lundi 31 mars 2025

Disciple



Demander « qu’est-ce qu’un bon disciple ?» c’est comme demander « qu’est-ce que bien aimer ? » On a toute la vie pour apprendre à aimer et surtout à « bien aimer » !
Ecoute et obéissance proviennent du même verbe : obedere, qui signifie à la fois « prêter l’oreille » et « être soumis ». Cette obéissance n’est pas obéissance à une loi extérieure, mais une adhésion du cœur à un autre cœur, une adhésion du souffle à un autre souffle. C’est une écoute vivante, une écoute en action…
L’obéissance, l’écoute cela peut être l’écoute de quelqu’un qui est pour nous comme une colonne vertébrale, quelqu’un qui nous redresse, qui nous remet dans notre droiture. Et puis, à un certain moment cela peut être l’obéissance au réel, à l’unique réel qui prend la forme d’un visage ou d’un enseignement afin de nous guider.
C’est quelquefois aussi obéir au vent qui nous sépare de l’arbre, qui nous conduit – où ? là où va le vent.
Mais le disciple ne sait pas toujours là où il va. Souvenons-nous de ce que Jésus a dit : « Celui qui est né de l’Esprit, on ne sait ni d’où il vient, ni où il va ; comme le vent, tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va ».
S’il est vrai qu’au niveau psychique il est important de savoir d’où l’on vient et où l’on va, de quelle famille, de quelle lignée, de quelle tradition l’on vient, au niveau spirituel, au niveau pneumatique on ne sait plus parce qu’il n’y a plus d’avant ni d’après, il n’y a que l’instant. Alors à ce moment là, le disciple est vraiment le fils de l’instant.

L’instant présent est le lieu de la Présence et il s’agit d’écouter et d’obéir instant après instant.

Jean-Yves Leloup dans "Guérir l’esprit"

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dimanche 30 mars 2025

« Heureux ceux qui n’ont pas vu »

Dans ce texte, notre chroniqueur explore la tension entre l’invisibilité de Dieu et la responsabilité humaine, soulignant l’importance de la foi authentique. Il appelle à un silence méditatif, source de révélation.

 Dans Exode, l’Éternel dit à Moïse : « Tu ne pourras pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre » (33, 20). Dans cet espace de retrait voulu par Dieu, se déploie toute la liberté de l’homme, dans une tension entre l’audible et l’invisible, le lisible et l’inintelligible. La Parole est là, toujours à interpréter, Dieu se fait entendre dans cette recherche qui ne peut jamais atteindre à la contemplation, il demeure le Tout-Autre, que je ne peux pas voir, mais dans lequel je peux mettre ma confiance, vers lequel je peux diriger mon pas : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! », redit le Christ à Thomas, en Jean (20, 29).

Présence-absence

Il y a dans ce « ne pas voir » une force inouïe, qui dit bien que la foi est tout le contraire de l’idolâtrie, que ni le Père ni le Fils ne demandent une fixation dans l’image adulée, mais un mouvement vers l’autre, vers le visage frère, dans un geste de redistribution incessant. Si Dieu n’est pas visible, la misère du semblable, du prochain, de soi-même, elle, l’est, à chaque instant. Ce retrait de Dieu – cette sorte de pudeur nécessaire – instaure la responsabilité de l’homme.

Contre les illusions et les vertiges ascensionnels, Dieu renouvelle à l’infini le sens des relations humaines, il donne une valeur inédite au plan horizontal où se déploie notre action dans et sur le monde. Et il institue l’irréductible dignité de la pensée créatrice. Puisqu’il n’est pas possible de voir Dieu et de vivre, l’homme est invité à interroger, à chercher sans relâche, à se défier des protestations trop bruyantes. Et à célébrer tout ce que féconde cette présence-absence de ce Dieu qui veut l’homme libre de venir ou non à lui. Cette liberté de croire ou de ne pas croire est essentielle.

• TOMMY ZHANG/UNSPLASH
La marge est étroite, aujourd’hui, entre un monde qui a rempli jusqu’à la nausée ce qu’il a cru vide et des églises qui n’ont pas toujours su résister à la tentation de l’adoration. On a l’impression de vivre au milieu de deux surenchères en regard. D’un côté un monde profane qui exhibe l’obscénité de ses faux dieux et de ses idoles en toc : étalage de richesse, de gloriole, de clinquant à tous les étages de la société du spectacle. D’un autre un monde dit sacré qui transforme les portes étroites du silence et de la méditation en tribune, parfois en théâtre.

Bien sûr, on comprend que, dans sa ferveur et son enthousiasme, le croyant se laisse emporter, enjambe allègrement ce qui le sépare de ce Dieu qui a fait de son invisibilité la condition même de notre liberté. Dans l’impatience ou le pressentiment de la rencontre, le chant déborde, le dire outrepasse ses possibilités, le témoignage se laisse prendre au piège des preuves. Il y a des protestations de foi qui ne se rendent pas compte qu’elles composent un dieu de substitution, clair comme de l’eau de roche, assimilable en dix leçons, programmatique, vidangé de son mystère. Un feu qui aurait déjà les couleurs de la cendre.

Savoir se taire

La voie, oui, est étroite. Dieu ne veut pas qu’on l’ânonne mais qu’on le pense, qu’on ne croie surtout pas l’avoir trouvé, situé, cerné, dévoilé. Mais qu’on intègre à notre pensée, comme un mot qui resterait toujours sur le bout de la langue, cette lumière qui lui échappe, qui n’est pas un objet mais un aimant qui donne sens et énergie à nos gestes, nos paroles, nos choix, comme des égards inépuisables pour ce que la vie a de saint.

Dans ses Poèmes de la lumière, le poète roumain Lucian Blaga formule ce commandement auquel il se plie : « Je ne piétine pas la corolle de merveille du monde / Et je n’assassine point / De mon raisonnement les mystères que je croise / Sur ma route / Dans les fleurs, dans les yeux, sur les lèvres ou sur les tombes. » Comme le disait Platon dans le Théétète, la pensée est « une conversation que l’âme poursuit avec elle-même sur ce qui est éventuellement l’objet de son examen ». Or il n’y a pas de bonne conversation sans participation du silence. Il faut savoir se taire, ne pas aller trop loin, ménager une place, dans ce que l’on dit, à ce qui ne peut être qu’effleuré.

Le silence, voilà ce qu’en dit Lucian Blaga, encore : « Il y a un tel silence alentour qu’on croirait entendre / Frapper à la fenêtre les rayons de la lune. » Notre monde sait-il encore faire silence, accepter de ne pas voir, d’écouter frapper à la fenêtre les rayons de cette lumière divine qui n’est pas du monde sans laquelle le monde cesserait d’être humain ?

Emmanuel Godo. Poète et essayiste, professeur de littérature en classes préparatoires, il a notamment publié les Passeurs de l’absolu (Artège), la Bible de ma mère (Corlevour), les Égarées de Noël (Gallimard), Maurice Barrès, le grand inconnu (Tallandier), Ton âme est un chemin (Artège).

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samedi 29 mars 2025

Problème réel ?



Tant qu'il s'agit de regarder les autres, l'étendue et l'absurdité de leurs projections nous apparaît évidente. Nous voyons bien à quel point les problèmes d'autrui sont subjectifs et souvent artificiels. S'ils se détendaient, prenaient un peu de recul et voyaient les choses du bon côté, tout irait bien. Mais dès qu'il s'agit de nous, si quelqu'un nous dit : « Écoute, détends toi ! », nous pensons : « Moi, ce n'est pas la même chose. Mes problèmes n'ont rien d'absurde, ils sont réels, importants. » Nous sommes identifiés à notre monde subjectif sans réaliser qu'il n'est pas plus réel ou important que celui de n'importe qui d'autre.
C'est à grande échelle que nos existences sont factices. Tout ce que nous faisons – tout, sans exception – est dicté par l'ego. Tous nos choix sont déterminés par l'ego. Le mieux que l'on puisse espérer d'une existence non consciente, c'est que les choix faits par l'ego soient relativement bienveillants ; que nous choisissions la bonté plutôt que la cruauté, de faire la paix et non la guerre ; de nous montrer généreux plutôt que crispés sur nos richesses ; et que nous puissions vivre une existence relativement détendue, saine et heureuse. Tant que c'est l'ego qui décide, il est impossible d'aller plus loin et de vivre une vie réelle. La conscience du monde endormi est aussi différente de la conscience éveillée que les êtres humains des cochons. Et je n'exagère pas. Groin groin
 
Lee Lozowick - Éloge de la folle sagesse

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vendredi 28 mars 2025

Vérité peu intéressante ?

Étienne Klein s’attarde sur notre rapport à la vérité et 
comment se distingue les réactions de chacun face à celle ci. 
Pour certains le confort est plus important que la vérité et les contradictions qu’elle entraîne
 pousse certains à la renier au profit de convictions sans fondements.

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jeudi 27 mars 2025

A la recherche du Soi


Au mois de mai chez Almora (merci à José Le Roy) - republication des 2 premiers tomes.

"Le désir a pour but sa propre satisfaction. Au moment où le désir vient d’être satisfait, il y a pendant quelques instants un état sans désir et, dans cet état sans désir, peut se manifester cette béatitude inhérente à la conscience de soi ou au sentiment de soi techniquement appelé ananda. Cet ananda n’est pas une émotion. C’est un sentiment, une paix, une joie, une plénitude qui est l’expression de l’être, qui est lié au fait d’être, au « Je Suis », à la conscience d’être, qui ne dépend pas de l’avoir, qui n’est pas affecté par ce que l’on a ou ce qu’on n’a pas. En vérité, le bonheur que l’on cherche dans l’avoir n’est jamais autre chose que la libération momentanée de la joie intrinsèque à l’être dont les désirs et les peurs vous exilent sans cesse."

Adhyatma yoga - À la recherche du soi 1

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mercredi 26 mars 2025

Créer

 Créer, c'est se livrer peu à peu à ce qui advient.

Philippe Filliot

Œuvre de Kabbalah vitrail

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mardi 25 mars 2025

Guerre et bruits de guerre ?


Poème écrit il y a quelques années et semble-t-il toujours d'actualité, tout juste publié dans le recueil "Dernière Pluie"

soleil de printemps marche le long des champs conscient que
oui
réchauffement guerre
et bruits de guerre
galop insensé vers l’abîme
tel ce moine zen
dans le précipice
agrippé à une branche
en train de craquer
je cueille les baies sauvages et les trouve délicieuses

Gilles Farcet

--------------------un autre extrait :

il faut parfois demander pardon
au crépuscule
pour les chagrins causés
les peines infligées
dans l’insouciance des commencements la fébrilité des premiers pas
l’ivresse de la cueillette
il faut parfois demander pardon
dans la pénombre
pour ce que l’on ne savait pas pour ce que l’on ne voyait pas dans l’éblouissement du plein jour
tout étant consommé
il faut parfois demander pardon
pour ce sur quoi on ne peut plus rien hormis demander pardon
invoquer les visages, les noms mesurer sa misère
et simplement
demander pardon
et au final s’aviser que c’est à soi-même qu’il faut
demander pardon
car c’est l’intégrité
de soi-même
que l’on a blessée c’est sa dignité propre à qui l’on a manqué c’est son intime vérité que l’on a évitée
à travers cet autre
que je n’ai pas honoré c’est bien mon innocence qui a été bafouée
c’est bien ma personne que je n’ai pas su aimer
ma personne, la tienne
la vôtre
la leur
et
quand tout est vu la personne
dont la mienne la tienne
la vôtre
la leur
sont autant
d’uniques déclinaisons
la personne
hors laquelle
il n’est pas de pardon

Gilles Farcet

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Parait chez maelstrÖm reEvolution ce nouveau recueil qui rassemble bien des poèmes partagés ici même ces dernières années. Trouvable dans de bonnes librairies et commandable sur www.maelstromreevolution.org

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dimanche 23 mars 2025

Le filtre du mental



Le concept du mental est central dans les enseignements traditionnels de l’Inde. Arnaud reprend ce thème d’une très belle façon dans son livre "En relisant les Évangiles", où il interprète la parabole ce la Samaritaine.

Quand le Christ ajoute : « Tu as eu cinq maris, et l’homme que tu as maintenant n’est pas ton mari », ce passage doit-il être compris littéralement ou bien revêt-il un autre sens ? Etant donné la brièveté des Evangiles, il est impossible qu’il y ait un chiffre, une précision qui ne nous concerne pas, nous, aujourd’hui, qui ne nous parle pas de nous, dans nos erreurs, nos tâtonnements, notre espérance.

Dans son Commentaire de l’Evangile, Lanza Del Vasto donne une explication de ce passage. Les cinq maris désignent nos cinq sens et le sixième qui n’est pas son mari correspond à ce que les hindous appellent le sixième sens, c’est-à-dire le mental (manas). Le mental n’est pas la vérité de nous-mêmes ; il s’est forgé peu à peu par les influences diverses que nous avons reçues et par l’éducation (qui, si j’ose m’exprimer ainsi, pensent à notre place et même ressentent à notre place) ; il est constitué de tout ce qui n’est pas vraiment personnel et juste en nous. Beaucoup de nos pensées ne sont faites que de citations prises ici ou là, beaucoup de nos émotions ne sont que des imitations dues aux influences culturelles.

[...] Qui n’est pas touché par cet entretien magnifique au bord du puits de Jacob : « Je te donnerai à boire d’une eau qui fera que tu n’auras plus jamais soif » ? Mais, il y a plus encore, qui nous donne à réfléchir. L'âme, la réalité profonde en nous, notre être essentiel est "marié", uni, confondu avec les cinq sens et nous interdit la vision de la réalité ultime ; et nous vivons avec ce sixième sens, le mental qui regroupe l’ensemble de nos conceptions et de nos opinions et se surajoute aux cinq sens pour nous exiler encore plus du réel.

Quant à l’état de conscience ordinaire, que l’on nomme « état de veille », il correspondrait à peu près à une identification complète entre le sujet et ce qui est perçu, sans aucune introspection sur la part des conditionnements psychologiques qui sont à l'œuvre Le processus est automatique et inconscient. C’est la position par défaut en l’absence d’un regard introspectif et d’une pratique de la vigilance.

Dans cet état de veille ordinaire, l’individu est gouverné par de fausses lois, des visions erronées. Il projette, sur autrui ou sur le monde, un imaginaire (attentes, fantaisies, interprétations, etc.) qu: ne correspond pas à la réalité objective des phénomènes. En pensée, nous retranchons de la réalité ce qui ne nous convient pas pour ajouter des éléments imaginaires, créant finalement une illusion qui nous convient mieux que ce qui est. D’où un sentiment global d’insatisfaction, de manque et de souffrance. Tous ces mécanisme: d’adaptation plus ou moins efficaces relèvent du domaine de la psychologie et de la psychanalyse et ils ont été abondamment étudiés.


Homo sapiens
, sans introspection ni compassion, demeure un primate plus ou moins agressif et destructeur, même s’il possède une carte de crédit et un portable. La démonstration n’est plus à faire*. 

Quant à la démarche du chercheur spirituel, elle implique d’être à l’affût de ce mental qui vient tout colorer et qui voile la vision pure des phénomènes. Avec de la vigilance et un regard introspectif capable de percevoir ces conditionnements, de prendre du recul vis-à-vis d’eux et de les considérer avec bienveillance, il devient possible ce stabiliser le mental et de tourner son regard vers la source de .a Conscience. Ainsi peut se développer la position intérieure du Témoin, la part la plus proche de la pure Conscience, de l’Êtreté.

... Une partie essentielle du travail de l’aspirant spirituel, une fois qu’il a pris conscience de l’omniprésence du mental dans sa vie, consiste à nettoyer et à rectifier cette lentille déformante, afin de voir ce qui est avec un minimum de distorsion et, éventuellement, ce se situer comme Témoin libre du mental. C’est le but de tous les chemins de la sagesse.

Le mental crée des conflits, la Paix les dissout.


Extrait de Dialogue avec un sage de Yvon Ginchereau
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* Desjardins, Arnaud, En relisant les Évangiles, Paris, La Table Ronde, 1990, p. 84-85.

*Lire à ce sujet : Harari, Yuval Noah, Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, Paris, Albin Michel, 2015.

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samedi 22 mars 2025

Etre un avec l’autre

être un avec l’autre :
donc comprendre son monde ,
saisir la logique du dit monde ,
ne pas frontalement contrer cette logique
dès lors qu’il y a identification massive ,
émotion à fleur de peau
et parfaite inconscience de la dynamique à l’œuvre …
et ne pas pour autant servir la soupe à l’égo et au mental
ne pas cautionner le délire
le délire aveugle sourd et auto centré
participant de la maladie du monde …
Voilà bien un des défis auxquels un enseignant intègre se trouve parfois confronté
Un défi face auquel il n’est pas de recette.
Juste veiller à ce que l’égo ( celui de l’enseignant ou plutôt celui toujours susceptible de redresser la tête chez la personne au service de l’enseignement) ne s’en mêle pas.
Demeure alors un espace de compassion
impuissant

Gilles Farcet

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vendredi 21 mars 2025

Ecoute sans attente

Q : J'ai beaucoup de difficulté à rester assis les jambes croisées, j'ai des tensions et douleurs.


Éric Baret : Vous devez découvrir votre corps. Le but n'est pas de détendre mais de découvrir combien il y a de tensions. Donc ça n'a pas d'importance si des tensions apparaissent. Au contraire, vous allez découvrir l'étendue des tensions. Ne soyez pas obsessionnel sur la position assise, c'est une position qui est difficile pour beaucoup de gens. Alors vous voudrez explorer le corps sous tous ses angles, si cette approche vous intéresse. Il y a des mouvements qu'on fait allongé sur le dos, d'autres allongé sur le ventre, d'autres sur le côté, d'autres debout. Donc, vous allez trouver des positions qui ne sont pas trop inconfortables et allez-y à partir de là.

Ne pas travailler dans la répétition mais dans la découverte. Le but n'est pas de faire une pose, mais de découvrir ce qui empêche. Et quand vous sentez la tension, vous ne la détendez pas : vous la sentez. Cela est très important. 

Et quand vous revenez du mouvement, sentez la détente et le lâcher prise de la tension. Donc, ce n'est pas vous qui détendez : vous constatez la détente quand vous revenez de la posture. C'est important parce que cette attitude va se transposer ensuite dans votre vie affective. Mais cela demande une forme de créativité. 

Le yoga n'est pas répétitif, c'est chaque fois nouveau. Il faut comprendre que votre corps contient l'ensemble de votre problématique. Donc, on va découvrir intimement toutes ses limitations. Pas pour les lever, mais pour les laisser vivre. Quand vous laissez vivre une tension, progressivement elle ne va plus être nécessaire comme tension. 

C'est vrai que pratiquement parlé, il est difficile d'enseigner un art à distance. Normalement, c'est par le contact direct avec quelqu'un qui comprend cette approche que vous pouvez découvrir créativement le processus, mais s'il n'y a personne autour de vous, vous devez être créatif, vous devez faire comme le premier yogi qui a appris de nulle part : il a découvert. Donc, il faut avoir la même disponibilité. 

Alors ne soyez pas gêné par les tensions constantes au début. Soyez de plus en plus intime avec ces tensions ; vous allez découvrir de plus en plus votre fonctionnement. Les tensions dans les hanches, les tensions dans les cuisses, les tensions dans les épaules... Plus vous allez vous ouvrir à cette exploration, et plus vous verrez simultanément quand la peur, la jalousie, ou la réaction vont apparaître en vous ; vous allez avoir l'écoute de laisser vivre ces émotions, sans chercher à les contrôler, sans chercher à les éliminer. Et c'est à ce moment-là qu'il y a une forme de clarification qui se fait. 

Donc, ça se fait tout seul. Ça demande juste une écoute sans attente. Le yoga est vraiment un art, vous devez le pratiquer sans la moindre attente. C'est là que vous découvrirez ce qui est essentiel. Pas ce qui est essentiel dans le yoga, mais dans l'écoute sans attente. 

~ Éric Baret

(extrait d'une vidéo)

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jeudi 20 mars 2025

Journée internationale du bonheur

 "Un bonheur pour soi tout seul ? Serait-il possible en négligeant celui des autres ou pire en essayant de le construire sur leur malheur ? Un « bonheur » élaboré dans le royaume de l’égoïsme ne peut être que factice, éphémère et fragile comme un château bâti sur un lac gelé, prêt à sombrer dès les premiers dégels. Parmi les méthodes maladroites, aveugles ou même outrancières que l’on met en œuvre pour construire le bonheur, l’une des plus stériles est donc l’égocentrisme. « Quand le bonheur égoïste est le seul but de la vie, la vie est bientôt sans but », écrivait Romain Rolland. Même si l’on affiche toutes les apparences du bonheur, on ne peut être véritablement heureux en se désintéressant du bonheur d’autrui." - 

Matthieu Ricard, Plaidoyer pour le bonheur, Editions du Nil, 2003. 



📷 : Élèves à une école construite en bamboo au Népal. Un projet soutenu par Karuna-Shechen



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Portes ouvertes...


Bon printemps !

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Koans

 Koan 


Dans l’école de zen dite rinzai, se pratiquent les koans, ces énigmes sans solution que les maîtres proposent à leurs élève? Ils font cela pour les aider à comprendre que parfois, il ne faut pas chercher à résoudre un problème ou à synthétiser une contradiction, mais plutôt les laisser se dissoudre en nous (au travers de la méditation et non de la réflexion) pour percevoir l’inanité ou l’inutilité de lui apporter une réponse. Les koans peuvent être des questions, des anecdotes, des affirmations. 

Par exemple : quel bruit fait une seule main qui applaudit ? Ou bien : ce qui te manque, cherche-le dans ce que tu as. Ou encore, pour le sujet de ce livre à quoi ressemble un bonheur manqué ? Ou aussi : le malheur est dans le bonheur, et le bonheur dans le malheur. En Occident, nous parlons parfois d'aporie, un problème ou une question insoluble : par exemple la question de savoir qui était là en premier, la poule ou l’œuf ? L’intérêt des koans et autres apories est de nous encourager à tolérer l’incertitude, sans pour autant fuir les problèmes ou les contradictions. Notamment en matière de bonheur et de vie heureuse.

Koan sur le mal 

Méditez cette phrase du philosophe Gustave Thibon : « Vu du dehors, le mal appelle le châtiment ; vu du dedans, la pitié. » Souvenez-vous de l’esprit du zen : il ne s’agit pas de résoudre une énigme, de savoir ce qui est préférable, du châtiment ou de la pitié, mais d’éprouver au plus profond l’inévitable complexité de toute décision à prendre face au mal.

Christophe André - Et n'oublie pas d'être heureux

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mercredi 19 mars 2025

Ames

 

Aimez et souffrez, espérez et contemplez. 

Malheur, hélas ! à qui n'aura aimé que des corps, des formes, des apparences ! 

La mort lui ôtera tout. Tâchez d'aimer des âmes, vous les retrouverez.

Les Misérables - Victor Hugo - Chapitre IV


Aucune grâce extérieure n'est complète si la beauté intérieure ne la vivifie. 

La beauté de l'âme se répand comme une lumière mystérieuse sur la beauté du corps.

Post scriptum de ma vie, une œuvre posthume publiée en 1901, composée de recueils de textes philosophiques rédigés en 1860.

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mardi 18 mars 2025

Projections pour nous connaître


 « Tout ce qui nous irrite chez les autres peut nous mener à une meilleure compréhension de nous-mêmes » - Jung

Une fois de plus, les projections améliorent notre auto-connaissance. En même temps que nous nous projetons, nous générons l’opportunité de voir très clairement chez l’autre ce que nous ne sommes pas capables de voir en nous-mêmes. Ou ce que nous ne voulons pas voir… Le paradoxe réside dans le fait que, même sans miroir, nous sommes capable de reconnaître des choses qui nous concernent.

Les projections peuvent se faire par rapport à ce que nous détestons chez l’autre ou par rapport à ce que nous admirons chez d’autres personnes ; ce sont dans tous les cas des choses que nous ne voyons pas en nous. Quand vous vous sentez profondément irrité-e par quelque chose qui, a priori, ne devrait pas vous toucher, demandez-vous si cela peut avoir un lien avec une chose que vous détestez aussi chez vous mais que vous n’acceptez pas.

Il ne s’agit pas d’en arriver à se détester, ce n’est pas du tout ce que voudrait Jung. Il s’agit de comprendre ses propres points obscurs et de les accepter pour pouvoir les changer. Si nous ne passons pas par cela, nous projetterons toujours chez l’autre ce que nous n’acceptons pas de nous-mêmes. Et, une fois de plus, nous serons condamnés à une vie de tromperie et de non-authenticité.

(source : site "Nos Pensées")

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lundi 17 mars 2025

Dialogue avec un sage

 "Souvenez-vous que la paix des profondeurs est déjà la nature véritable de notre esprit ou de notre conscience. Et nous pouvons tenter, par une acceptation totale, de nous désengager des limitations du moment et de revenir à cette réalité qui est déjà là en nous ou plutôt que nous sommes déjà." 

(Arnaud Desjardins, extrait d'une lettre à Yvon Ginchereau)


Les éditions Accarias L’Originel nous ont habitués à des textes et des témoignages de sagesse d’une richesse remarquable. Ce livre-ci, d'Yvon Ginchereau- "Dialogue avec un sage – Arnaud Desjardins m’a dit…", paru cette année aux éditions de Jean-Louis Accarias et préfacé par Eric Edelmann, qui dirige l’ashram québécois de Mangalam - ne fait pas exception à la règle. C’est d’autant plus le cas qu’il est lié à l’un des rares maîtres occidentaux reconnus, qui plus est un être qui prodiguait l’enseignement reçu de son maître indien, Swâmi Prajnanpad, avec une immense générosité, pour de nombreux apprentis disciples, en France comme au Québec.
 

Tous ceux qui ont connu Arnaud Desjardins de son vivant – jusqu’au 10 août 2011 – reconnaîtront sans peine, dans cet ouvrage, les grands principes de son enseignement. Mieux encore, à la lecture des extraits de l’abondante correspondance qui s’est nouée entre l’auteur, Yvon Ginchereau, et le maître, ils réentendront sa voix, qui véhiculait avec tant de pédagogie, de force et d’amour ce qui lui avait été transmis et dont il avait fait la substance même de son existence. 

Ecrit avec une grande clarté et une précision d’orfèvre, ce livre s’adresse à tous, ceux qui ont connu le maître, ceux qui sont arrivés à l’ashram d’Hauteville ou de Mangalam après sa mort comme ceux qui seraient simplement curieux, aujourd’hui, de découvrir une voie particulièrement adaptée à notre contexte occidental. Il est émaillé de nombreuses lettres d’Arnaud Desjardins contenant des conseils à la fois précis et développés, mais aussi de citations d’autres auteurs, propres à éclairer l’ensemble.

J’ai été particulièrement touchée par la lecture de ce témoignage, qui commence très naturellement par poser le cadre familial où l’auteur a grandi, au travers de difficultés suffisamment fortes pour qu’Yves Ginchereau qualifie son propre « départ » dans l’existence de « peu prometteur », dans la première partie. Par cette plongée dans une enfance et une adolescence douloureuses, nombre de nos souffrances pourront ici se reconnaître, même si chacune d’entre elles prend nécessairement une forme différente. Voilà qui permet de se redire que la qualité d’un cheminement n’est nullement entravée par des conditions initiales malheureuses, a priori peu favorables à l’ouverture spirituelle.

Dès la deuxième section du livre, intitulée « Le début d’un chemin », l’auteur nous fait entrer dans l’accompagnement exceptionnel dont il a bénéficié, après une toute première rencontre assez improbable, en ce qu’elle ne respectait pas le protocole habituel d’entrée dans un centre tenu par Arnaud Desjardins. Yvon Ginchereau ne cache rien de ses conditionnements, préjugés ou résistances, et c’est ce qui nous le rend si proche. En même temps, nous saisissons mieux à quel point il est nécessaire, si l’on veut progresser sur la voie, de s’engager pleinement, avec sérieux et détermination, avec une pleine confiance également, auprès du maître choisi. 

La troisième partie nous ouvre les « nouveaux horizons » que le disciple a découverts dans cette proximité avec le maître, laquelle ne s’est jamais démentie (y compris après sa mort, de cœur à cœur). Son expérience spirituelle nous est alors livrée dans son intensité, son éblouissement même, sans pour autant occulter les difficultés persistantes ressenties à ces occasions – celles qu’Yvon Ginchereau décrit comme une « négativité » issue de son histoire, ou encore la confrontation à certaines formes de malveillance, y compris parmi les apprentis disciples. 


La quatrième section évoque la phase d’assimilation profonde de cet enseignement, au travers notamment de ce que l’auteur appelle le fait de « Servir la grande réalité », dans ce monde : en l’occurrence, il s’agit d’un engagement social particulier dans le domaine de la santé. 

La toute dernière partie, « Une voie pour les temps modernes », plus brève, me paraît précieuse entre toutes : elle propose d’abord un condensé des phrases essentielles du maître, extraites des lettres dont nous avons pu découvrir le contenu au fil de notre lecture ; puis elle expose une méthode en trois points : 1. L’audition, 2. La réflexion, 3. La contemplation, qui s’achève par un magnifique texte de Lao Tseu, à lire et à relire pour une imprégnation profonde. J’avoue qu’à ce stade, j’aurais aimé un développement plus long, tant cette méthode me paraît utile. 

L’ensemble est précédé d’un avant-propos et d’une introduction de l’auteur, puis suivi d’une postface, d’une bibliographie très complète et d’un glossaire des mots sanskrits utilisés dans l’ouvrage, avant de s’achever par des remerciements.

Une fois n’est pas coutume : je ne terminerai pas cette recension par un florilège de citations, tant il me paraît important d’entrer entièrement, de tout son être, dans cet ouvrage si vivant et si complet. Vous l’aurez compris : je vous recommande chaudement la lecture de ce livre !

"Ne doutez pas de vous, ne doutez pas de vous ! Pour se sentir stable et solide, le secret est simple : il faut s'appuyer sur ce qui est et sur ce que nous sommes à chaque instant. Ne soyez nullement découragé." (Extrait d'une lettre d'Arnaud Desjardins à Yvon Ginchereau)

Sabine Dewulf

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dimanche 16 mars 2025

Digne et souple comme le bambou

La poésie orientale fait de la nature une source de philosophie quotidienne. Notre chroniqueuse puise dans la symbolique du bambou et des pratiques d’énergie de quoi inspirer le commencement du carême.

Par Élisabeth Marshall


Un océan végétal à perte de vue. Une forêt de vert tendre, parcourue d’ondulations douces au gré du vent. Il y a bientôt un an, à l’aube du printemps, je contemplais la Mer de bambous, un lieu mythique du sud de la Chine. J’apprenais que cette plante qui a pris racine dans l’empire céleste avant de parer nos jardineries d’exotisme est en Orient un bien précieux et un emblème.

La rectitude exemplaire

Le bambou sert à tout : nourrir, bâtir, soigner. Droit et souple, il symbolise cet humain digne et tolérant qui a grandi à la lumière de Confucius et de Lao-tseu. La tige aux nœuds réguliers, érigée comme une colonne, figure la rectitude exemplaire ; le feuillage souple et aérien rappelle la nécessaire bienveillance à maintenir dans l’existence.

En pratiquant le qi gong, cet art de l’énergie en mouvement, j’ai mieux compris combien l’imaginaire poétique de la philosophie taoïste, profondément inspiré par la nature, peut nous aider à cultiver les vertus. La verticalité semble pour nous une évidence, mais, si nous traversons un épisode de fragilité ou que nous observons la marche balbutiante d’un tout-petit, nous mesurons mieux toute l’énergie et l’équilibre qu’il faut déployer pour rester debout.

L'appui d’un regard de confiance

Je pense à la détermination joyeuse de Joanne, la benjamine de mes petits-enfants. Lâchant ses appuis, voici qu’elle tente seule ses premiers pas. Chancelante sur ses jambes et surprise elle-même par son audace, elle est comme tendue vers le monde.

À mon tour, je m’interroge : qu’est-ce qui me tient debout et me fait avancer dans l’existence ? L’espoir chaque matin renouvelé, la soif d’apprendre et de découvrir, l’aspiration à être heureuse et à rendre heureux ceux qui m’entourent… ou peut-être encore l’appui d’un regard de confiance, d’une parole juste, donnée ou reçue, qui d’un coup me relève et me tient.

Tout aussi vital que le maintien solide de mes valeurs est le travail intérieur qui me gardera agile de corps et bienveillante d’esprit. Là encore, le corps m’enseigne. Courbures, flexions, rotations… Ma gymnastique du matin, qui détend les articulations, me guide vers la nécessaire souplesse à entretenir dans les épaules, les hanches, les genoux. C’est aussi pour moi l’image de la fluidité du geste et du cœur à cultiver en soi pour éviter toute raideur ou aigreur de pensée.

Rester flexible


Accueillir sans rechigner le goût neuf de chaque jour, ne pas bouder les occasions de s’ouvrir à d’autres joies, d’autres croyances ou d’autres façons de voir. Comme la tige gracile de la plante, rester flexible dans les changements de vent. Vivre, en somme, sans figer nos corps ni nos sentiments.

Alors, en ce début de carême, pour conjuguer droiture et souplesse, laissons-nous inspirer par la sagesse du bambou. Appuyés sur la Parole et la prière, mais ouverts à l’inédit qu’elles pourront nous souffler. Fidèles à nos résolutions, mais souples dans leurs applications. On pourra s’aider en méditant ce proverbe portugais, cité par Paul Claudel en épigraphe de son drame poétique le Soulier de satin : « Dieu écrit droit avec des lignes courbes. »

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source : La Vie

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samedi 15 mars 2025

Conscience et Présence

 Question posée ce matin: « Y-a t’il une différence entre Conscience et Présence? »


Ce que l’on nomme généralement ‘conscience’ est tout d’abord une qualité fonctionnelle, duelle et temporelle, car toujours relative à ce qui est perçu.                                                 

On est conscient de quelque chose, ou on est distrait.          

On est conscient des sensations ou de l’actualité du moment, plutôt que perdu dans ses pensées ou ses fantasmes.            

La conscience crée le monde de la séparation apparente, le sentiment du ‘je’ et du ‘non-je’, du sujet et de l’objet perçu, nous permettant de fonctionner dans le monde.                             

Elle est à l’origine de l’illusion de frontières entre ‘moi’ et les objets perçus et entre les objets entre eux.                             

Elle est également à l’origine de l’espace/temps, permettant une expérimentation cohérente dans le monde. 

Elle est également ce que l’on nomme ‘le témoin neutre’, observateur des sensations et des pensées. Elle observe le jeu du mental sans se laisser prendre par lui. Elle reconnaît l’illusion comme illusion, et est consciente d’être consciente.                                                                        

Ce que l’on nomme ‘Présence’ n’est pas ‘être présent à’ ou ‘conscient de'.

La Présence c’est un sentiment impersonnel illimité, le sentiment d’Être. C’est la seule constante unique, qui est intemporel non localisable et dans lequel toute expérience se produit. 

La Présence est indissociable de l’instant et est la seule véritable éternité.                 

Quelle que soit la distance que nous parcourons, nous sommes toujours ici, Présence immuable.

Pour l’Advaita Vedanta, il s’agit de la Pure Conscience universelle, Sat-Chi-Ananda, Être, Conscience et Béatitude, sans cause, sans commencement ni fin.

La conscience de la conscience nous amène à réaliser la Présence éternellement présente, que nous sommes.  

« Le même miroir qui vous montre le monde tel qu’il est, vous montrera aussi votre propre visage. La pensée “Je suis” est le chiffon à polir. Utilisez-la. » Sri Nisagardatta Maharaj

Love & Blessings to All ✨🫶✨

Swami Dharmapriyananda Saraswati

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vendredi 14 mars 2025

Danse féminine

Après... cette journée internationale de la femme, réveillons notre potentiel féminin.


Les qualités féminines, indispensables sur la voie spirituelle, nous entraînent dans les profondeurs de notre être et font respirer notre cœur.

Aujourd’hui, oublions le besoin d’affirmer notre personnalité tel un sommet qui porterait fièrement notre nom. Devenons une vallée généreuse. Goûtons la réceptivité, l’ouverture et l’écoute attentive. Ces attributs sont le ferment nécessaire pour que notre potentiel de beauté et d’amour se déploie et rayonne avec ampleur.

Sans ces qualités féminines, notre quête spirituelle risque de se transformer en affirmation d’un nouveau sommet. Un sommet qui perpétue le besoin de s’affirmer en une forme qui surplombe, avec un subtil sentiment de supériorité. Un sommet peut facilement se perdre dans ses hauteurs, dans des principes métaphysiques brillants qui assèchent l’être. Rien ne pousse sur les hauteurs, la vie les a désertées. Sachons descendre, descendre en profondeur, nous régénérer dans les mystères de l’être, nous désaltérer à la Source originelle.

En cette descente, nous appréhendons dans notre chair la folle créativité de la vie qui bouscule tous nos cadres et nos besoins de contrôle. Redécouvrons les qualités féminines malmenées par notre culture patriarcale hyper compétitive où le pouvoir et le profit sont devenus des valeurs dominantes et écrasantes. Prenons soin de la vie, sous toutes ses formes. Cessons d’abuser de la vie et de l’exploiter par notre manque de vision, d’écoute et de sensibilité.

 « Celui qui pratique la Voie diminue de jour en jour. » Lao Tseu

Laissons nos sommets s’éroder pour devenir des vallées fertiles qui regorgent de rires, de beauté et de félicité.

Laissons la ligne droite et sa raideur. Osons la spirale et sa danse imprévisible.

 - Nathalie Delay

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jeudi 13 mars 2025

La grâce de l'aube

 L'un des plus beaux textes de notre littérature... Il fait bien évidemment partie des 33 textes que j'avais sélectionnés dans mon livre-jeu "Les jardins de Colette - Parcours symbolique et ludique vers notre Éden intérieur", paru aux Editions Le Souffle d'Or en 2004.

Sabine Dewulf


" Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demie, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues.
À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau..."
Extrait de Sido de Colette.

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mardi 11 mars 2025

Temps et énergie dépensés

 


Si l’on a une certaine inclination pour la vie spirituelle, je pense qu’il ne faut pas passer trop de temps à essayer de trouver la meilleure maison, le meilleur travail, le meilleur n'importe quoi, car ce que l'on considère être "meilleur", ce n’est que notre manière de voir les choses. Bien sûr, si la maison n'a pas de fuites, c'est bien, si le quartier n'est pas trop violent, c'est bien, si vous avez un travail décent, c'est bien, mais pour moi ce n'est pas central.

Il ne faut donc pas dépenser trop d’énergie à essayer de se construire une vie fonctionnelle. C'est peut-être une erreur en Europe et en Amérique, que les gens pensent qu'ils doivent d'abord établir une sorte de structure matérielle et qu'ensuite ils pourront approfondir leur vie spirituelle. Jean Klein a toujours méprisé cette manière de voir les choses, affirmant que vous échappez à l'appel de la Vérité. 

Quand l'appel de la Vérité est là, ce n'est pas le moment de préparer quoi que ce soit : il faut se conformer à cet appel et ainsi rendre sa vie fonctionnelle de manière minimale, pour ne pas dépenser trop d'énergie avec votre maison, ou avec votre femme, ou votre mari, ou vos enfants, ou votre entreprise, ou votre jardin. Ces choses peuvent être là, mais elles ne sont pas le centre de la vie et alors l'investigation peut commencer. Donc, encore une fois, ce n'est pas mal d'avoir une vie fonctionnelle, mais ça ne devrait pas être si important ; c'est préférable que ça soit fonctionnel de manière simple. 

~ Éric Baret 

(extrait d'une vidéo en anglais)

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lundi 10 mars 2025

Méditation du jour

 10 mars : N'envie personne : ton axe de vie est unique. 

L'envie procède du manque. Tu envies lorsque tu penses que tu n'as pas assez. Si tu penses que tu n'as pas assez c'est que tu n'as pas conscience de ta beauté intérieure et de ta plénitude. Ton chemin de vie est unique. Tu es la seule personne capable d'accomplir ta destinée. 

Trouve le sens de ta vie et mets-toi en marche...

Pour accompagner cette méditation, pratique l'exercice suivant :  


Tenir un journal quotidien :

Afin de développer ton ancrage dans l’instant présent, commence un journal quotidien dans lequel tu écriras chaque jour quelques phrases, de préférence en fin de journée. C’est un bon moyen pour développer la conscience de soi, la juste distance par rapport à soi-même et le questionnement intérieur. C’est aussi une manière de donner corps et réalité à ton quotidien et de prendre conscience que chaque jour te permet de construire ta vie. Écrire quotidiennement dans ton journal te permettra de développer ta conscience et de prendre du recul par rapport à ta propre vie. Cela te permettra aussi de relire les événements et de mesurer le chemin parcouru. Cela te donnera confiance en toi et dans le moment présent. Commence dès aujourd’hui !

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Source : 365 méditations et exercices de pleine conscience

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dimanche 9 mars 2025

Au cœur de l’hiver, une promesse

 


Notre abricotier est mort. Ou tout du moins il en a l’air. L’hiver dernier, déjà, nous avions cru que c’en était fini – à tort. Nous l’avions planté en arrivant dans cette maison, au milieu de notre petit carré de pelouse. Le choix de l’essence avait déchaîné les discussions. L’un désirait un chêne, l’autre un palmier, le plus jeune ne voulait rien pour ne pas envahir son terrain de jeu.

Les nuances et les saisons

Moi je préférais un arbre à fruits : la perspective de tartes et de confitures colorées l’a emporté. Nous avons choisi un abricotier. C’est beau, un abricotier, ça dit les nuances et les saisons. Le dépouillement sombre l’hiver, l’espoir du vert au printemps, la vitalité du jaune orangé l’été, le rougeoiement d’un soleil couchant à l’automne.

Il est arrivé tout petit, adossé à son tuteur. Il a subi les assauts du chat, essuyé les tirs de ballon, fait face à la gourmandise des oiseaux. Mais il a grandi, il s’est déployé, un peu penché pour chercher la lumière. Et nous a comblés de ses bienfaits en abondance.

De beaux fruits, avec leur rose aux joues et leurs taches de rousseur, que nous partageons souvent avec les voisins. Et même avec un passant, une fois, dont la voix a porté au-delà de la grille. « Ils ont l’air bons, ces abricots ! »

Mais il a fait froid. Par deux fois l’abricotier s’est trouvé prisonnier d’une gangue gelée plusieurs jours d’affilée. Rien ne dit qu’au-dedans il n’a pas grelotté. Et je crains qu’il n’ait pas survécu. J’ai attendu le retour des oiseaux, pour venir l’ausculter. J’écoute, l’oreille collée contre le tronc. Réflexe de celui qui cherche la palpitation de la vie. Une circulation même alanguie, la sève qui coule engourdie. Mais l’écorce reste muette.

Le baiser du printemps

Ses branches décharnées, noires et sèches, grattent le ciel. Figées, dans une supplication muette. Seul le vent le fait osciller de temps en temps. Je laisse courir mes mains sur son branchage, une caresse, les yeux fermés pour mieux sentir les aspérités. Mes doigts rencontrent une tendresse, boursouflure souple au bout d’un rameau rugueux. Je palpe délicatement. Ça semble être, oui, ça semble être… un bourgeon ! C’est un bourgeon corseté, qui se fond encore dans les teintes du bois.

Un bourgeon, c’est la promesse d’une fleur, d’un fruit. C’est la vie. Cette vie qui avait déserté en apparence, mais qui a continué son chemin in petto, au ralenti. Comme elle le fait parfois quand elle se met à l’abri. Des coups du sort, des accidents, de la main de la mort. Belle au bois dormant, qui attend le baiser du printemps. Tout au long de cette dormance, la vie n’a jamais cessé. Pas un instant. Sinon, il n’y aurait pas ce tout petit bourgeon.

Je lui parle tout bas, pour que même les abeilles n’entendent pas. Je lui dis tout ce qu’il représente. L’espérance. Savoir qu’au cœur de nos hivers les plus rudes, la vie est là, qui bat. Toujours, même si on n’y croit pas. Et que dans ce froid qui glace le cœur, le bonheur n’est pas mort. Il est en sommeil. Et guette le printemps. La vie porte en elle, dans un même mouvement, tout le froid de l’hiver et toute la joie du printemps.

Anne-Dauphine Julliand

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Source : La vie

samedi 8 mars 2025

Tentons !


douché, étiré
nez dehors à l’aube
levant rouge
sur la crête des arbres
rien de ce que tu feras ce jour
n’est après tout si important
porter les bûches au poêle
lancer le feu,
l’entretenir
balayer les cendres autour de l’âtre
préparer ton petit déjeuner
prendre place pour le manger
parcourir ce journal
qui te relaie le bruit du monde
nettoyer un peu
ranger
puis vaquer
à ce qui t’occupe
puisque le jour se lève
et qu’il faut tenter de vivre
rien de ce que tu feras ce jour
n’est après tout si important
écrire ?
je t’en prie …
la musique ?
un petit passe temps
structurant
écouter accompagner
ici et là soulager ?
de grand cœur
oui
et sans te la raconter
tu n’es ni thaumaturge
ni sauveur
tout au plus parfois
quelque peu guérisseur
dès lors que l’autre le veut bien
un peu
Œuvre de Chantal Desmoulins

prier
te rassembler
t’asseoir
sous le regard de l’immensité
un peu
puisque vivre
n’est pas seulement contempler
un peu donc
juste assez
pour t’aligner
sur l’unique priorité
le jour se lève
il faut tenter d’aimer

Gilles Farcet

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