mardi 4 février 2020

Révélation d'enfance


" Les grandes décisions se prennent dès l'enfance, celles qui orientent le cours des astres et l'allure des songes. Elles naissent de tout et de rien. Elles naissent de l'indigence soudainement révélée du tout de la vie. À sept ans, l'âme est déjà menée à son terme, enroulée sur sa propre absence, comme des pétales d'une rose, amoureusement repliés sur le vide en leur centre.

Cette révélation de l'abîme la parfait, lui donnant l'amertume d'un parfum noir qui imprégnera jusqu'au dernier de ses jours. La foudre du vieil âge atteint ainsi l'enfance au beau milieu de ses jeux. L'éclair d'un savoir dont la lueur se prolongera jusqu'à l'ultime instant. Ces choses-là sont muettes... "



Christian Bobin - Le huitième jour de la semaine


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lundi 3 février 2020

Méditations possibles... (2)

Exercice numéro 2 : La Lumière intérieure

La méditation que je vous propose maintenant utilise le pouvoir du mental afin de créer une harmonie entre les différentes composantes de la personnalité (corps, émotions et pensées) et d'invoquer les énergies de transformation nécessaires à toute progression spirituelle. La durée recommandée pour cette méditation est de dix à quinze minutes.
Elle doit être pratiquée quotidiennement. Asseyez-v
ous confortablement, la colonne vertébrale droite, mais sans tension ni raideur. Relaxez-vous. Vérifiez que votre respiration est calme et régulière. Puis utiliser le son "OM". Ce son a des effets vibratoires très stimulants sur l'organisme. Il est au centre de toute méditation Tibétaine. Le son "OM", se prononce AUM en deux fois AU, puis Mmmmm……..
  • Pour obtenir la tonalité correcte, vous devez prendre votre inspiration, mais sans remplir totalement vos poumons.
  • Puis, sur l'expiration d'une voix profonde, vous devez émettre le son "AU" la bouche à moitié ouverte, et les lèvres formant un arrondi.
  • Maintenez le premier son pendant 5 à 7 secondes.
  • Continuez à laisser résonner votre voix en fermant cette fois votre bouche et en émettant le son Mmmmm…….. Reprenez votre respiration, et répétez le son "OM" pendant 3 minutes les 8 premiers jours, 5 minutes les 8 jours suivant etc.  

Exercice numéro 3 : La respiration abdominale

Voici la technique de respiration la plus appropriée pour une bonne méditation. J’attire votre attention sur deux faits très importants : il faut que votre respiration abdominale soit régulière, sans à coups, et surtout, vous devez gonfler votre abdomen à l’inspiration et le vider à l’expiration. Vous devez également inspirer et expirer toujours la même durée et uniquement par le nez.
Exemple : J'inspire pendant 6 secondes, j’expire pendant 6 secondes sans pause et rétention d’air.
Premier temps : inspirez par les narines posément et de façon continue. Remplissez votre abdomen - gonflez votre ventre. Votre inspiration doit être ininterrompue, votre abdomen tout entier étant dilaté dans un mouvement continu, uniforme.
Deuxième temps : expirez lentement, en maintenant votre poitrine bien droite, videz à fond votre abdomen - dégonflez votre ventre. Prenez une nouvelle inspiration en tâchant d’éviter toute saccade, toute discontinuité dans le mouvement. Puis, expirez lentement comme précédemment et ainsi de suite. Faites ceci pendant toute votre méditation.

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Source : Féminin bio

dimanche 2 février 2020

Comment irradier le Christ...


Viviane Bruneau-Shen est une pianiste consacrée. Elle donne des clefs pour rayonner de sa foi en toutes circonstances. 

1. Faire silence

C'est sans aucun doute ce qu'il y a de plus exigeant dans notre monde actuel, où les sollicitations incessantes et innombrables se bousculent pour capter notre attention, dans un brouhaha incessant. Préférer le silence, c'est oser se retirer, laisser de côté la voix du mental pour entrer dans la plénitude de notre identité. En portant notre attention sur notre respiration profonde, nous quittons le temps horizontal pour entrer dans l'éternité du présent. Peu à peu, les œillères de nos réflexes tombent... l'espace intérieur se dilate et s'élargit.

2. Écouter

Nous pouvons alors prêter l'oreille pour entendre notre vibration profonde. Peu à peu, sans tension de la volonté, nous allons entrer dans la prière qui va nous ajuster au « diapason du Christ ». Personnellement, la prière que je pratique le plus spontanément est l'adoration, autant que possible devant le saint sacrement : c'est le moyen le plus simple de prendre le « diapason du Christ » !

3. Résonner

Une fois que nous sommes « accordés » à la vibration du Christ, qui est celle de l'Amour, et si nous veillons à garder sa fréquence (en revenant, aussi souvent que nécessaire, aux deux étapes précédentes), tout ce que nous faisons sera dans le prolongement de son rayonnement. Un pas, un son, un geste, une couleur : la parole de vie épouse toutes les formes, sans se cantonner au langage verbal.

4. Rencontrer

Il s'agit maintenant d'affûter nos deux oreilles ! L'une est constamment tournée vers le Créateur, l'autre vers le monde où nous vivons, dans toute sa richesse et sa diversité. Notre existence terrestre est comme une interface d'échanges : nous devons nous accorder avec nos frères pour jouer nos parties spécifiques dans la même tonalité, tout en restant à l'écoute du Créateur qui est le seul à donner le la. Alors, tout ce qui vit et respire entrera dans une symphonie de louange...



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samedi 1 février 2020

Âme soeur...


Âme sœur,
Entends-tu ce qui
Vient de l'heure, ce qui
Vient du cœur, à l'heure
De l'abandon, à l'heure
Du crève-cœur,
Ce battement depuis
La naissance, déchirant
Les entrailles maternelles,
Déchirant l'écorce
Terrestre, ce battement
Qui cherche à se dire,
Qui cherche à se faire
Entendre, entends-tu
Âme sœur,
Ce cri d'avant-vie, plein
D'une étrange nostalgie,
De ce qui avait été
Rêvé, et comme à jamais
Vécu, matin de brume
D'un fleuve, nuage
Se découvrant feuillage
Midi de feu d'un pré, pierre
Se dévoilant pivoine; toute
La terre embrasée, tout
Le ciel étoilé,
En une seule promesse,
En une seule invite:
Ne rate pas le divin,
Ne rate pas le destin!
Entends-tu ce qui
Vient de la flamme
Du corps, de la flamme
Du cœur, à l'heure
Du crève-cœur, ce cri
Surgit un jour, à ton
Insu, en ton plus profond,
Le transparent, le transportant
Le transfigurant, seul cri
Répondant à l'âme en attente,
Âme sœur


François Cheng, "La vraie gloire est ici", nrf, Poésie Gallimard

vendredi 31 janvier 2020

La pratique spirituelle



Le café théo inter-tradition reçoit Emmanuel Desjardins qui assure depuis 2014, la direction spirituelle du Centre de Hauteville fondé par son père Arnaud Desjardins.

Ecouter l'interview
(source RCF janvier 2020)


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jeudi 30 janvier 2020

Méditations possibles... (1)


Méditer veut dire "devenir un témoin". Dans la méditation vous devez donc tout simplement devenir le témoin de vos pensées et de vos émotions ainsi que des sensations physiques qui sont en vous, mais sans jamais vous arrêter dessus. C'est un processus de déconnexion avec votre ego et un processus de déconditionnement mental.

Pourquoi méditer ?

La méditation aide à nous sortir de ce monde de pensées et d'émotions et à entrer dans un état de silence. Une fois le vide obtenu, la vie devient plus légère et plus harmonieuse. C'est d'ailleurs une bonne indication de votre niveau de méditation : Si vous vous sentez calme, détendu et que vous avez trouvé la paix intérieure, c'est que vous méditez correctement. Pour finir, la méditation permet de lâcher prise et par voie de conséquence de développer l'intuition. Il y a plusieurs méthodes de méditation, en voici deux principales. Choisissez celle qui vous conviendra le mieux. La méditation vous aidera également à lutter contre le stress, le trac, la fatigue et l'énervement.

Exercice numéro 1 : Le témoin

Cette technique est très ancienne et c'est la forme de méditation la plus simple qui existe. Asseyez-vous confortablement et fermez les yeux. Détendez-vous. Soyez simplement conscient de votre respiration. Portez votre attention sur le ventre, qui se soulève légèrement à chaque inspiration, puis se vide à chaque expiration. A chaque fois que votre attention s'évade, ramenez-la avec souplesse sur la respiration. Aucune tension, aucun effort, aucun contrôle n'est nécessaire.
Il suffit de se laisser aller dans la respiration en étant conscient de l'air qui entre et de l'air qui sort. Continuez ainsi pendant au moins quinze minutes. Si vous entrez vraiment dans cette méditation, vous perdrez toute notion de temps et d'espace. Si vous le souhaitez, vous pouvez utiliser une musique de relaxation ; la musique et la méditation s'accompagnent souvent de manière harmonieuse.
Il est possible que vous éprouviez des difficultés à rester concentré sur la respiration ou que vous ressentiez une agitation intérieure ; cela est tout à fait normal et chaque jour est différent. Rappelez-vous la règle de base de la méditation : "pas de jugement, pas d'attente". Avec le temps, vous parviendrez plus facilement au calme intérieur et toute agitation disparaîtra peu à peu. Vous ressentirez un besoin croissant de vous retrouvez avec vous-même et de vous laissez aller au gré de la respiration, source de la vie.
Source : Féminin bio
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mercredi 29 janvier 2020

Dites-leur de viser haut ! (2)

par Gilles Farcet (suite)

…. Si les « éveillés » et témoins plus ou moins auto proclamés d’une « néo spiritualité » paraissent pousser comme des champignons en Europe et en Amérique du Nord, les « amis spirituels » dignes de ce nom, dûment formés par une sérieuse ascèse (par « ascèse » il ne faut pas entendre la pratique d’austérités et autres mortifications mais une « saddhana », un travail structuré mené dans le temps sous la conduite d’un guide disposant de « moyens habiles ») se font de plus en plus rares. Peut-être parce que c’est une chose de donner quelques conférences et séminaires pour un auditoire vis à vis duquel aucun engagement n’est pris, et que c’en est une autre, une toute autre, que de devenir l’associé intime d’une personne dans son combat contre l’illusion sous toutes ses formes, à travers les vicissitudes de l’existence concrète abordée comme l’ashram par excellence.

C’est une chose que de dispenser la bonne parole, c’en est une autre, une toute autre, que de consentir à accompagner, et de ce fait à inévitablement servir de nourriture aux projections, attentes, résistances et manœuvres inconscientes de personnes investies dans ce que le poète René Daumal voyait comme la vraie guerre sainte.

Les amis spirituels sont rares, que dire alors d’un couple d’amis spirituels ! Car Eric et Sophie, à maints égards très différents l’un de l’autre, sont un couple, partenaires dans la vie et sur la voie, parents de deux enfants, ce qui confère une puissance et une pertinence supplémentaire à leur témoignage.

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Les chapitres du présent livre, où alternent la parole de Sophie et celle d’Eric, reflètent bien la complémentarité de leurs deux styles.

Exposant hors pair des subtilités de l’enseignement, Eric en aborde les fondements avec beaucoup de finesse, de rigueur et d’acuité pédagogique. Il s’appuie sur sa vaste culture pour, au fil des nombreuses citations dont il illustre son propos, nous faire toucher l’universalité des lois qui régissent le chemin spirituel, par-delà les époques et civilisations.

Sophie n’est pas en reste en matière de clarté pédagogique. Ses développements sur les pensées et les émotions, notamment, nous emmènent dans les arcanes des fonctionnements humains et donnent à pressentir très concrètement le travail possible à partir de cette matière. Mais Sophie fait aussi preuve d’un art consommé de l’anecdote : elle s’y entend à partager des échantillons de sa vie de mère et d’épouse, ainsi que des souvenirs de sa fréquentation d’Arnaud pour en extraire des pépites spirituelles.

On se trouve donc en présence d’une « voie à deux voix », d’un alliage qui est plus que la somme des deux parties. Fidélité n’est pas servilité, enseignement vivant n’est pas reproduction.

Aussi ce livre n’est-il pas une synthèse par Eric et Sophie Edelmann de l’enseignement d’Arnaud Desjardins mais une transmission par Eric et Sophie, dans leur style propre d’une part de ce qu’ils ont assimilé de l’enseignement reçu à travers Arnaud Desjardins.

Reste que ce livre véhicule à mon sens l’essentiel de cet enseignement. Le lecteur touché par cet ouvrage aura naturellement à cœur de se tourner vers ceux d’Arnaud, certainement vers ceux élaborés par Daniel Roumanoff pour restituer la parole de Swami Prajnanpad…

Cependant, j’ose dire que le livre d’Eric et Sophie pourrait en lui-même suffire à un aspirant sur la voie réellement déterminé en tant que matière première de travail, tant il me parait exhaustif dans son approche des thèmes fondamentaux.

La nature des émotions et leur possible disparition, la manière de travailler avec elle plutôt que contre elles, la pratique sur les pensées, l’écueil de la culpabilité, l’importance de la compassion, la culture de la réceptivité, la place de la dimension dévotionnelle bien comprise, l’importance de la vigilance … Tous les piliers de la pratique sont ici abordés de manière limpide et toujours exigeante.

Il y a largement là de quoi travailler. J’y ai moi-même trouvé une nourriture pour ma pratique, et parfois entrevu de nouvelles dimensions dans l’exigence de la démarche, en particulier pour ce qui touche aux émotions et à la communion.

Le remarquable chapitre qu’Eric consacre, nombreuses citations à l’appui, à la proximité de la « quatrième voie » transmise par Monsieur Gurdjieff avec celle issue de Swami Prajnanpad est important. Il montre comment, par-delà les cultures et continents, le vingtième siècle a vu émerger ce qui lui était nécessaire, à savoir la voie vécue dans le monde dit profane, partant de l’implacable constat de la toute puissance de la « mécanicité » chez l’être humain.

Enfin, à travers quelques souvenirs et paroles d’Arnaud glanées dans la proximité vécue avec lui à Mangalam, ce livre donne à entrevoir des facettes moins publiquement connues du maître qu’il était, au-delà de l’inlassable pédagogue et exposant de la voie que beaucoup ont eu la possibilité d’approcher, en particulier à Hauteville. Certains passages donnent un aperçu vertigineux de son exigence et de la toute autre perspective qui l’habitait. Il n’avait pas son pareil pour, alors qu’on ne s’y attendait pas, dans des contextes informels et pour ainsi dire « entre deux portes » laisser tomber pour le bénéfice des proches qui se trouvaient là une remarque inoubliable qui raisonnait de manière stridente dans le sommeil ambiant. On trouvera ici quelques exemples de ces « chocs » infligés l’air de rien.

Eric et Sophie, il convient de le préciser, ne se revendiquent pas « sages » ; ils ne se comparent pas à leur maître, lequel, d’ailleurs, ne se comparait pas non plus au sien ! S’ils prétendent quoi que ce soit, c’est d’être au mieux de leurs capacités, consacrés au service de la transmission.

C’est la profondeur et l’intensité de cette consécration qui cimente ces pages et fait la valeur de ce qu’Eric et Sophie ont à donner bien au-delà de leurs personnes. …

Comme d’autres lieux où a vécu un être de grande dimension spirituelle, Mangalam est aujourd’hui un sanctuaire imprégné d’une présence. Tout comme à Hauteville, le dernier ashram fondé par Arnaud en France et où il passa les seize dernières années de son existence- quand il n’était pas au Québec- le visiteur réceptif s’y sent nourri d’un climat bien particulier, d’une densité à couper au couteau en certains endroits.

Mais si cette dimension pourrait à elle seule justifier un passage à Mangalam, elle n’est pas sa raison d’être. Mangalam n’est pas avant tout un lieu de pèlerinage mais un foyer spirituel vivant, porté par son passé, rayonnant dans le présent et tourné vers l’avenir.

Je voudrais donc terminer cette introduction par une réflexion participant de l’évidence : le temps passe vite et tout en ce monde est soumis à la loi du changement. Si bien que les « fenêtres d’opportunité » ne demeurent pas indéfiniment ouvertes.

Quand j’ai rencontré Arnaud pour la première fois au Bost, il était de dix ans plus jeune que ne l’est Eric à l’heure où j’écris ces lignes. J’étais trop immature pour avoir réellement conscience de la nature fugace des lieux, des personnes et des contextes, y compris les plus précieux. Et cependant, et je m’en félicite, assez déterminé pour ne pas tergiverser et m’investir autant que je le pouvais, même si je n’avais évidemment pas réellement conscience de l’aventure en laquelle je m’embarquais.

A celles et ceux qui, à travers ce livre, vont découvrir cet enseignement, et se sentir appelés à aller plus loin que la lecture je citerai la belle chanson de U2, « When Love comes to town » :
"When love comes to town I'm gonna jump that train
When love comes to town I'm gonna catch that flame »
« Quand l’amour viendra en ville je vais sauter dans ce train
quand l’amour viendra en ville je vais attraper cette flamme »

Ne laissez pas se refermer cette fenêtre d’opportunité. Et à celles et ceux qui connaissent déjà cet enseignement, voire se sont déjà rendus à Mangalam, je dirai … la même chose ! Nourrissez-vous, ouvrez-vous à l’aide aujourd’hui disponible

Parce que quand l’amour passe par chez nous, c’est toujours la première fois.

DITES-LEUR DE VISER HAUT ! (Éditions du Relié, 2020)

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mardi 28 janvier 2020

Dites-leur de viser haut ! (1)


Gilles farcet : C'est une joie d'annoncer la parution du livre important et attendu d'Eric et Sophie Edelmann. Le plus simple , pour en parler ici, me parait de partager de larges extraits de l'introduction que j'ai eu le privilège de rédiger à leur demande. 
Les personnes intéressées peuvent, en cliquant aller sur le site de Mangalam, l'ashram animé par Eric et Sophie au Québec, dans la lignée d'Arnaud Desjardins et Swami Prajnanpad.


« Quand l’amour vient en ville » …

Le livre que vous avez en main est un objet improbable, rare, et par conséquent précieux.
Plusieurs raisons à cela. La première, dont les autres découlent, est qu’il s’agit d’un livre de spiritualité, l’exposé d’une perspective autre, ouvrant sur un ordre de réalité radicalement différent.

Ces pages ne relèvent pas d’un « partage » d’expérience se voulant fulgurant. C’est bien de leur vécu que les auteurs témoignent ; mais le vécu en question ne procède pas d’une expérience qui aurait un beau jour fondu sur eux. L’expérience ici partagée participe d’une lente et patiente maturation, d’une intégration plutôt que d’une sidération.


Ce dont les auteurs témoignent avant tout, c’est de leur pratique, autrement dit d’un travail structuré, certes à mettre en acte ici et maintenant mais dont les fruits se récoltent avec le temps, comme le veut la loi de la nature. Ce livre expose avec soin et précision ce que dans le bouddhisme ou l’hindouisme on nomme un « dharma », mot que l’on pourrait traduire par « doctrine » si ce mot n’en était pas venu à suggérer un système poussiéreux et rigide. On optera donc, faute de mieux pour le terme « enseignement », lui-même quelque peu suspect dans le contexte ambiant.


Quoique limpide, cet enseignement n’a rien de simpliste. Il ne repose pas sur une poignée de concepts « choc » mai relève plutôt d’une science subtile, déploie une riche palette aux multiples facettes qu’on ne peut appréhender sans un minimum d’effort et de rigueur. Il ne brosse pas l’humain à gros traits mais l’aborde au contraire dans toute sa complexité, ses tours et détours, ses contradictions, sa merveille et sa tragédie.

On n’a donc pas là un ouvrage « facile », même s’il est tout à fait abordable. Ce livre n’entre pas dans le registre des recettes instantanées. Les auteurs ne font pas de rabais.

La spiritualité ici présentée a cela de - désormais - inhabituel qu’elle est d’ordre traditionnel.

Cet enseignement ne participe pas d’une génération spontanée. Il ne se revendique pas « sauvage », ne récuse pas fièrement toute référence, ne balaie pas d’un trait de plume l’héritage du passé. Il est transmis dans le cadre d’une lignée de maîtres et de disciples parfaitement identifiée et régulièrement évoquée. Les auteurs ne se présentent pas comme des phénomènes jaillis de nulle part mais se veulent maillons d’une chaîne. Par-delà les références à leur lignée spécifique, ils émaillent leur propos de citations puisées dans maintes époques et courants, inscrivant ainsi leur démarche dans une aspiration immémoriale de l’humain, manifestée en tout temps et sous toutes les latitudes.


Et pourtant, quoique traditionnelle en cela qu’elle procède d’enseignements millénaires, la spiritualité ici partagée est une spiritualité vivante. Vivante, c’est à dire vécue et vivable aujourd’hui, ici et maintenant dans le contexte qui est le nôtre. S’il rend hommage à une lignée, ce livre ne témoigne pas d’un passé. Son propos n’est pas de susciter la nostalgie d’un monde révolu, peuplé de maîtres et de disciples aussi grands que morts.

La force de ce livre, ce en quoi il constitue une si bonne nouvelle, c’est qu’il présente une démarche contemporaine, vécue et transmise au jour le jour par des enseignants en pleine activité à l’heure où j’écris ces lignes, dans un contexte qui n’a rien d’exotique : en Amérique du Nord, dans un lieu facilement accessible, à une heure et demie de Montréal.

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avançant dans ma lecture du livre d’Eric et Sophie, je renoue avec l’émerveillement éprouvé par le chercheur à la découverte d’un enseignement vivant, complet et accessible. Je me réjouis pour ces lecteurs, jeunes ou moins jeunes, peu importe, qui, éprouvant des impressions du même ordre, vont se sentir appelés à aller plus loin, et qui plus est vont pouvoir le faire, s’ils le veulent vraiment.

Arnaud Desjardins était élève de Swami Prajnanpad, Eric et Sophie Edelmann sont élèves d’Arnaud Desjardins par qui ils ont été personnellement guidés et qu’ils ont côtoyé de très près (pendant près de quarante ans en ce qui concerne Eric et une trentaine d’années pour ce qui est de Sophie).

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dimanche 26 janvier 2020

De commencement en commencement...


Après quelques essais timides en fin d'année, l'hiver s'est bien installé cette fois : branches nues tendues de leur habituelle façon mélodramatique vers le ciel gris et lourd ; terre noire, avec ici et là quelques touffes d'herbe jaunies par la neige ; manque d'entrain et soirées trop longues : même le silence de la salle de méditation semble parfois pesant, comme sous le poids de l'obscurité qui nous entoure. Comme une envie d'hiberner, de se laisser porter par l'immobilité. Et pourtant... il suffit d'un peu de résolution, d'une bonne épaisseur de vêtements, écharpe et grosse veste, gants et bonnet, de quelques pas dans la forêt et surtout d'un œil attentif. Alors vous apercevrez quelques signes, oh très légers, qui disent que cette immobilité du monde et du temps n'est qu'apparente. Ici un minuscule bourgeon, osant à peine se détacher de sa branche, là, effleurant la terre, une jeune pousse, brin d'herbe ou perce-neige, on ne sait encore, montre le bout de son nez et, au bout de leurs aiguilles, quelques pins ont une petite poussée verte, de ce vert tendre et doux, prometteur de parfums et de brumes. « De commencement en commencement... », dit un Père de l'Église.


Aujourd'hui, toute la forêt me le rappelle : il n'y a rien de figé, rien de terminé ; le monde renaît à chaque instant, il n'y a que des commencements. Malheureusement je ne les vois pas souvent, car je ne regarde plus vraiment. Dans notre maison de pierre blottie au creux de la montagne, j'ai vécu de nombreux hivers avec leur mois de janvier qui doucement nous emmène vers la lumière, alors... je ne regarde plus. Je regarde le calendrier qui m'indique la continuité, mais je ne vois plus rien de ce qui apparaît sous mon nez et illumine le monde. Ces petits bouts de vert, ces merveilleuses promesses pourtant me le disent : le monde vient de naître ! Réveille-toi ! Ouvre les yeux, ouvre le cœur... ! Je promène avec moi une grosse valise pleine de souvenirs, de projets, de moments joyeux ou tristes et certains jours tout cela tourne dans ma tête, me rendant aveugle au monde et à son éclat, insensible à sa beauté...
Ah ! Lâcher un peu ma vie pour m'ouvrir à ce qui est là, apparu juste à l'instant, ce que je n'ai encore jamais vu, car aucun hiver ne se ressemble lorsque le regard est tout neuf. Aucun arbre ne frémit dans le vent sans changer imperceptiblement la forêt, aucun rocher ne se pare de soleil et d'ombre sans changer la mousse qui le pare ; aucune goutte d'eau ne reflète une paillette de lumière sans changer la lumière de toutes les rivières. Ce que cet instant contient, il m'appartient de le regarder et le découvrir, parce que tout ce que j'ai vu, tous ces hivers passés, tout ce que je sais du jeu des saisons, pâlit devant lui. Cet instant-ci n'a jamais été vécu, il m'est occasion de contempler la splendeur du monde, de pénétrer sa danse. Ce regard m'ouvre au changement parce qu'il ouvre mon cœur. Infini de cet instant, infini du cœur qui lui répond. Ou bien est-ce le cœur sans limites qui permet cette aspiration ? Plutôt une rencontre de deux infinis. Cœur et monde se retrouvent, se relient ; ma fragilité devient sienne, et sa force devient mienne. Je respire avec l'arbre, je joue avec la rivière, je me creuse avec la pierre... Le monde est aussi vaste que ce bourgeon fragile qui contient tant de promesses et aussi fragile que ces rochers qui naissent de la terre. De commencement en commencement, le monde révèle la merveille et mon cœur est gratitude.
Joshin Luce Bachoux est nonne bouddhiste, elle anime la Demeure sans limites, temple zen et lieu de retraite à Saint-Agrève, en Ardèche. Auteure de Tout ce qui compte en cet instant, chez Points Vivre.
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samedi 25 janvier 2020

vendredi 24 janvier 2020

Sur le chemin de l'émerveillement...

Au cours de ces dernières années, il s’est appliqué à partager la beauté " bien trop sous-estimée " de l’être humain. Si Matthieu Ricard voit comme une évidence la lumière de ses maîtres spirituels qui rayonnent l’éveil et la liberté intérieure, il s’émerveille autant d’un regard innocent d’enfant que du sourire édenté d’un vieillard tibétain. C’est en 2011 que paraissait son livre de portraits joyeux, 108 sourires. Cette galerie de bonheur, il avait choisi de la partager pour sortir du " syndrome du mauvais monde " qui voudrait que la nature humaine soit fondamentalement viciée.
Cette fois, c’est son amour inconditionnel pour "la part sauvage du monde", ainsi que l’exprime la philosophe Virginie Maris, qu’il diffuse à travers Émerveillement. Cent photos inédites des sommets himalayens aux sentiers de Patagonie, le tout accompagné de textes engagés, comme un cri du cœur pour nous rappeler les enjeux écologiques auxquels nous faisons face aujourd’hui. Des endroits où, devant l’immensité de l’espace, la méditation est aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de nous. Hommage à la beauté sous toutes ses formes.

Racontez-nous de quelle manière s’est fait ce livre...

Matthieu Ricard : j’ai vécu un demi-siècle dans l’Himalaya et je rêvais depuis l’enfance de me rendre en Patagonie, en Islande. J'ai été émerveillé par la beauté de ces endroits. Je me souviens d’un matin où, me réveillant un matin sur les hauts plateaux d’Islande, j'ai vu la neige blanche sur la lave noire et j'ai ressenti l’émerveillement. Et si je n'imaginais pas publier un guide de ces régions, j’ai réalisé que ce terme me permettrait de réunir dans un même ouvrage les rivières gelées du Yukan et le delta de l’Irrawaddy en Birmanie. C’est une humble contribution à ce vaste mouvement qui vise à essayer, en dépit de la tiédeur des politiques et des intérêts pour les énergies fossiles, d’être un peu raisonnable et de ne pas trahir les générations à venir. 

Qu’est-ce que l’émerveillement pour vous ? 

C’est une notion très simple, que l’on ressent en présence de certaines personnes, ou dans certains lieux. Un moment de grâce où l’on se sent parfaitement bien au fond de soi-même. Il se traduit par un sentiment d’immensité intérieur ou extérieur : la vastitude du ciel, un paysage infini. Et l’immensité existe aussi dans le microcosme d’une mousse et des fourmis qui courent à droite à gauche.
C’est aussi l’effacement du Moi, soit le contraire de l’épidémie de narcissisme qui prévaut ces temps-ci. Le sentiment d’appartenance, d’interdépendance d’où naît la responsabilité universelle vis-à-vis des plus démunis, des autres espèces, des générations à venir… Tout cela prend brusquement une autre dimension lorsqu’on s’émerveille. On touche la texture de la lumière, des glaciers qui brillent. Il ne faut pas se fixer dessus, mais on peut quand même nourrir cet état et se le remémorer pour retrouver la paix intérieure. Le temps se dissout dans un moment de grande gratification intérieure. L’attention est soutenue sans effort. C’est joyeux.
Le contraire de l’émerveillement c’est le désenchantement, la lourdeur, la dépression, le renfermement sur soi, la rumination. L'émerveillé ne rumine pas. Il est dans la fraîcheur du moment présent, il n’a pas de crainte, de jalousie, d’animosité. L’émerveillement va de pair avec la liberté intérieure. 

Va-t-il également de pair avec l’amour ?  

Bien sûr, car lorsque les gens s’émerveillent, ils sont plus altruistes. C’est aussi bon pour les enfants qui doivent aller davantage en nature pour ouvrir leur cœur et leur esprit, comme l’explique la biologiste Rachel Carson dans Printemps silencieux. Des études californiennes ont également montré que les enfants au contact de la nature sont plus créatifs et imaginatifs pour résoudre des problèmes lorsqu’ils rentrent en classe, inspirés par la façon dont la nature complexe résout des problèmes. La revue scientifique britannique The Lancet a consacré un article sur le risque accru à la schizophrénie et la dépression pour les enfants des villes totalement coupés de la nature. Je pense aussi au livre The last child in the wood, de Richard Louv, qui fait état de cette déconnexion avec la nature. Enfin, des études japonaises montrent que marcher en forêt est bon pour la santé. Tout cela est prouvé, ce n’est pas un truc New Age ! 

Comment s’émerveiller des petits riens du quotidien ? 

On peut s’asseoir sur un banc, dans un parc ou même chez soi pour observer l’émerveillement intérieur. Nous en avons largement disserté avec mes amis Christophe André et Alexandre Jollien dans le livre Vive la liberté intérieure. C’est l’un des états d’esprit mentaux les plus "émerveillants", car la liberté intérieure est scintillante, fraîche, plus sous le joug de pulsions d’attraction et répulsion, libre des toxines mentales d’animosité, de jalousie, d’arrogance, d’obsession, etc. 

Est-on égaux face à l’émerveillement, ou est-ce qu’il y a un apprentissage pour s’émerveiller jour après jour ? 

Je ne sais pas si des études ont été réalisées pour savoir si nous disposions tous des mêmes facultés d'émerveillement. En revanche je sais qu'en ce qui concerne le flow, l’expérience du flux (état mental décrit en psychologie positive par l'absorption totale d'une personne par son occupation, ndlr), certaines personnes entrent dans le flux plus facilement, tandis que d’autres peuvent être blasées devant un magnifique paysage.  

Les enfants ont cette faculté, par exemple ? 

On retrouve en effet dans les textes bouddhiques qu’un enfant a cette fraîcheur qui n’est pas prise dans les projections mentales qui nous font dire que cela doit être perçu comme beau ou laid. Ce sont des surimpositions que l’on ajoute à la réalité qui n’est ni belle, ni laide, ni rien du tout. Un enfant n’a pas de jugement, voit la beauté, n’impose pas d’étiquettes. 

Si vous étiez un paysage dans lequel vous aimeriez vous fondre, lequel serait-ce ? 

Le ciel intérieur de la compassion et de la sagesse de mon maître spirituel, voilà un petit paysage qui n’est pas habituel ! Nous avons un esprit assez fragmenté, rétréci, confus, c’est pour cela qu’on essaye de s’en sortir. Quelqu’un qui a atteint l’éveil a un esprit vaste, sans contrainte, libre des poisons mentaux. On dit que c’est comme l’espace dans un petit pot : lorsque les parois du petit pot se brisent, l’espace se fond en l’immensité du ciel. Il y a une pratique qui consiste à mêler son esprit limité au vaste esprit d’un maître spirituel. Cette union est l’émerveillement ultime. 

Y a-t-il une expérience d’émerveillement particulièrement forte que vous aimeriez partager avec nos lectrices ? 

Je pourrais parler de certains paysages incroyables au Tibet. Je me rappelle m’être assis un matin d’octobre au bord du lac Manasarovar, à 4300 m d’altitude. La température était tombée à - 10 degrés la nuit précédente. Au lever du soleil, fendant le silence absolument extraordinaire, j’entends sans les voir des canards écarlates. Et soudain, au loin, j’aperçois deux petits canards. C’est comme si le son avait volé sur la surface du lac. À ce moment-là, j’ai ressenti comme une fusion entre l’intérieur – l'expérience spirituelle – et l’extérieur – la nature – en méditation. 
Par ailleurs, mes plus forts moments d’émerveillement ont lieu sans aucun doute en présence de maîtres spirituels, le Dalaï-lama ou mes premiers maîtres, Kanguiour Rinpoché ou Khyentsé Rinpoché. Assis en silence en leur présence pendant des heures, c’est au-delà de toute description. 

L’émerveillement est-il une source d’émotions qui apportent la complétude contrairement à des plaisirs plus ordinaires ? 

Le bonheur n’est pas une succession ininterrompue de sensations plaisantes. Cela c’est une bonne recette pour l’épuisement, au contraire. Le bonheur est une qualité d’être intérieure qui se cultive avec chacun de ses attributs : bienveillance, liberté intérieure, force d’âme, présence attentive, etc. 

Qu’avez-vous envie de transmettre au monde aujourd’hui ? 

Je me sens plutôt comme un passeur d’idées. Récemment, on m’a par exemple poussé à concevoir une application de méditation, "Imagine Clarity". J’ai tenu à le faire sérieusement, sur la base des textes traditionnels et des paroles de mes maîtres en les rendant accessibles à des non-bouddhistes. L’idée est de cultiver la compassion ou la présence attentive, l’équilibre émotionnel, la présence éveillée, etc. J’essaie de mettre certaines choses à disposition d’un public occidental sans pour autant les dénaturer, les édulcorer ni en retirer la substance. Bien sûr on ne peut pas aller dans toute la profondeur et la vastitude de la voie bouddhiste, mais on a tous besoin de bienveillance !
Tous ses droits d’auteur sont reversés à son association, Karuna-Schechen, fondée il y a vingt ans. Elle met en œuvre des projets humanitaires pour les populations défavorisées d’Inde, du Népal et du Tibet. Chaque année les dons permettent d'aider 380 000 personnes dans le domaine de la santé, de l’éducation et des services sociaux, dans des endroits reculés où les ONG ne vont pas. 

Source : FemininBio

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jeudi 23 janvier 2020

La voie de la bonté


"Il m'est donné de comprendre que la vraie bonté ne se réduit pas à quelques bons sentiments ou sympathies de circonstance, encore moins à une sorte d'angélisme naïf ou bonasse. Elle est d'une extrême exigence. Parce que le mal est dans le monde sous toutes ses formes, le plus terrifiant étant celui que les hommes infligent aux autres hommes. L'homme, cet être doué d'intelligence et de liberté est "capable de tout". 
Beaucoup d'âmes sont tendues vers l'élévation, sachant que là réside la vraie liberté. À l'autre bout de la chaîne, beaucoup d'autres, aveuglées par différents désirs, s'enfoncent dans la noirceur, d'une férocité et d'une cruauté sans borne. Ceux qui s'engagent dans la bonté auront à affronter les épreuves, souvent au prix de leur vie. Les chercheurs du vrai et du beau savent que sur la Voie, la souffrance est un passage obligé par lequel on peut atteindre la lumière.
Dans le tragique d'un monde enténébré, au plus noir de la nuit, la moindre lueur est signe de vie, une luciole qui passe, une étoile qui file, un feu qui prend... 

Je dirais une fois encore que chaque âme, aussi fragile et minime soit-elle, est invitée à témoigner de son vécu, d'un destin entrelacé d'enchantement, d'allégresse, de douleur, de frayeur, de remords, de regrets. Tout est appel, tout est signe. Tel est le sens de la Voie, laquelle doit continuer sa marche de transmutation et reprendre un jour tout ce qui est de Vie."
François Cheng
De l'âme- Cinquième lettre

Fresque restaurée venue de la maison du bracelet d'or à Pompéi