Texte de Arnaud Desjardins :
mercredi 30 avril 2025
Ego et espérance !
mardi 29 avril 2025
Acceptation de ce qui est
lundi 28 avril 2025
Rencontre avec le pape
Que François vous a-t-il apporté en tant que chrétien, en tant qu’écrivain ?
Le regard que François portait sur chaque chrétien était un regard de bienveillance et de fraternité. Il avait une merveilleuse écoute et il m’a confirmé cette idée que la foi est une liberté de penser, d’interpréter, de faire sien un message. Il légitimait cette part active : dégager la religion de l’obéissance pour la restituer à l’individu en pleine conscience, qui réfléchit, s’empare de l’histoire et des textes.
Ce qui est étonnant de la part d’un pape, censé être le gardien des interprétations et des canons. François avait cette ouverture-là. On échangeait sur des sujets où j’avais des positions très éloignées du dogme.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
J’ai pu lui parler de ma conception de Judas : pas du tout un traître mais le disciple préféré et celui qui se sacrifie par amour… « C’est très intéressant », m’avait dit François, dans un grand sourire. Et j’avais continué en expliquant qu’on évitait ainsi l’antisémitisme chrétien qui a prospéré à partir de l’idée de Judas, de la figure tentée par l’argent, etc.
Ce que je racontais était bien sûr de la fiction, mais François avait cette idée qu’elle ouvrait justement à la réflexion. C’est pourquoi il était très attentif aux écrivains et autres artistes.
Après le très beau discours sur l’art qu’il avait prononcé dans la chapelle Sixtine, il a publié le texte sur la littérature en juillet 2024 : une reconnaissance de l’importance de l’art dans la vie spirituelle. Et aussi du rôle des artistes pour communiquer, témoigner, dire autrement que l’Église. Ce qui a déclenché des réactions de détestation car, en somme, il « déclergisait » le message évangélique.
Je l’ai rencontré à travers cette caractéristique qui lui était essentielle. Il m’a invité à faire le voyage à Jérusalem, ce qui a été un formidable cadeau, et m’a permis de donner corps au défi de la fraternité sur une terre trois fois sainte et fratricide.
Vous êtes ensuite devenu un familier de la maison Sainte-Marthe, mais quand avez-vous rencontré François pour la première fois ?
Au terme du mois passé à Jérusalem, d’une richesse extrême sur les plans spirituel, historique, théologique. Le dernier jour, j’étais encore à la bibliothèque de l’École biblique, j’ai reçu un appel du Vatican : « IL vous attend. » Je suis allé au rendez-vous, nous nous sommes retrouvés seul à seul. Lui parlant en italien et moi en français, chacun comprenant l’autre. Un grand moment. Car qui étais-je pour qu’il ait envie de me rencontrer ?
Ce fut d’abord pour moi un étonnement enfantin, puis la conscience lucide que je suis un chrétien qui n’est pas à la hauteur des exigences du christianisme… J’étais impressionné face à la grande figure spirituelle, plus que l’homme de pouvoir, le chef d’un État et d’une Église sur toute la terre. C’était cet homme accompli spirituellement, qui pouvait me citer le Mémorial de Pascal en français par cœur et qui était capable de toutes les discussions. Cette légitimité qu’il donnait à l’autre m’a bouleversé.
Revenir de Jérusalem, la ville importante pour les trois monothéismes, c’était avoir ressenti le défi du « Écoutez-vous », après que Dieu a dit trois fois « Entendez-moi ». Se rendre compte que nous sommes frères. Le fratricide, c’est l’oubli de l’origine commune, que pratiquent les « grimaceurs » de chaque religion. François a tendu la main aux représentants du judaïsme et aux imams. Lui-même avait pris l’initiative, « ce ne sont pas eux qui m’ont couru après », nous confiait-il.
Qu’attendez-vous du prochain pape ?
Que perdure cet ébranlement spirituel qu’a provoqué François : il a bousculé l’édifice tout en ne voulant pas le briser, c’est pourquoi il a ralenti le train des réformes. Je pense que restera cette Église beaucoup plus proche des Évangiles, une Église qui n’est pas une fin en soi mais qui est mission, qui est service. Et puis une Église qui ne met pas au premier plan le magistère moral, qui intègre l’ouverture faite aux couples divorcés, aux homosexuels : j’espère que continuera ce respect des trajets de vie.
François avait une grande peur du schisme et tous les papes à venir vont se retrouver face aux deux fissures de notre temps : celle qui sépare traditionalistes et progressistes, celle qui éloigne le Nord et le Sud. Entre le désir de réconciliation et la nécessité d’avancer, tout pape sera désormais coincé.
Le catholicisme a ces deux tensions à l’intérieur de lui qui sont de plus en plus exacerbées : si un pape traditionaliste est élu, il aura la moitié de l’Église contre lui, de même si c’est un progressiste… François a été un grand pape empêché ! Tout ce qu’il a débusqué et devant quoi il a dû reculer est désormais clairement marqué.
Dans un monde de plus en plus chaotique, comptez-vous sur la force de résistance du prochain pape ?
Le christianisme est plus que jamais important, à l’heure où un nombre croissant de dirigeants n’affirment plus que deux choses : la force et l’argent. Et souvent la force au service de l’argent… La vocation même du christianisme, depuis Jésus au sein même de la société de son temps, est de lutter contre le règne de la force, le mercantilisme, le matérialisme de l’intérêt.
On dit aujourd’hui que l’Église est minoritaire, mais une force de résistance est toujours minoritaire. C’est comme la philosophie, face au fameux bon sens et aux préjugés. On a besoin de la dynamique que le christianisme représente et de la proposition d’un autre rapport social fondé sur le respect et l’affection, non sur la peur et l’intérêt. C’est encore plus inaudible aujourd’hui donc encore plus nécessaire. C’est la folie du christianisme d’être la religion de l’amour, dans un monde excessivement brutal.
Interview de Eric-Emmanuel Schmitt
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dimanche 27 avril 2025
Hommage et réconfort mutuel
samedi 26 avril 2025
La pratique Beat
Voici deux planches extraites de la BD sur la beat generation de Etienne Appert. Les dessins sont vraiment impressionnants.
vendredi 25 avril 2025
Quand la vie m'emmène
Je n'ai jamais l'impression que ce que je n'ai pas fait est non-accompli. Je vois les choses qui ne sont pas faites comme des choses qui nécessitent un autre timing ; le monde et moi sommes mieux sans ces choses, pour l'instant.
Cette vie ne m'appartient pas. La voix me dit : "Fais la vaisselle" – OK, je la fais. Je ne sais pas à quoi ça sert, je le fais, c'est tout. Si je n'exécute pas l'ordre, ce n'est pas grave. Mais c'est un jeu à propos de où la vie me mènera quand je suivrai les règles du jeu. Il n'y a rien de plus excitant que de dire oui à une chose aussi folle. Je n'ai rien à perdre. Je peux me permettre d'être idiote.
~ Byron Katie
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jeudi 24 avril 2025
Bienvenue dans les réseaux asociaux
mercredi 23 avril 2025
Lucide et prêt
mardi 22 avril 2025
4 grands inévitables
Face à ces quatre grands inévitables que sont la souffrance, l’absurdité, la solitude et la mort, quelle fut l’attitude du Christ ?
Celle d’un être « capable de Dieu », c’est-à-dire de pure Présence, vivant la non-dualité et la non-violence avec tout ce qui est et tout ce qui arrive, libre de tout fatalisme, dans une plénitude de conscience et d’amour…
Y a-t-il d’autres chemins pour ne pas rajouter de la souffrance à la souffrance, de l’absurdité à l’absurdité, de la solitude à la solitude, de la mort à la mort ?
La croix n’est-elle pas cette grande patience et cette extrême lucidité face à tous ces inévitables qui nous harcèlent ?
N’est-ce pas dans cette « lumière sanglante » que nous pouvons nous approcher de la « force invincible et vulnérable de l’humble amour » qui transforme nos impasses en issues ?
Découvrir qu’à côté de nos « morts fatales », il est une « mort pascale », une joyeuse et possible résurrection ?
Le temps n’a qu’un temps. Passe ce qui ne peut que passer. La Vie est éternelle !
Jean-Yves Leloup, Avril 2025
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lundi 21 avril 2025
Joyeuses fêtes de Pâques à chacune et à chacun de vous !
Pour illustrer cette notion si mystérieuse de la Résurrection, voici celle - toute païenne - d'Orion, dans la mythologie grecque, le chasseur terrestre accidentellement tué par Diane-Artémis, puis transformé par ses soins en chasseur céleste, constellation brillante, à l'image de tout ce qui nous unit. Orion abandonne ici sa dépouille mortelle dans le cercle du O, la lettre de l'Ouverture infinie, pour y renaître en lumière, sous sa forme rayonnante.
Sabine Dewulf
Source : Illustration de Marie Dewulf, pour L'Oracle alphamythique - Sabine Dewulf et Antoine Charlet.
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dimanche 20 avril 2025
Passage vers le Royaume
De tout temps, l’homme a craint la mort. L’angoisse existentielle face à sa finitude s’inscrit dans son cœur dès qu’il sort de l’enfance, l’âge de raison signant l’ouverture de sa conscience au néant qui l’attend au bout de sa trajectoire. L’adolescent puis l’adulte auront à apprivoiser l’idée de la mort comme faisant partie intégrante de la vie afin d’accepter cette donnée inhérente à la condition humaine.
Cependant, là où nos ancêtres vivaient avec le sentiment prégnant qu’à chaque instant ils pouvaient quitter ce monde, l’espérance de vie d’antan étant beaucoup plus courte et aléatoire que la nôtre, les progrès techniques et médicaux permettent aujourd’hui de reculer toujours davantage le terme de notre parcours terrestre, incitant l’homme moderne à refuser l’ultime échéance et même à nourrir un rêve d’immortalité.
Dans cette lignée, à l’heure de l’intelligence artificielle, savez-vous qu’il est possible de « ressusciter » numériquement une personne disparue ? En Chine, aux États-Unis, au Japon, en Espagne, des entreprises, s’emparant de ce fantasme, proposent de recréer les caractéristiques d’un défunt (voix, apparence physique et tempérament) pour permettre à des particuliers de discuter virtuellement avec cet avatar post mortem.
Le réalisme de cette conversation apparaît aussi troublant que contestable sur le plan éthique. Si certains de nos contemporains peuvent être tentés de chercher un réconfort en recréant le dialogue avec un double informatique, est-il moralement et psychologiquement souhaitable de s’accrocher à une représentation artificielle d’un individu, forcément réductrice, aucun algorithme n’étant capable de copier la complexité d’une personnalité ?
Outre la question du respect de la volonté du défunt qui, par définition, ne peut consentir à ce que dit son fantôme virtuel, l’échange avec ce dernier risque de fabriquer une fausse relation et de faux souvenirs avec la personne disparue et d’exacerber le chagrin de la perte, en empêchant le nécessaire et salutaire travail de deuil.
La suprême Bonne Nouvelle
Aux antipodes du business de la « résurrection » numérique, l’espérance chrétienne nous invite à changer radicalement notre regard sur le sens de la finitude humaine. « C’est moi qui suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il vient à mourir, vivra. Le vivant, celui qui croit en moi, ne mourra pas pour toujours » (Jean 11, 25-26), répond Jésus à Marthe, alors que cette dernière lui reproche de n’être pas venu secourir à temps son ami Lazare et de l’avoir laissé mourir.
La Pâque illustre de façon magistrale que la mort n’est pas pur néant mais marque le passage vers le royaume de Dieu, qu’à l’image du Christ, nous irons rejoindre. La résurrection du Fils nous ouvre grands les bras du Père, voilà la suprême Bonne Nouvelle ! De cette foi, naît une confiance inédite dans le processus de transmutation et de renaissance à l’œuvre en toute chose, reflet de la puissance céleste, auquel la mort participe. Riche de l’instant dont est fait le présent où s’illustre l’éternité de Dieu, l’existence se dévoile alors à nous dans sa majestueuse splendeur.
Loin de vivre dans la crainte de mourir, le Christ nous appelle à nous inscrire sereinement dans l’élan universel gouvernant le monde, qui nous emmène sans cesse vers la nouveauté du devenir et nous fait entrer en Vie dès ici-bas en cocréant avec le Créateur à travers l’expérience incandescente de son Amour.
Cécilia Dutter
Écrivaine et critique littéraire, elle a publié des romans, dont À toi, ma fille (Cerf), ainsi que des essais, dont Etty Hillesum, une voix dans la nuit (Robert Laffont) et Aimer d’un cœur de femme (Cerf).
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samedi 19 avril 2025
Cette douleur qui ne part pas
Tu crois que tu pleures une rupture. Tu crois que c’est la perte de l’autre qui t’écrase. Mais la vérité, c’est que chaque départ réveille quelque chose de bien plus ancien. Tu vis une fin… mais ton cœur, lui, revit un abandon. Un que tu n’as jamais su digérer. Celui de l’enfance. Celui où tu n’as pas été choisi. Pas écouté. Pas assez regardé. Et tu ne t’en rends même pas compte. Tu souffres aujourd’hui comme si c’était disproportionné… mais c’est simplement accumulé.
Chaque fois que tu t’attaches à quelqu’un, c’est comme si une partie de toi espérait secrètement que cette fois-ci, on va rester. Qu’on va t’aimer sans condition. Qu’on va réparer ce que d’autres ont cassé. Tu ne cherches pas seulement un partenaire. Tu cherches un refuge. Une preuve que tu vaux la peine. Et c’est ça le piège. Parce que tant que tu ne guéris pas cette blessure originelle, tu vas continuer à confondre l’amour avec le besoin d’être sauvé.
Et quand ça casse, ce n’est pas juste une histoire qui se termine. C’est un schéma qui se répète. Encore. Et encore. Tu te demandes pourquoi tu tombes toujours sur les mêmes types de personnes. Pourquoi tu souffres toujours autant. Pourquoi ça fait aussi mal. C’est parce que ce n’est pas elle ou lui que tu perds… c’est l’espoir que, cette fois, ça allait enfin réparer ce vide que tu traînes depuis l’enfance. Un vide que tu n’as jamais appris à remplir toi-même.
Tu vois, l’enfant en toi a été blessé un jour. Il s’est senti rejeté, invisible, pas assez bon. Et comme personne ne l’a rassuré à ce moment-là, il a grandi avec cette peur viscérale : celle de ne jamais être aimé pour de vrai. Depuis, à chaque relation, il tend les bras. Il dit : « S’il te plaît, choisis-moi. Reste. » Et quand ça s’écroule, il s’effondre avec. Ce n’est pas l’adulte en toi qui pleure. C’est cet enfant qu’on a laissé derrière.
Tu n’as pas besoin d’un amour parfait. Tu as besoin de te retrouver. De revenir vers toi. De reconnaître cette part de toi qui a été blessée, et de lui dire : « Tu n’es plus seul. Je suis là maintenant. » Parce que personne ne viendra guérir ça à ta place. Personne n’a ce pouvoir. Même l’amour le plus sincère ne suffira pas, si tu ne te donnes pas, toi aussi, cette présence que tu attends des autres depuis toujours.
Tu peux continuer à courir après des gens pour combler ce vide. Tu peux aussi décider de t’arrêter. De respirer. Et de regarder en face ce qui a vraiment besoin d’attention. Ton cœur. Ton histoire. Ton passé. Tu ne peux pas changer ce que tu as vécu. Mais tu peux arrêter d’en faire un automatisme. Tu peux transformer ce schéma en le regardant droit dans les yeux. Tu peux aimer autrement. Commencer par toi.
Parce qu’un jour, tu vas aimer sans avoir peur qu’on parte. Tu ne supplieras plus pour qu’on t’aime. Tu ne seras plus à genoux pour être choisi. Tu seras debout, solide, en paix. Tu sauras que tu es entier, même si l’autre s’en va. Et ce jour-là, l’enfant blessé en toi ne criera plus. Il sera fier. Fier de toi. Fier de la personne que tu es devenue. Fier que tu sois enfin rentré chez toi.
Francis Machabée
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vendredi 18 avril 2025
Quelques conseils...
jeudi 17 avril 2025
Corps à ressentir
Le processus d'écoute du corps va de plus en plus refléter la Conscience. C'est l'enseignement traditionnel, qui d'abord se fait sur le corps. Le corps, c'est le symbole de la vie. La relation au corps, c'est celle que l'on a avec le monde. La façon dont on traite son corps, c'est la façon dont on traite le monde. L'inconfort du corps, c'est l'inconfort qu'on a avec le monde. Quand le corps va devenir Conscience, le monde va devenir Conscience. Le monde est une projection du corps. On est en relation avec le monde exactement comme on est en relation avec le corps. C'est très important de rendre ce processus conscient.
Toute émotion vient de l'essence. Aussi longtemps que l'on ne ressent pas son corps, ses émotions, on leur est totalement identifié. Quand je ne sens pas le corps, je suis le corps.
On ne s'accorde pas beaucoup de temps pour sentir le corps. À un moment donné, plutôt que de réfléchir sur votre vie affective, sur la spiritualité ou sur quoi que ce soit, vous vous accordez un espace dans la journée où vous êtes présent sensoriellement : éventuellement vous explorez un mouvement du doigt, du poignet, du souffle... Vous êtes présent. Votre questionnement se fait tactilement. Ainsi, peu à peu, les zones endormies redeviennent conscientes. Il faut rester doux, être patient.
~ Éric Baret
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mercredi 16 avril 2025
Samadhi
"Le dernier mot.
Il n’y a rien qui ne soit sacré, rien qui ne soit pratique spirituelle. Hakuin, ce merveilleux maître zen du dix-huitième siècle qui a restauré la vitalité du zen au Japon, a mis en garde contre la croyance que le zen exige le rejet énergique de toutes les préoccupations mondaines.
La vraie pratique du zen se fait au milieu de l’activité.
Quand nous cuisinons, nous sommes dans le samadhi de la profonde cuisine. Quand nous nettoyons, nous sommes profondément dans le samadhi de nettoyage.
Cette condition, le samadhi, n’est pas une vacance, un état de stupeur, un état d’esprit blanc. Il s’agit d’une condition profondément éveillée, alerte et vivement présente — et bien sûr, elle peut être heureuse.
Nous sommes peut-être si éveillés que nous pouvons entendre la cendre de l’encens tomber. Chacune des activités dans lesquelles nous sommes engagés, lorsque nous donnons toute notre attention, sans aucun sentiment de ressentiment ou de comparaison, est une occasion de faire l’expérience de quelque chose, d’ouvrir les yeux plus clairement.
Quand nous abandonnons notre emprise égocentrique sur les choses, nous trouvons que quelque chose de merveilleux est là, quelque chose qui a toujours été là; nous n’avons jamais été sans elle. Jetez tout, y compris ce que je peux dire, y compris les bonnes conditions qui peuvent se présenter. Allez-y. Aucune condition n’est permanente. Ne vous accrochez à rien. Devenez la fumée de l’encens. Abandonnez l’habitude d’interférer avec ce qui se passe et vous sentirez votre esprit devenir plus sain, plus fort. En acceptant vos malaises ou frustrations plutôt que de les réprimer ou de les éviter, en permettant des changements en vous-même, vous ferez l’expérience de votre vrai moi."
Dernier chapitre du livre "Subtle sound" de Maurine Stuart...(foldedhands)
Ps : Samadhi, état méditatif intense.
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mardi 15 avril 2025
Présence à l'autre
Il est extrêmement rare de rencontrer quelqu’un, qu’on voie beaucoup de monde ou qu’on soit ce qu’on appelle un solitaire. La plupart des gens rendent très difficile de les rencontrer parce qu’ils ne sont pas vraiment dans leur parole ou parce qu’ils sont sans âme. Je fais toujours à l’autre le crédit de la nouveauté incroyable de son existence, mais ce crédit va s’user si l’autre a gâché cette merveille-là pour devenir comme tout le monde. Comment parler avec personne ? C’est impossible.
Parfois le désir de partager est si fort que je vais quand même tenter ma chance mais souvent en vain. Les opinions ne m’intéressent pas. Ce qui me touche, c’est quand l’autre met tout le poids de sa vie dans la balance des mots et que sa pensée s’appuie sur ça. Pour ma part, j’ai parfois l’impression d’être totalement incapable d’aimer, et en même temps d’aimer plus que personne.
Je vois très peu de monde, mais je peux être indéfiniment avec l’autre quand il est là. Quand je suis né, on m’a proposé le menu du monde, et il n’y avait rien de comestible. Mais quand l’autre est vraiment avec moi, je peux manger : je bois une gorgée d’air, je mange une cuillerée de lumière.
~ Christian Bobin
La lumière du monde
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lundi 14 avril 2025
Le printemps ne paye pas de taxes.
Le printemps ne paye pas de taxes.
Il traverse incognito nos frontières, il auréole d’une joie étrange ceux qui n’ont pas d’autres richesses que leur grand nez et leur appétit de vivre malgré tout.
Ils le savent bien ceux qui construisent des murs et des frontières.
On n’empêchera pas les atomes, les moustiques, les virus… de circuler.
Malheureusement, ils voudraient tuer les oiseaux de l’âme, ceux qui demeurent fidèles au soleil et qui sans cesse s’élèvent en profondeur ou plus haut que tout ce qui nous sépare.
Nul ne peut tuer l’oiseau ou le printemps qui s’élève de ton âme.
Jean-Yves Leloup, Avril 2025
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dimanche 13 avril 2025
« Promis, je te serrerai dans mes bras »
Elles n’ont pas encore 18 ans. Je leur en donnerais plus pourtant. C’est difficile d’évaluer l’âge de cette jeunesse. Elle emprunte ses tenues, ses manières, ses préoccupations à plus âgées, comme on pioche dans l’armoire d’une grande sœur.
Elles s’avancent côte à côte toutes les deux, dans l’allée centrale de la salle de conférences de leur lycée, même démarche, même sac sur le dos. L’une grande, blond platine avec des racines sombres, Dr. Martens aux pieds. L’autre petite, menue, brune, les cheveux courts, tout de noir vêtue. Leurs pas disent une hésitation, une envie de renoncer. Faire demi-tour. Et continuer comme si de rien n’était. Mais leur regard laisse voir autre chose. Une détermination. Une occasion qu’elles ne veulent pas laisser passer. Comme on saisit une bouée pour ne pas couler.
À leur façon de se tenir proches et à la liberté avec laquelle elles parlent l’une devant l’autre, on pourrait penser qu’elles sont amies. Mais elles ne se connaissent pas. Elles ignorent jusqu’à leur prénom. À peine se sont-elles croisées une fois dans les couloirs. C’est le même élan qui les a poussées à venir me voir, en même temps. Un instinct de survie.
Que se passe-t-il dans cette génération ?
Arrivées à ma hauteur, la plus grande se lance, sans préambule. Ses mots et la gravité dans sa voix sont bien loin de l’enfance. Elle parle sans s’arrêter. Vanne ouverte qu’elle ne veut pas refermer avant d’avoir tout éclusé. Ou peut-être ne peut-elle pas maintenant qu’elle a commencé. Elle dit son mal-être. Le vide en elle, que rien ne peut remplir. « J’ai perdu le goût de la vie, je ne sais pas comment. Je n’étais pas comme ça quand j’étais petite. Je rigolais tout le temps. Ça a changé, je ne sais pas pourquoi. Personne ne comprend. Personne ne me comprend. »
Elle marque à peine les points, enchaîne les phrases. « Mes parents me disent que ça va passer, qu’il faut que je pense à autre chose, que je me secoue. Mes copains me disent que j’ai qu’à sortir, faire la fête. J’essaie mais je ne peux pas. Je n’y arrive pas. Je ne sais pas quoi faire. » Sa voix tremble mais ses yeux sont secs. Il n’y a pas de larme au-delà du désespoir. C’est trop tendre, une larme.
La seconde fille parle à son tour. « Moi c’est pareil, enfin non pas tout à fait. Je ne vois pas où je vais. J’ai l’impression que tout est bouché. Je n’arrive pas à respirer. Je n’arrive pas à vivre. Chaque matin, je me fais violence pour aller en cours, pour m’accrocher à la vie. Mais chaque soir quand je rentre… » Dans un murmure elle confie ses idées noires. J’entends les mots avant qu’elle ne les prononce.
Que se passe-t-il dans cette génération ? Quel voile sombre recouvre leur fougue, leurs rêves ? Quelle horde de détraqueurs s’est abattue sur tous ces jeunes pour aspirer leur vitalité, leur joie, vider leur âme ?
Elle termine dans un sanglot. « Le pire c’est que je n’ai personne. Je n’ai presque aucun ami. Et ma famille… Moi, tout ce que je veux, c’est qu’on me prenne dans les bras et qu’on me serre fort. » Alors je fais un pas et je la serre contre moi. Désarmée par ce qu’elle vient de confier.
Une grande leçon d'humanité
La fille blonde reste debout à côté de la brune, sans bouger. Elle tripote le piercing planté dans sa lèvre inférieure. Je me demande si ça fait mal. Puis elle rompt le silence et dit avec rugosité : « Moi, je déteste qu’on me serre dans les bras. Vraiment je déteste. C’est comme ça, je ne suis pas tactile. »
Elle marque une pause, respire et reprend : « Mais j’ai entendu ce que tu as dit. Pour toi c’est important, j’ai compris. On est dans le même lycée, je suis en terminale 2. Alors si un jour ça ne va pas, si tu plonges, tu viens me voir. Regarde-moi bien, n’oublie pas mon visage. Tu viens me voir et promis, je te serrerai dans mes bras. De toutes mes forces. »
Je recule et m’éloigne. Un peu sonnée. Je contemple ces deux jeunes filles qui m’ont donné sans le savoir, au milieu de leur désespoir, une grande leçon d’humanité. Un cœur qui écoute et s’ajuste à la souffrance de l’autre. Pour le consoler. Rien n’est plus beau.
Anne-Dauphine Julliand
Source : La Vie
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samedi 12 avril 2025
Ouverture nature
Barreaux d'ouverture... Aucune pensée ne peut enfermer la nature.
vendredi 11 avril 2025
Quelques rappels par Marc Aurèle
jeudi 10 avril 2025
Bouée invisible
mercredi 9 avril 2025
Vide en soi
Le besoin de distractions est proportionnel au vide que l'on porte en soi-même, car c'est bien celui-ci qui sécrète celui-là. Il n'y a point de distraction nécessaire là où il n'y a point de vide. La seule distraction nécessaire, la seule distraction noble, l'immense et unique distraction, c'est d'être là où l'on est, si ce là-où-on-est se trouve être, par bonheur, là-où-l'on-aime-être, définitivement.
PAYSAN DE DIEU, Frère François Cassingéna-Trévedy
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mardi 8 avril 2025
Indications sur le chemin
lundi 7 avril 2025
Univers d'enfant
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dimanche 6 avril 2025
Vivre au rythme de la création
Vivre au rythme de la création apporte trois fruits, à commencer par la liberté. Dans la nature, le portable n’est pas un légume qui pousse. Alors, quand je suis sur le terrain, c’est-à-dire au minimum la moitié de la journée : pas de téléphone, pour éviter les distractions permanentes, souvent déconnectées du réel (films, vidéos, etc.). Je m’accorde des moments de contemplation pour vivre l’instant présent, en prenant contact avec la réalité qui m’entoure. Dans un environnement citadin, moi qui suis très curieux, j’avais toujours envie de répondre aux sollicitations proposées. M’arrimer au concret, m’appuyer sur mes cinq sens, me rend plus libre et m’évite de chercher ailleurs des sensations inutiles.
Deuxième fruit : la connaissance de soi. Jamais, avant mon expérience à Terre de Promesse, je n’aurais imaginé être capable de creuser plus de 500 m de tranchées à la tractopelle pour apporter une eau vitale à nos plantations ! Ce n’est pas un petit engin et, comme j’ai passé des années de ma vie derrière un écran, ça me paraissait une montagne. Vivre au contact de la création met au jour des capacités insoupçonnées. Certains de nos salariés, en situation d’embonpoint, ne pensaient pas non plus pouvoir ramasser, cueillir, s’occuper des poules. En utilisant des techniques adaptées à la morphologie - se baisser en pliant les genoux, etc. - ils se sont trouvé de formidables possibilités.
Troisième fruit : l’amour de soi et des autres. En se redécouvrant, on apprend à s’aimer pour ce que l’on est réellement. Quand on tente de s’aimer selon des critères du monde - possession de vêtements de marque, de voiture, etc. – ça ne dure pas. Mon expérience actuelle me permet de me libérer du carcan des regards extérieurs et d’être ce que je suis. Et quand je m’aime pour les bonnes raisons, j’aime mieux les autres.
Florent de Lambert
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Les étapes de sa vie :
1985 Naissance à Briançon (Hautes-Alpes).
29 mars 1997 Mort de sa sœur dans un accident.
2011 Mariage avec France.
2018 Départ pour deux ans de mission au Cameroun.
Depuis juillet 2021 Directeur de Terre de promesse. Avec l’équipe et la maison d’accueil Chézelles, il propose des mini-séjours « 3 jours au rythme de la création », accessibles à tous ceux qui ont besoin de mettre leur quotidien sur « pause ».
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source : La Vie
samedi 5 avril 2025
Quand faire devient être
Kyoto, 1941. Un ami japonais avait organisé pour moi une rencontre avec le Maître Hayashi, l'abbé du célèbre monastère zen Myoshinji. Or le Japon pratique la belle coutume du cadeau.
L'invité apporte un cadeau au maître de maison lorsqu'il lui rend visite pour la première fois et repart lui aussi avec un cadeau. Le cadeau le plus prisé est celui qu'on a fait soi-même. Quand l'heure était venue de se quitter Hayashi Rôshi me dit : "Je voudrais vous offrir quelque chose. Une peinture."
Deux moines plus jeunes lui apportèrent le matériel dont les pinceaux et l'encre de Chine. Mais l'encre, solide, n'était pas prête à l'emploi. Il fallait frotter longuement le bâtonnet au creux d'une pierre évidée où un peu d'eau avait été versée, pour le transformer en encre liquide.
Avec placidité et une grande prodigalité de gestes, comme s'il disposait d'un temps infini —et un maître a toujours infiniment de temps intérieur— l'abbé commença à frotter lui-même son encre. Sa main ne cessait d'aller et venir, jusqu'à ce que l'eau fût enfin devenue d'un noir liquide.
Je m'étonnai que le maître fît lui-même ce travail et demandai pourquoi on ne le déchargeait pas de cette tâche. Sa réponse en dit long : "Par le paisible mouvement de va-et-vient de la main, on devient soi-même tout à fait calme. Tout devient silence. Il faut un cœur (ce que nous appelons un esprit) impassible et silencieux pour que ce qui s'épanouit en lui puisse être parfait".
Assis sur les talons, le front serein, les épaules relâchées, le buste droit et détendu, animé de ce tonus vivant qui caractérise une personne entraînée à l'assise basée sur le centre de gravité du corps, d'un geste inimitable, à la fois calme et fluide, le maître saisit le pinceau.
On aurait dit que le maître se libérait totalement en lui-même, afin que l'image qu'il voyait au-dedans de lui puisse sortir librement sans que rien ne l'entrave, ni la crainte d'un éventuel échec, ni la volonté impérieuse de réussir. C'est ainsi que l'image de la déesse Kannon apparut.
Enfin arriva le moment pour lequel je raconte cette anecdote : la peinture de l' «auréole» autour de la tête de Kannon, la peinture du cercle parfait !
Nous tous qui étions témoins retînmes notre souffle. Il faut savoir que sur une feuille aussi fine, la moindre interruption du geste, le moindre arrêt du pinceau provoque une tache qui gâche tout. Sans marquer de pause, le maître plongea le pinceau dans l'encre, l'essuya un peu, se mit calmement en position de départ et, comme si c'était la chose la plus simple au monde, traça sur le papier le cercle parfait, rayonnant de pureté, autour de la tête de Kannon.
Ce fut un moment inoubliable. Il y eut un merveilleux silence dans la pièce. Même le cercle achevé reflétait sous nos yeux le silence émanant du maître. Lorsque maître Hayashi me remit la feuille, je le remerciai avec cette question : Comment fait-on pour devenir un maître ?"
Il me répondit d'un sourire malicieux : "Simplement, laisser sortir le maître qui est en soi. Oui —Simplement, laisser sortir—"si seulement cela pouvait être aussi simple...
Pour parvenir à ce niveau de simplicité, le chemin est long. Cela veut dire que sur le chemin de la transformation l'homme doit apprendre à laisser sortir ce qui est en lui. Qu'il s'agisse de la pratique d'une respiration conforme à la vie ou d'exercices pour la réalisation d'une action ou d'un travail techniquement difficile, l'important au bout du compte est toujours que le résultat ne soit pas le fruit d'un effort du moi mais d'une acceptation de l'être profond dont la manifestation est alors un acte de maître.1
K. Graf Dürckheim
Cette histoire pourrait intéresser chaque pratiquant et principalement chaque enseignant de disciplines aussi différentes que le Yoga, le Taï-Chi Chuan ou une discipline artistique, artisanale ou martiale qui a ses racines dans le monde du Zen.
La technique est le Chemin. Quelle que soit la technique elle doit avoir pour sens d’atteindre l’harmonie et la paix intérieure. Chaque action, chaque geste peut capturer l’essence même du moment présent. Ce chemin que chacun se doit de tracer (parce qu'il ne s'agit pas d'un chemin à suivre) est la raison d'être du Centre Dürckheim.
Un exercice comme la marche lente (Kin-Hin) peut devenir un exercice reliant la personne qui s'exerce à sa propre essence intérieure qui est la source du calme intérieur, de la paix intérieure et cela dans notre monde tel qu'il est, sans attendre qu'il change.
Jacques Castermane
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1 K.G. Dürckheim — Merveilleux chat et autres récits zen – éd. Le Courrier du Livre (p.12)
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vendredi 4 avril 2025
Souffrance et envie