mardi 23 septembre 2025

Le ciel est bleu...?


Il y a très longtemps, quelqu'un vous a dit : « Le ciel est bleu. » Et depuis vous avez toujours transporté cette idée avec vous.

Un chien ne dit jamais : « Le ciel est bleu ». Les chats ne disent jamais : « Les arbres sont verts ». Un chien ne dit jamais « Je suis un chien ». Les chats ne savent pas qu'ils sont des chats. Les êtres humains fabriquent tout et se disputent ensuite à ce sujet. Leur vue est une vue erronée. Ils fabriquent la couleur, la taille, la forme, le temps, l’espace, les noms et les formes. Les êtres humains fabriquent la cause et l’effet, la vie et la mort, la venue et le départ.

Originellement, ces choses n'existent pas. Tout vient de notre pensée : notre pensée fabrique chaque phénomène. Ce n'est rien de plus que l'idée de quelqu'un d'autre. Les Américains ont une idée américaine : ils disent dog. Les Coréens ont une idée coréenne : ils n'appellent pas ça dog mais gye . Lequel des deux est correct ?

Pour avoir la bonne réponse, allez donc demander à un chien : « Êtes-vous un chien ? ». Sa réponse risque d'être intéressante.

Si, pour la transformer en sagesse, nous voulons digérer toute notre compréhension des choses, nous devons retourner à notre esprit avant le moment où s'est élevée la première pensée. Cet état n'a ni nom ni forme. Certains l'appellent : esprit, nature, substance, Dieu, soi, Bouddha, âme ou conscience. Mais originellement cet état n'a pas de nom, pas de forme, parce qu'il se situe avant la pensée. Aussi, ouvrir la bouche pour nommer quoi que ce soit, est déjà une faute grave.

Seung Sahn

Extraits de 365 jours Zen, Ed. Le Courrier du Livre, 2002.

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lundi 22 septembre 2025

Le vide médian

 


Le Vide originel est présence agissante au cœur du manifesté, au sein des Dix mille êtres. On l'appelle alors vide médian. Par sa dynamique, il permet aux souffles yīn/yáng d'entrer dans leur mouvement d’échange :

"C’est lui qui attire et entraîne les deux souffles vitaux dans le processus du devenir réciproque ; sans lui le yin et le yang demeureraient des substances statiques et amorphes."

Il "est le point nodal tissé du virtuel et du devenir, où se rencontrent le manque et la plénitude, le même et l’autre."

C'est en et par le vide médian que s'organise, se structure la rencontre des deux souffles yīn/yáng :

"le Vide même, loin d'être synonyme de flou ou d'arbitraire, est le lieu où s'établit le réseau de transformations du monde créé."

 Le vide, est une puissance de transformation, présence insaisissable au cœur du manifesté. La pensée chinoise nous incite à ne pas arrêter notre regard au niveau le plus visible mais à devenir l’ami du caché d’où procède le visible. Ne nous laissons pas fasciner par l'apparence des choses, apprenons à ressentir la présence du vide, wú 無, au sein de toute chose. Au sein d'une roue de char, d'un vase, de la pièce d'une maison... :

 "Trente rayons se joignent en un moyeu unique

Ce vide (wú 無) dans le char en permet l’usage

 D'une motte de glaise on façonne un vase

Ce vide dans le vase en permet l'usage

 On ménage des portes et des fenêtres pour une pièce

Ce vide dans la pièce en permet l'usage.

Le vide est présent en toute chose. En l'homme aussi qui, au profond, à l'intime, a la capacité de le ressentir. Parce qu'il est situé entre Ciel et Terre, qu'il est né de leurs souffles,

"l'Homme, par son esprit, est capable d'acquérir les vertus de la Terre et du Ciel, de communier par le truchement du Vide médian avec le Vide suprême."

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dimanche 21 septembre 2025

Revenir du pays de Peter Pan

 Conversations avec ma mère qui s’aperçoit à quel point les questions philosophiques lui ont échappé au cours de sa vie. Depuis des années elle me regarde en souriant, amusée de voir sa fille toujours à s’interroger sur l’existence. Je suis frappée du nombre de personnes âgées qui n’ont aucune idée de leurs mondes intérieurs.

Leurs terres sont en friche, ils ont mangé la moisson depuis longtemps dans ce qui leur apparaissait « le beau temps de la jeunesse ». Ils ne savent pas que l’on peut travailler afin que le sol donne une autre récolte, celle-là plus secrète, moins matérielle, plus rassasiante.

Il reste à ces anciens un goût amer et le regret de ne plus pouvoir faire ou aller à leur guise. « C’est pas drôle, ah non ! » Petite ritournelle que j’entends souvent dans leurs bouches.

J’aimerais leur dire que leur âge n’est pas l’antichambre de la mort, qu’il y a autre chose à expérimenter que l’attente. Qu’ils peuvent être des pionniers d’une vieillesse lumineuse aux yeux de ceux qui viennent, parce que là où ils sont parvenus, du haut de leurs montagnes d’années vécues, ils possèdent ce qui ne peut s’acquérir qu’avec le temps, un recul.

Avec le ralentissement du corps, du langage, eux pour qui le temps est compté peuvent le savourer autrement, voir la grâce des instants passés et présents. Au fond, ce temps réduit peut être un allié.

Un garçon qui ne veut pas grandir


La rentrée est morose. Écouter les nouvelles donne la nausée. On demeure impuissant avec nos « pourquoi ? » Plus le monde s’épaissit dans ses vagues de violence plus on a envie de fuir. Mais où ? Jadis, je m’échappais dans les contes.

Les psychanalystes comme Bruno Bettelheim pensaient qu’ils ont le don de structurer la psyché de l’enfant. Ils peuvent être des sources de sagesse pour les adultes par les symboles qu’ils transmettent.

Je pense à l’histoire de Peter Pan écrit par J.M. Barrie en 1911. Si on relit l’histoire, Peter est un garçon qui ne veut pas grandir. Au début du récit, il a perdu son ombre. Sans ombre, on ne peut voir la lumière. La conscience de l’ombre est essentielle pour se connaître. Mais Peter Pan ne veut pas voir le réel, il veut se distraire et entraîner les autres enfants Wendy, John et Michaël dans le pays imaginaire, un pays où l’on fuit la réalité. Même la fée Clochette, petite âme ailée est de la partie pour s’échapper.

Dans ce pays il y a le célèbre capitaine Crochet qui veut se venger de Peter Pan qui lui a coupé la main. Symboliquement, le premier lui a ôté un moyen d’action. Peter a jeté la main à la mer avec le réveil du capitaine dans la gueule d’un crocodile.

Symbole du temps qui passe


Ce détail comique du réveil est un symbole du temps qui passe. Peter Pan a volé au capitaine cette conscience. Au fond le capitaine n’a plus les moyens de devenir adulte. Il est figé dans un moment, enfermé dans la seule pensée de sa vengeance. Le crocodile est un monstre marin. Il est un signe de ces bêtes cachées dans nos profondeurs. Nous avons en nous des animaux aux dents de crocodile qui attendent que nous les affrontions et les maîtrisions au risque de nous dévorer.

C’est ce qui arrivera au capitaine Crochet qui a perdu dans le conte plus qu’une main, sa conscience d’être humain vivant la terre pour un temps limité. Il sera anéanti par le crocodile.

Je retrouve mes chères vieilles personnes que je visite. Et j’ai envie de leur raconter Peter Pan, ce vieil enfant qui veut échapper aux transformations que le temps produit inéluctablement. J’ai envie de leur dire que le temps peut nous aider à ne pas fuir mais à grandir pour redevenir de vrais enfants.

Paule Amblard

Historienne de l’art, spécialisée dans l’art médiéval et la symbolique chrétienne, elle a publié Un pèlerinage intérieur (Albin Michel), l’Apocalypse de saint Jean, illustrée par la tapisserie d’Angers (Diane de Selliers éditeur), les Enfants de Notre-Dame et la Chambre de l’âme (Salvator). Sa dernière parution : Notre-Dame de Paris, les symboles des pierres (Salvator).

Source : La Vie

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samedi 20 septembre 2025

A l'écoute !

De même pour écouter. Dans une conversation qui ne vous implique pas trop, vous pouvez tenter cet effacement : non pas « j'écoute Simone » – moi je suis là et j'écoute attentivement Simone – mais « Simone est écoutée ». Il y a une écoute, il y a une possibilité de répondre, il y a une mémoire de ce qui aura été dit, mais ahamkar, « ce qui fait le moi », momentanément n'est plus présent. Vous verrez aussi combien c'est inhabituel. Et si vous pouvez vivre cette expérience, ce changement d'attitude intérieure, relativement facile à effectuer ne fût-ce que pendant quelques instants, cela vous en dira déjà plus sur l'effacement de l'ego que bien des paroles de sages.

Arnaud Desjardins - La voie et ses pièges


Ce n'est pas ce que vous écoutez qui vous rend tranquille: c'est d'écouter. La joie c'est d'écouter. 

Ce qu'il y a de plus beau à écouter, c'est vous, votre peur, votre avidité, votre tristesse. Là se trouve la beauté. C'est mille fois plus profond que d'écouter quiconque.

Eric Baret

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vendredi 19 septembre 2025

Conscience du manifesté


Essentiellement, il s'agit d'être conscient. Cela ne signifie pas que quelqu'un qui est conscient ne va pas de temps à autre manifester une tendance ou une activité névrotique. Si vous êtes coincée dans une stratégie d'évitement mais que vous en êtes consciente, vous acceptez complètement dans l'instant ce que vous constatez. La clef pour accepter ce qui est ici et maintenant, c'est ici et maintenant. Le fait que vous soyez coincée dans une stratégie d'évitement n'implique en rien que vous le soyez pour toujours. Mais si c'est ce qui est ici et maintenant, cela doit être vu et accepté clairement dans l'instant. Voir clairement, c'est être conscient, et ce n'est pas simplement voir ce qui est apparent, en surface. S'il y a stratégie d'évitement, il y a aussi la raison sous-jacente à cette stratégie, la raison pour laquelle vous pensez qu'elle est nécessaire. Quand on voit quelque chose clairement et complètement, il y a alors une liberté pour que cela puisse se transformer. Mais si la vision n'est que partielle, on ne peut pas passer à un autre stade. Dans le travail sur l'inconscient, quand on arrive véritablement à la source d'une certaine manifestation et quand celle-ci est vue très clairement, la manifestation en question n'a plus de pouvoir. Mais si nous n'allons qu'à mi-chemin, cette tendance continue à nous manipuler et à nous contrôler.

Swâmi Prajnânpad disait : « C'est au-dessous de ma dignité » de faire telle ou telle chose. Pour lui, tout être humain avait donc une dignité et une noblesse intrinsèques.

Extrait de : Au fait, quel est le problème ? de Lee Lozowick

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jeudi 18 septembre 2025

Paroles de 3 hommes

 3 hommes de référence qui nous partagent une vision de l'homme et de l'avenir...


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mercredi 17 septembre 2025

Le temps de l'automne

 


Cette rentrée automnale est sous le signe de l’agitation. Ce n’est pas extraordinaire car notre fonctionnement habituel nous pousse à faire vite.

Vite se lever, vite déjeuner, vite partir travailler, vite les enfants à l’école, vite manger, vite faire les courses (bien nommées !). Tout vite !

Même changer de premier ministre.

À quoi ça sert ?

Non pas, comme on pourrait le croire, à tout faire ; ça sert à ce qu’il n’y ait pas de temps vide. Le temps vide, c’est du recul sur cette agitation. Prohibé par l’ego. Le temps vide, c’est s’offrir le rien. Le plaisir d’ouvrir les yeux sur les petites choses autour de nous. Le plaisir de les fermer pour déguster la batterie du cœur et l’accordéon des poumons.

Le temps vide invite à méditer. Et sur quoi va s’ouvrir le point d’interrogation ?

– Sur l’insanité de la course effrénée.

Surprise ! Je suis à la fois la balle et le joueur de flipper qui appuie sur les boutons et secoue la machine.

Prendre le temps !

C’est s’élever au-dessus de ce monde en folie, s’élever au-dessus de soi-même. Là se trouvent le paisible, la quiétude, la rencontre, l’alliance.

Et savez-vous ?

Plus nous nous arrêtons, plus nous trouvons le temps de faire ce que nous avons à faire.

Et de le faire bien. 

Et de faire le bien.

Christian Rœsch - directeur de la publication de REFLETS

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lundi 15 septembre 2025

La quête du loup


 Le loup est l'un des symboles animaliers les plus présents dans la mythologie gréco-romaine : c'est par exemple l'un des attributs d'Apollon, d'Artémis/Diane, de Léto/Latone (mère des deux précédents), d'Hadès/Pluton, de Zeus/Jupiter, d'Arès/Mars, ou encore de Quirinus, parfois considéré comme la forme divinisée de Romulus, le fondateur mythique de Rome, sans oublier bien sûr la célèbre Louve romaine qui éleva les deux frères Rémus et Romulus...



Dans L'Oracle alphamythique - Sabine Dewulf et Antoine Charlet, il n'était certes pas question de le placer partout... Il fallait choisir entre les attributs multiples de chaque divinité, pour ne pas surcharger l'ensemble et tenter d'aller à l'essentiel de chaque symbolique de la lettre latine présentée ou d'un ensemble de lettres. (Chaque carte-lettre est toujours associée à une ou plusieurs divinités.)
Le loup n'est donc visible que sur la carte de la lettre Q, intitulée "Quête", la mission de Quirinus. La voici, cette carte, illustrée, comme toutes les autres, par Marie Dewulf.
Et si ce loup, dans cet environnement, vous inspire spontanément quelque chose de particulier, n'hésitez pas à vous exprimer, cela nous fera toujours plaisir !
Bon dimanche à tous,
Sabine Dewulf
PS : Pour ceux qui souhaiteraient découvrir ce jeu, vous pouvez regarder mon site : https://sabinedewulf.fr/oracle-alphamytique/
Et pour l'acquérir, il est possible bien sûr de s'adresser à Antoine Charlet ou à moi-même, ou encore de le commander directement sur Amazon : https://www.amazon.fr/Loracle.../dp/B0DTQX2H5F/...

Sabine Dewulf
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dimanche 14 septembre 2025

Quel est notre visage ?

 Revoir Douglas fait toujours du bien pour faire disparaître notre construction identitaire !

si problème de son avec voix monocorde, paramétrer avec piste audio en anglais

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samedi 13 septembre 2025

La nuit embrassée


Il avait si peur de la nuit
qu'il courut s'abriter
dans le verger
et la nuit le suivait.
Il sauta le ruisseau,
traversa la forêt
et la nuit le touchait.
Il se blottit dans le gîte d'un lièvre.
Tout près, tout près,
la nuit contre lui tremblait.
Il s'enferma dans le bleu d'une étoile,
dans le cri d'une effraie
et tendrement la nuit l'embrassait.
Alors, il ferma les yeux à demi
et la nuit fut en lui.
André Rochedy
Descendre au jardin
Cheyne éditeur

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vendredi 12 septembre 2025

A la fin...

"La douleur, c'est comme un boomerang. Si on essaie de l'envoyer loin de soi, elle nous revient en pleine tête. On peut faire comme si elle n'existait pas, essayer de la faire taire, mais elle reste là, tapie, latente, à attendre la moindre faille pour se diffuser dans nos veines.

(...) Un boomerang dans la tête, ça fait mal."

"Ce n'est pas parce que ça ne se termine pas comme vous le voulez que ça ne se termine pas bien."

Extrait de "Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie" de Virginie Grimaldi

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"Parfois, j'ai cette drôle d'impression que la vie est un jeu vidéo. On commence la partie avec plusieurs jauges pleines. La jauge de sérénité, la jauge de force, la jauge d'énergie, la jauge de joie. Sur notre chemin, on va croiser quelques ennemis, faire face à des attaques, parfois se tromper de chemin, sauter sur des bombes, chuter dans des trous, buter contre des obstacles. A chaque fois, nos jauges vont être entamées, mais des bonus "Bonheur" vont nous aider à les recharger. Le bonus "Mariage", le bonus "Naissance d'un enfant", le bonus "Soirée en famille". Ces bonus sont précieux, ce sont eux qui déterminent la qualité de la partie, parfois même sa durée. A la fin de chaque tableau, on doit affronter un gros monstre. Parmi les plus terrifiants, il y a le monstre "Deuil", le monstre "Maladie", le monstre "Chômage", le monstre "Rupture". Ceux-là, ils sont coriaces. Il faut du temps pour en venir à bout. Même si on y parvient, ils emportent toujours avec eux une bonne partie de chaque jauge. Un jour, les bonus ne sont plus assez costauds pour restaurer la joie, l'énergie et la force."

"- J'ai été élue Miss Mamie, vous savez !

Certains disent que la vieillesse est un naufrage, moi je pense que c'est une chance. Un honneur. Tout le monde n'y a pas accès. Et puis, je pense que ce n'est pas pour rien qu'elle est si difficile.

- C'est-à-dire?

- Si la vieillesse était douce à vivre, personne ne voudrait que ça s'arrête. Le fait qu'elle soit si rude rend l'existence moins attachante. La vieillesse a été inventée pour se détacher de la vie."

Extraits de "Tu comprendras quand tu seras plus grande" de Virginie Grimaldi

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jeudi 11 septembre 2025

Nettoyer les plaies - hexagramme 18

Avec l'hexagramme 18, remédier au corrompu, il y a à réparer quelque chose qui a été négligé. C'est le moment de clarifier le passé, de soigner les blessures afin de rétablir un équilibre. 

Un plan d'action en trois phases.

Nettoyer les plaies comporte toujours une part de risque. Il va donc falloir procéder par étapes. 

1. Avant de soigner une plaie, il faut savoir ce qui l'a provoquée et identifier clairement ce qui a mené à la dégradation actuelle. 

2. La plaie doit ensuite être vigoureusement nettoyée ; cette phase centrale est la plus délicouracate, celle qui "fait mal" : il faut avoir le courage d'affronter des vérités pénibles et de renoncer à des habitudes ou à des modes de comporte- ment qui ne vous correspondent plus. 

3. Pour finir, il faut suivre pas à pas le processus de "cicatrisation" pour éviter tout risque de re- chute dans la corruption du passé.

(source : "Prendre les bonnes décisions" avec le Yi king de Nathalie Chassériau)

"Le vent souffle bas sur la montagne : image de la DÉCOMPOSITION.

Ainsi, l'homme supérieur stimule le peuple et fortifie son esprit.

Lorsque le vent souffle bas sur la montagne, il est repoussé et détruit la végétation. Ceci constitue un défi à l'amélioration. Il en va de même pour les attitudes et les modes dégradantes : elles corrompent la société humaine. Pour mettre fin à cette corruption, l'homme supérieur doit régénérer la société. Ses méthodes doivent également s'inspirer des deux trigrammes, mais de manière à ce que leurs effets se déploient en séquence ordonnée. L'homme supérieur doit d'abord mettre fin à la stagnation en agitant l'opinion publique, comme le vent agite tout, puis il doit fortifier et apaiser le caractère des gens, comme la montagne apporte tranquillité et nourriture à tout ce qui pousse à ses alentours."

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mercredi 10 septembre 2025

Données de base ;-)



Ce que nous prenons pour un «faire» n'est rien d'autre qu'une objectivation ; le fonctionnement de la manifestation prend place tant que la conscience est là. S'identifier inutilement à l'acteur, à l'auteur des actes, suscite la responsabilité et la culpabilité. Lorsque l'esprit, qui est le contenu de la conscience, est vierge — lorsqu'il «jeûne», ou se repose — tous les entrelacs tissés par le mental cessent, et celui-ci s'apaise. "Lorsque l'esprit cesse de «faire», il est, simplement". En l'absence d'objectivation, notre présence absolue "est", l'univers manifesté "n'est pas" — nous "sommes". Ou, plus exactement, «Je suis». Comprenons au moins ces données de base.
"Nisargadatta Maharaj ou Les orients de l'être"

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mardi 9 septembre 2025

Une conscience insaisissable par la pensée

 

« Le zen nous apprend ceci : lorsque l’homme lâche le moi ordinaire – et il le peut – ce qui reste n’est pas rien. Au contraire, toute la vie devient présente d’une autre manière. L’homme n’est plus un sujet percevant la vie comme une multiplicité d’objets délimités, mais un sujet dans lequel la vie est intimement présente au-delà de l’objectivité et des contraires. Cette nouvelle vision exige un élargissement de la conscience. »

Immanquablement, lorsque l’on parle dans un enseignement spirituel de changement de niveau de conscience, restant identifiés à notre conscience ordinaire, nous ne raisonnons qu’en termes d’acquisitions de performances supérieures gratifiantes pour MOI : « Enfin je vais élargir mes savoirs et mes pouvoirs ! ». Or, d’une part, cette autre conscience n’est accessible que si le moi relâche son emprise, et, d’autre part, cet élargissement de conscience est beaucoup plus simple et naturel que ce que le mental peut en penser et imaginer. Il n’est pas question d’augmenter ou de gagner quoi que ce soit, mais de retourner à la source de la conscience première, une et inclusive, noyau essentiel que nous sommes en vérité et que nous connaissons, car nous l’avons déjà connu et goûté.

D.T. Suzuki parle du satori, expérience fugace et momentanée de notre vraie nature, comme « d’une expérience à la fois nouvelle et ancienne ». Nouvelle, car l’expérience d’être est sans arrêt renouvelée et renouvelable. Dans un même temps, ce goût du vrai soi-même nous ramène à la conscience océanique dans laquelle nous avons commencé notre existence, baignant dans une inconscience vitale soumise aux seules lois du vivant. Ce sentiment océanique d’unité et d’appartenance à plus grand, nous pouvons, « consciemment cette fois », insiste Durckheim, le retrouver étant adultes : c’est le sens de la pratique et de l’engagement sur la Voie.

Cette possibilité, qui fait la grandeur et la richesse de « la précieuse vie humaine » (expression chère aux bouddhistes), nous ouvre « à la grande vie » et dépasse notre conscience ordinaire rationnelle avec laquelle nous abordons le monde habituellement. C’est pourquoi Durckheim l’appelle conscience sensitive supérieure ou conscience surnaturelle.

Ce retour à la conscience sensitive, « insaisissable par la pensée mais pas inconnaissable », est souvent vécu comme une régression pour la conscience rationnelle propre à l’être humain adulte ; conscience qui sait tout, peut tout, contrôle tout, et, de son point de vue, aura, saura, pourra encore et toujours plus.

Tout miser sur une compréhension intellectuelle est une impasse sur la Voie du zen.

Nous ne cherchons pas avec la tête une réponse à la question - qui suis-je ? -, nous nous efforçons de sentir, de vivre corporellement la réponse à la question - que suis-je ?

« La volonté de conservation du moi est une preuve du manque de transparence de l’homme à sa nature essentielle ; c’est un refus de s’abandonner aux forces de vie, au cycle de transformation qu’est la Vie. C’est précisément cela qui étouffe en lui la vie authentique. »

Pratiquer le zen, c’est passer de la recherche d’un idéal, fausse représentation mentale de la réalité, à une expérience corporelle concrète et vraie.

« La vérité est une qualité sensorielle indépendante de la volonté de comprendre » rappelle Jacques Castermane. Alors, plutôt que de chercher à acquérir des facultés en plus, il s’agit de se défaire de tout ce qui voile notre profondeur, afin de sentir « cette vie intimement présente » qui nous anime. Ce que nous savons, ce que nous attendons, ce que nous espérons sont des idées, des concepts, des « contenus » de notre conscience ordinaire. Nous devons laisser tomber cette habitude de saisir le monde par la pensée si nous voulons goûter l’enseignement du corps vivant, Leib : une expérience sensorielle et vivante.

On oppose constamment corps et esprit, d’autant plus si l’on se dit sur un chemin spirituel : il y a les bassesses matérielles d’un côté, peu intéressantes, et, heureusement, l’esprit spirituel pour nous tirer vers le haut.

« C’est un grand malentendu de croire que l’exercice spirituel est une concentration sur un contenu transcendant, un effort pour s’identifier à une image transcendante. Cette identification peut être un très beau moment, mais c’est une illusion totale de croire que la présence d’un contenu transcendant dans la conscience transforme l’homme. Le sens du chemin est la transformation de l’homme, pas de le remplir avec des contenus sacrés. L’exercice spirituel a pour sens de devenir un autre, et c’est en devenant un autre qu’on verra autrement et qu’on verra autre chose.»

En engageant le corps dans l’apprentissage d’une technique, d'un exercice régulier (ce que nous nommons exercice spécifique sur la Voie), ou dans une présence attentive aux activités quotidiennes les plus simples (ce que nous appelons le quotidien comme exercice), nous pourrons nous transformer. Une attention soutenue nous permet de renouer, instant après instant, avec le geste vivant qu’est être. « Faites tout peu plus lentement ! Prenez soin du Geste ! Plus de fluidité et de dignité dans le geste ! » Ces instructions maintes fois répétées dans la pratique participent à « mettre de l’être dans chaque action ».



La voie du Zen nous ramène au vécu sensoriel, à la subjectivité, au sentiment intime d’être, qui ne s’appuie pas sur des théories, des dogmes ou des idées, mais sur l’expérience corporelle immédiate du pratiquant.

La technique renouvelée maintes fois nous montre comment renouer avec notre profondeur en nous appuyant sur des forces que nous avons oubliées au profit des seules forces de l’esprit.

S’ouvrir aux « ressources du corps », c’est le sens sacré du retour au bassin, au ventre, aux pieds, dans la pratique d’un exercice, aussi simple soit-il : retrouver et libérer les forces du centre vital, Hara, qui portent et accompagnent l’homme dans son lien à la vie universelle.

Corps, « champ de sensations, champ d’actions, champ de conscience », de plus en plus libre des tensions physiques, émotionnelles, mentales, nous relie à l’intelligence vitale.

Corps nous plonge dans nos racines, par un retour à la conscience originelle, et réalise pleinement notre complétude d’être humain. Seule source de réel apaisement ?

Et si la reconnaissance et la libération du point d’appui vital, Hara, était la clé pour retrouver un esprit clair et apaisé, un cœur confiant et ouvert ?

Les réponses à ces questions ne peuvent être qu’exercées, goûtées, renouvelées.

 

Joël Paul

 Tous les textes ou expressions en italique sont de K.G Durckheim

Livres : « Le centre de l’être » - « Méditer pourquoi, comment ? »

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lundi 8 septembre 2025

L'Un personnel


 Le "complot divin" : Pour qu'une action, une parole, une pensée, une décision arrive, c'est la totalité de l'univers qui est à l'œuvre, sous un angle particulier, et c'est ça le côté unique (que l'on prend pour être "personnel").

Didier Weiss

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(merci à Yannick David pour cette citation unique)

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dimanche 7 septembre 2025

Lignes libres


 Les urbanistes de ce nouveau quartier ont pensé à tout : des immeubles bas et élégants, des arbres qui manquent tant à nos villes, des pelouses gazonnées, des bancs et des chemins pavés qui serpentent entre les édifices. Seulement voilà, les habitants de ce quartier n’empruntent pas ces chemins : en témoignent les nombreux sentiers diagonaux, tracés par les piétons sur les pelouses fraîchement semées : on les appelle des « lignes de désir ».

Tout comme les alternatives aux sentiers de grande randonnée, tracées par les marcheurs eux-mêmes, par érosion, au fil de leur piétinement. Les gardes-champêtres disent que 15 passages suffisent à faire apparaître une nouvelle piste qui attire alors d’autres promeneurs.

Ces « lignes de désir » traversent parfois des secteurs sauvages et sensibles ; elles peuvent menacer, si on n’y prend pas garde, la flore, la faune et la sécurité des lieux. Elles naissent quand les chemins officiels sont indirects, biscornus, difficiles ou même inexistants. Mais il arrive aussi qu’elles offrent des points de vue nouveaux ou des itinéraires plus attrayants que les passages officiels, sans compter le sentiment d’une certaine liberté.

Jésus, un marcheur libre

S’il n’est pas rare que les administrations cherchent à bloquer la création de ces lignes de désir en posant des clôtures, en plantant des végétaux feuillus ou en édictant par des panneaux de signalisation « Passage interdit » ou « Restez sur le chemin », il arrive qu’elles aient l’intelligence d’observer ces empreintes inattendues et d’intégrer ces marques tracées par le commun des mortels dans leur plan de mobilité officiel.

En pensant à ces « lignes de désir », à ceux qui les ouvrent comme à ceux qui les empruntent, j’ai dans le cœur l’image de Jésus qui allait et venait sur l’esplanade du Temple de Jérusalem et « allait son chemin », en marcheur libre, dans les campagnes de Galilée, au point même d’enfreindre les règles établies par les religieux de son époque en traversant la Samarie, ce qui « ne se fait pas ! »

« On vous a dit », aimait-il dire, et « Moi, je vous dis ». Sa ligne de désir était bien autre chose qu’un acte de désobéissance. Elle prenait source dans l’existant religieux de la grande tradition, mais elle incarnait une forme de réappropriation de la foi d’Israël par le croyant qu’il était. Loin d’être une infraction, elle exprimait sa fine intelligence spirituelle, son accueil de la vie des femmes et des hommes qu’il rencontrait et un « sacré » bon sens.

C’est bien parce qu’il suivait sa ligne de désir, de parabole en guérison, de table en puits, de désert en village, qu’il a rendu bien plus humains tous ceux qu’il rencontrait. Il disait du berger qu’il était qu’il venait ouvrir les portes des enclos pour que les brebis puissent « aller et venir » et trouver de la vie dans les verts pâturages.

Quand arrive la rentrée de septembre, il est bon de repérer les lignes de désir tracées par des hommes et des femmes de bonne volonté, dans notre société comme dans notre Église ; plus particulièrement par les sans-voix et les gens de peu. Elles ouvrent des voies nouvelles, souvent prometteuses. Elles nous invitent à ne jamais nous en tenir aux sentiers délimités, mais à nous autoriser du neuf, en préférant toujours la liberté aux conformismes de tout poil.

Sans nouveauté, on ne s’en sortira pas.

Septembre : il ne s’agit pas de reprendre ou de refaire.

Et tant pis pour nos plans. Et tant mieux pour la vie.

Il s’agit de commencer. 

Raphaël Buyse

(source : La Vie)

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samedi 6 septembre 2025

Porte du ciel


" Chaque geste que tu fais peut t’ouvrir ou te fermer une porte. Chaque mot que bredouille un inconnu peut être un message à toi adressé. A chaque instant, la porte peut s’ouvrir sur ton destin et, par les yeux de n’importe quel mendiant, il peut se faire que le ciel te regarde. L’instant où tu t’es détourné, lassé, aurait pu être celui de ton salut. Tu ne sais jamais. Chaque geste peut déplacer une étoile ".


Christiane Singer - Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?


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vendredi 5 septembre 2025

Vider le plein...

Chères amies, chers amis,

Et si nous faisions le vide plutôt que le plein, comme les arbres se défont de leurs feuilles à l’automne ?

Regardons en nous, autour de nous. Faisons face à l’encombrement de nos intérieurs, prenons la mesure de ce que nous accumulons et entassons.

Pouvons-nous, aujourd’hui, nous défaire d’une certitude, d’un automatisme, d’un jugement ou d’un ressentiment, en le reconnaissant pleinement, en prenant le temps de réaliser que nous n’en avons plus besoin ? S’en défaire deviendra alors un processus simple et naturel. Pouvons-nous finaliser un dossier ou une affaire qui traîne depuis trop longtemps et qui alourdit notre esprit et notre cœur ?

Attention, une tâche après l’autre, en respectant le rythme propre à chaque situation. Il ne s’agirait pas de se mettre la pression, un automatisme séculaire dont nous pourrions d’ailleurs nous alléger, au passage. Gardons l’esprit de l’exploration, sans entrer dans la modalité de l’objectif à atteindre. Au fond, il s’agit d’une pratique de bienveillance pour notre intériorité afin de retrouver un temple qui respire. Si nous entrons dans des dynamiques de réussite, nous continuons à l’encombrer par notre volontarisme et nos ambitions.

Pouvons-nous trier, clarifier ce recoin du garage, du grenier ou de ce tiroir ?

Prenons le temps de faire l’état des lieux de chaque pièce, comme si nous allions déménager dans quelques jours. Nous allons devoir trier, prendre le temps de sentir ce qui n’est plus nécessaire et que nous n’utilisons plus pour le jeter ou l’offrir. Nous sommes très forts pour accumuler, ça va très vite sans même que nous en soyons conscients. Même si nous avons la chance de vivre dans de grands espaces, pouvons-nous créer de grandes plages de vide où les objets respirent et sont mis en valeur par l’espace qui circule autour d’eux ?

 Une pratique du vide que nous pouvons installer dans nos vies, un jour par semaine ou par mois, comme un petit défi à notre besoin endémique de posséder, de nous sécuriser dans des possessions, des objets qui à la longue nous alourdissent, nous opacifient et nous encombrent.

Et si nous retrouvions un peu de simplicité et de sobriété dans nos esprits et nos placards.

- Nathalie

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jeudi 4 septembre 2025

Le roi et l'oiseau

 


Bergère : Qu’est-ce que tu veux, on ne peut pas aimer tout le monde !

Ramoneur : Surtout quand on sait pas qui c’est.

B : Et toi, qui aimes-tu ?

R : Moi, je n’aime que toi. Et toi ?

B : Moi c’est pareil, je n’aime que toi aussi. Tu es le plus gentil ramoneur que j’aie jamais connu.

R : Tu es la plus jolie bergère que j’aie jamais vu.

B : Tu en as vu beaucoup d’autres ?

R : Non. Je n’en ai même pas rêvé.

Les bébés de l'oiseau

Le monde est une merveille,
il y a le jour et la nuit
Y'a la lune et le soleil
Les étoiles et les bruits
Et des moulins à vent, il y en a aussi
Le monde est une merveille
Il y a le jour et la nuit
Y'a la mer qui est profonde
Y'a la Terre qui est toute ronde !

  • Le Roi et l'Oiseau (1980), écrit par Paul Grimault



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La vie est une cerise,

La mort est un noyau,

L'amour un cerisier.

Jacques Prévert

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mercredi 3 septembre 2025

Venez avec vos murmures...


Venez avec vos murmures,
laissez sur le seuil
ce qui ne peut s'éprendre,
venez seulement avec vos murmures,
le reste n'est que parole
donnée à ce qui mutile,
frontière hérissée de nuit,
entrez, il est encore temps
de réparer la lumière.

Jean-Christophe Ribeyre
- Poèmes de l'entre-émerveillement
- Peinture : Anne Slacik (Éditions L'Ail des ours)

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mardi 2 septembre 2025

Taoisme et astres : non pas des forces, mais des rythmes

On entend souvent dire que les astres « agissent » sur nous : qu’ils provoqueraient des marées intérieures, influenceraient directement nos comportements, nos émotions, ou même des événements comme les naissances et les accidents. 

Cette vision est très répandue, mais scientifiquement elle ne tient malheureusement pas la route: les forces physiques des planètes et des étoiles sur le corps humain sont infinitésimales, des millions de fois plus faibles que les forces biochimiques qui gouvernent nos cellules. Autrement dit, ce ne sont pas les forces brutes des astres qui nous influencent.

Alors pourquoi depuis toujours, toutes les civilisations ont-elles lié les astres à la vie et leur prêtent une influence sur celle-ci?

Parce qu’ils donnent des "rythmes".


Dans le monde vivant, la vie se règle sur les cycles astronomiques : 
Le soleil structure l’alternance jour-nuit et les saisons, organisant migrations, hibernations, floraisons. La lune cadence la reproduction des coraux, l’activité de certains poissons, et influence de façon plus subtile le sommeil et parfois les cycles menstruels humains. Les planètes suivent des trajectoires régulières, utilisées comme repères pour marquer le temps long. Le champ magnétique terrestre sert de boussole à des animaux comme les oiseaux, les abeilles ou les tortues marines.

L’influence n’est pas mécanique, mais rythmique : les astres servent de "métronomes cosmiques", des horloges fiables auxquelles la vie peut s’accorder.

C’est exactement ce que le taoïsme a compris et enseigne avec finesse. 

Contrairement à certaines traditions qui attribuent aux astres une force occulte qui « agirait » directement sur nous, le taoïsme les considère comme des "indicateurs de transformation". Ils ne sont pas des agents qui nous forcent, mais des signes qui indiquent quand un mouvement est en train de se produire.

Le calendrier taoïste est entièrement construit sur cette logique de rythmes :

Les "24 souffles solaires" ("jieqi" 節氣) qui découpent l’année en micro-saisons

Les "cycles lunaires" qui guident rituels, méditations et pratiques respiratoires

Les "grandes périodes cosmiques" de 20 ou 60 ans, utilisées en astrologie taoïste (BaZi, Qi Men Dun Jia)

Le "calendrier sexagésimal" à 60 temps, produit par la combinaison des "10 Troncs célestes" (Tian Gan 天干) et des "12 Branches terrestres" (Di Zhi 地支).

Le calendrier sexagésimal est une manière de dire que chaque instant porte une signature énergétique unique.

Les 10 Troncs célestes sont comme dix « couleurs du Ciel », exprimant la qualité du souffle cosmique selon les Cinq Mouvements (bois, feu, terre, métal, eau, chacun en polarité yin et yang).

Les 12 Branches terrestres sont comme douze « figures de la Terre », représentées par les animaux du zodiaque, qui expriment les cycles d’ouverture, de croissance, de repos et de mutation dans la nature.

En combinant ces deux séries, on obtient 60 combinaisons possibles : un peu comme si l’on croisait dix notes de musique avec douze rythmes différents, créant ainsi soixante accords uniques. Chaque accord ne se répète qu’après un cycle complet de 60 temps (jours, mois ou années).

Prenons la combinaison Jia Zi 甲子 (Bois Yang du Ciel associé au Rat). Jia 甲 représente le Bois yang : l’élan vital, la germination, la force de la tige qui perce la terre au printemps. Zi 子 correspond au Rat, premier des douze rameaux : l’énergie de minuit, de l’hiver profond, du moment où tout est contenu en germe, étincelle du Yang.  Quand ces deux forces s’associent, on obtient une image très forte : l’énergie nouvelle qui surgit au cœur de l’obscurité, la semence de vie qui jaillit quand tout semble encore figé. Dans la tradition taoïste, ce moment est considéré comme favorable pour initier de nouveaux cycles, poser les fondations d’un projet ou enclencher un processus intérieur de transformation.

À l’opposé, une autre combinaison comme Gui You 癸酉 (Eau Yin du Ciel avec le Coq) exprime un moment de condensation, de repli, de raffinement, où l’on met de l’ordre, on clarifie, on clôture. Ainsi, chaque instant n’est pas seulement une date abstraite, mais une qualité rythmique précise, lisible dans la rencontre des souffles célestes et terrestres.

La pensée grecque antique a cherché à répondre à la question « Qu’est-ce que c’est ? » — elle a produit une ontologie de l’être.

La pensée occidentale moderne a mis l’accent sur la substance et les lois mécaniques de la matière et de l’énergie.

Le taoïsme, lui, se concentre sur le temps et les transformations. Il demande non pas « qu’est-ce que c’est ? », mais « quand est-ce juste ? ».

C’est une véritable chronospiritualité : une voie où l’on apprend à lire les cycles du ciel et de la terre, à se synchroniser avec eux, et à transformer sa vie intérieure en résonance avec le grand mouvement du Dao.

Pratiquer le taoïsme, c'est chercher à entrer dans le tempo du monde. Comme un musicien ou une musicienne, mais à une échelle cosmique. C’est comprendre que l’efficacité spirituelle ne vient pas des passages en force ou de la volonté, mais très souvent de la justesse du moment choisi.

Ainsi, le taoïsme nous enseigne l’art de la synchronisation : vivre avec les astres non comme des puissances qui nous déterminent ou nous contraignent, mais comme des horloges naturelles qui nous rappellent la danse universelle des transformations et nous apprennent à danser avec elles avec grâce, sans marcher maladroitement sur les orteils de la Réalité.

Bonne réflexion et pratique

Fabrice Jordan

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