est vendredi 16 mai :







 

Dans le bon sens

 


« L’absurde naît lorsque l’être humain cherche un sens dans un univers indifférent. Mais de cet absurde jaillissent des forces : la révolte, la liberté et la passion. Accepter que la vie soit dénuée de sens intrinsèque n’est pas une résignation, c’est un appel à vivre pleinement, à créer du sens dans chaque acte, car même dans le silence du monde, l’existence mérite d’être embrassée. »

Albert Camus

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mercredi 7 mai 2025

Recréation

 

"Si tous les oiseaux étaient pris aux pièges
et tous les poissons morts dans les filets,
si tous les arbres fondaient comme la neige
et s’éteignaient, l’été, les feux follets,
si toutes les mers désertaient les grèves
ou s’il n’était plus d’anges dans le ciel,
si tu restais seul avec tes rêves
parmi l’effondrement universel,
trouverais-tu dans ton âme profonde
assez de joie pour recréer le monde ?"
Auguste Marin (1860-1904)

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peinture: Carlo Carrà 1881-1966
barca solitaria 1924

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mardi 6 mai 2025

Appel corporel pour aimer son corps...


"Téléphone-moi Appelle-moi et dis-moi Que tu m′aimes, que tu m′aimes, que tu m'aimes Téléphone-moi Rassure-moi et dis-moi Que tu m′aimes, que tu m'aimes, que tu m′aimes"

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lundi 5 mai 2025

L’Exercice sur la Voie : contrainte ou espace de liberté ?


Les deux ! Cela dépend comment nous pratiquons.


« Est-ce que le zen que je pratique est vraiment le zen ? » Question récurrente que Jacques Castermane nous pose souvent au cours des retraites au centre Durckheim. Invitation à rester en éveil, à la fois agaçante et stimulante ! La pratique régulière et spécifique d’un exercice fait immanquablement partie du monde du zen. Nous reprenons jour après jour, mois après mois, année après année un même exercice, une même technique, afin de vérifier cet adage : « Un exercice que l’on fait 10 fois est passionnant ; un exercice que l’on fait 100 fois est ennuyeux, irritant ; un exercice que l’on fait 1000 fois nous transforme.» Si l’on rajoute ce propos de K.G. Durckheim : « Un exercice que l’on fait tout le temps n’est plus un exercice, c’est une autre manière d’être », nous passons de l’exercice spécifique au quotidien comme exercice, deux piliers de la voie du zen.

Après cette introduction, force est de constater que le monde du zen nous reste parfaitement hermétique et mystérieux, car « Il n’y a de réalité dans le zen que pour la personne qui entre dans une technique » comme nous le rappellent tous les maitres zen. L’exercice spécifique est d’autant plus déconcertant qu’il est souvent simple. Par exemple, au centre Durckheim, deux exercices sont incontournables et repris quotidiennement : za-zen (l’assise immobile) et kin-hin (la marche lente).

La personne qui découvre ces pratiques a de quoi être étonnée, voire déroutée : premier jour, s’asseoir immobile et marcher lentement, selon des règles strictes ; deuxième jour, idem ; troisième jour, assise immobile et marche lente. Première retraite, deuxième retraite, troisième retraite … Encore et toujours za-zen et kin-hin. Cette répétition d’un même exercice, d’une même technique peut être vécue avec ennui, lassitude, colère. La palette des difficultés rencontrées est largement colorée, et, dans un premier temps, bien embarrassante pour un pratiquant venu chercher le calme intérieur.

Se manifeste bien souvent dans toute son ampleur le MOI désireux de passer à autre chose que ces exercices bien simplistes, effectués comme une introduction obligée à la voie du zen, mais dans l’attente d’une initiation et d’une pensée plus spirituelle à venir. Vite, passer à autre chose, penser à autre chose, et s’évader au plus vite des désagréments et inconforts de cette pratique répétitive !

L’exercice pratiqué ainsi est une contrainte, une non liberté par rapport à ce que MOI je veux, j’aime ou je désire obtenir, garder ou rejeter. Année après année, dans la parfaite immobilité, s’asseoir dans une tenue juste, une forme juste, une respiration plus juste, « juste parce que naturelle », c’est za-zen. Année après année, faire un petit pas, être son poids et sa taille à chaque pas, libérer le balancement du bassin, l’équilibre. Maitriser parfaitement ce pas, « maitriser voulant dire laisser sortir ce qui est juste », c’est pratiquer kin-hin.

Ces deux exemples d’exercices sont une contrainte pour MOI qui veut garder son rythme propre, sa façon de marcher, son contrôle de la situation, sa compréhension, ses habitudes. N’importe quel pratiquant un peu sérieux connait ces soubresauts et ces résistances face à une pratique régulière, sait de quel ennui, agacement, découragement je veux parler. Alors, pourquoi reprendre un même exercice ? Pourquoi beaucoup de ces mêmes personnes qui connaissent les difficultés évoquées ci-dessus, reviennent au centre ou entrent dans une pratique quotidienne régulière ? Une technique répétée jour après jour, sans compromis, de plus en plus précise, parfaitement maitrisée, empêche le MOI de faire ce qu’il veut. C’est justement cet aspect de la pratique qui ouvre à la chance d’une expérience, d’un autre vécu intérieur, hors de la saisie mentale.

En témoigne ces propos de Jacques Castermane lors d’un za-zen :


« L’immobilité m’empêche d’être rigide, d’être figé dans mes réactions physiques, émotionnelles ou mentales ; ces habitudes vont se détacher de MOI ». Je ne fais rien et je pourrais échapper à mes difficultés ? De l’immobilité naîtrait une manière d’être plus juste ? Il faut le pratiquer, le traverser, le vivre, pour le croire ! Ou encore : « Vous avez senti des résistances physiques, vous avez vu vos fonctionnements émotionnels et mentaux : c’est une bonne raison de reprendre l’exercice.

Vous avez senti, goûté un moment inhabituel de calme intérieur, d’ordre, d’ouverture. C’est une bonne raison de reprendre l’exercice ». L’exercice nous ouvre à la connaissance de nous-mêmes, et ouvre aussi à la connaissance du vrai soi-même, de notre vraie nature. A tous les coups on gagne … en maturité, en « être ». Si la technique pratiquée est effectivement la même, le regard sur soi-même change, le sujet qui pratique change tout le temps. Peu à peu ou subitement, nous pouvons sortir de cet esprit de répétition propre à l’ego, pour découvrir un aspect de la pratique que l’on appelle l’esprit de renouvellement, et effectivement tout change.

D’une « névrose » répétitive de perfection, nous passons à la redécouverte de principes et d’actions dont nous nous sommes coupés en donnant trop d’espace à la pensée : sensorialité, différence, impermanence, interdépendance … tant de lois vitales oubliées ! L’exercice est ce passage d’une posture contrainte et contrôlée par MOI, à la libération d’un geste renouvelé, soumis aux lois transformatrices naturelles propres au corps vivant.

Ainsi des actions universelles, immuables et infaisables peuvent nous surprendre à nouveau. Comme c’est étrange, je ne fais rien, et « je me sens nourri, vivant comme jamais ». Za-zen, parfaitement immobile : le va-et-vient du souffle m’anime, la forme respire, la tenue s’actualise à chaque instant, je suis porté par l’infaisable : « cela respire, cela se fait ».

De la technique maitrisée et renouvelée naît la pleine participation à un évènement qui s’écoule, et MOI, je n’y suis enfin pour rien : quelle vraie liberté, quel vrai calme !

Joël PAUL

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