samedi 3 juin 2023

Aller jusqu'au bout...

 Vivre délibérément - Vie non délibérée et passoire énergétique 

(extrait du "carnet" - Gilles Farcet )


« J’ai fait ce que j’avais à faire, reçu ce que j’avais à recevoir, donné ce que j’avais à donner »

Quantité de personnes que nous connaissons et aimons ne prennent pas du tout au sérieux la dimension de ce que Swami Prajnanpad appelait « deliberate living ». Elles n’en voient pas le caractère vital, crucial, ne font pas le lien avec la voie, alors même qu’elles s’y veulent sincèrement investies. 

Cette lacune se manifeste de bien des manières, la plus évidente étant qu’elles ne vont pas au bout de leurs « petites » actions quotidiennes. Elles ne font pas les choses attentivement, tranquillement et surtout jusqu’au bout, avec le souci du travail pleinement accompli, lequel, du coup, laisse en paix, unifié. Par exemple, elles ne lisent pas complètement les courriels mais les survolent. Du coup, elles commettent quantité de « petites" erreurs , certes pas « graves » mais qui consomment temps et énergie (le leur et celui des autres) en pure perte.

Par une implacable logique, les gens se disent « débordés ». Ils "n’ont pas le temps", courent, s’agitent… Comme ils ne vont pas au bout, ils ne sont jamais complètement unifiés, en paix, car au fond d’eux mêmes ils savent : je n’ai pas fait ce que j’avais à faire, donné ce que j’avais à donner, reçu ce que j’avais à recevoir ». 

Cette formule de Swamiji ne concerne pas seulement les « grands » désirs, accomplissements … Comment ne pas être une « passoire énergétique » quand on ne va pas au bout de ce qui nous est demandé instant après instant ? Et si on est une passoire énergétique, comment disposer de l’énergie subtile nécessaire à la maturation intérieure, à la transformation ? 

C’est un cercle proprement vicieux. 

Je me sens débordé, donc je vais vite, donc je ne prends pas le temps, donc je ne suis pas en paix, donc je suis fatigué, donc je veux que ce soit fini, donc … 

Quand je me souviens d’Arnaud sur cet aspect … Je le revois me disant « je suis en paix », après avoir été jusqu’au bout d’une action, même de détail. Là dessus comme sur pas mal d’autres aspects, il était impeccable. 

Bien sûr, personne - ni lui ni quiconque- n'est à l'abri d'un oubli ou erreur occasionnels. Par contre, quand la vie non délibérée est de fait systémique, la personne se voulant investie sur la voie se trouve dans la situation énergétique d'une réserve d'eau trouée par temps de sécheresse.

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vendredi 2 juin 2023

Bébé zazen

 Zazen ?


" C'est être assis comme un bébé est allongé dans son berceau !" (Michiko Nojiri)

C'est avec Michiko Nojiri San que j'ai appris et exercé la cérémonie du thé (ChaDo).

Cette indication - qu’elle énonçait à chaque leçon, lors du zazen inaugural - nous met à l'abri des représentations conceptuelles par lesquelles nous instituons mentalement ce qu'est le Zen et ce que peut bien être l'exercice appelé zazen (ce que des personnes qui ne pratiquent pas zazen s'autorisent à faire !).

Le zen, qui a influencé profondément toute la culture japonaise à partir du douzième siècle, est une recherche de l'appréhension directe du réel et de l'appréhension directe de notre propre essence.

Suite à une immersion dans le monde du Zen pendant une dizaine d'années, Graf Dürckheim est rentré en Europe convaincu que le Zen - dans ce que cette tradition de sagesse recèle d'universellement humain - pourrait influencer profondément la culture occidentale. À une condition : ne pas aborder cette Voie à travers notre entendement, c'est à dire la pensée, le raisonnement, l'analyse et comme c'est le cas aujourd'hui, en cherchant à objectiver ce chemin d'expérience et d'exercice par des mesures quantitatives.

Lorsque je contemple la photo de ce bébé je ne cherche pas à comprendre mais je VOIS ce que nous disait Graf Dürckheim. « Il y a deux approches du réel. L'esprit occidental PENSE le réel comme étant un ensemble d'objets ; l'esprit oriental VOIT le réel comme étant un événement, un ensemble de processus ».

Cette photo m'invite à relire ce qu'écrit Christian Bobin (1)

: « Les bébés sont les grands sages. Le vrai savoir est dans leurs yeux (...) C'est le visage même de la sagesse qui n'est pas un visage de savoir. Je comprends qu'on ait représenté le Bouddha sous des formes toutes gélatineuses de bébé.

Ils ont plusieurs vertus, ces gens qui ont très peu de jours. Une de leurs grandes vertus est de ne pas être aveuglés par un savoir. Ils regardent sans morale, sans philosophie, sans religion, sans aucune précaution. Il n'y a aucune distance entre leurs yeux et Dieu ou les anges, ou les atomes de l'air si on ne croit pas en Dieu ou aux anges. Les bébés sont à une cloison de papier de riz de la vérité. »

Quelques pages plus loin le poète qui, comme Monsieur Jourdain semble avoir pratiqué le Zen sans le savoir, ajoute : « Il y a un moment où chacun est obligé de comprendre d'une autre manière que par la compréhension analytique. Il faut peut-être comprendre par l'arrière de la tête, ou par ses yeux, ou par l'enfant qu'on était. Mais surtout ne pas comprendre par l'adulte qu'on se croit tenu d'être ».

Dans les années 1960 Graf Dürckheim écrivait :

« Si l'Occidental perçoit l'impasse à laquelle sa pensée l'a conduit, il reconnaîtra qu'il est vain d'essayer d'en sortir par les moyens mêmes qui l'ont créée. Si, par ailleurs, il renonce à la solution facile de la fuite, il sera obligé de prêter l'oreille à la voix de son être essentiel, insaisissable à la pensée objective ».

Quand et comment allons-nous arrêter de fuir l'essentiel ?

Les activités proposées au Centre Dürckheim incarnent la réponse à cette question. L'éveil de l'homme à son être essentiel, à ce que le maître zen désigne comme étant la vraie nature de l'être humain, la libération du vrai soi n'est pas dû au fait que l'homme soit bouddhiste, chrétien ou athée mais au fait qu'il est un être humain.

Jacques Castermane 

1 : Christian Bobin - "Le plâtrier siffleur" - Ed. Poesis

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mercredi 31 mai 2023

Le sentiment de séparation

La grande illusion dans laquelle nous vivons, c'est le sentiment de séparation !


Cette expérience de la séparation, nous la vivons et nous l'expérimentons comme solitude, et au cœur de celle-ci, nous revendiquons et réclamons d'être aimés, ce qui nous semble apparemment le plus logique pour sortir de cette solitude et de ce sentiment de séparation. Ce qui revient à revendiquer une appartenance, pour avoir le sentiment de ne pas être exclus. Nous vivons cela d'une manière tellement non formulée, non analysée que nous nous laissons complètement prendre par la contradiction que cette demande porte en elle.

Cette même personne qui souffre de la séparation, plutôt que de pénétrer le cœur et l'intimité, revendique immédiatement le fait d'abolir la séparation d'être aimée. Mais la personne qui veut être aimée va s'accorder l'importance suffisante et nécessaire par tous les jeux habituels que nous connaissons de l'ego pour être aimée. Mais quel est le processus sous-jacent? Nous souffrons de la séparation et cette contradiction se manifeste à notre insu. Cette même personne, cette identité séparée à laquelle nous nous identifions, cette entité veut être aimée sans se rendre compte qu'en étant aimée, elle est renforcée dans sa nature d'objet et dans sa nature de séparation.

C'est là qu'est l'ascèse.

C'est là qu'est le sacrifice.

C'est là qu'est le chercheur.


Le disciple de la voie se distingue de l'être ordinaire qui court d'amant en amant. Qui veut m'aimer ? Qui veut de moi aujourd'hui ? Qui m aime ? Nous voilà prêts à toutes les concessions, à tous les compromis pour être aimés et bien sûr nous sommes aussi prêts à aller sur les chemins de la spiritualité, voire de la religion. Et nous allons prendre Dieu au même piège de notre histoire. Nous allons prendre l'instructeur à ce même piège de notre histoire, et nous comporter devant lui de façon à être l'objet séparé digne de son amour.

Or l'instructeur authentique ne va pas nous aimer dans le sens courant du terme, il ne va pas faire de nous un objet aimé. Son souci, c'est de lever le mirage de la séparation, pas de nous perpétuer au travers de l'amour de l'objet séparé. Ce qui est important pour chacun de nous, c'est de reconnaître cela, de sentir une fois pour toutes qu'il vaut mieux ne pas être aimés et surtout qu'il ne faut pas tomber sur un instructeur qui va se mettre à nous aimer. La preuve flagrante de l'amour de Dieu, c'est qu'il ne se limite pas à un objet aimé. Quand nous crions son absence parce que nous ne nous sentons pas aimés, là est la preuve flagrante de son amour. L'amour authentique fonctionne autrement que de créer des êtres aimés, de faire des objets aimés. L'amour abolit la séparation.

L'amour amourifie.

L'amour ne rend pas aimé.

L'amour rend aimant.

Alors, derrière tout le jeu de notre ego, derrière toutes les stratégies habituelles, du manque et les multiples séductions que l'on connaît, il faut aller explorer l'illusion du besoin d'être aimé ! L'illusion de la séparation...

Yvan Amar - extrait de "Tisser le lien"


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mardi 30 mai 2023

La voie de la vie quotidienne

Emmanuel Desjardins nous donne rendez-vous le samedi 10 juin 2023 
pour un atelier à Bruxelles.

 

Concilier vie quotidienne et voie spirituelle selon les enseignements de Swâmi PRAJNÂNPAD et Arnaud DESJARDINS

La Voie de la vie quotidienne.

Les promesses de la Voie sont très attirantes : l'amour, la joie, la paix, la détente, etc. Mais notre existence est souvent faite d'émotions contrastées, de désirs et de peurs, de succès et d'échecs et d'une confiance en soi fluctuante. Comment utiliser ce champ d'expérience comme la matière première d'une véritable guérison spirituelle ?

La Voie de la vie quotidienne, c'est l'art d'utiliser notre existence telle qu'elle est pour se connaître et se transformer.

Là est la spécificité de l'enseignement de Swâmi PRAJNÂNPAD et d'Arnaud DESJARDINS dont Emmanuel DESJARDINS proposera un approfondissement durant cette journée.

L'approche ne sera pas théorique. Il s'agit de partir de l'implication des personnes présentes, avec des exemples concrets et des situations vécues, pour voir comment un chemin spirituel, réaliste et vivant, peut s'incarner dans notre quotidien.

Le but de cette journée est autant d'apporter une aide précise et concrète par rapport aux difficultés éventuelles que nous pouvons rencontrer jour après jour que de relier ces difficultés à une perspective spirituelle vaste, profonde et illimitée.

Qui est Emmanuel DESJARDINS ?

Emmanuel DESJARDINS est né en 1964. Après des études de sciences politiques et de sociologie, il commence à travailler dans le milieu de la culture à Paris. Depuis 1995, il travaille dans le centre spirituel Hauteville, fondé par Arnaud DESJARDINS, dont il assume aujourd'hui la direction.


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lundi 29 mai 2023

Esprit tendu

 Détendre son esprit par la bienveillance

Il nous arrive à tous d'avoir l'esprit un peu tendu et ce n'est pas quelque chose d'agréable. Nous souhaitons tous avoir un esprit détendu. C'est à partir d'un esprit tendu que nous risquons d'avoir  des paroles qui "dépassent notre pensée" et de réaliser des actes dont nous n'avons plus le contrôle dont les conséquences nous échappent complètement, notamment par la souffrance qu'ils pourraient engendrer.


Remédier à cette tension nous demande d'apprendre à orienter notre esprit d'une certaine façon.

D'abord en mettant notre corps, notre parole et notre esprit en harmonie, ou peut-être plus simplement en prenant conscience qu'ils ne sont pas toujours en harmonie. Cette dysharmonie est un refus d'une part de nous-mêmes, on veut être autrement qu'on est et cela crée une tension. C'est un manque de bienveillance envers soi. Donc commençons déjà par cette bienveillance pour nous-même, en acceptant d'être maintenant ce que nous sommes.

Ensuite nous prenons conscience que tous les phénomènes étant impermanent, il n'y a aucun refuge stable dans le monde phénoménal. Le seul véritable refuge que je peux trouver est dans ma véritable nature, ce plus grand que moi qui est moi, ma nature de Bouddha. 

C'est de nouveau une profonde bienveillance envers moi-même, d'avoir l'humilité d'accepter ma grandeur.

Et le troisième point est d'ouvrir son cœur aux autres, de réaliser qu'il n'y a pas de plus grand bonheur que d'apporter du bonheur à l'autre et de le libérer de sa souffrance. Que nous pouvons trouver un profond bien être à souhaiter et à voir que les autres sont dans la joie. 

Nous réalisons alors  que si notre esprit est orienté de cette manière, il est détendu, bien plus détendu que si nous souhaitons le malheur de l'autre, ou notre propre bonheur au détriment de l'autre.

Je vous souhaite à tous une belle journée dans la détente.

Philippe

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dimanche 28 mai 2023

Parole portée

 

Quand l'homme oublie qu'il est porteur de la parole, il ne parle plus. C'est bien en effet ce qu'il se passe. La plupart des gens ne parlent pas, ils répètent, ce n'est pas tout à fait la même chose.

Quand l'homme ne parle plus, il est parlé.

Jacques Lacan / Le mythe individuel du névrosé


Phoenix : dans la pensée taoïste, le phoenix est lié au Feu et à la parole authentique et transformatrice.

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samedi 27 mai 2023

vendredi 26 mai 2023

Présent


 Tout le passé est nécessaire pour aimer le présent.

Annie Ernaux


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jeudi 25 mai 2023

Etre aux niveaux...

Cette vidéo aborde des niveaux évolutifs de l'adulte et de leurs effets et conséquences sur nos relations. Et en particulier dans le couple.


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mercredi 24 mai 2023

L'art des nuages.

 Ce jour, la revue Poesibao publie une recension de Sabine Dewulf du très beau livre publié par Pierre Dhainaut à partir des œuvres de Caroline François-Rubino, L'Art des nuages.

Voir le texte de Sabine Dewulf


Un seul monde
en ce monde, autant
de seuils que de nuages.

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Aimer sans frontières
la houle, les nuages,
la mémoire et l‘adieu.

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Rien, les nuages
ne sont rien par eux-mêmes,
le vent leur est fidèle.

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Prendre un caillou,
suivre un nuage, pourquoi,
pourquoi choisir ?

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mardi 23 mai 2023

Amour inconnu

Aimer ceux que l’on aime
les aimer
comme on les aime
ne suffit pas
car notre amour
cet amour si sincère
cet amour la
regorge de trous
de recoins negligés
de zones mortes
c’est pourquoi il faut les aimer
d’un tout autre amour
d’un amour implacable
qui ne fait pas de quartiers
d’un amour terrible
qui ne fait pas de sentiments
d’un amour inconnu
de cet amour parfait
dont nous sommes incapables
Gilles Farcet
Gilles Farcet
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lundi 22 mai 2023

Le geste en sens

 Un geste vers le bas

ne trouve pas toujours

un geste vers le haut.


Mais lorsqu'il le trouve

ils vont tous deux vers le haut

ou tous deux vers le bas.


Ou peut-être les directions disparaissent

et inaugurent dans le point de rencontre

la transfiguration qui les dispense

d'un mouvement quelconque.


Tout geste est une épiphanie

lorsqu'il n'y a plus de différences

entre le haut et le bas .

Roberto Juarroz, 14ème Poésie Verticale

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