vendredi 8 mars 2024

Relation du cœur


 « Après 22 ans passés dans les bidonvilles du Caire où la joie de vivre court de cabane en cabane, je rentre en France.

Et là, choc terrible : la morosité court de demeure en demeure, on ne se regarde pas, on ne se parle pas, on ne se connaît pas.

Pendant ce temps, la joie chante là où l’on vit sans eau, sans électricité, sans loisirs, mais dans la fraternité quotidienne.

Bonheur, où loges tu ?

Dans l’abondance des biens ou dans la relation du cœur à cœur ? »

Sœur Emmanuelle

Ode à la Fraternité

Au Coeur du Cœur 💗

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jeudi 7 mars 2024

Juste être présent


Mes chers amis,

La méditation est un exercice en vue de la post méditation, c'est à dire en vue de toute notre vie,


de notre vie de tous les jours.

Pour méditer de façon utile, il me semble nécessaire de poser l'intention avec laquelle nous allons méditer. Notre intention de base, à nous tous, est de rechercher le bien-être et d'essayer d'éviter le mal-être. Pourrait-on viser un peu plus haut et poser l'intention "de s'éveiller pour le bien de tous les êtres".

S'éveiller c'est découvrir notre véritable nature, ce que nous vraiment, en essence, et découvrir la véritable nature des phénomènes, c'est à dire de découvrir ce qu'est véritablement ce que nous percevons. 

Découvrir cela amène à une détente car il n'y a plus de tension entre ce que je crois être, ce que je voudrais être, ce que je pense être et ce que je suis vraiment. Il n'y a plus de tensions entre ce que je veux obtenir, ce que je souhaite, ce que je crains, ce que je déteste et ce qui est là.

Cette facette de la sagesse nous libère d'une tension.

Découvrir c'est enlever le voile de ce qui recouvre. Qu'est-ce qui recouvre notre véritable nature, nous empêchant de la voir, de la réaliser : un voile, le voile de nos obscurcissements affligeants, le voile de nos émotions perturbatrices : le désir-attachement, la haine, la colère, la peur, la jalousie, l'orgueil.

L'autre facette qui va permette de nous libérer est celle de l'amour, de la compassion, de la bienveillance qui fait que notre intention de nous éveiller n'est pas que pour nous tout seul, mais pour le bien de tous les êtres.

Il s'agit de comprendre que tous les êtres, tous, recherchent comme nous le bien être, mais sont ignorants des causes du bien être et à cause de cela ils souffrent. A cause de cette ignorance qui est la base de la souffrance, ils posent des actes par la pensée, la parole et le corps qui entrainent la souffrance d'autres êtres.

Nous avons donc tout avantage, si nous voulons goûter une joie authentique libre de toute souffrance de libérer tous les êtres de la souffrance.

Même si nous avons commencé à comprendre cela, nous ne l'avons peut-être pas encore vraiment complètement réaliser.

Puisse notre méditation nous mener vers cela en apprenant à juste être présents à ce qui est là et à nos réaction face à ce qui est là, nos réactions étant le voile qui nous empêche de voir, de réaliser cette lumière que nous sommes.

Philippe Fabri

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mercredi 6 mars 2024

Acceptation du monde

 Dans un monde où la quête du bonheur peut devenir une injonction, le philosophe Alexandre Jollien nous offre une perspective rafraîchissante, privilégiant la joie et l’acceptation du monde tel qu’il est. À travers son expérience personnelle et sa réflexion spirituelle, il nous guide vers une compréhension plus profonde de l’harmonie intérieure.

L’Éventail – Comment définiriez-vous le bonheur ?


Alexandre Jollien – Je me méfie un peu de la notion du bonheur qui, aujourd’hui, tend à devenir une injonction qui jette pas mal de monde sur le bas-côté et qui culpabilise ceux qui n’y arrivent pas. Je préfère parler de joie, d’adhésion au monde. Tordons le cou aux préjugés qui associent le bonheur à la possession. Il s’agit d’un état, d’une activité de l’âme et du cœur, une sorte de béatitude intérieure qui, très humblement, s’incarne dans un mode de vie. Le grand défi, c’est rejoindre, comme diraient les bouddhistes, la nature de Bouddha. Au fond, il n’y a rien à ajouter en soi. Nous sommes déjà équipés de tout ce qu’il faut pour être heureux. En un mot, se libérer et laisser circuler la vie. 

– Vous parlez souvent de la spiritualité comme d’un chemin vers le bonheur. Pouvez-vous expliquer en quoi la spiritualité influence votre perception du bonheur ?

– Le bonheur est avant tout un exercice, une activité de l’être. Rien ne le contrarie plus que l’immobilité, le statique. Comme la vie, il est mouvant, il évolue. À chaque étape, nous sommes appelés à pratiquer les exercices spirituels. Les philosophes antiques se percevaient comme des “progressants”. Chaque jour, ils devaient déraciner de leur âme tout ce qui appesantit, plombe, afin d’évoluer vers une vie vertueuse. À chaque instant, comme dit le zen, nous mourons et nous renaissons. L’important est de composer avec les forces du jour, ne plus être ligoté à des objectifs et s’ouvrir à une vie sans pourquoi. Si nous limitons le bonheur à un état précis et matériel, nul doute que nous allons passer à côté de l’essentiel.

– Quelles pratiques quotidiennes recommanderiez-vous pour cultiver le bonheur et la pleine conscience dans nos vies trépidantes ?

– Dans ma petite pharmacopée personnelle, j’ai quelques ingrédients, quelques potions aptes à me mettre en joie. D’abord, le matin, avec Nietzsche. Dans Humain, trop humain, le philosophe nous conseille de nous lever en ayant à l’esprit et dans le cœur le désir de faire plaisir à quelqu’un ce jour-là. Geste éminemment concret qui nous arrache au narcissisme pour nous inciter à nous donner aux autres, au monde. La pratique du zen et la méditation ne sont pas des baguettes magiques qui nous changeraient illico, mais plutôt un art qui nous invite à descendre au fond du fond, comme dirait maître Eckhart, pour trouver une joie qui nous précède. Ce déménagement intérieur permet de regarder, sans les juger, les émotions, les passions qui nous traversent. Fabuleux outil ! Un ingrédient majeur, c’est aussi le lien à l’autre. Un lien désintéressé, gratuit, donné. En allant au lit, j’ai souvent en tête les mots de Sénèque qui proposait que l’on se demande, à cette occasion, quels progrès nous avons accomplis dans la journée. Très concrètement, dans une société au rythme trépidant, on peut aussi, à tout moment, faire des retraites intérieures. Apprenons à ralentir : à une caisse de supermarché, en attendant le train… Retourner au fond du fond, où nous avons, comme dit Jacques Castermane, infiniment le temps. Voir qu’il y a un immense gouffre entre ce après quoi nous courons et ce que nous désirons réellement. Au fond, l’art de la joie et du bonheur est infiniment plus concret que nous ne le croyons, et les philosophes l’ont bien perçu quand ils nous invitent à adopter un art de vivre, à pratiquer.

– Si vous aviez un message à partager avec ceux qui cherchent le bonheur mais qui se sentent perdus ou découragés, quel serait-il ?

– Lorsque je suis dans la panade, lorsque le désespoir me guette, je me dis souvent qu’il s’agit de mettre la main à la pâte, car rien ne plombe plus que l’immobilisme, la résignation, le fatalisme. Au fond, j’essaie toujours d’inscrire ma vie dans une dynamique et de m’interroger. Quel progrès puis-je accomplir aujourd’hui ? Jusqu’à la fin de la vie, même un mourant peut progresser. Il ne faut jamais, non plus, hésiter à demander de l’aide. De même que dans l’aviation il y a des protocoles en cas de pépins, je me suis aussi fait un protocole en cas de crash existentiel. Quel acte poserais-je si j’en venais à envisager le pire ? À qui téléphonerais-je ? L’important, c’est de viser la grande santé. Nietzsche, dans Le Gai Savoir, nous invite à bien faire la différence entre la bonne santé – être sans handicap, sans maladie, sans traumatisme – et la grande santé qui consiste à intégrer, à faire feu de tout bois, à composer avec tout ce qui nous constitue. Ça m’a changé la vie. Avant, je voulais guérir, liquider tout ce qui n’allait pas bien me lançant ainsi dans de vains combats. Aujourd’hui, plus humblement, j’essaie de trouver la joie au cœur du chaos. C’est d’ailleurs ce qu’écrit Nietzsche dans la préface du  Zarathoustra : “Il faut encore porter du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse”.

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mardi 5 mars 2024

L'émotion du métal


- Par Alice Korovitch


Nos émotions se manifestent dans le corps selon un mouvement bien précis. C'est à cela qu'on les reconnaît.

J'aimerais vous parler aujourd'hui du mouvement du Métal.

Le Métal, selon la vision chinoise, résonne avec l'Automne, le déclin, c'est le début du mouvement de contraction du yīn. Sa couleur est le Blanc, et son émotion est la Tristesse 悲 bēi.

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Je ne parle pas de la tristesse passagère qui peut s'emparer de nous lorsqu'on lit ou visionne quelque chose de triste ou mélancolique, non. Je parle du sentiment qui nous colle à la peau sans relâche lorsque nous avons perdu un être cher, lorsqu'on ne se remet pas d'un traumatisme, lorsqu'on porte un poids trop lourd, que tout nous paraît à la fois vain, futile, immensément difficile, et nous conduit si facilement au découragement ou au désespoir.

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Comme toujours, la Tristesse est l'émotion archétypale, qui regroupe différentes nuances comme :

🔹Chagrin

🔹Mélancolie

🔹Découragement

Cependant, le Métal exprime également :

🔹Justice

🔹Conviction

🔹Courage

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La Tristesse, reliée au Poumon, a un mouvement très particulier : elle dissipe.

Or, le Poumon est appelé en médecine chinoise le Maître du Qì, car c'est lui qui diffuse le Qì dans l'organisme à travers la respiration, et il a un lien privilégié avec la peau.

La Tristesse va donc dissiper le Qì, le laisser s'échapper en quelque sorte. Et notre vitalité avec ! Les frontières de notre corps se floutent, nous devenons poreux.

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Voyez-vous le danger ?

Si un accès passager de chagrin avec grosses larmes nous donne facilement sommeil, une Tristesse installée provoque quant à elle une fatigue chronique, écrasante. 

Apathie, hébétude, plus d'élan pour rien.

La fonction de diffusion du Qì du Poumon est altérée : on ne respire pas bien (les sanglots !), on devient frileux (le Qì ne circule pas de manière optimale) et surtout : épuisé, fatigué en permanence.

La position typique de quelqu'un de triste est le repli sur soi-même, le recroquevillement, comme une tentative de contrer la dissipation, de retenir ce Qì qui s'échappe.

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Le Poumon ayant ce lien privilégié avec la peau, soyez très au contact avec vos proches atteints de Tristesse !

Le toucher est LA première source de réconfort. En permettant au corps de redevenir conscient de ses frontières afin que cesse l'hémorragie de Qì, en refermant les pores, le toucher ouvre le lent chemin de la guérison.

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lundi 4 mars 2024

L'utopie de la perfection

 

J’écoutais à la messe le prêtre s’adresser aux jeunes venus pendant les vacances scolaires faire une retraite. J’étais admiratif qu’ils consacrent une partie de leurs vacances à leur foi.

Le sermon portait sur le péché et la miséricorde divine. C’était très juste. Le prêtre citait Isaïe. « Si vos péchés sont rouges comme l’écarlate, ils deviendront aussi blancs que neige. »

Isaïe, c’est l’Ancien Testament, l’humanité ancienne. Une certaine façon de considérer le péché est facilement culpabilisante. Elle sous-entend : « Je ne devrais pas pécher. »

Oui, certes. L’objectif est de devenir parfait.

Oui, encore. Mais tous les jours, je trébuche. Et parfois je me laisse à penser que je n’y arriverai jamais.

Et si nous considérions que l’idée de devenir parfait présuppose que nous sommes imparfaits ?

Alors ça change tout. Nous naissons imparfaits. Donc je cesse d’être coupable de mes comportements erronés. Ils sont normaux. Et s’ils sont normaux, c’est plus facile d’avoir de la tendresse pour mes erreurs.

Nous sommes – sur terre – définitivement imparfaits. Chaque bêtise est l’occasion de miséricorde (que je m’accorde), d’apprentissage à aimer.

Si nous enlevons l’imperfection, nous n’avons plus d’occasion, de raison de progresser.

Le Plan divin est parfait.

Il est bien normal que les adolescents qui font leurs premiers pas dans la sexualité, titillés par leurs hormones fassent des conneries. L’apprentissage est à ce prix. Inutile d’en rajouter. Au contraire, donnons le droit, oui, le droit à l’erreur pour donner envie de progresser, de s’améliorer au lieu de se désespérer.

Gitta Mallasz* répétait fréquemment, avec un sourire malicieux :

De crise en crise, telle est notre devise

De connerie en connerie, notre chemin de vie.

 Christian Rœsch

 * Gitta Mallasz auteure de dialogues avec l’ange - éd. Aubier-Flammarion

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dimanche 3 mars 2024

Sages comme des images ?

 


Il y a trop de croyants à qui on a demandé de se soumettre et d’admettre l’impensable. Adultes, ils vivent leur foi, si elle demeure, sans réfléchir, sans savoir si ce qu’ils disent et célèbrent est juste et bon. Ils s’en remettent totalement à ce qu’on leur a imposé, sans avoir appris la nécessaire distance, la confiance en leur propre jugement, sans prendre leurs responsabilités. Il est clair que les croyants à qui on a demandé d’être des enfants sages deviennent vieux, comme le chantait Jacques Brel dans un autre contexte, sans même avoir été adultes.

L’argile de nos jours

La voie que propose l’Évangile est un chemin tout autre. Il n’appelle pas à s’épuiser pour devenir ce que d’autres voudraient que l’on soit. « Si beaucoup de poètes ne sont pas des poètes, et si beaucoup de religieux ne sont pas des saints, c’est parce qu’ils ne réussissent jamais à être eux-mêmes. Ils n’arrivent pas à être le poète particulier ou le moine particulier que Dieu les a destinés à être. Ils ne deviennent jamais l’homme ou l’artiste qu’ils sont appelés à devenir par toutes les circonstances de leur vie individuelle », écrivait Thomas Merton dans Semences de contemplation (Seuil, 1952).

Les mots de ce moine trappiste nous ouvrent une fenêtre pour vivre le carême. Non pas sur une cour d’école pour garçons sages et petites filles modèles, mais sur un chemin buissonnier où personne n’est appelé à défiler en rangs serrés et à pas cadencés. Il n’appelle pas de grandes ascèses et ne demande pas d’exploits spirituels. Il n’exige pas de renoncements physiques et ne garantit pas des assurances mystiques.

Durant ces 40 jours, il ne s’agit pas tant d’avoir prié que de faire de l’argile de nos jours une prière, de nous tenir en conscience dans le souffle du vivant, dans une prière libre, sans pointillisme : prière et poésie font bon ménage. Il ne s’agit pas tant de jeûner que de consommer moins pour goûter davantage et entrer dans un nouveau rapport avec la Création : jeûne et plaisir ne sont pas incompatibles. Il ne s’agit pas tant de se priver que de chercher avec d’autres des chemins de justice et d’équité pour que chaque être humain puisse vivre dans une vraie dignité.

Plaise à Dieu que sur la route qui nous conduit vers Pâques, nous ne devenions jamais des enfants sages du « il faut », mais (un tantinet rebelles) des enfants libres de l’Esprit.


Raphaël Buyse. Prêtre du diocèse de Lille, il est l’auteur d’Autrement, Dieu et d’Autrement, l’Évangile (Bayard) et d’Il n’y a que les fous pour être sages (Salvator). Il vient de coécrire Visitation(s), vivre la rencontre à l’hôpital (Salvator).

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samedi 2 mars 2024

L'éveil en Soi

Le lâcher-prise absolu est de lâcher celui qui lâche prise. 
L'éveil ne signifie pas que vous vous éveillez. 
Ça signifie qu'il n'y a que l'éveil. 
Il n'y a pas de vous qui êtes éveillé, il n'y a que l'éveil. 
~ Adyashanti

L'une des formes les plus sournoises de soi est le soi spirituel. L'identité spirituelle peut être très raffinée et élégante. Et puis un jour, vous réalisez : "J'ai subtilement créé une version spirituelle de moi-même."

~ Adyashanti / A Matter of Maturity (Une question de maturité)

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vendredi 1 mars 2024

50 ans de pratique zen...

Entretien avec Jacques Castermane, par Eric Tariant 

enregistré au Centre Durckheim à Mirmande (26) - juin 2023


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jeudi 29 février 2024

Une saison inédite


vient un point
où il n’y a plus rien
sinon la souffrance
la souffrance
partout
et la nécessité
impérieuse
impersonnelle
d’y contribuer
le moins possible
de la soulager
à sa place
autant que possible
vient un point
où il n’y a
plus que cela
ce point n’exclue pas
les plaisirs innocents
accordés à soi même
ll n’exclue pas
l’émerveillement
celui de l’humain
souriant parmi les décombres
du danseur
sur le champ de ruines
ce point
n’exclue rien
mais il absorbe tout
les colifichets les distractions
toutes ces entreprises
auxquelles on se voue
malgré tout
Idéologies religions philosophies systèmes
toutes constructions
déconstruites
ce point dissout
éveil croyances explications
sens et non sens
il consume tout concept
jusqu’à celui de Dieu
ce point atteint
rien n’est atteint
il ne subsiste rien
juste des apparences
parfaitement honorables
et que donc, on honore
mais dont la substance
s’évapore
plus que l’amour
son exigence
féroce
déshabillée
de tout romantisme
de toute sentimentalité
de toute naïveté
son évidence
sa difficulté
jamais résolue
ce point atteint
rien n’est atteint
car il n’est rien
qui puisse être atteint
par qui que ce soit
ou que ce soit
le fils de l’homme n’a nulle part où reposer la tête
ah ce n’est pas l’histoire
qu’on nous avait contée
ni l’été promis
ni l’hiver annoncé
autre chose
une saison inédite
neuve
sans référence
dans laquelle il s’agit d’entrer
pour y danser
sans états d’âmes

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Gilles Farcet


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mercredi 28 février 2024

Sois sage et vigilant

 


Qui a vu demain ? Qui sait quand retentira soudain l'appel du monde inconnu — un appel auquel nul ne peut jamais dire : "Attends encore un peu, je te prie ?" L'oubli de la mort n'empêche pas la mort de venir, ignorer Shiva ne suffit pas pour échapper à ses mains. Le temps est fugace, le chemin est long et le soir de la vie vient vite. Pourquoi gaspiller les précieux moments en amassant de l'argent et en servant le moi fallacieux et vulnérable, avec le vain prétexte de "service social". 

Commencer ici et maintenant est la ligne de conduite la plus sûre et la plus saine. Le passé est mort et le futur inconnu.

Seul le présent est réel, seul le présent est vivant. Quelqu'un peut-il vivre hier ou vivre demain ? Pour penser au passé ou à l'avenir vous devez inévitablement en faire du présent. Seul le présent est vie et cette vie ne nous appartient pas — nous en sommes seulement les gardiens ; elle appartient à Dieu, et à Dieu elle doit être consacrée.

S'ensuit-il qu'il incombe à tous de fuir foyer et famille pour s'enfoncer dans les bois pour Le trouver ? Pas nécessairement, et ce n'est pas non plus de cela qu'il s'agit. Il s'agit pour l'aspirant de s'adapter à son milieu de telle manière que, au lieu de s'abandonner à des rêveries sur un avenir plus ou moins lointain où il s'adonnera à la contemplation, il prenne le départ maintenant, s'asseyant chaque jour pour méditer et prier avec régularité, faisant du présent le meilleur usage.

Des sceptiques diront peut-être : "Dans les circonstances compliquées d'aujourd'hui, il est impossible de vivre dans le monde et de s'engager en même temps avec sincérité sur le chemin qui conduit à Dieu ou de gravir tous les échelons d'une vie faite de pureté et de perfection spirituelle." C'est là exagérer la difficulté. 

On constate que même dans des circonstances contraires ou peu propices, certains s'assoient régulièrement en état de concentration spirituelle, et s'élèvent très haut dans la divine félicité tandis que d'autres, disposant largement de quoi vivre à l'aise et ayant à portée de la main les moyens indispensables pour mener à bien une ascension spirituelle (pour peu qu'ils en aient le désir), ne s'assoient jamais pour méditer et sont voués dans l'ordre spirituel à une faillite totale.

En réalité, l'excuse de circonstances défavorables pour s'abstenir de s'engager dans le divin sentier est, le plus souvent, un autre prétexte invoqué par l'ego inférieur parce qu'il hait sa soumission au Soi supérieur et s'efforce de s'y soustraire. 

Il y a des conditions tout à fait défavorables à un développement spirituel, je l'admets. Mais n'est-il pas vrai que le moral d'un soldat dans la bataille compte plus que l'équipement dont il est pourvu ? "Vouloir c'est pouvoir", comme dit le vieux proverbe. Le nœud du problème réside dans la fascination qu'exercent les gunas sur les humains, de sorte que le monde et eux ne font qu'un. Qu'il y ait une ardente aspiration et le reste suivra. Le Seigneur ne nous choisit que si nous Le choisissons. Il nous aide à condition que nous sollicitions Son aide.

Ami ! Ce corps humain, malgré sa nature périssable, est, du point de vue de la Sadhana, le bien le plus précieux. Le mépriser foncièrement ou l'utiliser pour son propre contentement est une mauvaise attitude qui témoigne d'une complète incompréhension des choses. Ne le gaspille pas en vaines paroles et bagatelles. Il te donne l'occasion rare de mettre fin à ton exil dans le monde du temps. Ne gaspille pas cette chance précieuse. 

Sois sage et vigilant. Prie et vis. Prends à cœur de commencer ici et maintenant. Pratique assidûment. Médite ton Soi véritable et deviens libre. 

Qu'est-ce donc qui peut te détourner de Dieu ? Rejette toute faiblesse. Pourquoi devrais-tu succomber à tous les caprices du monde ? Pourquoi remettre à un avenir lointain l'approche du libérateur suprême alors qu'Il est présent en toi ? Éveille-toi et va de l'avant. Et ne t'arrête pas tant que le But n'est pas atteint.

~ Chandra Swami 

L'art de la réalisation (1985)

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mardi 27 février 2024

La réalité est une demeure...

 


S'asseoir en méditation n'a pas pour objet de penser, réfléchir ou se perdre dans le domaine des concepts et des discriminations ; mais ce n'est pas non plus rester immobile comme une pierre ou un tronc d'arbre. Comment éviter également ces deux extrêmes que sont la conceptualisation et l'inertie ?... 

La solution est de demeurer dans le sein de l'expérience de la réalité, sous la lumière de la Pleine Conscience.


Thich Nhat Hanh, Clés pour le zen


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lundi 26 février 2024

Anniversaire

 


A toutes et tous qui avez eu la délicate attention de me souhaiter cet anniversaire , à mi chemin dans les « sixties », en route vers les « seventies » …. 

Cette citation de mon très cher ami Yvan Amar qui résume parfaitement mon état d’esprit aujourd’hui : 

« C’est quand on entre dans un grandir constant, qu’on ne cherche plus à atteindre une destination finale, un but, qu’on l’appelle « éveil » ou autrement, que le grandir devient lui-même la conscience vivante dans laquelle tout est inclus. Saint Jean de la Croix disait : « Celui qui s’arrête en quelque chose cesse de se jeter dans le tout. »  

Ce que je me souhaite donc, c’est simplement de ne m’arrêter en rien et de continuer à me jeter bras ouverts dans le tout. 

En gratitude indicible pour tout ce qui m’a été donné (y compris sous la forme de ce qui m’a été « pris »). Et dans la curiosité attentive de ce qui va suivre. 

(Photo prise à Mangalam, Québec, mai 2023)

Gilles Farcet

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dimanche 25 février 2024

Dans l’énergie du printemps, allégeons et dépoussiérons nos intérieurs


Dans la maison comme dans la nature, la nouvelle saison s’annonce par un grand nettoyage, une régénération du corps et de l’esprit pour mieux accueillir la vitalité montante. Un coup de fraîcheur revigorant qu’il nous faut préparer. (Par Élisabeth Marshall)

Avec le retour de la lumière me vient depuis quelques jours des envies de ménage et de renouvellement. Des envies d’ouvrir grand les fenêtres, de dépoussiérer les meubles, de dégager l’espace et la vue, de nettoyer les recoins et d’alléger mon intérieur. Comme une cure de rajeunissement pour la maison et pour l’esprit. Repousser définitivement les derniers miasmes de l’hiver, débusquer les coins d’ombre et me laisser porter par l’énergie du printemps qui monte.

On associe depuis toujours, et dans toutes les cultures du monde, le printemps à une forme de nettoyage et de régénération, de la nature comme de l’humain. La saison contient en germe un bouleversement et une vie à l’état brut qu’il nous faut être prêts à recevoir. Tandis que le ciel se lave à grandes eaux de soudaines giboulées, la tradition et le bon sens invitent l'humain à s’alléger par le jeûne et le repos digestif. À se libérer des « stocks » de l’hiver pour remettre son corps en mouvement et au jardin. Une invitation pour la médecine traditionnelle chinoise à nous « mettre au vert », et ce dans une merveilleuse synchronicité avec la nature : au moment où l’on s’attache par la verdure à régénérer le foie, les talus se couvrent de feuilles de pissenlits aux vertus nettoyantes.

L’élan des nouvelles énergies

Pour cette approche taoïste de santé, la saison printanière a débuté dès le mois de février, durant cet entre-deux où tout se met en branle, où les graines commencent à germer, les jours à rallonger. Le printemps nous fait entrer, bien avant le 21 mars, dans l’élan des nouvelles énergies et inspirations. Ne mésestimons pas dès lors l’effort d’adaptation que représente, pour le corps, ce passage vers la renaissance saisonnière, entre fatigue déprimante ou trop plein de tension et d’impatience. Et respirons ! Aérons nos intérieurs, au moins une heure chaque jour. Retrouvons le réflexe de grandes inspirations et expirations devant la fenêtre ouverte ou la pratique des « nettoyages de poumons », ces méthodes ancestrales de pranayama par lesquelles le yoga vise à réveiller notre énergie vitale et à éliminer ce qui nous encombre.

C’est là que mon ménage de printemps révèle aussi tous ses atouts. En substituant à la fatigue visuelle du désordre, de l’accumulation ou de la poussière, un intérieur frais lavé, des vitres de nouveau transparentes, des pièces dégagées où circule la lumière, je me redonne de l’élan et de la vitalité… à moi-même ainsi qu’à tous les visiteurs de la maison. Je me souviens que c’est dans cet esprit que le Japon – l’un des pays les plus propres au monde ! – entretient ses temples zen ou ses intérieurs. Ou que, dans un monastère de Bourgogne, les moniales marquent l’arrivée du printemps en ouvrant grand les voilages d’hiver qui occultaient les fenêtres de la chapelle.

Et il me plaît de déceler de subtiles mais constantes correspondances entre les traditions. De faire miens, en ces jours d’allègement du carême, les mots dansants du poète japonais Issa : « Rien qui m’appartienne sinon la paix du cœur et la fraîcheur de l’air. »

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source : La Vie

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